Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Éric Coquerel, président (LFI-NFP) de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.
00:00Bonjour Eric Coquerel et bienvenue dans les quatre V. Négocier pour tenter d'améliorer le budget ou
00:06censurer le gouvernement de François Bayrou au plus vite. Vous avez clairement fait le choix de la
00:09seconde option chez la France Insoumise. Pourquoi ne pas tenter de faire bouger certains points ici
00:14et là ? Parce que rien n'est de bon dans ce budget. Il n'y a rien à négocier. Mais non, toute la cohérence
00:20de budget est mauvaise. Qu'est-ce qui se passe dans ce pays pour bien comprendre ? Depuis maintenant
00:252017, les déficits notamment qui augmentent, c'est principalement dû aux cadeaux qu'on a fait en
00:30gros au capital. C'est-à-dire que ce pays est devenu accro aux cadeaux fiscaux plus riches de manière
00:35terrible. Ça nous coûte à peu près 60 milliards de recettes en moins par an. Et puis ce pays aussi
00:40est devenu accro aux aides aux entreprises en contrepartie. Rendez-vous compte, il y a 211
00:45milliards chaque année qui partent en aide aux entreprises. Ça fait 6700 euros la seconde que
00:50nous donnons dans les entreprises sans contrepartie. Mais qui rapporte aussi certaines choses à l'économie
00:54française ? On n'aura pas du mal encore à... Donc, en tout cas, tout ça part de manière
00:59importante. On n'a pas vu les effets économiques. Ça s'appelle la politique de l'offre. Vous savez,
01:03on dit voilà, on va donner beaucoup au capital, ça va rejaillir sur l'économie, le chômage
01:07remonte, l'industrie est en dessous de 10% du PIB, la productivité baisse, je ne vous fais pas le topo,
01:12tout est au rouge. Et donc, qu'est-ce qu'on dit ? On dit voilà, le problème, qu'est-ce qu'on va faire ? On va seulement
01:17faire, j'allais dire, ces cadeaux aux entreprises, ces cadeaux fiscaux. Nous vont
01:24rapporter que 10% des 44 milliards que propose le gouvernement. Tout le reste, c'est les Français
01:29qui payent. Par l'augmentation des impôts, par la baisse des prestations sociales, par la baisse des
01:33pensions des retraités, par la baisse des dépenses... Tous les Français... Non, tout le monde ne fait pas
01:38d'efforts. Les efforts de ceux qui nous coûtent trop cher, c'est-à-dire ceux qui, depuis 2017, font
01:44augmenter le déficit dans ce pays, eux ne cotisent qu'à 10%. Je vous le répète, c'est les 4 fameux milliards
01:49d'équité fiscale. Tout le reste des Français vont être appelés à serrer la ceinture. Et le
01:54problème de tout ça, c'est que non seulement ce n'est pas égal, mais ça baisse la consommation
01:57populaire, qui pèse pour moitié dans le PIB, et ça baisse au niveau des dépenses publiques.
02:03Vous savez que les dépenses publiques, c'est ce qui explique le fait que la France est
02:05en croissance en 2023-2024. Donc tout ça est mauvais économiquement, c'est pour ça qu'il n'y a rien à
02:10prendre dans ce budget.
02:11Donc, contrairement à ce que dit Emmanuel Macron hier, il vous incite à venir faire des propositions.
02:15Là, vous lui dites non, on n'a pas de propositions à faire sur cette base-là.
02:17– Alors c'est François Véroud d'abord, mais… – Oui, mais Emmanuel Macron également
02:20a dit ce qu'il y a une bonne idée pour Emmanuel Macron, vous avez raison de le dire.
02:24– Mais écoutez, on est dans un contexte qui pose en plus un problème démocratique,
02:29vous pouvez vous le faire remarquer, parce que ces gens-là ont été battus en juillet
02:312024, il y a maintenant un an, et ils nous imposent toujours une politique qui échoue
02:35pour le pays, dont ils font mine de penser que c'est la seule politique possible.
