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En plein débat sur la loi Duplomb, qui réintroduit sous conditions l'acétamipride, éclairage sur cet insecticide avec l'écologue Philippe Grandcolas et le médecin Pierre-Michel Perinaud, président de l'association "Alerte des médecins sur les pesticides".
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00La loi Duplon est-elle une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ?
00:12Comme l'affirme la pétition qui bat tous les records sur le site de l'Assemblée Nationale.
00:16Les partisans de ce texte définitivement adoptés il y a deux semaines au Parlement
00:20dénoncent les mensonges des opposants et réclament un peu de rationalité dans le débat public.
00:25Alors on va prendre 20 minutes ce matin pour tenter de comprendre ce que dit la science
00:30avec un chercheur et un médecin.
00:32Le chercheur en studio avec nous, Philippe Grancola, bonjour.
00:34Bonjour.
00:35Vous êtes écologue, c'est-à-dire que vous étudiez l'impact des activités humaines sur notre environnement.
00:40Directeur adjoint scientifique national de l'Institut Écologie et Environnement du CNRS,
00:45auteur de biodiversité dans la collection Fake or Not des éditions TANA.
00:49Et en ligne avec nous, Pierre-Michel Perrineau, bonjour.
00:53Bonjour.
00:53Vous êtes médecin généraliste à Limoges et président de l'association Alerte des médecins sur les pesticides.
00:59J'imagine que vous qui nous écoutez, vous en avez des questions aussi, beaucoup.
01:03Alors posez-les-nous, appelez-nous au 01 45 24 7000 et écrivez-nous sur l'application de Radio France.
01:09Un mot pour commencer, on va en parler beaucoup, acétamipride.
01:13C'est cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes qui focalise l'essentiel des protestations
01:18puisque la loi le réautorise, il était interdit, le réautorise sous condition en France.
01:23En un mot, y a-t-il, oui ou non, une vérité scientifique irréfutable sur ce produit ?
01:29Philippe Groncola ?
01:30Effectivement, il y a de nombreuses études qui commencent à s'accumuler puisque c'est un produit relativement récent.
01:35Il faut le temps que les laboratoires dans le monde entier mettent en place des protocoles pour étudier l'effet de ce type de substance.
01:42Malheureusement, ce que l'on voit, c'est qu'à mesure que ces études s'accumulent, les effets de l'acétamipride s'avèrent importants.
01:48Même si on a entendu, bien sûr, de la part des supporters de la loi Duplon et du sénateur Duplon lui-même,
01:53au début, l'idée que ce pesticide finalement ne serait pas très nocif pour les abeilles domestiques.
01:58En réalité, il l'est et il l'est encore plus pour d'autres organismes, d'autres pollinisateurs.
02:02On va parler de ces effets sur les abeilles, sur les humains aussi.
02:06Mais au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Agriculture, Annie Gennevard, a dit que ce produit n'était pas jugé dangereux
02:13pour l'environnement et la santé humaine par les scientifiques européens.
02:16Et c'est vrai qu'on est tenté de se dire, s'il reste autorisé dans l'ensemble des pays de l'Union Européenne, à part la France, c'est qu'il n'est pas dangereux.
02:24Alors effectivement, il y a une grosse incompréhension sur la différence entre la connaissance scientifique,
02:29ce qui est apporté par des publications avec des études qui ont été faites dans des laboratoires, avec des protocoles,
02:35des validations par les pairs qui évaluent ces manuscrits, qui sont ensuite publiés.
02:40Et puis le cadre réglementaire, celui d'agences comme l'EFSA au niveau européen ou l'ANSES au niveau français,
02:46qui sont finalement cadrées par des règles qui les empêchent de prendre de temps en temps des principes de précaution suffisants,
02:53parce que la connaissance scientifique, pour le moment, n'est pas encore assez importante.
02:58Vous parlez de l'EFSA, c'est l'Agence Européenne de Sécurité des Aliments.
03:02Pierre-Michel Perrineau, qu'est-ce que vous pensez du travail qui a été mené par l'EFSA ?
