- il y a 6 jours
Alors qu'Emmanuel Macron promet à nouveau une reconnaissance officielle de l'État de Palestine par la France, en septembre prochaine, nos invités sont Vincent Lemire, historien français, spécialiste de l'histoire du conflit israélo-palestinien, Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël et Emmanuel Duparcq, journaliste et président de la Société Des Journalistes de l’AFP. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-vendredi-25-juillet-2025-4970120
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00C'est donc l'annonce qui bruissait depuis des mois.
00:09Le président Emmanuel Macron l'avait amorcé en avril et l'a officialisé hier soir.
00:14La France va reconnaître l'état de Palestine.
00:16Alors est-ce un coup de tonnerre diplomatique ?
00:18On va tenter de comprendre le sens et la portée de l'initiative française ce matin avec nos invités.
00:23Posez vos questions, intervenez au 01 45 24 7000 et sur l'appli Radio France.
00:28Et je salue d'abord l'historien Vincent Lemire. Bonjour.
00:32Bonjour.
00:33L'ancien ambassadeur de France, Gérard Arrault. Bonjour à vous aussi.
00:37Bonjour.
00:38Et avec nous également Emmanuel Duparc. Bonjour.
00:41Bonjour.
00:41Vous êtes journaliste à l'AFP, président de la Société des journalistes de l'agence France Presse
00:45qui a alerté à plusieurs reprises cette semaine sur la situation dramatique des Gazaouis et des journalistes palestiniens encore dans le territoire.
00:52On va y revenir. Mais d'abord, Gérard Arrault, en quoi est-ce une annonce d'ampleur ?
00:57Cette décision de l'Elysée de reconnaître un État de Palestine.
01:01Alors, comme vous le savez et comme vous l'avez dit, jusque-là, la France a toujours dit qu'elle ne reconnaîtrait l'État palestinien que dans le cadre d'un processus de paix.
01:09Mais processus de paix, il n'y a pas.
01:11Et d'ailleurs, si vous écoutez la réaction de Benjamin Netanyahou à l'annonce de l'Élysée,
01:17il dit bien qu'il ne veut pas d'État palestinien.
01:20Donc, on est dans une situation où, vous savez, il n'y a pas beaucoup de solutions au conflit.
01:25Il y a deux États.
01:26Il y a l'annexion des territoires palestiniens par Israël sans droit politique aux Palestiniens, ce qui serait l'apartheid.
01:32Et troisièmement, l'expulsion des Palestiniens.
01:35Et Israël n'a jamais précisé sa vision.
01:37Et donc, la France, dans la tragédie que vivent les Palestiniens aujourd'hui, aussi bien Gaza, vous l'avez dit,
01:43la famine qu'en Cisjordanie, où ils sont soumis à la violence des colons israéliens,
01:50eh bien, la France dit non, non, c'est la solution des deux États.
01:53C'est donc, je dirais, avant tout, un geste politique.
01:57Et Gérard Arrault, il y a aujourd'hui près de 150 pays qui reconnaissent déjà l'État palestinien,
02:01mais pas les puissances occidentales.
02:03Ce geste de la France, il est particulièrement important ?
02:07– Vous savez, tous les jours, lorsqu'un missile tombe sur Kharkiv ou sur Kiev en Ukraine,
02:14nous poussons des hauts cris et nous avons raison.
02:17Mais par ailleurs, de l'autre côté, vous avez la bande de Gaza qui a été quasiment rasée,
02:22et il faut bien le dire, dans un silence assourdissant des puissances occidentales.
02:26Il y a aussi une question de notre crédibilité.
02:29Comment nous pouvons parler de droit de l'homme ?
02:31Comment nous pouvons parler de droit international,
02:34alors qu'à l'évidence, nous pratiquons le deux poids, deux mesures au profit d'Israël ?
02:40Et donc, ce geste de la France, c'est le premier pays du G7, vous l'avez dit,
02:45à reconnaître l'État palestinien, c'est peut-être une manière de sortir
02:49de ce que beaucoup voient comme une hypocrisie.
