• l’année dernière
Les produits alimentaires ont enregistré une inflation des prix de 17% en un an. Le ministre de l'Économie a récemment tapé du poing sur la table pour demander une renégociation entre les distributeurs et les industriels, afin d'éviter une nouvelle flambée du coût du panier alimentaire des Français.  

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Transcription
00:00 - Avec nous pour en parler Rodolphe Bonas, bonjour. - Bonjour.
00:02 - Président du groupe CACOM et expert de la grande distribution de la consommation.
00:05 Michel Portier est avec nous également, bonjour.
00:07 Directeur d'Agritel, société spécialisée dans le conseil, dans les matières premières.
00:12 Je salue également Olivier Weinstock, directeur associé du cabinet de conseil en achat à Gilles Bayer.
00:17 On va d'abord écouter Bruno Le Maire.
00:20 Une inflation de 17% en un an sur les produits alimentaires, c'est du jamais vu.
00:24 Il y a quelques jours, ici même, le ministre de l'économie tapait du poing sur la table
00:28 pour que les professionnels tous se remettent autour de la table et renégocient les prix.
00:32 - Je leur laisse quelques semaines d'ici la fin du mois de mai, si jamais les négociations n'ont pas reprise.
00:37 Je convoquerai au ministère de l'économie et des finances, distributeurs et industriels,
00:41 pour qu'ils reprennent leurs négociations.
00:43 Nous ne laisserons pas des grands industriels faire des marges indues
00:46 ou faire des rentes sur des prix de gros qui sont en train de baisser.
00:49 Je ne veux pas qu'ils refassent leurs marges au moment où les prix baissent sur le dos des consommateurs.
00:56 - Rodolphe Bonnel, il y a plein de choses dans ce que dit Bruno Le Maire dans cet extrait qu'on vient d'entendre.
01:00 Il faut d'abord rappeler que les négociations se passent une fois par an.
01:04 En l'occurrence, là, elles se sont terminées fin février.
01:07 Est-ce qu'on peut imaginer que dans les prochains jours,
01:10 les industriels et la grande distribution se remettent autour de la table pour renégocier les prix ?
01:15 - Alors oui, ils vont le faire. - Ils vont le faire ?
01:17 - Oui, je vais vous expliquer pourquoi. Parce qu'ils l'ont déjà fait l'année dernière.
01:20 C'est-à-dire que l'année dernière, Bruno Le Maire a eu les mêmes injonctions, mais dans l'autre sens.
01:25 C'est-à-dire en expliquant que finalement, les prix augmentaient, les coûts de l'énergie, les matières premières.
01:31 Bref, c'était impossible et donc il fallait qu'industriels et distributeurs se remettent autour de la table
01:36 et renégocient les prix à la hausse. Et on l'a bien senti dans notre portefeuille.
01:40 Eh bien, là, ici, on va faire le phénomène inverse. C'est-à-dire qu'on va s'attaquer aussi à renégocier.
01:46 Alors, ça montre aussi, pour juste éclairer quand même nos téléspectateurs,
01:49 les limites finalement de négociations commerciales administrées.
01:54 On voit bien, quand on compare à certains pays occidentalisés comme les nôtres, aux États-Unis ou en Europe,
02:00 que finalement, parfois, avoir un peu plus de souplesse, être un peu moins encadré,
02:05 ça peut permettre d'aller un peu plus vite dans les baisses des prix.
02:08 Parce que tant que ces négociations n'ont pas eu lieu, on ne verra pas de baisse des prix en rayon ?
02:12 Alors, pas vraiment. Et en plus, même si ces négociations ont lieu, ça va mettre un certain temps.
02:17 Pourquoi ? Parce qu'en fait, il y a aujourd'hui, dans l'ensemble de la chaîne, des stocks,
02:21 aussi bien chez les industriels que chez les distributeurs.
02:24 Et que ces stocks, il va falloir mettre entre un mois et demi et trois mois pour les écouler.
02:28 Donc, du coup, même si on arrive à trouver de nouveaux accords qui font baisser les prix à l'achat et à la vente,
02:33 et bien, finalement, ça mettra entre un mois et demi et deux mois à se retrouver dans les rayons.
02:37 Si on prend un exemple très concret, Michel Portier, le blé.
02:39 Le cours du blé est repassé sous les 250 euros la tonne la semaine dernière.
02:44 C'était 438 euros la tonne il y a moins d'un an. C'est une baisse de 45 %.
02:49 Et on a l'impression que c'est un peu comme l'essence.
02:51 C'est-à-dire que quand le prix des matières premières monte, le prix pour le consommateur monte.
02:54 Et quand ça baisse, et bien, ça reste en l'air.
02:56 Alors, je n'irai pas directement sur ce que vous venez de dire.
03:00 Il est très clair de toute façon qu'il y a une inertie.
03:02 Il faut bien comprendre qu'un industriel, lorsqu'il achète du blé pour produire de la farine et d'autres produits alimentaires,
03:09 évidemment, il n'achète pas au jour le jour. Il achète pour trois mois, six mois, etc.
03:14 Donc, on va avoir une inertie, c'est ce qui vient d'être expliqué, une inertie entre le moment de la hausse et le moment de la baisse sur les marchés.