03:08Est-ce que c'est un travail sérieux, tout simplement, qui a conduit à l'autorisation de ce produit ?
03:12Alors on touche à un des paradoxes de l'évaluation européenne des pesticides, sur le plan santé humaine.
03:17L'EFSA a écrit depuis 2013 que les troubles du neurodéveloppement, c'est l'un des aspects qui nous inquiètent le plus,
03:24les études portant sur les troubles du neurodéveloppement sont laconiques.
03:29Il y en a une seule dans le dossier.
03:30Elle l'écrit en 2013.
03:32Elle préconise d'en réaliser de supplémentaires.
03:37Elle renouvelle sa demande en 2018.
03:40Elle la renouvelle en 2024.
03:41auprès de qui ? Auprès des États qui votent les rapports de l'EFSA.
03:46Et que font les États ? Rien.
03:47Ils n'ont exigé, ils n'ont eu aucune exigence vis-à-vis d'un industriel.
03:51Donc tout se passe toujours comme si le doute profitait aux industriels et aux produits.
03:57Donc on est sur un...
04:00Alors l'EFSA écrit donc, il n'y a pas...
04:03Le boulot n'a pas été fait finalement.
04:05Et en même temps, elle autorise la commercialisation du produit.
04:09Donc on est sur un paradoxe où les agriculteurs peuvent dire
04:13mais puisque le produit est autorisé, c'est qu'il est sans danger.
04:16Or, il faut aller regarder tout ce que dit l'EFSA.
04:19L'EFSA qui dit donc, il n'y a pas de certitude,
04:22mais il y a des doutes sur la toxicité pour les humains.
04:25Très concrètement, on parle de quoi ?
04:27Ça parle des dangers pour le fœtus notamment au niveau du développement du fœtus.
04:34Je lis aussi qu'il y a des risques de perturbations endocriniennes.
04:37Est-ce que vous pouvez nous expliquer très concrètement ce que ça veut dire ?
04:41C'est ça.
04:41Il y a des troubles sur le...
04:43Quand on parle du développement neurologique,
04:44on parle de ce qui va se passer pendant la vie intra-utérine
04:48en termes de développement, on pourrait dire presque anatomique,
04:51du système neurologique.
04:52Donc c'est quand même quelque chose de très important
04:54et c'est une clause d'exclusion du marché.
04:58C'est-à-dire que si de tels effets sont mis en évidence,
05:00un produit ne peut pas arriver sur le marché.
05:04Donc ces effets ont été très mal évalués par l'industriel.
05:08Il y a une seule étude, je me répète.
05:09Par contre, la littérature scientifique s'est complétée.
05:12Elle s'est complétée avec des données mécanistiques,
05:15c'est-à-dire sur des cellules, sur des organismes vivants,
05:19comme des souris ou des rats.
05:21Et malheureusement, j'allais dire, sur des données épidémiologiques.
05:25C'est-à-dire qu'on sait par exemple que l'acétamipride traverse la barrière placentaire.
05:30Il peut donc contaminer le fœtus.
05:31On sait et on a retrouvé de l'acétamipride dans le liquide céphalorachidien des enfants.
05:37Donc on sait qu'un produit neurotoxique, de façon évidente,
05:41va se retrouver en contact avec le cerveau des enfants.
05:44Sur cette étude, elle est contestée par certains qui disent,
05:49notamment on ne peut pas savoir d'où viennent ces traces d'acétamipride
05:53qui ont été retrouvées.
05:54Est-ce que ça vient des pesticides ou de produits ménagers
05:57qu'on a de manière très courante dans nos placards,
06:00encore aussi aujourd'hui dans beaucoup de maisons françaises ?
06:03Alors c'est un très mauvais argument finalement,
06:05parce que ça revient à dire qu'on pourrait finalement utiliser l'acétamipride en plein champ,
06:10parce que ce produit toxique est utilisé dans des biocides,
06:13par exemple dans des colliers antipus pour les chats ou les chiens,
06:16en habitat domestique.