02:52– Vincent Lemire, pourquoi maintenant ?
02:54Pourquoi se communiquer hier soir de l'Elysée, d'Emmanuel Macron ?
02:58– Écoutez, vous le savez, cette reconnaissance, elle aurait dû intervenir à la mi-juin,
03:05lors de la conférence coprésidée par la France et l'Arabie Saoudite,
03:08qui a été annulée in extremis suite aux frappes israéliennes sur l'Iran.
03:13Ensuite, elle a été reprogrammée à un niveau inférieur, un niveau ministériel.
03:18Il y a une conférence qui sera coprésidée par le ministre des Affaires étrangères français et le saoudien,
03:24lundi et mardi prochain à l'ONU.
03:26Donc, voilà, on attendait quelque chose.
03:29Ce qui est peut-être plus inattendu, c'est la forme, c'est cette lettre, ce courrier,
03:34du président Emmanuel Macron au président Abbas.
03:38Alors, moi, je suis historien, donc je me suis penché un petit peu dans les archives.
03:42La reconnaissance de l'État d'Israël par la France,
03:45elle est intervenue aussi par une très brève lettre, le 24 janvier 1949.
03:49Vous voyez la lettre de Macron à Abbas, c'était le 24 juillet 2025.
03:54Et le 24 janvier 1949, Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, a écrit
03:59« J'ai l'honneur de vous faire connaître que la République française a décidé de reconnaître
04:03le gouvernement provisoire d'Israël comme gouvernement de fait.
04:06Cette décision ne préjuge pas de la délimitation définitive par les Nations Unies
04:10du territoire sur lequel l'État d'Israël exercera son autorité.
04:15Fin de citation.
04:17Donc, vous voyez, la France, elle tient en fait sa ligne historique.
04:22Aujourd'hui, entre la mer Méditerranée et le Jourdain,
04:24il y a 7 millions de Palestiniens et 7 millions de Juifs israéliens.
04:29Ils ont tous droit, ils ont tous besoin d'un État.
04:32Dans le monde actuel, tout le monde a besoin d'un État.
04:34On a besoin d'un passeport, on a besoin d'être défendu et protégé quand on est à l'étranger.
04:38On a besoin d'être représenté, on a besoin d'être contrôlé aussi.
04:41Donc, la solution, c'est la seule viable.
04:44Et effectivement, Emmanuel Macron, pourquoi maintenant ?
04:47Je crois qu'il a compris que cette reconnaissance, elle ne pourrait pas se faire à titre posthume
04:51et qu'il s'il attendait encore, il finirait par reconnaître un cimetière,
04:55comme l'a dit Gérard Harrault.
04:57D'autant plus qu'il y a les plans de nettoyage ethnique qui, quand même, se précisent de plus en plus.
05:03Pas seulement dans les mots, mais maintenant dans les actes.
05:06Donc, il y avait une urgence absolue.
05:09Emmanuel Macron a pris une décision, de mon point de vue, qui est historique,
05:12qui est courageuse et qui est aussi utile, parce que ce n'est pas seulement symbolique.
05:16Cette reconnaissance, elle va donner aux futurs États palestiniens
05:19et aux citoyens palestiniens des capacités juridiques renforcées.
05:23Et aujourd'hui, les Palestiniens ont plus que tout besoin d'être protégés.
05:27On va revenir sur ce que ça va changer, mais Emmanuel Duparc,
05:30pourquoi maintenant, cette dernière semaine a été marquée par des images extrêmement fortes
05:36et par votre tribune, vous, à la SDG, la Société des journalistes, de l'AFP,
05:40ce que vous rapportez des témoignages de ce qui se passe sur place, en fait ?
05:44Oui, sur le contexte...
05:45Dans la bande de Gaza.
05:46Sur le contexte, il semblait y avoir un moment politique et médiatique.
05:50Cette semaine, alors il se dit aussi que le président Macron a été assez ému
05:56lors d'une récente visite en Égypte, après avoir rencontré des blessés qui venaient de Gaza.
06:04Il y a aussi un certain nombre d'appels qui ont été lancés,
06:06un appel des ONG, un appel de l'ONU, alerté sur la situation immunitaire.
