La vie de couple et familiale de Stéphanie & David a basculé le jour où David, ancien gendarme, a été diagnostiqué de la maladie de Charcot maladie neurodégénérative grave. Un combat qui a transformé leur relation mais qui résiste grâce à leur engagement.
Category
🛠️
Style de vieTranscription
00:00 Quand je vois mon mari avant, je ne l'aime pas.
00:02 J'aime l'homme qu'il est devenu, avec la maladie.
00:05 Il était sportif, en gendarmerie, ils sont quand même contrôlés,
00:09 ils sont suivis médicalement, donc il n'y avait aucun problème.
00:12 L'année des attentats, déjà, David avait beaucoup de boulot.
00:16 Ils étaient quand même beaucoup mobilisés, donc en fait, il travaillait beaucoup.
00:20 Il ressentait une faiblesse, enfin une fatigue physique.
00:24 Il sentait qu'il s'affaiblissait.
00:26 Et puis, comme chaque année, on s'organise une journée canoë avec nos enfants,
00:31 il n'arrivait pas à monter dans le canoë, il n'arrivait pas à pagailler.
00:35 Il était impuissant, alors qu'il aurait porté toute une armée.
00:39 Alors là, du tout, on ne comprenait pas ce qui se passait.
00:42 J'ai un de mes fils qui m'a dit « Maman, c'est un problème de motricité. »
00:45 C'est les neurones, en fait, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.
00:49 On est arrivé au centre hospitalier et là, le verdict.
00:54 Il a vérifié les réflexes, il nous a dit « Vous avez la maladie de Charcot. »
00:59 Voilà, c'est une maladie qui paralyse les muscles.
01:03 Espérance de vie, 2 à 5 ans.
01:06 Donc, on est reparti tous les deux, main dans la main.
01:08 On est arrivé dans la voiture et là, on s'est effondré.
01:11 Et on est resté deux heures dans notre voiture à pleurer, à se dire « Qu'est-ce qu'on va faire ? »
01:16 Et moi, j'ai passé toute la nuit sur Internet parce que je ne connaissais pas la maladie,
01:21 parce qu'on nous dit peu de choses.
01:22 Et là, je me suis dit « Bon, il va falloir être fort. »
01:27 J'ai cherché comment j'allais faire, comment on allait faire,
01:30 comment on allait s'en sortir, comment on allait expliquer à nos enfants.
01:34 J'ai cherché toutes les solutions.
01:35 Dans notre contexte, c'était compliqué, le professionnel.
01:38 Parce que quand on n'est plus apte à travailler en tant que gendarme,
01:42 on sait très bien que c'est la porte financièrement, comment on va s'en sortir.
01:46 Les enfants, on était tous dans l'appartement.
01:50 Puisqu'on a un logement de fonction, trouver un logement,
01:53 il fallait tout de suite organiser parce que ça allait très vite.
01:57 Dans tout ce parcours du combattant de la maladie,
02:00 c'est la prise en charge, l'administrative, déclarer tous les papiers, anticiper tout.
02:09 Donc moi, j'étais plutôt dans la réactivité des choses.
02:13 Je ne dormais plus parce que David avait besoin que je le retourne,
02:18 il avait des douleurs, donc on m'a dit, pour que vous puissiez vous occuper de votre mari,
02:22 il va falloir vous mettre à temps partiel.
02:24 Ce qui m'a été accepté, bien évidemment.
02:26 Et ensuite, au fur et à mesure, la prise en charge est tellement difficile,
02:31 je me suis dit stop, c'est fini.
02:33 Maintenant, il faut faire des choix.
02:36 La priorité, c'est David.
02:38 J'ai expliqué, j'ai pris un rendez-vous avec ma direction et ça a été accepté rapidement.
02:44 La maladie évolue, donc le regard des autres,
02:47 il y a plein de choses qu'on fait que de plus en plus, c'était compliqué de sortir.
02:52 Parce que David, on ne savait pas, il pouvait chuter, il pouvait, enfin...
02:55 Et puis vraiment, le couple en fait, aux premières hospitalisations de David, forcément,
03:01 on allait mettre en place une prise en charge à domicile.
03:05 Au début, on n'avait pas 24 heures sur 24, donc j'avais encore ma place,
03:09 ma place au sein du couple, c'est-à-dire dans la chambre.
03:12 Et puis, la dernière hospitalisation a été fatale,
03:16 puisque David nécessite un 24 heures sur 24.
03:22 On prend conscience que c'est fini.
03:25 Parce qu'on se retrouve...
03:30 On se retrouve dans sa chambre à pleurer et à se dire,
03:38 il y a quelqu'un entre nous, même s'il a besoin de moi,
03:41 c'est les autres qui vont s'occuper de lui.
03:44 On n'a plus les mêmes sentiments, du tout.
03:47 L'amour est devenu tendresse, la complicité est devenue accompagnement.
03:53 En fait, ça tue l'amour, ça tue la maladie, tue l'amour.
03:57 Parce que je ne pense plus à lui, je pense à son accompagnement,
04:00 à son bien-être, qu'il ne souffre pas.
04:03 En fait, on ne pense plus à nous.
04:05 Mon mari a changé.
04:07 Par contre, quand je regarde les photos,
04:10 quand je vois mon mari avant, je ne l'aime pas.
04:12 J'aime l'homme qu'il est devenu, en fait, avec la maladie,
04:17 parce qu'il est redevenu lui-même.
04:21 Alors, il a son caractère bien trempé, mais il a les sentiments,
04:25 le rire, les larmes, etc.
04:27 Il s'autorise plein de choses qu'il ne faisait pas avant.
04:30 J'ai beaucoup de frustration, parce que quand on décide
04:34 d'accompagner son mari ou un proche, on s'oublie, on est dans l'ombre.
04:39 Aujourd'hui, on ne m'aime pas pour ce que je suis,
04:42 on m'aime pour une histoire ou pour David.
04:45 Les premiers mots toujours des autres, ce n'est pas
04:48 "Est-ce que toi, tu vas bien ?"
04:50 C'est "Est-ce que David va bien ?"
04:51 Donc, en fait, on se dit "elle gère" et parfois,
04:55 "je vais être dure", "on ne vous respecte plus",
04:58 parce que la priorité, c'est David.
04:59 J'ai tout perdu autant que David.
05:02 Je ne suis pas malade, mais je suis prisonnière de la situation.
05:05 Souvent, quand on explique, on nous dit "mais tu es forte,
05:08 tu vas y arriver, tu as quand même beaucoup de chance
05:10 parce que tu as des enfants".
05:12 Alors, cette chance-là, elle est où la chance ?
05:15 Je pense que si nous sommes encore ensemble aujourd'hui,
05:19 c'est cet engagement que nous avons l'un pour l'autre,
05:24 en fait, et pour nos enfants.
05:25 Même si c'est difficile, même si je suis en colère,
05:29 même si je pleure, même si parfois, j'ai envie de fuir.
05:32 Pour moi, il y a une promesse, pour moi, il y a un engagement,
05:36 il y a un amour et il me doit de l'accompagner jusqu'au bout.
05:41 Je suis admirative de cette force qu'il a de vivre ça.
05:46 C'est dur.
05:47 De notre combat, effectivement, parce que ça nous a tous révélés.
05:54 Nos enfants, notre amour, tout ce qu'on a aujourd'hui, c'est...
05:59 Voilà, c'est tous les deux.
06:06 Donc, je suis fière de ça, de ce qu'on a construit.
06:11 Merci.
06:12 Merci.
06:13 Merci.
06:14 Merci.
06:15 Merci d'avoir regardé cette vidéo !