06:17Alors qu'en réalité, le vrai scandale, c'est qu'un tel produit
06:19avec de telles présomptions d'influence négative sur les humains
06:23et sur les enfants, y compris in utero,
06:25puisse être utilisé à l'intérieur d'un habitat domestique,
06:28même en dose très faible.
06:29Il faudrait l'interdire, y compris dans ces produits.
06:31Tout à fait.
06:32Mais c'est vrai que moi, je ne suis pas scientifique évidemment,
06:35comme la plupart de ceux qui nous écoutent,
06:36je lis ce qui se dit, qu'il n'y a pas d'études irréfutables,
06:41puisqu'on en est effectivement au début des études sur ce produit,
06:45donc on en parlait,
06:46que les niveaux autorisés d'acétamipride dans les cultures et dans l'alimentation
06:50ont été baissés de manière assez importante.
06:53Finalement, je peux me dire,
06:55est-ce que le doute ne peut pas bénéficier, en l'occurrence, aux agriculteurs ?
06:58Alors le problème, en fait, c'est précisément que le doute,
07:01en l'occurrence, n'est pas raisonnable.
07:03En l'occurrence, il y a quand même des dizaines de travaux
07:06qui montrent que l'acétamipride est toxique,
07:09qu'elle peut avoir des toxicités chroniques très importantes
07:13sur des insectes pollinisateurs.
07:15Donc ce qui va profiter, par exemple, à la betterave à sucre,
07:17va nuire à des cultures qui ont besoin d'être pollinisées,
07:20qui sont dans le champ d'à côté, comme le colza,
07:22sans pollinisation, 30% de production en moins.
07:24Et puis d'autre part, on a aussi ce problème de compréhension
07:28de ce que c'est que le voyage d'une molécule
07:31dans un environnement naturel.
07:33Là, cet amipride est très soluble dans l'eau.
07:36Il reste dizaines de jours dans le milieu naturel
07:38après avoir été administré dans un champ.
07:41Et on le retrouve, par exemple, jusque dans l'eau de pluie.
07:43Donc ce qui a été démontré récemment au Japon.
07:46Donc c'est un produit qui a le potentiel d'exposition très important
07:51pour l'ensemble de la biodiversité, humain y compris.
07:53Mais je lis aussi, je précise que vous êtes entomologiste également,
07:56Philippe Grancola, spécialiste des insectes.
07:57Je lis aussi que ce produit reste moins longtemps dans les sols que d'autres
08:02et qu'il serait mille, voire trois mille fois moins dangereux
08:06que d'autres néonicotinoïdes, donc ces pesticides dits tueurs d'abeilles.
08:10Qu'est-ce que vous dites ?
08:11Alors, il y a effectivement une bataille de chiffres
08:12qui est assez mal conduite finalement
08:14parce qu'elle ne relève pas de la synthèse scientifique
08:16mais un peu des invectives de la part de partisans de la loi du plomb.
08:22En réalité, ce produit est effectivement un peu moins toxique
08:25que d'autres néonicotinoïdes, mais au plan chronique,
08:28on a montré qu'il était extrêmement toxique,
08:30par exemple sur d'autres insectes que les abeilles domestiques.
08:33Il faut se rappeler qu'en France, on a plus de 4000 espèces de pollinisateurs
08:36qui sont absolument indispensables.
08:38Il n'y a pas que l'abeille domestique, même si elle est importante évidemment.
08:41Et ces autres pollinisateurs, les travaux qui existent,
08:43ont montré qu'ils étaient extrêmement sensibles à l'acétamiprid.
08:46Et la 1000 à 3000 fois moins dangereuse, ce sont des chiffres crédibles ?
08:49Si, alors il est effectivement en toxicité aiguë au labo.
08:54Si vous mettez des abeilles avec une dose massive d'acétamipride,
08:58on montre une toxicité plus faible.
09:00Mais dans le milieu naturel, sur l'ensemble de la biodiversité,
09:04ce chiffre ne tient pas.