06:11Peut-être qu'on en parlait un petit peu moins ces dernières semaines.
06:14Du coup, c'est revenu et c'est revenu à toute force.
06:16Et votre appel, vous, votre communiqué a été assez inédit aussi.
06:21Il a beaucoup marqué en début de semaine.
06:24Parce que vous, l'AFP, normalement, vous ne sortez pas d'une certaine réserve.
06:28Là, vous avez alerté sur le sort de vos journalistes.
06:30Il y a la population et dans la population, il y a vos journalistes qui sont encore à Gaza.
06:34Oui, tout à fait.
06:35Parce que ces derniers jours, cette dernière semaine,
06:37on a eu des témoignages bouleversants de la part de nos collègues
06:40qu'on n'avait pas l'habitude d'avoir de la part d'une dizaine de journalistes,
06:44puis juste locaux, qui envoient des photos, des vidéos, des témoignages chaque jour,
06:47qui font vivre la couverture depuis plus de deux ans.
06:51En fait, comme dans tous les pays dans le monde, l'AFP est là et couvre tous les conflits tout le temps.
06:55On a l'habitude, on sait, nous, ou nos journalistes locaux,
06:59on sait qu'on prend des risques, qu'on peut être tué par des bombes,
07:02qu'on peut être enlevé, qu'on peut être victime de tirs, d'attentats.
07:06Mais là, pour la première fois, de façon assez inédite pour nous,
07:10des journalistes disent non, on risque là de mourir de faim.
07:15C'est la faim qui menace, c'est ça.
07:16Oui, on a eu des témoignages de nos photographes, de nos journalistes vidéo,
07:20de nos journalistes textes, sur des gens qui étaient toujours prêts à se lever le matin
07:25pour aller témoigner, pour aller chercher des images, des témoignages,
07:29en disant de toute façon, il n'y a rien d'autre à faire, je ne peux pas rester chez moi,
07:32je ne peux pas remuer tous les traumas qu'on a d'avoir vu nos proches se faire tuer,
07:37les maisons détruites, d'être baladé de camp de réfugiés en camp de réfugiés
07:41dans des situations apocalyptiques.
07:47Et ils nous ont dit, donc ils étaient toujours motivés.
07:49Et là, pour la première fois, ces derniers jours, ils nous ont dit,
07:52mais je suis désolé, je n'ai pas la force.
07:54Là, il n'y a plus de nourriture, on n'a rien eu cette semaine,
07:58il n'y a plus d'eau potable, on est tous malades, on aimerait bien se lever,
08:01mais là, on ne peut plus, on est coincé et on n'a plus d'espoir.
08:05Et pour nous, là, ça a été un signal d'alarme incroyable.
08:08On a fait cet appel, on a été, mais également, mais...
08:11Vous avez été surpris de l'écho mondial.
08:13Vous avez été bouleversé, ça a été relayé des millions de fois à travers le monde.
08:19Notre appel a été relayé aussi, on l'a remercié pour ça,
08:21par la direction de l'AFP qui est sur la même ligne.
08:24Elle a signé une autre lettre hier avec AP, Reuters, BBC News.
08:27Les autres agences, on a été interrogés, sollicités par des médias du monde entier.
08:33L'AFP a fait la une comme jamais, alors que moi, on est presque un petit peu désolé de ça,
08:40parce que nous, on n'est pas là pour apparaître, on est là pour rester en arrière-plan.
08:44Les journalistes, généralement, font leur travail.
08:47La différence, d'habitude, c'est que les journalistes, ils peuvent faire leur travail,
08:52mais ils peuvent sortir de là.
08:54Ils peuvent aller se reposer, ils peuvent reprendre des forces et revenir après,
09:01mais là, ils sont prisonniers, ils ne peuvent pas sortir, ils sont comme les autres.
09:04C'est ce que vous demandez, sortir vos collaborateurs, vos pigistes du territoire.
09:08Et au-delà, évidemment, la cessation des combats et le fait de pouvoir circuler.
