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Ecrasé par l’image du « grand frère » Concorde, plombé par le retrait des Britanniques du projet, humilié par les Américains qui n’en voulaient pas… difficile à croire aujourd’hui quand on voit ce qu’est devenu Airbus, mais il y a 50 ans, l’avionneur a bien failli ne jamais décoller. On vous raconte ces premières années décisives.

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Transcription
00:00Bienvenue en 1969, au salon du Bourget, les stars de l'époque se pavanent sur le tarmac.
00:05Dans un coin du salon, une maquette de bois présente le futur géant de l'aéronautique européenne.
00:10On imagine les journalistes des Echos déchaînés.
00:15Sauf que ça ne s'est pas du tout passé comme ça.
00:17Qu'est-ce qu'on pense de cette maquette ? Bon, rien. Les gens la regardent à peine.
00:21Concorde c'est le bel oiseau, l'Airbus A300B c'est la grosse vache.
00:25C'est à peine croyable quand on pense à ce qu'est devenu Airbus.
00:29Mais il y a 50 ans, cet avionneur a bien failli ne jamais décoller.
00:32Dans cette saga, on vous dit pourquoi le nom des avions d'Airbus commence toujours par un chiffre 3.
00:37Mais surtout, on vous raconte ce long cheminement, parsemé de doutes et d'échecs,
00:41qui a finalement donné naissance au numéro 1 de l'industrie aéronautique mondiale.
00:45Mesdames et Messieurs, il est passé au nouveau site. Nous sommes prêts pour le take-off.
00:50N'importe quelle recherche internet vous le dira, Airbus est né le 18 décembre 1970.
00:54C'est effectivement la date officielle de la création d'Airbus Industries.
00:57Mais pour comprendre l'histoire, il faut remonter un peu avant.
01:051945, la Seconde Guerre mondiale a mis un gros coup d'accélérateur technique au secteur aéronautique.
01:11Mais ce sont surtout les Américains qui en bénéficient.
01:13L'Europe a beaucoup de mal à exister désormais face aux géants états-uniens.
01:19Jean-Marc Olivier est historien, professeur à l'Université de Toulouse.
01:22Il est l'auteur d'un livre sur l'histoire d'Airbus.
01:24Ce sera notre copilote pour cette saga.
01:26Mais il y a une volonté forte de reconstruire, développer cette aéronautique
01:31puisque la France est quand même le pays des pionniers de l'aviation en Europe.
01:36L'État donc finance cette aéronautique, organise la production sur le territoire national.
01:42La ville de Toulouse a déjà une forte histoire avec l'aéronautique
01:44depuis la construction de l'usine Latécoère de Montaudran, en périphérie de la ville.
01:48C'est ici que tout va se cristalliser.
01:51Donc Toulouse est désignée comme métropole d'équilibre spécialisée dans l'aéronautique.
01:55Et donc à partir de là, évidemment, tous les grands investissements,
01:58surtout en aviation civile, se font à Toulouse.
02:00L'État finance, mais en même temps, ça coûte tellement cher qu'on pense à des alliances.
02:06La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni se rapprochent.
02:08Mais l'OTAN presse, car le transport aérien est en train de se développer à toute vitesse,
02:13en plein boom de la société de consommation et de la mondialisation des échanges.
02:17Émerge alors le concept de bus désert,
02:20avec l'idée de développer des avions courts et moyens courriers
02:23qui multiplieraient les petits trajets entre les pays d'Europe de l'Ouest.
02:26A l'inverse des États-Unis, où les distances sont beaucoup plus grandes
02:29et où le marché est dominé par Boeing, Lockheed et Douglas.
02:33En 1967, un accord est finalement signé entre la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.
02:38Objectif, développer un gros porteur de 300 places.
02:41Vous l'avez peut-être deviné, c'est pour cette raison que les avions de ce qui va devenir Airbus
02:46s'appellent tous A-300 quelque chose.
