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  • 30/07/2025
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Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Corentin Bailleul, responsable du pôle plaidoyer UNICEF-France.

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Transcription
00:00Alors on va maintenant vous parler d'un sujet qui n'est pas facile, mais ça nous semblait important de le faire aujourd'hui.
00:05Nous sommes le 30 juillet et c'est la journée mondiale de lutte contre la traite des êtres humains.
00:11Et à cette occasion, l'UNICEF France publie ce matin un nouveau rapport.
00:15Son titre est particulièrement équivoque, « Victime avant tout ».
00:19Et ce rapport, il révèle l'ampleur d'un phénomène largement et trop sous-estimé, celui de l'exploitation criminelle des mineurs.
00:26Bonjour Corentin Bayeul, vous êtes donc responsable du pôle plaidoyer à l'UNICEF.
00:30Et aujourd'hui, c'est pour les enfants que vous plaidez.
00:33Ça veut dire quoi d'abord l'exploitation criminelle des mineurs ?
00:37Oui, alors merci pour votre invitation.
00:39En effet, on est en ce moment, ces derniers mois, dans un contexte de crispation du débat public autour des mineurs délinquants,
00:44avec des politiques publiques qui se durcissent, des lois de plus en plus répressives.
00:48Et donc on a voulu mettre en lumière ce phénomène qui est largement ignoré, l'exploitation criminelle.
00:52Alors qu'est-ce que c'est ?
00:53C'est le fait d'héberger, de transporter, de recruter un mineur pour commettre des actes illégaux
00:59qui peuvent être du trafic de stupéfiants, des vols, des cambriolages, des violences
01:06ou encore l'aide au passage de frontières irréguliers.
01:09Et en fait, ce qui permet de qualifier l'exploitation, l'emprise, c'est un certain nombre d'indicateurs,
01:15notamment le fait que le jeune, le mineur, ne conserve pas les bénéfices de l'activité
01:20ou alors une part vraiment dérisoire qui est utilisée pour le maintenir sous emprise.
01:26Il supporte seuls les risques de l'activité et puis il subit des pressions, des manipulations, du chantage,
01:32des fausses promesses de la part des exploiteurs qui le manipulent.
01:35Alors pour qu'on comprenne bien en quoi et de quoi les enfants, les mineurs, sont victimes,
01:40est-ce que vous pouvez nous donner un ou deux exemples précis, concrets,
01:45du type d'exploitation auquel vous avez pu faire face ?
01:49Oui, on a quelques exemples.
01:50Bon, aujourd'hui, c'est très peu reconnu, très peu qualifié dans les procédures judiciaires.
01:54Donc les exemples ne sont pas très nombreux, c'est justement tout l'objet de ce rapport.
01:57On a eu quand même quelques exemples ces dernières années dans le narcotrafic
02:00et aussi dans une affaire qui est une affaire assez inédite qui était le procès du Trocadéro
02:05où on avait en 2021 plusieurs dizaines de jeunes,
02:10principalement des mineurs étrangers marocains algériens
02:12qui volaient des touristes et des passants au Trocadéro,
02:15le plus souvent avec violence et qui étaient polydépendants et multicondamnés.
02:21C'est-à-dire qu'ils étaient interpellés à plusieurs reprises et puis condamnés plusieurs fois.
02:24Mais comment ça se passe ? Qui leur fait faire ça ?
02:26C'est quelqu'un qui les recrute sur les réseaux sociaux ?
02:28Justement, en départ, dans le traitement des politiques, des médias,
02:32on traitait la question comme un problème de délinquance des mineurs
02:35avec des jeunes ultra-violents qui venaient commettre des vols au Trocadéro.
02:39Et en fait, il y a eu une attention des pouvoirs publics,
02:42des enquêtes de police, les associations, les magistrats qui ont travaillé ensemble
02:45et qui ont permis d'identifier un réseau d'exploitation.
02:49Et le procès s'est tenu l'année dernière.
02:52Et ces six jeunes adultes qui ont été condamnés pour des faits de traite des êtres humains,
02:56qui hébergeaient ces jeunes-là sous emprise,
03:00qui les forçaient à...
03:01C'était une emprise chimique, donc ils les forçaient à consommer du Lyrica
03:04et du...
03:06Pardon.
03:10Les surtos ?
03:10Oui, anxiolytiques, du Rivotril, pardon,
03:12pour les maintenir sous emprise,
03:13pour les forcer, les désinhiber lors du passage à l'acte,
03:17et en fait, qu'ils commettaient des violences sur ces jeunes.
03:19Donc là, on a eu une condamnation.
03:21Ce qui était inédit, c'est que les jeunes sont eux-mêmes constitués en partie civile,
03:25et c'est là qu'on a obtenu vraiment une condamnation.
03:27Donc quel âge de ces jeunes, à peu près ?
03:29Les plus jeunes ?
03:30Dans ce cas-là, ils avaient...
03:31Donc il n'y en a aucun qui avait plus de 17 ans,
03:33et le plus jeune avait 8 ans.