02:40Donc non, il y a une autre politique, et notamment qui résoudrait le grand problème
02:43que nous avons dans ce pays, c'est que non seulement on va toucher ce qui reste
02:48de, comment dire, de vecteur de croissance dans ce pays, je l'ai dit, la conservation
02:52populaire, les dépenses publiques, parce que ça produit des recettes, mais en plus
02:55de ça, on va être incapable d'investir comme on le devrait au niveau industriel,
03:00et notamment pour la bifurcation écologique, par rapport aux dérèglements climatiques,
03:03mais aussi pour relancer l'activité.
03:04Les Allemands vont mettre 82 milliards d'investissements dans leur industrie,
03:09et nous, pendant ce temps-là, on fait un budget d'austérité qui va serrer la
03:12sature de tous les Français, et qui va être incapable de résoudre le problème
03:15que nous avons central, c'est comment on garde une industrie dans ce pays,
03:18et comment on fait la bifurcation écologique.
03:20Mais donc, vous allez très bien essayer de censurer le gouvernement François Bayrou,
03:24s'il est censuré à l'automne, il se passe quoi ? Il y aura un nouveau gouvernement,
03:27peut-être Sébastien Lecornu, Premier ministre, et puis il y aura un nouveau budget,
03:29mais avec trois mois de décalage.
03:30Déjà, on aura fait échouer le budget, excusez-moi, à partir du moment où je trouve
03:32qu'il est mauvais pour le pays, je ne vais pas le laisser passer sous prétexte
03:35qu'il faudrait absolument que ce gouvernement fasse passer son budget.
03:40Ce budget est mauvais, il faut les arrêter.
03:42Cette politique, elle sévit depuis 2017, c'était extraordinaire.
03:46François Bayrou, vous l'avez vu à sa présentation, on avait l'impression
03:48que ces gens-là ne gouvernent pas le pays depuis 2017.
03:51Ils nous présentaient un bilan catastrophique, comme s'ils n'avaient aucune responsabilité
03:57dans ce bilan. Donc, il faut les arrêter au plus vite.
03:59Je ne connais pas d'autres moyens qu'une motion de censure pour les arrêter.
04:04Voilà pourquoi nous, nous proposerons au plus vite une motion de censure.
04:06Alors, et Coquerel, pour ça, vous avez besoin des socialistes.
04:08Vous avez dit que vous espériez que les socialistes soient au rendez-vous de la censure.
04:12Ça veut dire quoi ? Vous vous doutez de vos amis socialistes ?
04:16Est-ce qu'ils vont censurer le gouvernement ou pas ?
04:17J'en doute parce que la dernière fois, monsieur Bayrou a réussi à passer son budget
04:21en février dernier et donc à faire très mal au pays, y compris à appliquer une politique
04:25souvent discriminatoire, ultra sécuritaire avec monsieur Retailleau pendant des mois,
04:29parce que les socialistes n'ont pas voté la censure.
04:31Eux, ils ont envie de négocier.
04:32Comment ?
04:33Ils ont envie de négocier, de voir s'il peut faire bouger des choses avec le gouvernement.
04:36Mais ils ont envie de négocier.
04:37Donc, pour moi, c'est un problème à partir du moment où on explique que le budget
04:41est globalement mauvais.
04:41C'est pas ce que dit Olivier Faure.
04:42Olivier Faure dit que le budget est globalement mauvais.
04:44Mais François Hollande dit ce matin, s'il est mauvais, on le censurera.
04:46A priori, c'est Olivier Faure qui dirige le Parti Socialiste, pas François Hollande.
04:50Olivier Faure dit que le budget est mauvais, on va essayer quand même d'aller discuter.
04:53Moi, je pense que ce n'est pas la bonne stratégie, mais moi, je fais le pari aujourd'hui.
04:57Je vous le dis, je pense que ce budget sera censuré.
