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Ce mercredi 6 août, Nicolas Tenzer, enseignant en géostratégie à Sciences Po, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Erwan Morice. Ils sont revenus sur l'arrivée de Steve Witkoff à Moscou avec l'objectif de concrétiser la paix en Ukraine. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Et oui, puisque l'émissaire américain Steve Witkoff est aujourd'hui à Moscou, ça y est, il a atterri.
00:05Objectif, concrétiser l'avancée de la paix en Ukraine.
00:07Donald Trump a fixé jusqu'à ce vendredi à Vladimir Poutine pour mettre un terme à la guerre.
00:12Pour parler de tout ça, nous sommes en ligne avec Nicolas Tenzer.
00:15Bonjour, merci beaucoup d'être ce matin avec nous sur BFM Business, enseignant en géostratégie à Sciences Po.
00:21Vous êtes l'auteur de Notre Guerre aux éditions de l'Observatoire.
00:24Avec moi pour vous interroger, Caroline Loyer. Bonjour Caroline.
00:26Bonjour Arwan.
00:27Que peut-on vraiment espérer, Nicolas Tenzer, de cette visite ? On en attend beaucoup.
00:33Écoutez, à vrai dire, pas grand chose pour plusieurs raisons.
00:37La première raison, c'est qu'en fait, il ne peut pas y avoir de paix véritablement avec la Russie.
00:41Je crois que c'est quand même la raison fondamentale.
00:43C'est-à-dire que quand on dit qu'il faut pousser Poutine à s'asseoir à la table de négociation, négocier quoi ?
00:48On sait que Poutine, de toute manière, veut continuer la guerre jusqu'au bout
00:51et qu'il n'est pas question qu'il retire ses troupes d'Ukraine.
00:57Ensuite, on se rappelle aussi que Steve Witkoff, lors de ses précédents échanges avec le précédent russe,
01:03avait quand même cédé sur à peu près tout.
01:06Il avait accepté à l'époque que la Russie garde la Crimée, à l'excès depuis 2014,
01:13et quatre régions qui ne sont d'ailleurs même pas complètement conquises par les Russes,
01:17les oblastes de Zaporizhia, Kherson, Lugansk et Donetsk.
01:21Il avait dit « Ah oui, mais on n'est pas du tout opposé à ce que l'Ukraine n'entre jamais dans l'OTAN ».
01:26Il avait accepté la démilitarisation.
01:28Il avait eu un discours finalement extrêmement favorable.
01:30Donc on va voir si cet émissaire-là est véritablement le même que celui qui va rencontrer Poutine
01:35et qui va avoir une tonalité un peu plus dure.
01:38Et enfin, dernier point, Trump effectivement s'est dit « Oui, je veux bien sanctionner la Russie »
01:43ou sanctionner des pays comme l'Inde et la Chine qui achètent toujours le pétrole à la Russie
01:48qui favorisent la machine de mort russe.
01:50En revanche, il n'a pas parlé lui-même explicitement de fournitures massives d'armes à l'Ukraine.
01:56Donc voilà, pour l'instant, je suis extrêmement sceptique.
01:59Monsieur Tenzer, vous l'avez rappelé, Poutine n'a pas l'intention de céder s'agissant de ses objectifs de guerre.
02:04Tout récemment, une source au Kremlin a affirmé que le président russe, je cite,
02:08ne peut pas se permettre de mettre fin à la guerre simplement parce que Trump le demande.
02:12Du coup, sur cette base, quelle issue ? Qu'est-ce qui peut se passer ? Il ne va pas céder à l'ultimatum ?
02:18On ne voit pas effectivement Poutine céder à l'ultimatum. Ce n'est pas son genre.
02:22En plus, il considère que lui, de toute manière, tant que ses objectifs fondamentaux ne sont pas atteints,
02:29c'est-à-dire la soumission totale du peuple ukrainien, il ne reculera pas.