09:05Donc en fait, il faut se méfier de la manière dont on présente ces études.
09:09Encore une fois, il faut distinguer en plus ce qui est de l'ordre de la toxicité aiguë,
09:13c'est-à-dire finalement combien on a besoin de produits pour tuer brutalement un insecte
09:18ou un autre organisme vivant,
09:20puisqu'il relaie finalement de l'empoisonnement à petit feu
09:22sur un certain nombre de jours ou d'années pour bien sûr des humains ou des mammifères.
09:27Pierre-Michel Perrineau, je reviens aux humains justement.
09:30On sait qu'il y a une forte présomption de lien entre l'exposition aux néonicotinoïdes
09:35et de nombreux cancers, mais aussi des maladies dégénératives ou des maladies chroniques.
09:40Est-ce que vous, dans votre cabinet de généraliste à Limoges,
09:43vous voyez de plus en plus de patients qui arrivent avec ce type de maladie ?
09:48Ce que l'on voit de plus en plus dans tous nos cabinets médicaux,
09:51c'est une augmentation des maladies chroniques,
09:53c'est-à-dire les cancers qui touchent en France par exemple
09:57de plus en plus de personnes jeunes en dessous de 50 ans.
10:01La France a le triste record mondial des cancers du sein.
10:05On voit de plus en plus de maladies métaboliques,
10:07on voit de plus en plus de troubles neurodégénératifs.
10:10Et toutes ces pathologies ont été mises en lien,
10:14et il faut le rappeler, par l'Inserm, avec l'exposition aux pesticides.
10:17Ça ne signifie pas que les pesticides sont les seules causes de ces maladies.
10:22Ça veut dire que les pesticides font partie de l'exposome.
10:25Depuis une douzaine d'années,
10:27les chercheurs ont imposé ce concept
10:31qui, en plus du génome, vient expliquer,
10:37et pendant du génome finalement,
10:38pour expliquer la survenue d'un certain nombre de maladies chroniques.
10:41C'est-à-dire l'ensemble des expositions auxquelles les pesticides contribuent
10:45tout le long de notre vie.
10:46Et donc, moi je voulais insister,
10:49au-delà du seul cas de l'acétamipride,
10:52la loi ouvre la possibilité de dérogation,
10:55je cite,
10:55si les alternatives disponibles à l'utilisation de produits phytosanitaires
10:59sont inexistantes ou manifestement insuffisantes.
11:03Donc, elle ouvre la possibilité, finalement,
11:06d'utiliser, en cas d'impasse économique,
11:09des produits dont on aura montré
11:10qu'ils sont dangereux sur le plan de la biodiversité
11:13ou de la santé humaine.
11:14Or, il faut se souvenir quand même
11:16qu'on a, sur le plan de la santé humaine,
11:19des données de l'Inserm,
11:20qui ont été confirmées en 2021,
11:22et qui montrent, si vous me permettez,
11:25un certain nombre de liens
11:26entre l'exposition aux pesticides et des maladies.
11:29Mais...
11:30Ce sont...
11:31Oui.
11:31Pardon ?
11:32Non, allez-y, allez-y, finissez.
11:34Je voulais vous poser la question, justement,
11:35sur les alternatives pour les agriculteurs,
11:38mais je vous laisse finir votre propos.
11:39Oui, il faudra y revenir, en effet, sur ce mot-là.
11:43Mais, donc, ce que montre l'Inserm, en cinq points,
11:45c'est qu'un certain nombre de liens ont été mis en évidence
11:48dans une expertise en 2013,
11:49ils ont tous été confirmés en 2021,
11:51ce sont la maladie de Parkinson,
11:53des cancers du sang,
11:55des cancers de la prostate,
11:56avec des niveaux de preuve forts,
11:57mais également des leucémies,
11:59des troubles de la fertilité,
12:00des troubles cognitifs,
12:01avec des niveaux de preuve un peu plus faibles.
12:03Plusieurs pathologies ont vu,
12:04en plus, leur niveau de preuve augmenter.