05:00Il sera censuré parce que, globalement, je l'ai dit, il ne répond pas aux demandes des Français.
05:04Il est tellement dur pour, j'allais dire, les plus défavorisés.
05:07Mais rendez-vous compte que 1% du revenu des plus défavorisés va être perdu avec ce budget
05:12quand les plus favorisés vont quasiment ne rien payer alors que la pauvreté explose dans ce pays.
05:17Donc, je ne vois pas comment quelqu'un de gauche, aussi modéré soit-il,
05:21aussi, j'allais dire, enclin à négocier avec l'ouvernement, pourrait ne pas censurer ce budget.
05:26Voilà ce qu'en tout cas, nous allons essayer de construire dans les semaines à venir.
05:28Un mot, ces deux jours fériés que le Premier ministre propose de supprimer.
05:31Vous avez dit que c'est du grain à moudre pour faire passer le reste.
05:34Vous pensez que c'est le but du gouvernement, de nous occuper avec cette affaire des jours fériés ?
05:39Écoute, c'est tellement énorme que je me demande effectivement si ce n'est pas mis sur la table pour reculer.
05:43Pourquoi c'est énorme ? Parce qu'il faut que les Français comprennent.
05:46On dit qu'on va enlever deux jours fériés et donc on va leur demander de travailler gratuitement pendant deux jours.
05:50De travailler plus, en effet.
05:52Gratuitement, de plus, gratuitement.
05:53C'est-à-dire que ces deux jours fériés ne feront pas changer la feuille de paye à la fin du mois.
05:58Voilà, c'est ça le bilan.
05:59Alors, est-ce que c'est normal de, alors que je l'ai décrit tout à l'heure, on souffre dans ce pays d'un coût du capital qui est trop important,
06:06est-ce que c'est normal de s'en prendre au revenu du travail ?
06:09Moi, je ne crois pas.
06:10Je ne crois pas que ce soit les travailleurs, ce ne soit pas le monde du travail,
06:12que ce soit ceux qui en vivent parce qu'ils sont actifs,
06:17que ce soit ceux qui en vivent parce qu'ils sont retraités ou qui en vivent mal parce qu'ils sont privés de travail.
06:21Mais par exemple, on travaille 100 heures de moins que les Allemands en moyenne, c'est-à-dire que ça fait trois semaines de travail.
06:25Oui, d'accord, mais ça, excusez-moi, ça ne veut rien dire parce que jusqu'à maintenant, justement, on avait un système où on travaillait peut-être un peu moins que les Allemands.
06:31Et encore, il faut regarder parce que ces statistiques sont un peu liaisées.
06:34Sans moyenne.
06:35Mais surtout, on avait une productivité horaire plus importante, c'est-à-dire qu'on produisait plus que les Allemands
06:40pour un nombre de travail d'or de travail moins important.
06:43Et or, ce n'est plus le cas. Et c'est un des gros problèmes de nos pays.
06:47Or, ce n'est plus le cas parce que notamment, justement, on a fait un pari de des boucles d'argent capital qu'il n'a pas investi.
06:52On a fait une politique économique qui rabaisse l'activité économique, donc qui ne produit pas des richesses à la hauteur des heures travaillées.
07:01Et tout ça fait qu'aujourd'hui, on est dans cette situation.
07:03C'est pour ça que je vous dis qu'il faut arrêter avec ces politiques d'offres et d'austérité.
07:06Il faut passer une politique de relance, de l'activité économique.
07:09C'est d'autant plus important quand M. Trump nous impose une guerre commerciale
07:14qui devrait nous amener, par exemple, à être beaucoup plus souverains d'un point de vue industriel, d'un point de vue agricole.
07:19Ce n'est pas ce que fait ce budget.
07:20Éric Coquerel, président de la Commission des finances à l'Assemblée nationale.
07:23Rendez-vous à la rentrée et à l'automne pour la discussion de ce budget.