04. Ornement médiéval et quête spirituelle

  • il y a 10 ans
Philippe Plagnieux, historien de l'art, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Franche-Comté et à l'Ecole nationale des Chartes

Les XIe, XIIe et XIIIe siècles furent féconds en débats sur le statut des ornements au sein de l’espace ecclésial. Dès l’An mil à la naissance de l’art roman, prélats et constructeurs cherchèrent des solutions structurelles et décoratives capables de transcender la matière en un idéal immatériel.

La conception, dans une folle-enchère, d’édifices de plus en plus resplendissants arriva à son comble au tout début du XIIe siècle. Elle engendra un profond mouvement contraire, appelant au retour de la simplicité de l’Ecclesia primitivae et cherchant à renouer avec l’esprit des temps apostoliques. Les nombreuses communautés canoniales et les nouveaux ordres monastiques, désireux de renouer avec l’expérience du désert primitif, en furent les fer-de-lance : Saint-Bernard de Clairvaux, figure emblématique des cisterciens, n’a-t-il pas lui-même dénoncé la présence de chapiteaux historiés ou figurés, ceux-là même qui faisaient l’orgueil de ses contemporains ? Les moines blancs choisirent en effet le dialogue du végétal stylisé et du géométrisme pur, plutôt que la figure humaine ou animale.

À l’opposé de ces courants réformateurs, d’autres monuments furent parés d’un luxueux décor extérieur et intérieur. Le cardinal Mathieu d’Albano, très hostile aux Cisterciens, leur déclara : « vous visez à la simplicité mais dans ce cas, dépouillez vos églises des ornements que vos fondateurs et les abbés, vos prédécesseurs, y ont prodigués… ».

Au siècle suivant, l’architecture gothique rayonnante parvint à traduire le surnaturel dans l’espace cultuel grâce à la dématérialisation totale de la paroi et rendit l’édifice semblable à une châsse d’orfèvrerie.