12:08Les troubles cognitifs,
12:09ils sont passés de moyen à fort,
12:10les troubles anxio-déplatifs,
12:11les tumeurs cérébrales, etc.
12:12Et les effets mis en évidence sur les enfants
12:15lors d'exposition professionnelle de la maman
12:17ont été également confirmés.
12:19Leucémie, tumeur cérébrale,
12:21malformation congénitale.
12:22Mais la liste des maladies s'est malheureusement allongée,
12:26avec huit nouvelles,
12:27je vous passe le détail.
12:29Et en population générale,
12:31pour des enfants,
12:32lors d'une exposition pendant la grossesse,
12:34je vous signale que nous sommes tous exposés,
12:36tous,
12:37plus de 90% de la population,
12:40à des traces de pesticides dans ces urines.
12:42Moins d'un et demi pour cent des femmes enceintes
12:44sont indemnes de pesticides pendant leur grossesse.
12:46Donc, chez ces enfants,
12:49on voit des effets à type de leucémie,
12:51tumeur cérébrale lors d'exposition domestique,
12:53auxquels s'ajoutent des troubles du neurodéveloppement,
12:55justement,
12:56lors d'un simple usage domestique
12:57ou lié à la proximité aux activités agricoles.
13:01Voilà en gros le panorama de tout ce que l'on sait
13:03et c'est cette boîte de Pandore
13:05qu'on voudrait ouvrir.
13:07Et je comprends bien que vous dites l'un et l'autre,
13:10même si on n'a pas d'études définitives
13:13sur l'acétamipride,
13:14même s'il est considéré potentiellement
13:16comme moins dangereux que d'autres néonicotinoïdes,
13:19il faut continuer à l'interdire
13:20par principe de précaution.
13:22Mais vous utilisiez le mot,
13:24Pierre-Michel Perrineau,
13:24d'alternative.
13:26Philippe Grancola,
13:27qu'est-ce que vous dites aux agriculteurs
13:29qui cultivent la betterave, la noisette
13:31et qui disent qu'on n'a pas d'autres produits
13:33pour tuer les insectes, les pucerons,
13:36notamment qui ravagent nos cultures ?
13:38Tout à fait.
13:38La filière de la betterave,
13:39en fait, depuis 20 ans,
13:41depuis les premières interdictions
13:42de néonicotinoïdes
13:43avec la loi sur la reconquête
13:44pour la biodiversité,
13:45en fait,
13:46était avertie du fait
13:48qu'il devait y avoir une transition.
13:49Et il faut se rappeler
13:50que l'ANSES a été chargé
13:52par le gouvernement
13:53d'avoir justement une étude
13:55sur les alternatives.
13:57Ces études ont encore été republiées
13:58en 2018-2021.
14:00Les alternatives existent.
14:01Donc, en fait,
14:02on n'est pas devant...
14:02Suffisamment efficace pour...
14:04Suffisamment efficace, bien entendu.
14:06Il faut se rappeler aussi
14:07que le problème de la betterave à sucre,
14:09c'est que c'est une culture,
14:10finalement,
14:10qui est utilisée
14:11pour produire du sucre
14:12dans la nourriture transformée
14:14ou des agrocarburants.
14:15Ce n'est pas une culture
14:16vivrière indispensable.
14:17On doit se poser la question,
14:18finalement,
14:19même si c'est une question
14:20assez cruelle
14:20pour des PME agricoles,
14:22est-ce qu'on a besoin
14:22de prendre des risques
14:24pour la santé humaine
14:25et pour la biodiversité
14:26pour cultiver quelque chose
14:27qui n'est pas vivrier,
14:28qui n'est pas indispensable ?
14:29Question au Standard de France Inter
14:30de Véronique.
14:31Bonjour, Véronique,
14:32on vous écoute.
14:33Bonjour.
14:34C'était manifesté
14:36et j'avais deux questions.