02:33Et il voit quand même dans Trump, regardez ce qui s'est passé sur les droits de douane avec la Chine,
02:37un homme assez faible.
02:39Et donc, il se dit, mais je vais toujours pouvoir convaincre Trump,
02:42et en tout cas, son homme d'affaires, Witkoff,
02:45que de toute manière, il faudra plutôt s'entendre avec la Russie.
02:48Donc, c'est ça, effectivement, la crainte que l'on peut avoir,
02:51c'est que finalement, Trump songe toujours à une sorte de deal avec la Russie.
02:55Il se dit, mais un jour, on va reprendre le business social,
02:58on va reprendre les affaires ensemble,
03:00et finalement, l'Ukraine ne pèse pas beaucoup.
03:03Sauf que là, quand même, il m'a un peu maltraité,
03:05donc je suis obligé de manifester vocalement mon irritation devant Poutine.
03:09Et en fait, Poutine le sait, et il sait manipuler des gens comme Trump.
03:16Mais Nicolas Tenzer, il ne peut pas non plus ne rien se passer d'ici vendredi.
03:21L'ultimatum fixé par Donald Trump, il en va de sa crédibilité.
03:24Non, si vraiment, il n'y a aucune négociation sur absolument rien,
03:28Donald Trump, dans ce cas-là, n'est plus crédible.
03:31– Oui, mais par exemple, Poutine peut toujours essayer de dire,
03:36oui, voilà, maintenant, j'ai rencontré Vytkoff,
03:39mais nous nous sommes mis d'accord pour poursuivre les discussions,
03:42et j'envoie une nouvelle équipe négocier avec les Ukrainiens,
03:46voilà, je suis ouvert à la discussion.
03:48Donc il va répéter des choses, en fait, qu'il a déjà dites,
03:51mais qui sont du pur enfumage, je parle de Poutine,
03:53et en fait, Trump, qui n'a qu'une seule envie,
03:56c'est un jour, finalement, mettre juste sa signature sous une forme d'accord,
04:02qui d'ailleurs n'engagerait ni les Européens, ni, bien sûr, les Ukrainiens,
04:06finalement, ce serait tout à fait possible pour lui.
04:09C'est-à-dire que je pense que Trump n'a pas encore véritablement mesuré,
04:13parce qu'il y a quand même un long passif de relations avec l'Ontarussie,
04:18un passé qui est un passif, un passé d'affaires,
04:20un passé, des relations de Trump avec des milieux mafieux russes
04:23qui sont aujourd'hui quand même dans les cercles du pouvoir,
04:27il n'a pas renoncé à, un jour, essayer de trouver quelque chose,
04:30et en fait, je pense que sacrifier les Ukrainiens,
04:33pourvu qu'il habille cela avec le mot « paix »,
04:36n'a strictement aucune importance pour lui.
04:40On a quand même l'impression de tourner en rond, là,
04:42depuis plusieurs mois, si ce n'est d'être dans l'impasse.
04:44Erwan a parlé à juste titre de ce risque de perdre encore plus de crédibilité
04:48pour Trump et pour Poutine, c'est pareil,
04:50parce que le fait qu'il affiche une position aussi ferme,
04:52aussi constante, on lui doit ça,
04:56s'il cède aujourd'hui, il en va de son image d'homme fort aux yeux du monde
04:59et aussi aux yeux de son peuple, et c'est peut-être ce qui lui importe le plus.
05:02Donc du coup, qu'est-ce qu'on fait ?
05:04Est-ce qu'il y a des raisons d'être optimiste ?
05:06– C'est vrai que vous le dites très justement,
05:09je veux dire, on n'en voit pas beaucoup,
05:11parce qu'effectivement, Poutine, de toute manière,
05:14pour lui, faire la guerre, c'est essentiel pour garder le pouvoir.
05:18Même s'il est prêt à sacrifier des millions de Russes en plus,
05:22il y a déjà un million de Russes qui ont été soit tués,
05:24soit grièvement blessés pendant la guerre,
05:26mais lui, il pourrait en perdre encore deux ou trois millions.
