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Inflation, ralentissement de la croissance... Le ministre russe de l’Economie a déclaré jeudi 19 juin que la Russie était au « bord de la récession ». Pour Julien Vercueil, professeur d'économie à l’Inalco, Moscou se heurte à la dure réalité des sanctions internationales.

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Transcription
00:00Il est tout à fait envisageable que les milieux économiques s'organisent pour faire pression, pour modifier les objectifs de guerre.
00:12Ce que l'on sait, c'est qu'après deux années de croissance relativement rapide,
00:17puisque contrairement à ce que l'on pouvait attendre, l'économie russe a relativement bien rebondi en 2023 et 2024
00:22après une récession liée à l'entrée en guerre en 2022.
00:30Les indicateurs macroéconomiques, notamment d'activité, se sont repliés.
00:34Alors, ils ne se replient pas à très très grande vitesse, mais ils se replient très significativement.
00:38C'est-à-dire qu'on est actuellement effectivement dans une trajectoire qui laisse craindre une récession
00:43deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.
00:46On n'en est pas encore là, mais on n'est pas très loin de là.
00:48En tout cas, ce que l'on peut dire, c'est que du point de vue économique, l'économie russe tagne.
00:52Maintenant, est-ce qu'elle va aller au-delà de cette stagnation et subir une véritable récession ?
00:57C'est une autre question.
00:58Le point le plus important, je pense, c'est que cette croissance très faible, ce ralentissement marqué,
01:03se tient dans un contexte de forte inflation.
01:06On a une inflation qui, depuis le début de la guerre, est restée aux alentours de 10% par an selon les chiffres officiels,
01:13même si on peut avoir parfois quelques réserves sur ces chiffres officiels qui sont évidemment filtrées.
01:18Lorsque vous avez une inflation relativement élevée comme cela,
01:21si vous n'avez pas en même temps une croissance économique très forte,
01:25alors mécaniquement, vous créez des inégalités extrêmement importantes
01:29en fonction des positions économiques des différents acteurs économiques.
01:33Certains sont en sorte gagnants, d'autres très très largement perdants.
01:35Et là, on est donc confronté à une situation qu'on appelle de stagflation,
01:39c'est-à-dire d'arrêt de la croissance économique de la Russie,
01:42combinée à un maintien d'une inflation forte,
01:44ce qui aggrave des inégalités qui étaient déjà importantes en Russie.
01:52Les sanctions ont contribué à aggraver l'isolement de la Russie de flux de capitaux,
01:58de flux de technologies, de flux d'investissements et de flux commerciaux,
02:02et également de compétences,
02:04qui contribuaient à renouveler la capacité productive de la Russie
02:08et qui provenaient pour une très très large part de l'Occident.
02:10Alors, une partie de ces flux a pu être contrebalancée
02:14par une intensification des relations, en particulier avec la Chine,
02:17mais pas toutes.
02:18Et cela, ça a entraîné deux conséquences.
02:20La première, c'est que pour les entreprises
02:22qui avaient absolument besoin de se fournir en produits occidentaux,
02:25qui n'avaient pas trouvé de substitut,
02:27ça les a conduites à utiliser des intermédiaires
02:30pour pouvoir contourner les sanctions, et cela, ça coûte cher.
02:33Et puis, par ailleurs, elles ont substitué des produits de moins bonne qualité
02:36à des produits qu'elles utilisaient auparavant,
02:39ce qui, évidemment, exerce aussi une contrainte sur leur capacité productive.
02:43Ensuite, il y a un deuxième élément qui concerne cette fois-ci
02:45les exportations de la Russie.
02:47La Russie a une sorte de ligne de vie aujourd'hui
02:50qui est sa capacité à exporter pour un prix relativement élevé
02:54des hydrocarbures.
02:55Et cette ligne de vie lui est fournie par la Chine,
02:58qui est son principal client de ce point de vue-là,
03:01et l'Inde et d'autres pays,
03:02mais c'est surtout la Chine et l'Inde qui sont ses principaux clients.
03:05Or, pour pouvoir exporter dans les conditions de sanctions
03:08de l'Union européenne et des États-Unis,
03:10la Russie est obligée de consentir des réductions sur ses exportations,
03:14ce qui fait qu'elle paye, d'une certaine manière,
03:16par un prix moins élevé que ses concurrents,
03:19le fait d'être en guerre,
03:20et donc qu'elle ne peut pas obtenir les recettes en devise
03:23qu'elle souhaiterait,
03:24et qui lui permettent de continuer à financer la guerre.
03:27Donc, ce deuxième point fluctue,
03:28parce que les prix internationaux d'hydrocarbures
03:30ont fortement varié depuis 2022.
03:32Aujourd'hui, il est dans une phase
03:34qui n'est pas complètement négative pour la Russie,
03:37mais lorsque les prix du pétrole chutent,
03:39ce qui a été le cas il y a quelques mois,
03:40ça entraîne immédiatement une réduction de la capacité
03:43de la Russie à financer sa guerre.
03:50D'abord, la difficulté à financer les dépenses publiques
03:53qui sont essentiellement tirées par les dépenses militaires.
03:57Aujourd'hui, elles ont été multipliées par plus de deux
03:59par rapport à 2022,
04:00et elles étaient déjà très importantes à ce moment-là
04:03par rapport à la période précédente.
04:04Donc, il y a une question de financement.
04:05Lorsque les financements sont plus compliqués,
04:07et nécessairement, les objectifs doivent être modifiés.
04:10Et la deuxième raison,
04:11ce serait une pression qui pourrait venir de l'intérieur,
04:14qui pourrait venir des milieux économiques,
04:15qui seraient touchés par le ralentissement
04:18que nous constatons aujourd'hui.
04:19Il est tout à fait envisageable
04:21que les milieux économiques s'organisent
04:23pour faire pression,
04:25pour modifier les objectifs de guerre
04:26et faire en sorte que le pays sorte de la guerre.
04:29La grande question est de savoir
04:30si Vladimir Poutine voudra les entendre.

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