03:22 Il est très clair qu'aujourd'hui, les prix sont en train de baisser très fortement.
03:26 À tel point, d'ailleurs, qu'on a fait une inquiétude cette fois-ci pour les producteurs.
03:30 Puisque les prix tels qu'on les définit, tels qu'on les anticipe pour la récolte 2023, donc cet été, pour les producteurs,
03:39 je parle de céréales ou de lait agineux essentiellement, les prix sont en dessous des coûts de production.
03:44 Et ensuite, il faut distinguer aussi, j'ai envie de dire, c'est compliqué de faire un panier,
03:49 parce qu'il faut distinguer presque matière première par matière première.
03:53 Pourquoi ? Parce que dans une baguette de pain, clairement, le prix du blé, ça représente à peu près 7% du prix final.
04:00 Donc, une forte hausse ou une forte baisse impacte finalement assez peu le prix de la baguette.
04:06 Maintenant, lorsque vous demandez à un éleveur quel impact ça a, c'est un impact énorme, la hausse du prix du blé ou de l'orge.
04:14 Pourquoi ? Parce que c'est pour nourrir ses animaux.
04:17 Olivier Van Schalk, votre cabinet a dévoilé il y a quelques jours une enquête qui montre que 80% des distributeurs
04:24 soupçonnent certains de leurs fournisseurs de pratiquer une inflation opportuniste.
04:29 Est-ce qu'on parle en fait des marges indues que dénonçait il y a quelques instants Bruno Le Maire ?
04:35 Effectivement, au début de l'année, on s'est rendu compte et on a interrogé quasiment 900 professionnels
04:43 qui ont dit qu'effectivement, ils voyaient, et pas quand dans la distribution, ça c'est important,
04:47 qu'il y avait une inflation opportuniste qui était pratiquée par les fournisseurs.
04:52 Qu'est-ce que ça veut dire ? Quand il n'y avait pas de grosse hausse des matières premières,
04:56 on pouvait voir quelles étaient les marges.
05:00 Maintenant, il y a une telle augmentation du prix des matières premières que le gras est moins visible.
05:05 Donc, il y a des fournisseurs qui ont clairement eu une inflation opportuniste.
05:09 Nous, on a donné un nom à ça. On a appelé ça des fournisseurs profiteurs.
05:14 Parce que très clairement, ils n'ont pas fait le job qu'ils auraient dû.
05:17 Ils auraient dû tout simplement faire suivre l'augmentation de la matière première sur le prix final.
05:23 Pour aller dans le sens des deux précédents intervenants, il y a effectivement un temps de latence.
05:29 Ça, c'est un des points qui a été évoqué.
05:31 Un produit alimentaire, ça peut mettre de un jour à six mois à venir toucher le consommateur final.
05:39 Le chocolat que vous mangez, qu'on vient de manger à Pâques, a a priori été fait à la Toussaint.
05:45 Donc, on comprend qu'il peut y avoir un décalage sur les prix.
05:47 Mais il y a aussi beaucoup de coûts annexes qui restent élevés.
05:50 Le transport a quand même été plutôt élevé. L'énergie reste relativement élevée.
05:54 Donc, plus le produit a un prix bas, plus ce qui est autour coûte cher.
06:01 On a aussi des raisons qui font penser qu'il y a des fondamentaux qui font que certains prix peuvent rester élevés.
06:08 Ça veut dire, Rodolphe Bonas, que quand le chef de l'État hier dit que les prix alimentaires, ça va être compliqué jusqu'à la fin de l'été, grosso modo, il ne se trompe pas beaucoup ?
06:13 Non, il ne se trompe pas beaucoup.
06:15 Même si, vous voyez qu'ici, on est au cœur d'un débat entre deux chocs de titans.
06:20 C'est-à-dire, d'un côté, des très gros industriels internationaux, les Nestlé, les Unilever, les Procter & Gamble.
06:26 Et de l'autre côté, les très gros intervenants du commerce.
06:29 D'un côté, ces industriels ne sont vraiment pas pressés à faire descendre leur prix de vente.
06:33 Parce que mécaniquement, aujourd'hui, les vendes à prix assez élevés.
06:36 Ils sont encore sur des négociations passées.
06:38 Et de l'autre côté, les distributeurs sont très pressés de faire baisser ces prix pour une raison très simple.
06:43 C'est qu'après la proximité, le premier critère de fréquentation de leur propre magasin, c'est le prix.
06:48 Donc, plus ils seront compétitifs en prix, plus ils auront de clients.
06:51 Mais d'ailleurs, au milieu, l'arbitre, c'est le consommateur.
06:53 C'est nous.
06:54 Et quand les produits sont devenus trop chers, c'est simple, les consommateurs s'en détournent.
06:57 Et n'y retourneront sans doute pas ensuite, quand les prix auront baissé.
07:00 Et même pire, c'est d'autant plus vrai qu'on voit qu'en revanche, en volume, c'est-à-dire le nombre de produits alimentaires vendus,
07:05 entre cette année et l'année dernière, on est en baisse.
07:07 C'est les fameux arbitrages où les Français, finalement, non seulement achètent moins cher, mais achètent moins de produits.

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