02:48C'est à cause du nombre de places dans l'appareil.
02:50Bref, l'idée du futur A-300 est dans l'air.
02:52Mais le problème, c'est qu'il n'est pas le seul.
02:58Depuis que les Américains ont franchi le mur du son avec leur belle X-1,
03:02tout le monde veut son avion supersonique.
03:04Et c'est la course entre les pays à qui sortira le sien le premier.
03:07La France s'associe au Royaume-Uni dès 1962 pour créer le Concorde.
03:12Cette coexistence entre les deux programmes, développés en même temps,
03:16va faire énormément de mal à Airbus.
03:18Il faut faire attention un petit peu aux légendes, aux mythes qui disent que
03:22oui, mais sans Concorde, il n'y aurait pas eu Airbus.
03:24Non, les deux se sont développés parallèlement,
03:28avec un certain mépris de la part des ingénieurs Concorde d'ailleurs,
03:32vis-à-vis des ingénieurs Airbus.
03:35Airbus, c'est un avion destiné aux compagnies aériennes.
03:40Concorde, c'est un avion d'ingénieurs, avec des technologies très poussées.
03:44Airbus, c'est des technologies plus classiques, plus réacteurs, larges.
03:49Donc, on a deux mondes différents là, avec des surnoms terribles.
03:53Par exemple, Concorde, c'est le bel oiseau.
03:55L'Airbus A300B, c'est la grosse vache.
03:58À ce fameux salon du Bourget 1969,
04:01où Airbus présente sa première maquette en bois de l'A300B,
04:04le public et les journalistes n'ont Dieu que pour le Concorde,
04:08qui survole Paris en grande pompe.
04:10Les gens sont nus de toute l'Europe, voire du monde,
04:13voire le premier vol du Concorde.
04:15Donc, c'était un événement.
04:17Airbus A300B, non.
04:19Qu'est-ce qu'on pense de cette maquette ?
04:20Rien, les gens la regardent à peine,
04:23parce qu'il a une forme relativement classique pour les avions de l'époque.
04:26Et ce n'est pas le Concorde, avec son fuselage élancé,
04:30son nez qui s'abaisse, ses ailes comme un avion de chasse, en quelque sorte.
04:35C'est pourtant ce jour-là que la France et l'ex-Allemagne de l'Ouest
04:37vont signer l'accord qui donnera officiellement naissance à Airbus l'année suivante.
04:42C'est un grand événement, non seulement pour Sud Aviation,
04:45mais pour toute l'aviation française,
04:47et j'ajouterai pour l'aviation européenne.
04:49Européenne peut-être,
04:50mais sans les Anglais qui viennent de se retirer du projet.
04:52Et ça, figurez-vous, c'est encore de la faute du Concorde.
04:56Ce qui s'était prévu au départ,
04:58c'était un projet plutôt franco-britannique comme le Concorde.
05:01Le problème, c'est que les coûts de développement
05:03et les coûts d'exploitation après le premier choc pétrolier,
05:06et surtout après le deuxième, sont gigantesques.
05:07Donc finalement, à l'arrivée,
05:09que se passe-t-il pour Concorde ?
05:11Il y a très peu d'acheteurs.
05:13Parce que les compagnies,
05:15cet avion, oui, il est formidable,
05:16mais il leur fait un peu peur.
05:18Sauf que l'État britannique dit
05:19« Mais c'est une folie, déjà on n'a plus d'argent.
05:22Hors de question d'investir dans un nouveau projet,
05:24le projet Airbus.
05:25En plus, moins prestigieux, etc.
05:27Donc le Royaume-Uni ne participe pas.
05:30C'est comme ça que Airbus devient un projet franco-allemand
05:33à 50%-50%.
05:35Après, les Espagnols de Kassa vont arriver un peu plus tard,
05:37mais au départ, c'est moitié-moitié. »
05:40Dans l'ombre du Concorde,
05:41Airbus souffre d'être le vilain petit canard de l'histoire.