14:37En fait,
14:37tous les clientaires
14:38de ces petits temps,
14:40moi qui me tentais,
14:42sont vertueux,
14:43parce que moi,
14:43j'ai acheté,
14:44il y a trois jours,
14:44des noisettes
14:45et quand je regardais
14:46d'où elles venaient,
14:46elles venaient d'Italie.
14:47Et ça me désole aussi
14:48de laisser nos producteurs
14:49en difficulté.
14:51Et du coup,
14:52j'insisterai,
14:53moi vraiment,
14:53je ne comprends pas
14:54pourquoi on ne fait pas
14:55plus de pression
14:55sur une harmonisation européenne.
14:57Voilà,
14:58parce que je trouve que sinon,
14:59il y a une injustice.
15:00Vous posez la question,
15:02Véronique,
15:02et merci beaucoup
15:03pour cette question,
15:04la question de la concurrence,
15:05effectivement,
15:06parce que c'est l'argument
15:07principal
15:08des plus gros syndicats
15:10agricoles,
15:11notamment FNSEA en tête,
15:13qui disent
15:13qu'il y a une distorsion
15:14de concurrence énorme
15:14avec tous les autres pays
15:15de l'Union Européenne,
15:16encore une fois,
15:16qui continuent
15:17d'autoriser ce produit,
15:18mais aussi les Etats-Unis,
15:20l'Australie,
15:21pour ne citer que le Canada.
15:23Voilà,
15:23qu'est-ce que vous dites ?
15:24Alors, bien sûr,
15:24effectivement,
15:25c'est le gros problème
15:26de la loi du plomb,
15:26c'est-à-dire qu'au lieu
15:27de s'attaquer à cette distorsion
15:28de concurrence
15:29et au revenu des agriculteurs,
15:30parce que là,
15:30on parle de la noisette,
15:327 000 hectares,
15:33et de la betterave à sucre,
15:35400 000 hectares,
15:3623 000 exploitations,
15:37grosso modo,
15:38sur 400 000 PME agricoles.
15:40Donc,
15:40on parle d'une toute petite partie
15:41de la communauté,
15:42en réalité,
15:43on ne parle pas
15:43de la distorsion de concurrence
15:44dans plein d'autres filières
15:46qui sont beaucoup plus vivrières
15:48et beaucoup plus utiles.
15:49Donc,
15:49on a déjà un problème,
15:50c'est-à-dire qu'au lieu
15:50de s'attaquer à la distorsion,
15:51finalement,
15:52on réautorise une substance
15:53pour faire moins bien,
15:54pour faire comme d'autres pays.
15:56Ça ne résout rien
15:57et puis,
15:57il faut se rappeler
15:58que la noisette,
15:59on peut l'acheter bio
16:00et produite en France.
16:01Ce n'est pas du tout impossible.
16:02Il faut se rappeler
16:03qu'aujourd'hui,
16:04la production de noisettes
16:05telle qu'on veut
16:05la relancer en France,
16:07c'est tout simplement
16:07pour fournir
16:09un produit industriel
16:10de mauvaise qualité
16:11à une marque,
16:12je ne citerai pas,
16:13et qui produit des pâtes à tartiner
16:14et qui voudrait
16:15envoyer le marché asiatique.
16:16Donc,
16:17on est loin,
16:17finalement,
16:18d'une culture vivrière
16:19de subsistance,
16:21radio française,
16:22ça existe.
16:22Autre question,
16:23sur un autre argument
16:24mis en avant
16:25par les agriculteurs,
16:26question de Julien
16:27sur l'application
16:27de Radio France.
16:28Beaucoup de défenseurs
16:29de la loi assurent
16:29que le produit utilisé,
16:30donc l'acétamipride,
16:32ne concernera que
16:32très peu de récoltes.
16:33Si je reprends le chiffre,
16:34c'est 1,7%
16:36des surfaces agricoles
16:37en France au maximum.
16:40Pierre-Michel Perrineau,
16:41on peut se dire
16:41que ce n'est pas si grave
16:42que ça ?
16:43La loi ouvre,
16:45au-delà du seul cas
16:46de l'acétamipride,
16:47la loi ouvre
16:48la boîte de Pandore.