09:16C'est la première fois qu'on observe impuissants nos collègues
09:20et au milieu d'une autre population qui est complètement enfermée
09:24et qui risque de mourir de faim.
09:25Gérard, on a vu ces images d'enfants morts de faim, quasi décharnés, dénutris à la une des journaux.
09:34Ça a pu provoquer une réaction à l'Elysée chez Emmanuel Macron ?
09:40Je ne peux pas parler au nom du président, mais je pense que oui.
09:44Je pense que cette décision du président de la République,
09:48ce n'est pas une décision, je dirais, intellectuelle, conceptuelle, une sorte de démarche diplomatique.
09:54Il y a aussi le sentiment de l'urgence.
09:57D'un côté, vous avez cette urgence, cette famine à Gaza,
10:01qui est reconnue maintenant, aujourd'hui, même par la presse israélienne.
10:05Vous avez également, et j'insiste beaucoup parce que c'est moins tragique,
10:09mais c'est vraiment ce qui arrive en Cisjordanie,
10:12c'est-à-dire cette violence quotidienne,
10:14sans contrôle des colons contre la population palestinienne,
10:18et cette absence totale de perspective politique.
10:21Et ce gouvernement israélien qui refuse même de reconnaître qu'il y ait un problème.
10:28Donc il y a une tragédie, et l'Occident, comme je l'ai expliqué jusqu'ici,
10:36ne fait pas grand-chose pour y mettre un terme.
10:39Et donc je comprends que ce sentiment d'urgence
10:42ait pu pousser le président de la République à aller de l'avant seul.
10:46Parce que l'idée initiale, l'idée de cette conférence qui a été annulée,
10:51comme M. Lemire le rapportait, c'était quand même essayer...
10:54À la mi-juin, oui. Pour la solution à deux États, c'est ça.
10:57Pour la solution à deux États, avec reconnaissance de l'État palestinien,
11:00la France déjà l'annonçait, c'était d'entraîner un certain nombre de pays avec nous.
11:05Eh bien là, on avance tout seul.
11:09Alors on espère, à l'évidence, comme vous l'avez dit,
11:11que le Royaume-Uni, par exemple, nous imitera.
11:15Mais là, la France a décidé qu'elle ne pouvait plus attendre.
11:20Il fallait y aller.
11:21Alors elle le fait à l'Assemblée générale des Nations Unies.
11:24C'est intéressant.
11:25C'est aussi parce qu'elle ne perd pas l'espoir, justement,
11:28d'inscrire son geste dans un contexte plus large,
11:31d'avoir un écho plus fort,
11:34parce que le président, donc, l'annoncera à la tribune
11:37de l'Assemblée générale des Nations Unies,
11:39où il y a là plus d'une centaine de chefs d'État et de gouvernement.
11:43Donc, il y a là une manière également d'espérer
11:45de créer un mouvement,
11:47que ça ne reste pas simplement un geste français.
11:50Et Vincent Lemire, il n'est plus question, en fait, d'attendre la paix.
11:53Parce que c'était ça, au départ.
11:54On devait attendre la paix.
11:55Une fois qu'il y avait la paix, on reconnaissait l'État de Palestine.
11:58Là, il n'est plus question d'attendre la paix.
12:00On a vu hier les pourparlers menés à Doha,
12:03qui sont traduits par un échec.
12:05L'émissaire américain Steve Witkoff a acté cet échec.
12:09Donc, on ne croit plus à la paix.
12:11Et la France dit, on n'attend pas la paix,
12:15on reconnaît l'État de Palestine.
12:18En fait, on acte l'échec du processus d'Oslo.
12:23Et on acte le fait qu'on a créé aussi les conditions de cet échec.
12:29Qu'est-ce qu'on a fait avec Oslo ?
12:30On a conditionnalisé la future reconnaissance d'un État de Palestine
12:35à des critères 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, zone A, B, C, etc.,
12:39à des phases transitoires, etc.
12:42Gérard Harraud connaît ça beaucoup mieux que tout le monde.
