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00:00 *7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner*
00:06 La question du jour avec une bonne nouvelle, la libération d'Olivier Dubois, journaliste
00:11 français correspondant pour Le Point et Libération, spécialiste du Sahel, capturé le 8 avril
00:15 2021 à Gao dans le nord du Mali.
00:17 Olivier Dubois est resté quasiment deux ans aux mains du groupe de soutien à l'islam
00:22 et aux musulmans, principale alliance djihadiste au Sahel.
00:26 Comment la France négocie-t-elle la libération de ses otages ? Bonjour Etienne Dignas, vous
00:32 êtes chercheur associé au série, vous venez de publier "La rançon de la terreur, gouvernez
00:36 le marché des otages" aux presses universitaires de France.
00:39 Que sait-on sur la libération d'Olivier Dubois ?
00:41 Alors tout d'abord je me réjouis évidemment de cette libération, j'ai une pensée pour
00:45 lui et pour ses proches.
00:47 Ce que l'on sait donc c'est que Olivier Dubois, comme vous l'avez dit, a été enlevé
00:51 au Mali par le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans.
00:54 La détention était très longue, deux ans, ce qui n'est pas rare pour la région.
00:58 On se souvient que Sophie Petronin avait elle-même été détenue pendant quatre ans et que l'humanitaire
01:03 américain qui vient d'être libéré avec lui était détenu pendant six ans.
01:06 Deux ans, six ans, effectivement c'est très long.
01:10 Comment explique-t-on de telle durée de détention ?
01:13 Ça peut s'expliquer à la fois par les demandes des ravisseurs qui peuvent être très élevées
01:17 et donc il faut négocier longuement pour pouvoir parvenir à libérer les otages.
01:23 Ça peut être également dû à l'implication des États locaux.
01:26 Ici, par exemple, il faut saluer le rôle joué par le Niger.
01:31 En vérité, il y a eu deux canaux de discussion successifs.
01:34 Un premier canal malien qui s'est peu à peu dégradé au fur et à mesure que de la
01:39 dégradation des relations entre la France et le Mali.
01:44 Puis un canal nigerien depuis quelques mois qui a abouti à cette libération.
01:49 D'ailleurs, le Niger a été remercié à la fois par le président Emmanuel Macron
01:53 et par Olivier Dubois.
01:54 Que signifient ces remerciements ? Qu'est-ce que l'on peut imaginer ?
01:57 Évidemment, on n'a pas aujourd'hui d'informations précises sur ce qui s'est déroulé, mais
02:04 les différentes conjectures selon vous, Étienne Dignac ?
02:08 Alors effectivement, il est difficile de se prononcer sur les contreparties et quelle
02:12 est la nature des contreparties.
02:13 Néanmoins, d'expérience, on peut imaginer donc que le Niger a négocié pour ces libérations
02:19 et que les Français et les Américains ont pu en profiter.
02:23 C'est ce qui s'était par exemple passé dans le cas de Sophie Petronin, puisque à
02:29 ce moment-là, la France avait profité d'un échange entre l'agente malienne et le GSIM
02:36 pour la libération à l'époque de Soumaï Lassissé, qui était un homme politique
02:40 de premier plan au Mali.
02:41 En fait, ce qui explique ces négociations, c'est à la fois pour le Niger un moyen de
02:49 montrer sa compétence, de montrer sa maîtrise de la zone et ses relations avec les groupes
02:53 djihadistes.
02:54 Pour le Niger, c'est aussi une manière d'user diplomatiquement de tous ses atouts
03:01 dans la zone, puisqu'il faut rappeler que ces groupes djihadistes sont aussi des groupes
03:03 insurrectionnels et donc on ne le fera pas disparaître.
03:06 Donc le Niger est obligé de négocier avec eux.
03:08 Est-ce que l'on peut imaginer alors, si il y a eu paiement, ce qui est une possibilité,
03:13 ça n'est évidemment pas une certitude, paiement par le Niger, c'est une autre possibilité
03:18 d'étendre des armes, c'est-à-dire de faire des armes de l'armée.
03:20 Mais si on veut, on peut imaginer que le Niger a été un pays où il y avait eu des
03:25 armes de l'armée, et que les armes de l'armée étaient des armes de l'armée.
03:29 Et donc, on peut imaginer que le Niger a été un pays où il y avait eu des armes de l'armée.
03:34 Et donc, on peut imaginer que le Niger a été un pays où il y avait eu des armes de l'armée.
03:39 Et donc, on peut imaginer que le Niger a été un pays où il y avait eu des armes de l'armée.
03:43 Et en fait, à l'époque, pour le pouvoir malien, ça avait été un moyen, en libérant
03:47 ses prisonniers, d'envoyer un signal, notamment au nord du pays, et de jouer sur ces libérations
03:56 pour obtenir un soutien de la part de la population du nord du pays.
04:01 Donc, plus une libération que de l'argent.
04:05 Il y a une sorte de marché, c'est terrible à dire, mais de marché, évidemment informel,
04:11 des otages avec deux types d'approches de cette question.
04:15 La question de la libération des otages, vous le décrivez fort bien dans votre livre
04:20 "La rançon de la terreur", livre qui a été publié au PUF, Étienne Tignat.
04:24 Il y a une approche que vous qualifiez de solidaire et une approche sacrificielle.
04:28 Qu'est-ce que ça signifie et comment la France se situe-t-elle par rapport à ces deux approches ?
04:33 Alors, quand il est question notamment d'argent, vous avez effectivement schématiquement deux camps.
04:38 D'un côté, le camp des pays d'Europe continentale, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne,
04:43 qui décident de négocier, car ils font de la vie de l'otage une priorité.