16:49Donc,
16:50là,
16:50aujourd'hui,
16:51avec l'acétamipride,
16:51on ne va peut-être pas
16:52concerner des surfaces énormes,
16:55mais les impasses
16:57vont probablement
16:58se répéter dans le temps.
16:59Et donc,
17:00on va vouloir utiliser
17:01des substances chimiques
17:03qui sont réputées
17:05plus efficaces
17:06d'un point de vue
17:07simplement
17:08efficacité agronomique.
17:10Mais moi,
17:11je voudrais insister
17:12sur le fait
17:12qu'il existe déjà
17:14des alternatives,
17:15comme l'a bien précisé
17:17Philippe Roncola,
17:18avec l'agriculture biologique.
17:22On sait,
17:23mais ça,
17:23ça nécessite
17:24une transformation
17:25des systèmes.
17:25C'est l'argument
17:26encore une fois
17:28de nombreux producteurs,
17:29pas seulement
17:29des syndicats agricoles.
17:30On ne peut pas,
17:31avec la seule agriculture bio,
17:33nourrir les Français.
17:35Eh bien,
17:35à ce moment-là,
17:36on fait là aussi
17:37filles de connaissances scientifiques
17:38qui ont été élaborées
17:39depuis plusieurs années.
17:40Si, bien entendu,
17:41mais il faut
17:41une modification des systèmes.
17:43On peut le faire,
17:44bien entendu,
17:44ça a été montré
17:45par moult études scientifiques.
17:46Philippe Roncola,
17:47sur cet argument
17:47des 1,7% de l'agriculture.
17:50Oui,
17:50en réalité,
17:51ça représente
17:51à peu près
17:5223 000 parcelles
17:53d'une quinzaine d'hectares.
17:54Donc,
17:55dans 23 000 entreprises
17:56agricoles différentes,
17:58ça représente
17:58un périmètre
17:59de dizaines
18:00de milliers
18:00de kilomètres
18:01entre ces parcelles
18:03où l'acétamipride
18:04polluante
18:05pourrait être administrée
18:07et puis d'autres environnements
18:08où il y a des pollinisateurs,
18:09des humains,
18:10etc.
18:10Donc,
18:10c'est un petit pourcentage
18:12mais qui est explosé
18:13en des milliers
18:14de parcelles
18:15et qui va finalement
18:16contribuer à polluer,
18:17à contaminer
18:18une surface de territoire
18:19considérable.
18:20Vous faites partie,
18:21Philippe Roncola,
18:21des très nombreux scientifiques
18:22à avoir été auditionnés
18:24à l'Assemblée nationale
18:25en amont
18:25des débats
18:27dans l'hémicycle
18:27autour de cette loi du plomb.
18:30Est-ce que la communauté
18:31scientifique s'est déchirée ?
18:32Je vous pose la question
18:32parce qu'on entend finalement
18:33les deux camps
18:34aujourd'hui
18:35s'accuser
18:36de fake news,
18:37de manipulation
18:38des faits,
18:39etc.
18:40C'est difficile
18:40d'y voir clair.
18:41Est-ce qu'il y a un consensus
18:43ou en tout cas
18:43une majorité claire
18:44qui se dégage
18:44dans la communauté scientifique ?
18:46Dans la communauté scientifique,
18:47il y a un consensus
18:48qui est parfaitement clair.
18:49De ce point de vue-là,
18:50il n'y a pas de problème.
18:51Michel Perrineau a cité
18:53les évaluations collectives
18:54de l'Inserm.
18:55Il y en a eu d'autres,
18:55de l'INRAE,
18:56de l'IFROMER
18:56ou de l'IPBES
18:57au niveau mondial.
18:59Il n'y a pas
18:59de désaccord
19:01sur ces questions-là.
19:02Et en fait,
19:02ce à quoi on assiste
19:04aujourd'hui,
19:04c'est finalement
19:04une incompréhension
19:10la connaissance scientifique.