12:46Et finalement, on a donné aux adversaires de la paix,
12:49des deux côtés, extrême droite israélienne et Hamas,
12:52pour les nommer, les moyens de s'opposer à cette reconnaissance mutuelle.
13:01Là, on dit le contraire.
13:03On dit que tous les habitants qui habitent entre la mer Méditerranée et le Jourdain
13:08ont besoin d'un État, ont le droit à un État.
13:12La France a reconnu de facto Israël en janvier 1949, il y a 76 ans.
13:17L'autorité palestinienne a reconnu Israël en 1988, il y a 37 ans.
13:24Et aujourd'hui, Israël ne reconnaît toujours pas le droit à l'autodétermination des Palestiniens.
13:30Donc, on pose ça comme un préalable, comme l'a dit Ingrid Terwan tout à l'heure dans sa chronique.
13:35J'ai trouvé ça très très juste.
13:37La reconnaissance, ce n'est pas une fin en soi, c'est un commencement.
13:40D'ailleurs, il faut bien souligner le fait que ça permet de rouvrir une perspective politique,
13:44mais ça ne dit rien de ce qui se passera à terme.
13:50Cet État palestinien, dans quelques années, pourra décider de négocier avec un État d'Israël
13:55qui serait débarrassé de Netanyahou et de l'extrême droite,
13:58par exemple une fédération ou une confédération territoriale.
14:02Donc, quand on parle de la solution à deux États,
14:04on dit que tout le monde a droit à un État sur cet espace-là, dans cette région-là,
14:09mais ensuite, on essaie de recréer une symétrie, on essaie de recréer un équilibre entre ces deux entités,
14:15mais ensuite, ces deux États pourront négocier les conditions de leur relation future.
14:24Donc, la colonisation, de ce point de vue-là, les 750 000 colons qui sont en Cisjordanie,
14:29ne sont pas un obstacle suffisant pour dire, on ne peut pas reconnaître cet État
14:36tant que le dernier colon aura quitté la Cisjordanie.
14:39Sinon, on est trop ça encore au calendre grec, évidemment.
14:42Vincent Lemire, vous y faisiez référence.
14:45Dans Géopéditique, Ingrid Terwatt, elle disait,
14:47cette reconnaissance, c'est faire une promesse, ça oblige, ça engage.
14:52Ça engage à quoi, en fait, de reconnaître un État, de reconnaître l'État de Palestine ?
14:58Mais ça engage, par exemple, aussi, de reconnaître les capacités juridiques de cet État.
15:03Ça veut dire que si cet État se présente devant la Cour de pénale internationale,
15:06si cet État se présente devant la Cour internationale de justice,
15:10il n'aura pas besoin d'être représenté, par exemple, par l'Afrique du Sud,
15:13rejoint par le Brésil, dernièrement, vous voyez.
15:15Une reconnaissance internationale, ça va aussi avec des capacités juridiques.
15:19Et aujourd'hui, de quoi ont besoin les Palestiniens,
15:22plus que tout et plus que jamais ?
15:23D'une protection juridique.
15:25Donc, moi, j'insiste sur un point, ça n'est pas seulement un acte symbolique.
15:30Bien sûr, c'est un acte qui ouvre une perspective politique,
15:32mais c'est aussi un acte qui doit redonner des capacités juridiques
15:37à l'État de Palestine et à ses citoyens.
15:41J'ai encore un parallèle historique qui me vient.
15:43Vous savez, quand Charles de Gaulle, à Londres, pendant la Deuxième Guerre mondiale,
15:46est reconnu par toutes les puissances internationales
15:48comme le représentant légitime de la République française en exil,
15:52il n'est même pas sur son territoire.
15:54Et pourtant, évidemment que cette reconnaissance internationale lui donne de la légitimité,
15:58lui donne du poids pour pouvoir plus reprendre le contrôle de ce territoire.
16:03Donc, effectivement, c'est une promesse.
16:05Et puis, il y en a une autre.
16:06Je pense à une dernière, la déclaration Balfour,
16:08la fameuse déclaration Balfour de novembre 1917.