05:44Et ce n'est pas fini.
05:4527 septembre 1972,
05:52c'est le jour J pour la 300B.
05:54Le jour de son roll-out,
05:55sa première sortie sur le tarmac.
05:57Il va pouvoir enfin avoir son moment,
06:00rien qu'elle.
06:00« Et là, donc, ils avaient convoqué la presse,
06:02tout ça,
06:03les armusiens,
06:04on les appelait les armusiens,
06:04tous les armusiens,
06:05ils se disent « Allez, c'est le moment
06:06de faire parler de l'avion et tout ça. »
06:08Et la presse, au début,
06:09il prend des photos, un peu film,
06:11l'avion qui sort de son usine.
06:12Il manque de chance,
06:14parce que sur le site de Toulouse,
06:16il y a très souvent des Concordes,
06:18il y a un Concorde en bout de piste.
06:19Donc les journalistes restent 10-15 minutes
06:21à prendre des photos de l'Airbus A300B
06:23et après se précipitent tous vers le Concorde.
06:25Il n'y a plus qu'une seule chose à faire,
06:27décoller.
06:28Un mois plus tard,
06:29l'A300B s'envole enfin.
06:33Les journalistes et les caméras sont là
06:34pour immortaliser l'instant.
06:38Malgré un puissant vent de travers,
06:40l'avion atterrit
06:41et les nouvelles sont plutôt bonnes.
06:43Le premier Airbus a donc volé aujourd'hui
06:46et a bien volé.
06:47Trois ans et cinq mois, c'est ça ?
06:51Après la date de lancement,
06:53ce qui est, je crois, un gros succès.
06:54Nous avons constaté que les pré-réglages
06:57que nous avions prévus avant le décollage
06:59s'adaptaient parfaitement au vol.
07:01Quand même, la puissance prévue
07:03était peut-être un petit peu forte,
07:04c'est-à-dire que les performances
07:05de l'avion sont peut-être meilleures.
07:06Je m'avance peut-être un petit peu.
07:08Mais enfin, nous montions très vite.
07:09Nous avons fait le programme absolument au complet.
07:13Mais la partie n'est pas gagnée pour autant.
07:15Car en 1972, les constructeurs européens
07:18détiennent moins de 10% du marché mondial
07:20d'avions civils.
07:21Ce sont les Américains qui dominent
07:23avec McDonnell Douglas, Lockheed et Boeing.
07:26Et les Américains, ils n'en veulent pas
07:28de l'Airbus.
07:29Une période de quatre années difficile s'ouvre,
07:31d'autant plus difficile que les effets
07:33du krach pétrolier de 1973
07:35se font sentir.
07:36La 300B se montre partout
07:38et entame un tour du monde,
07:40espérant séduire au passage
07:41les Etats et les pilotes.
07:43Il était un petit Airbus,
07:47il était un petit Airbus
07:51qui avait déjà beaucoup voyagé,
07:54qui avait déjà beaucoup voyagé.
07:58Ohé, ohé !
08:001976, une lueur d'espoir.
08:03Les commerciaux d'Airbus sont en contact
08:05avec Western Airlines.
08:06On s'attend à l'achat de 6 à 8 appareils.
08:09Mais la compagnie choisit finalement
08:11des Boeing B727
08:13et des McDonnell Douglas DC-10.
08:15Début 1977,
08:17le moral d'Airbus est à peu près
08:19au niveau des trains d'atterrissage.
08:21Quand une idée de génie
08:22va tout faire basculer.
08:27La compagnie américaine
08:29Eastern Airlines cherche alors
08:30à acquérir un nouvel avion.
08:32Un gros porteur,
08:33adapté à ses besoins
08:33et si possible économe en kérosène,
08:35ce qui est une des qualités
08:37de l'A300B.
08:38Rappelez-vous,
08:38on est en plein choc pétrolier.