03:34Ah oui ?
03:35D'accord.
03:35Donc c'est des jeunes qui sont extrêmement vulnérables.
03:37On peut citer une autre affaire,
03:38qui est plutôt une affaire liée au narcotrafic,
03:40parce qu'on parle beaucoup du narcotrafic,
03:42l'année dernière à Marseille.
03:43On avait deux jeunes de 15 ans qui ont été recrutés en région parisienne
03:46sur les réseaux sociaux, sur Snapchat,
03:48qui ont été conduits sur des lieux de trafic de stupéfiants à Marseille,
03:52et en fait, qui plaçaient dans les pochons de drogue
03:55des messages en disant « on est séquestrés,
03:58on nous frappe avec des bars,
03:59on a 15 ans, s'il vous plaît, appelez la police ».
04:01Je ne sais pas si vous vous rappelez de cette affaire.
04:03Ces deux jeunes qui ont été séquestrés, violentés,
04:06l'un d'entre eux a été violé par son exploiteur,
04:08et qui se sont défenestrés,
04:10qui ont été récupérés par les marins-pompiers de Marseille,
04:12et qui finalement, là, il y a eu une attention publique
04:16parce que les jeunes se sont défenestrés,
04:17et donc on a eu une enquête de police,
04:19et finalement, les véritables auteurs qui sont les exploiteurs
04:22ont été condamnés pour traître des êtres humains.
04:23Alors qu'est-ce qu'il faut attraindre finalement
04:25des pouvoirs publics, de la justice ?
04:27Parce que beaucoup parlent d'ensauvagement de la jeunesse,
04:30avec les nombreux cas de délinquance,
04:32qu'est-ce qu'il faudrait faire finalement ?
04:34Alors on ne dit pas que l'ensemble des mineurs en conflit avec la loi,
04:36l'ensemble des mineurs délinquants sont exploités.
04:38En revanche, nous, on demande à ce qu'il y ait une méthode,
04:40une méthodologie, une vraie stratégie, une attention des pouvoirs publics
04:43pour identifier, évaluer les facteurs de traite.
04:46Aujourd'hui, c'est très peu le cas.
04:47On a regardé ce qui se passait dans les pays voisins,
04:49au Royaume-Uni notamment,
04:50et on se rend compte que les chiffres sont bien plus élevés.
04:53En 2023, en France, on n'avait que 352 mineurs présumés,
04:58mineurs et majeurs présumés victimes d'exploitations criminelles,
05:01accompagnées par les associations.
05:03Il n'y a pas de chiffres du ministère de l'Intérieur,
05:04il n'y a aucune statistique.
05:06Au Royaume-Uni, dans le même temps,
05:07on avait 3000 situations reconnues,
05:11identifiées de mineurs victimes d'exploitations criminelles.
05:14C'est la forme d'exploitation la plus signalée au Royaume-Uni.
05:18En France, on a eu une attention importante sur l'exploitation sexuelle,
05:21sur la lutte contre la prostitution des mineurs.
05:22C'est une très bonne chose.
05:24On demande à ce qu'il y ait la même chose
05:25qui soit faite sur l'exploitation criminelle
05:27pour qu'on puisse mieux identifier et mieux protéger ces jeunes.
05:30Vous pensez quoi de certains politiques
05:30qui veulent abaisser l'âge de l'égalité criminelle ?
05:35Vous trouvez que c'est une bonne chose ?
05:36De la responsabilité pénale.
05:37De la responsabilité pénale, oui.
05:39En fait, on s'est beaucoup mobilisés dernièrement.
05:41Vous savez qu'il y a eu des textes qui ont été examinés
05:43à l'Assemblée nationale.
05:44La proposition de loi de Gabriel Attal
05:46pour la question de la réforme de la justice pénale des mineurs
05:49qui visait justement à revenir sur l'atténuation de la peine
05:53pour les mineurs,
05:54le principe d'excuse de minorité qui est assez mal qualifié.
05:57Eh bien, cette loi, on s'est opposés
06:00puisqu'elle était contraire aux principes
06:02de la justice adaptée pour les enfants
06:04qui sont inclus dans la Convention des droits de l'enfant.
06:06Et il se trouve qu'on a été entendus
06:08puisque le Conseil constitutionnel, vous savez,
06:10a censuré une bonne partie de cette loi,
06:12notamment ces mesures qui visaient à baisser
06:13l'âge de responsabilité pénale
06:15ou l'atténuation de la peine.
06:18Merci beaucoup.
06:18Merci beaucoup Corentin Bayeul,
06:20responsable du pôle plaidoyer à l'UNICEF,
06:22d'avoir été avec nous.
06:23Et on rappelle que ce rapport,
06:24il est disponible évidemment sur le site de l'UNICEF.
06:26Si vous voulez le consulter
06:27et aller plus loin sur le sujet
06:29qu'on a décidé d'aborder ce matin,
06:30n'hésitez pas à vous rendre sur le site de l'UNICEF.
06:32Merci à vous.

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