16:11Là aussi, c'est une lettre très courte
16:14du ministre des Affaires étrangères britannique
16:16aux dirigeants du projet sioniste
16:19et qui font une promesse en disant
16:21« Le gouvernement britannique s'engage à favoriser l'établissement
16:24d'un foyer national juif en Palestine. »
16:26Donc, vous voyez, la diplomatie, la géopolitique,
16:29ça se fabrique aussi avec des engagements écrits,
16:32avec des promesses, comme vous l'avez dit,
16:34au sens où on ouvre une perspective politique
16:37et ensuite, ce sera à ces États, à ces citoyens
16:41de négocier les conditions de leur cohabitation,
16:44de leur coexistence, évidemment.
16:45Oui, on va aller au standard tout de suite pour prendre Guillaume.
16:48Bonjour, Guillaume.
16:49Oui, bonjour.
16:50Parce que je crois que votre question prolonge cette discussion, effectivement.
16:53Tout à fait, en effet.
16:56Moi, ma question, c'est de savoir
16:57quelle est la portée effective de cette déclaration d'Emmanuel Macron
17:01sur la situation actuelle à Gaza.
17:05Et finalement, est-ce qu'elle ne va pas exprimer,
17:07par son manque d'efficacité,
17:09le manque aussi d'application et d'efficacité du droit international,
17:13de manière générale, sur la situation à Gaza actuelle ?
17:16Puisqu'on sait que les violations sont tout de même assez légion en ce moment
17:20et que personne ne s'en émeut,
17:24et notamment les pays occidentaux, les grandes puissances occidentales.
17:28Gérard Arrault, effectivement,
17:30est-ce que ce n'est pas juste un coup d'éclat diplomatique,
17:32alors qu'aujourd'hui, on a besoin d'un peu plus
17:34pour sauver la population de Gaza ?
17:37M. Lemire a essayé justement d'expliquer
17:40que ça avait des conséquences juridiques,
17:45mais néanmoins, je rejoindrai en partie
17:48vraiment l'auditeur qui vient de poser cette question.
17:54Il y a aussi, dans cette reconnaissance,
17:57je dirais aussi presque, j'exagère,
18:00mais un peu un acte de désespoir.
18:03C'est-à-dire que la situation devient une telle tragédie,
18:08comme je l'ai dit,
18:09tragédie à Gaza, tragédie en Cisjordanie,
18:12avec un gouvernement israélien qui n'écoute personne,
18:16avec des États-Unis qui, dans les faits,
18:18soutiennent totalement Israël,
18:20avec, on oublie aussi,
18:21on demande à la France d'être plus pro-palestinienne que les Arabes.
18:24La plupart des pays arabes,
18:26notamment toutes les monarchies du Golfe,
18:28en réalité, se contentent de déclarations.
18:30Elles ne font rien.
18:31Les ambassades des Émirats arabes unis
18:33restaient ouvertes.
18:35Les ambassades des Émirats arabes unis à Tel Aviv
18:37restaient ouvertes pendant le conflit.
18:40On voit bien que les Palestiniens, aujourd'hui,
18:43sont désespérément seuls face à la tragédie.
18:47Et eux-mêmes, soyons, ajoutons,
18:49eux-mêmes sont divisés entre une autorité palestinienne
18:52inefficace et corrompue
18:53et un groupe terroriste.
18:56Donc nous sommes dans une impasse
18:58et dans une impasse qui atteint,
19:00en termes humanitaires,
19:02le niveau d'une tragédie absolue.
19:04Et donc, la voix de la France,
19:06c'est un peu, oui,
19:07c'est un peu la voix dans le désert.
19:09C'est une sorte de cri d'alerte
19:11aux autres pays occidentaux.
19:14Si vous voulez conserver la moindre crédibilité,
19:17il faudra, il faut agir.
19:19Et il n'est pas sûr que la France soit entendue.
19:21Oui, Emmanuel Luparque ?
19:23Oui, un cri d'alerte, comme le dit Gérard Haraud,
19:25d'autant plus qu'en ce moment,
19:27le gouvernement israélien se cache de moins en moins,
19:29sur certains de ses ministres en tout cas,
19:32de sa volonté de vouloir à terme vider Gaza.