08:40Les négociations s'engagent
08:41avec Airbus.
08:42Elles sont compliquées,
08:43mais début mai,
08:44Airbus fait une proposition
08:45totalement inattendue.
08:47On tente tout pour le tout,
08:49on n'a plus rien à perdre.
08:49On prête pratiquement gratuitement
08:514 Airbus A300B.
08:54Pourtant, le patron de cette compagnie
08:55qui est un astronaute
08:56connu aux Etats-Unis
08:57parce qu'il a fait un vol
08:58autour de la Lune,
09:00avant même Armstrong,
09:01Aldrin et Collins.
09:02Il s'appelle Frank Borman.
09:04Aux Etats-Unis,
09:04c'est une star en quelque sorte.
09:06Lui, il n'était pas trop d'accord.
09:08Il disait Airbus,
09:09ça fait vraiment le bus bondé,
09:12etc.
09:13Donc, il n'était pas trop
09:14impressionné par le nom,
09:17c'est le moins qu'on puisse dire,
09:18mais il accepte ce prêt d'avion.
09:20Et en fait,
09:21il enquête après
09:21auprès des pilotes,
09:22auprès des passagers,
09:23auprès de ses ingénieurs,
09:24ses techniciens.
09:25Et il dit,
09:25bah non,
09:27c'est un excellent avion.
09:28C'est ce qu'il nous faut
09:29en termes de maintenance,
09:30de confort,
09:31de facilité de pilotage,
09:33etc.
09:33Louer gratuitement
09:35un avion de ligne,
09:36c'est du jamais vu
09:37dans le domaine
09:37du transport aérien.
09:39Le pari est risqué,
09:41mais il est payant.
09:42Le test est si éloquent
09:43que l'A300B
09:44y gagne un surnom,
09:45le Whisperliner,
09:47l'avion qui chuchote.
09:48Tant il fait moins de bruit
09:49que ses concurrents,
09:50Boeing,
09:51en première ligne.
09:52Séduit,
09:53Frank Borman commande
09:5423 A300B
09:55et met une option
09:56pour 25 exemplaires
09:57des futurs A310.
09:58Cette commande
10:00change tout.
10:02En aéronautique,
10:04on utilise une barre
10:05un peu simpliste peut-être
10:07et un peu facile,
10:08mais pratique.
10:08On estime qu'un avion
10:10civil classique
10:11est rentable
10:12à partir du moment
10:13où on a réussi
10:13à en vendre
10:14au moins 500 exemplaires.
10:15Il y aura au total
10:16561 Airbus A300B
10:19vendus.
10:20Donc on n'a pas
10:20sa barre des 500.
10:21C'est le premier avion
10:22civil rentable
10:24pour les Français,
10:25les Allemands aussi,
10:27depuis 1945.
10:29La grosse vache
10:29est devenue
10:30la vache à lait
10:31de l'industrie
10:32aéronautique française.
10:32Ce qui sauve
10:33l'industrie aéronautique
10:34française,
10:35c'est cet Airbus A300B.
10:37Le succès est en marche.
10:38D'autres commandes
10:39vont suivre
10:39et 10 ans plus tard,
10:41en 1987,
10:42Airbus lancera
10:43l'A320.
10:45C'est lui
10:45qui permettra réellement
10:46de faire la différence
10:47face à Boeing
10:48avec ses commandes
10:49de bord électriques.
10:50Mais ça,
10:51c'est une autre histoire
10:52qu'on vous racontera
10:53une prochaine fois.
10:54Merci d'avoir volé
10:57sur les Eco Airlines.
10:59Si cette saga
10:59vous a plu,
11:00surtout,
11:00dites-le nous.
11:01Et si vous voulez
11:02un épisode 2,
11:03écrivez la suite
11:04dans les commentaires.
11:05On se retrouve
11:06très vite.
11:07Sous-titrage Société Radio-Canada

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