05:29Et il continuerait en tout cas.
05:31Vous savez, son objectif, ça a été très bien dit d'ailleurs,
05:33encore récemment, par le général Burkhardt,
05:36par d'autres chefs militaires et du renseignement de pays européens,
05:39de toute manière, son objectif, c'est quand même
05:42d'aller beaucoup plus loin que l'Ukraine,
05:44d'aller vers l'Europe, et lui, il n'est pas question qu'il cède
05:47sur quoi que ce soit.
05:49Ce qu'il peut essayer de faire en revanche,
05:50et ce serait d'ailleurs redoutable pour les Ukrainiens
05:53et pour les Européens,
05:55c'est d'habiller une sorte de capitulation de l'Ukraine
05:58en un accord de paix.
06:01C'est-à-dire que Trump, finalement, dit,
06:04« Ah voilà, mon émissaire a discuté avec Poutine,
06:07mais il est prêt quand même de nouveau
06:08à reprendre des négociations. »
06:10Et on repart comme ça par un range.
06:12Alors, la question, c'est que Trump, évidemment,
06:15est quand même un tout petit peu pressé
06:16par le Congrès américain.
06:18On sait que de manière bipartisane,
06:20donc aussi bien républicain que démocrate,
06:23sont assez volontaires pour renforcer
06:27les sanctions extraterritoriales,
06:28donc vis-à-vis de la Chine et de l'Inde,
06:31mais également sont prêts à livrer
06:33un certain nombre d'armements.
06:34Mais là aussi, est-ce que, finalement,
06:37ces sénateurs en particulier
06:39vont vraiment s'opposer à Trump ou pas ?
06:42Pour l'instant, ils ont quand même marqué
06:44plutôt une soumission,
06:45malgré des paroles plutôt fortes
06:46à l'égard de la Russie.
06:47Et malgré ça, les sanctions extraterritoriales
06:49que vous évoquiez, Nicolas Tenzer,
06:52s'en prendre à New Delhi, à Pékin,
06:54est-ce que ça permettrait,
06:56enfin, surtout, est-ce que ça aurait des conséquences ?
07:00On voit qu'aujourd'hui,
07:01l'Inde est quand même très solidaire,
07:03enfin, même s'ils font partie des non-alignés,
07:05en tout cas, ils ont dit
07:06qu'on ne va pas arrêter d'acheter du pétrole russe
07:09malgré les menaces américaines.
07:12Je pense que le vrai sujet, aujourd'hui,
07:14c'est simple,
07:15c'est que l'Inde, évidemment,
07:18est complètement alignée, en fait,
07:20soyons clairs sur Moscou.
07:22L'Inde a moins de cartes en main,
07:24si j'ose dire,
07:24pour prendre une expression trumpienne,
07:26que la Chine.
07:28Mais de toute manière,
07:30même si l'Inde cessait d'acheter du pétrole à la Russie,
07:35d'abord, ça ne tuerait pas complètement la machine de guerre russe.
07:39La Chine, ce serait une autre chose,
07:41mais quand on voit ce qui s'est passé
07:42entre Trump et Pékin récemment,
07:45on peut douter de la fermeté de Trump
07:46à l'égard de la Chine.
07:47Et puis surtout,
07:48les sanctions marchent,
07:49et les sanctions secondaires marcheraient encore plus,
07:52donc ce serait quelque chose de très bien,
07:54sans doute.
07:54Mais le problème,
07:56c'est que ce n'est pas du tout ça
07:57qui va arrêter la Russie.
07:59Merci beaucoup d'avoir commenté
08:00cette actualité avec nous ce matin,
08:02Nicolas Tenzer,
08:03enseignant en géostratégie
08:04et à Sciences Po,
08:05auteur de Notre Guerre,
08:06aux éditions de l'Observatoire.
08:08Merci à tous.

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