19:35Un dépeuplement du territoire, oui.
19:37Et qui est une perspective qui paraissait incroyable.
19:40C'était le projet de Riviera, de Donald Trump,
19:42dont on a ri à un moment,
19:43mais en fait, le projet est bien là.
19:45Chaque semaine qui passe, chaque jour qui passe,
19:47on va un peu plus loin dans la cessation de tous les droits,
19:52la cessation de ce qui devrait être une démocratie,
19:54la liberté de circuler, la liberté d'informer,
19:56la liberté de témoigner.
19:58Et tout ça, on fait une situation vraiment désespérée, effectivement.
20:02Benyamin Netanyahou, il a réagi hier soir à cette décision d'Emmanuel Macron.
20:06Il dit que cette initiative récompense ainsi la terreur,
20:09en parlant du Hamas.
20:11Ce matin, on a entendu à l'ambassadeur d'Israël en France,
20:13chez nos amis de France Info, Joshua Zarka,
20:15qui dit utiliser la violence, ça marche.
20:18Qu'est-ce que vous en pensez, Gérard Haraud ?
20:20Est-ce qu'on n'est pas en train de radicaliser encore
20:22le discours d'extrême droite du gouvernement israélien
20:24en reconnaissant l'État de Palestine ?
20:27Non, vous savez, on n'a pas besoin de radicaliser le discours
20:30d'un gouvernement qui est ultra-radical.
20:34Il y a à la Knesset, c'est-à-dire au Parlement israélien,
20:37il y avait des réunions pour justement le nettoyage ethnique,
20:41vider la bande de Gaza et organiser et créer des villes,
20:46de nouvelles villes israéliennes, des nouvelles villes israéliennes à Gaza.
20:50Il y a des ministres qui d'ailleurs ont été sanctionnés par la Slovénie.
20:54Et je pense que nous devrions faire de même en ce qui concerne la France,
20:58c'est-à-dire le ministre de la Sécurité, Ben Gvir,
21:01et le ministre de l'Économie, Smotrich,
21:03qui sont, et je n'utilise pas personnellement ce mot facilement,
21:07ce sont des fascistes qui sont fiers d'annoncer leur racisme.
21:12Et donc, nous avons...
21:13Et donc, contre eux, il ne faut pas plutôt utiliser la force
21:15plutôt que la diplomatie ?
21:16Parce que la diplomatie, là, elle ne montre pas ses limites.
21:19La diplomatie montre ses limites.
21:22C'est pour ça qu'il faut...
21:23Ce n'est qu'une étape, il doit y avoir...
21:26Je venais juste d'évoquer des sanctions contre des personnes,
21:30mais nous devrions revenir à Bruxelles
21:32parce que nous l'avons essayé aussi.
21:34Il y a un accord de commerce Israël-Union européenne
21:38qui est fondé sur le respect des droits de l'homme des deux côtés.
21:42À l'évidence, les droits de l'homme ne sont pas respectés par l'État d'Israël.
21:46Nous n'avons pas réussi à persuader certains de nos partenaires
21:49de suspendre cet accord.
21:51Je pense que la reconnaissance de l'État palestinien
21:54ne peut être qu'une partie d'un processus plus large
21:57pour faire pression sur Israël
21:59afin de mettre un terme à ce conflit
22:03et également à mettre un terme aux violences en Cisjordanie.
22:06Merci beaucoup.
22:07Merci Gérard Arrault.
22:08On va s'arrêter là.
22:09Ancien ambassadeur de France en Israël et à l'ONU.
22:11Merci également à vous, Emmanuel Duparc,
22:13d'être venu ce matin en studio,
22:15journaliste président de la Société des journalistes de l'AFP.
22:18Et merci à vous également,
22:19Vincent Lemire, historien français.
22:20Je vais citer votre atlas historique du Moyen-Orient
22:23à paraître en septembre aux éditions des Arènes.
22:27Merci à tous les trois et bonne journée.
Recommandations
22:34
2:16:17
3:33