11. L'ornement à l'époque de sa reproduction mécanisée (1770-1851)

  • il y a 10 ans
Valérie Nègre, historienne de la construction, enseignante à l'Ecole nationale supérieure d'architecture Paris La Villette

En 1841, l’archéologue Ferdinand de Guilhermy s’étonnait de trouver à Toulouse des constructions privées « bien supérieures aux constructions publiques, sous le rapport de l’ornementation ». Comme à Londres, on pouvait voir dans les rues de cette ville, et sur des immeubles relativement modestes, de magnifiques cariatides antiques ou de la Renaissance moulées en terre cuite blanche et en artificial stone. L’ornement d’architecture reproduit dans des matériaux économiques, imitant les matières précieuses et tiré en grande série, n’est pas une invention du XIXe siècle.

Il suffit de penser aux terres cuites qui ornaient les temples étrusques et romains et aux décors, moins connus, en carton moulé des palais de la Renaissance. Mais l’essor de ce type d’ornement en Europe, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, est un phénomène sans précédent. Le perfectionnement des matières (argile, carton, ciment, etc.) et des techniques (moulage, découpage, etc.) permet la diversification du décor, mais aussi sa diffusion dans des édifices qui en étaient jusque-là dépourvus.

C’est ce phénomène et ses conséquences que cette conférence examine. Après une évocation des idées et des débats que le goût du factice et la pratique de la reproduction en série suscitent (dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle), on s’intéressera aux objets en eux-mêmes : aux ornements tels qu’ils sont présentés dans les catalogues de fabricants d’une part, et à la manière dont ils apparaissent in-situ, sur les façades même des édifices qu’ils décorent, de l’autre. Sur quels modèles étaient-ils conçus ? Qui les fabriquait ? Et comment les combinaient les propriétaires, les entrepreneurs et les architectes ? On montrera comment ces ornements se détachent progressivement de l’architecture, le changement de valeur (sociale ou symbolique) qui en résulte, et la confusion des catégories telles que le monumental et le banal, le public et le privé.