04:47 Ça peut évoluer dans le temps, mais schématiquement, depuis plusieurs décennies,
04:51 depuis trois décennies, la France est plutôt située dans ce camp-là.
04:54 L'autre camp, c'est le camp des Américains et des Britanniques,
04:57 ce qu'on appelle le camp de la fermeté, et donc qui, eux, sacrifient généralement l'otage
05:02 en refusant de négocier. Pourquoi ?
05:04 Soit parce qu'ils suivent une position de principe selon laquelle on ne négocie pas avec des groupes terroristes,
05:09 soit parce qu'ils craignent les conséquences des rançons,
05:11 qu'il s'agisse d'encourager les enlèvements ou de renforcer les groupes terroristes.
05:18 Mais il y a aussi une troisième voie qui se développe.
05:20 Il y a des assurances, on le sait peu, mais vous allez nous l'expliquer, Etienne Dignas.
05:26 On peut s'assurer contre le risque de prise d'otage.
05:29 Oui, c'est un marché assurantiel qui existe aujourd'hui et qui existe aujourd'hui face aux enlèvements criminels,
05:35 qui représentent l'immense majorité des enlèvements.
05:38 Donc vous pouvez souscrire une assurance qui paiera et négociera pour vous libérer.
05:45 La difficulté aujourd'hui, c'est que ces assurances sont interdites pour négocier avec les groupes terroristes.
05:50 Or, on sait, quand on observe de près le terrain,
05:53 que la distinction entre ces groupes criminels et ces groupes terroristes est en fait beaucoup plus floue sur la zone.
05:57 Vous avez des groupes terroristes qui prétendent être des groupes criminels,
06:00 des groupes criminels qui prétendent être des groupes terroristes.
06:03 Vous avez des individus qui passent d'un groupe à l'autre.
06:05 Vous avez des groupes terroristes qui parfois demandent simplement de l'argent,
06:08 des groupes criminels qui cherchent parfois à terroriser.
06:12 Et enfin, la définition même du terrorisme et le listage des groupes terroristes est très compliquée,
06:17 puisque les États ne sont pas d'accord entre eux.
06:19 Si vous prenez par exemple les listes d'organisations terroristes du Royaume-Uni, des États-Unis et de l'Union européenne,
06:24 vous apercevez que plus de 50% des groupes ne sont présents que sur une de ces listes.
06:28 Mais alors, par ailleurs, pratiquement, lorsqu'on a conclu une police d'assurance du type "kidnap on ransom",
06:35 puisque c'est ainsi que se nomment ces polices d'assurance,
06:40 ensuite, vous pouvez vous retourner éventuellement contre votre assurance
06:43 si celle-ci juge que le groupe est un groupe terroriste,
06:46 alors que vous, vous estimez qu'on a affaire à des criminels ?
06:50 Ah oui, c'est très compliqué.
06:51 En vérité, parfois, les États ferment les yeux sur la nature réelle du groupe.
06:55 Il peut arriver, par exemple chez les Britanniques, que les assurances aient des groupes terroristes,
06:59 car on les a présentés par un intermédiaire comme un groupe criminel.
07:03 L'intérêt de ces assurances, c'est surtout de responsabiliser à la fois les employeurs,
07:07 notamment dans ces zones à risque, et également les individus, voire les voyagistes.
07:12 Mais aujourd'hui, est-ce qu'il s'agit d'un marché en expansion ?
07:16 Quand on voit la situation au Mali, qui est une situation de plus en plus complexe,
07:21 est-ce qu'il est encore possible d'envoyer des personnes là-bas,
07:25 de le faire en souscrivant ce type de police, Etienne Dignas ?
07:29 Alors, effectivement, aujourd'hui, il y a ce que j'appelle un marché des otages.
07:32 Qu'est-ce que cela signifie ?
07:33 Cela signifie que depuis plusieurs décennies,
07:35 vous avez de plus en plus d'enlèvements d'otages occidentaux par différents types de groupes,
07:40 et que ces groupes se structurent, se coordonnent,
07:42 et cherchent à revendre leurs otages avec un système de règles et de normes.
07:46 Et face à cela, vous avez des États qui sont désemparés.
07:49 Aujourd'hui, le problème, c'est que quand vous avez des États qui négocient,
07:52 en fait, les ravisseurs demandent généralement plus d'argent et plus que de l'argent.
07:56 Et c'est toute la difficulté.
07:57 Moi, ma position, c'est à la fois de dire qu'il faut ne pas abandonner les otages,
08:02 mais qu'il faut aussi essayer au maximum de retirer les États des négociations,
08:05 afin de réduire les concessions.
08:08 Et donc, c'est ainsi que j'en suis abouti à cette solution qui passe par les paiements privés.
08:12 Il faut expliquer également qu'aujourd'hui, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni,
08:16 ces paiements privés sont interdits.
08:18 En fait, on empêche les familles, on empêche les employeurs de payer.
08:21 Ça avait notamment été très marquant avec le cas de James Foley,
08:25 qui avait été un journaliste américain qui avait été exécuté par l'État islamique.
08:28 Et à l'époque, quand sa famille avait cherché à lever des fonds pour le secourir,
08:31 elle avait été menacée par un colonel américain de poursuite judiciaire.
08:36 Merci beaucoup, Etienne Dignas.
08:39 Je renvoie à votre livre "La rançon de la terreur gouvernée le marché des otages".
08:43 C'est un livre dans lequel on apprend, j'ai envie de dire, hélas, énormément de choses.
08:48 Il a été publié aux presses universitaires de France.
08:51 7h23 sur France Culture.