19:11C'est toujours
19:11la recherche du doute.
19:14Essayer de douter
19:15de ce que l'on trouve
19:16pour essayer
19:16de mieux le confirmer.
19:18Et au final,
19:18on voit qu'à force
19:19d'essayer de douter
19:20de l'acetamiprine,
19:21malheureusement,
19:22on finit par se rendre compte
19:23que cette substance
19:24et d'autres substances pesticides
19:25ont des inconvénients majeurs
19:27et qu'on devrait justifier
19:29l'utilisation
19:29d'un principe de précaution
19:31dans le respect
19:32de pratiques agricoles viables
19:34et d'une autonomie vivrière.
19:35Il faut se rappeler
19:36encore une fois
19:36que la bêta-vassuc,
19:38ce n'est pas
19:39une culture vivrière
19:39et la production française
19:40est en grande partie exportée
19:42parce que le marché mondial
19:43du sucre
19:44souffre actuellement
19:45des aléas climatiques
19:46dans des pays producteurs
19:47de cannes.
19:47Tout dernier mot,
19:48Pierre-Michel Perrineau,
19:49qu'est-ce que ça vous inspire
19:50quand vous entendez
19:50les partisans de cette loi
19:52dire que vous
19:54ou d'autres opposants
19:56manipulent les faits ?
19:59Alors,
19:59ce que je voudrais dire,
20:00c'est que
20:01si on manipule les faits,
20:02on est nombreux.
20:03C'est-à-dire qu'on était
20:031300 scientifiques
20:05et médecins
20:06interpellés
20:06et ministères de tutelle
20:07de l'ANSES
20:08au début mai.
20:09Maintenant,
20:09il y a 22 sociétés
20:11savantes
20:12qui sont sur la même ligne,
20:14la ligue contre le cancer,
20:16etc.
20:17Je ne pense pas
20:19qu'il y ait à ce niveau-là
20:20de manipulation des faits.
20:22On s'appuie
20:22sur des expertises collectives.
20:24Philippe Moncola
20:25vient de le rappeler.
20:28Et on est simplement
20:29devant un phénomène
20:31dont les impacts
20:32sont difficiles à contrôler.
20:34Finalement,
20:34ce qu'on voit bien
20:35qu'il y a une contamination
20:35généralisée de la population,
20:37on voit bien
20:37qu'il y a une contamination
20:38généralisée des milieux,
20:40des eaux,
20:41de l'air,
20:41des sols,
20:42et qu'il y a
20:43un effondrement
20:44de la biodiversité.
20:45C'est ça,
20:45le contexte.
20:47Et donc,
20:47là-dedans,
20:48il y a effectivement
20:48un certain nombre
20:49d'effets sanitaires
20:50qui nous préoccupent,
20:51mais il s'explique
20:53par ces effets
20:54qui sont
20:55un peu incontrôlables,
20:57oui,
20:57de l'usage massif
20:58des pesticides.
20:59Merci à tous les deux.
21:00Je retiens en tout cas
21:01que vous dites
21:02principe de précaution.
21:03Ne reproduisons pas
21:04les mêmes erreurs
21:05que par le passé
21:06quand des produits
21:06ont été autorisés
21:07avant qu'on se rende compte
21:08bien des années après
21:09de leurs effets dévastateurs.
21:11Mais travaillons aussi
21:12sur un autre modèle
21:13pour l'agriculture.
21:15Voilà, je crois.
21:15Résumé en deux phrases
21:16ce que vous nous avez dit
21:17qui était autrement
21:18plus complexe.
21:20Et en tout cas,
21:20c'était passionnant
21:21de vous avoir tous les deux.
21:22Pierre-Michel Perrineau,
21:23président de l'association
21:24Alerte des médecins
21:25sur les pesticides
21:26et Philippe Grancola,
21:27directeur de recherche
21:28au CNRS.
21:29Je rappelle le titre
21:30de ce livre,
21:30Biodiversité,
21:31c'est dans la collection
21:32Fake or Not
21:33aux éditions Tana.
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