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00:00 West Side Story, à l'ouest rien de nouveau, Mort sur le Nil, Pinocchio, La Petite Sirène...
00:04 Avec ces remakes à l'écran, j'ai un peu l'impression de revoir toujours la même chose.
00:07 Comme dans Un Jour Sans Fin, ce film où Bill Murray est condamné à revivre la même journée, encore et encore.
00:12 D'ailleurs, même ce film a eu droit à son remake italien.
00:16 Est-ce que ça veut dire que l'industrie du cinéma vit une crise de l'imagination,
00:22 et n'a plus rien d'original à nous proposer ?
00:24 D'après une étude, 91% des spectateurs préfèrent le film original au remake.
00:28 Alors pourquoi vous continuez à en voir autant à l'écran ?
00:31 On est complètement dans une ère du remake depuis les années 2000.
00:34 Mais sinon, effectivement, le remake au cinéma, c'est quelque chose qui a toujours eu lieu.
00:38 En fait, on peut dire que le tout premier remake date du tout premier film des Frères Lumière.
00:42 Comme les négatifs s'usaient facilement à l'époque, quand ils reproduisaient les copies des films,
00:48 il fallait pouvoir avoir plusieurs négatifs de la séquence.
00:51 Et du coup, ils l'ont tourné trois fois, et ils ont fait pareil avec La Rose Or Arrosée, deux fois.
00:54 Donc on a toujours fait des remakes, mais les raisons pour en faire ont beaucoup évolué avec le temps.
00:58 Une des premières raisons qui poussent l'industrie du cinéma à en faire, historiquement,
01:02 c'est l'évolution technique, avec l'arrivée de la couleur et le passage du muet au parlant à partir de 1927.
01:07 Cécile B2000, le réalisateur de Peplum, a fait une version des Dix Commandements en 1923, en noir et blanc et en muet.
01:13 Il a refait une version en 1956, avec des couleurs, du son, beaucoup plus de moyens, et Charlton Heston.
01:20 Avec la sonorisation progressive des films au début des années 1930, il faut que les films soient compréhensibles pour les publics à l'étranger,
01:26 et les sous-titres n'existent pas encore.
01:28 L'industrie du cinéma met en place la version multiple à la fin des années 1920.
01:32 Il y avait des studios qui étaient spécialisés dans ces tournages de films en version multiple,
01:36 et du coup les films américains étaient retournés dans la langue des pays.
01:39 Et du coup ils tournaient avec des castings différents, des réalisateurs différents, des films en plusieurs fois.
01:44 En 1929, un cinéaste réalise un film sur le naufrage du Titanic, qui sera tourné à nouveau dans les mêmes décors avec des castings différents.
01:52 Atlantique, la version britannique, Atlantique, la version allemande, et Atlantis, la version française.
01:57 Cette pratique de la version multiple ne dure pas, mais elle inspire une idée très moderne aux studios qui vont l'appliquer de plus en plus au fil du temps.
02:03 Par exemple, plutôt que de distribuer un film franco-français aux Etats-Unis, autant le refaire complètement avec un casting 100% local.
02:09 Pour les producteurs de ces films, céder les droits de remake est souvent plus intéressant financièrement que d'attendre les recettes éventuelles d'une sortie à l'étranger.
02:16 C'est pour ça qu'Intouchables, gros carton dans les salles françaises avec 19 millions d'entrées en 2011,
02:21 est adapté aux Etats-Unis, avec Bryan Cranston à la place de François Cruzé.
02:25 Parfaitiscono Sciotti, comédie italienne de 2016, sur un dîner entre amis qui dégénère quand ils commencent à regarder dans le téléphone de leur voisin,
02:34 détient ainsi le record au Guinness Book du nombre de remakes avec 19 versions réalisées en 3 ans.
02:39 "Dans deux c***** de téléphones !"
02:40 Il a été adapté en France, au Mexique, en Corée du Sud...
02:43 Faire un remake, c'est aussi l'occasion de réactualiser un film avec une lecture plus contemporaine, en incorporant de nouvelles thématiques.
02:51 Par exemple, la mouche de David Cronenberg en 1986, remake de La Mouche Noire, montre la dégénérescence du corps que certains ont vu comme une métaphore du sida.
02:59 Certains remakes ont aussi été justifiés par le besoin de refaire un casting plus inclusif,
03:08 comme la version de 100% féminine de Ghostbusters ou d'Ocean's Eleven.
03:11 Mais si les producteurs de cinéma misent sur des remakes, c'est surtout parce que c'est plus facile à financer,
03:19 dans un contexte où l'industrie prend de moins en moins de risques avec des films à gros budget.
03:23 "C'est une industrie de prototypes. Ça veut dire que chaque sortie, c'est un pari, parce que c'est un nouveau lancement de produit en quelque sorte.
03:30 Il faut que ce soit une idée qui suscite l'adhésion de partenaires, de partenaires financiers, de partenaires artistiques, qui vont s'engager dans le projet.
03:37 Et le remake, tout comme l'adaptation, en quelque sorte, ça rassure.
03:41 Parce qu'en général, on va faire le remake d'un film qui a marché ou qui a obtenu une forme de succès."
03:46 On fait des économies sur le scénario, sur le travail préparatoire à la production d'un film,
03:50 mais également sur l'aspect communication et marketing, car le film est déjà une marque connue du public.
03:55 Depuis les années 2010, Hollywood a imaginé un cousin hybride du remake, qui est un remake sans vraiment le dire.
04:05 Et c'est comme ça qu'est né le "requel", mélange de "remake" et de "sequel" qui veut dire "suite".
04:09 Il s'agit de surfer sur la nostalgie des années 80-90, de reprendre un univers bien connu,
04:13 en imaginant une suite avec une nouvelle génération de personnages qui reprendraient le flambeau.
04:18 Mais cette suite reprend la structure narrative de l'épisode original, multiplie les clins d'œil nostalgiques,
04:27 et fait même revenir les anciens personnages comme une cerise sur le gâteau.
04:33 Jurassic Park, Ghostbusters, la série Willow ou Star Wars, un cas d'école puisque la dernière trilogie reprend exactement la structure de la trilogie originale.
04:42 Je dirais que la nostalgie est un bon filon, c'est un filon intime ici,
04:49 parce que ça s'adresse à la perception la plus intime du spectateur, à sa mémoire.
04:54 Par rapport aux films des années 80, ce sont des films qui sont déjà des classiques,
04:58 mais qui ne sont pas aussi intimidants que les classiques du "Lège d'or".
05:02 Ce n'est pas des vieux films en noir et blanc avec Humphrey Bogart.
05:05 Ce sont des films qui sont proches, qui sont, par la fabrication, qui ressemblent aux films contemporains.
05:14 Il y a beaucoup d'acteurs, je parle de sens large,
05:17 des gens qui ont travaillé dans ces films, qui sont encore en vie, qui sont encore actifs, qui peuvent en parler.
05:22 Mais certains remakes sont aussi des hommages sincères à un classique.
05:25 Il ne faut pas être fataliste à l'idée de voir des remakes se multiplier.
05:29 Ça peut être l'espace d'expression artistique, comme un film inédit.
05:35 Exercices de style, réinterprétation d'un univers comme le "Suspiria" de Luca Guadagnino,
05:40 variations malicieuses comme "Ne coupez pas" ou même "Blow out" de Brian De Palma,
05:45 réponse au "Blow up" d'Antonio Nii 15 ans après.
05:47 Je suis désolé, je suis avec vous, je veux vous parler.
05:49 Vous savez, je ne vous apprends pas.
05:51 Sous-titrage ST' 501
05:53 [Musique]