- hier
Écrivaine, philosophe, militante... Simone de Beauvoir a bouleversé les idées reçues. Portrait d'une femme libre.
A la tête d'une équipe de passionnés, spécialistes dans leur domaine, qu'ils soient scientifiques, historiens, médecins, vétérinaires... Jamy nous invite à partager le goût de la connaissance sous toutes ses formes, pendant 26 minutes. Eveiller notre curiosité, questionner le quotidien qui nous entoure, pour nous éclairer sur tous les sujets y compris les plus surprenants, rien n'échappe à l'appétit de savoir de Jamy et de sa bande d'experts.
Les sujets traités sont expliqués, décryptés grâce à des visuels appropriés qui conjuguent réalité augmentée, infographies, 3D et images d'archives... Un éclairage ludique et inédit avec un ton mêlant décontraction, humour et bienveillance. Un programme accessible à tous les publics, qui permet d'apprendre en se divertissant.
Trois rubriques rythment l'émission :
- C chaud : Un thème est décrypté chaque jour par Jamy et son équipe à travers trois angles originaux et complémentaires. Sont abordés une richesse de thématiques et de sujets du quotidien.
- C l'idée : Ce sujet aborde le thème du jour par le prisme de l'environnement avec l'objectif de modifier nos habitudes pour être écoresponsables, sans pour autant être moralisateurs et culpabilisateurs.
- #DisJamy : Jamy répond chaque jour aux questions de sa communauté, « les Epicurieux ».
Année de production : 2021
Une coproduction Elephant et France.tv studio, avec la participation de France télévisions.
Présentée par Jamy Gourmaud,
Produite par Gaël Leiblang, Francois Ducroux, Christophe Guyomard.
A la tête d'une équipe de passionnés, spécialistes dans leur domaine, qu'ils soient scientifiques, historiens, médecins, vétérinaires... Jamy nous invite à partager le goût de la connaissance sous toutes ses formes, pendant 26 minutes. Eveiller notre curiosité, questionner le quotidien qui nous entoure, pour nous éclairer sur tous les sujets y compris les plus surprenants, rien n'échappe à l'appétit de savoir de Jamy et de sa bande d'experts.
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NewsTranscription
00:00Tiens, aujourd'hui, on va parler du castor.
00:03Attention, ce n'est pas une émission animalière, c'est un sujet littéraire, le castor.
00:09C'est le surnom que donnait Jean-Paul Sartre à sa compagne Simone de Beauvoir.
00:30Bonjour et bienvenue dans mon atelier, philosophe, romancière, précurseur du mouvement féministe,
00:39autrice de livres qui ont marqué des générations entières, avec ma bande d'experts,
00:45nous vous dévoilons les secrets et multiples visages de Simone de Beauvoir.
00:49Sommaire.
00:50Qui était réellement Simone de Beauvoir ?
00:53Quelle est l'histoire de son couple mythique avec Sartre ?
00:55Comment est né le manifeste des 343 ?
00:58Et quelles étaient ses habitudes à Saint-Germain-des-Prés ?
01:01Jamais sa bande d'experts nous raconte aujourd'hui l'histoire de la papesse du féminisme.
01:05Grâce à Simone de Beauvoir, le manifeste va attirer de grandes signatures
01:08comme Marguerite Duras, Françoise Sagan, Gisèle Halini.
01:13Simone de Beauvoir a entretenu une correspondance régulière avec des milliers de lecteurs.
01:18Aujourd'hui encore, l'art épistolaire reste une tendance.
01:21À l'Andersheim, Lucie Burkel a imaginé des cartes postales magiques prêtes à planter.
01:26Une fois envoyées, ces cartes qui contiennent des petites graines
01:29peuvent entamer une seconde vie sous forme de plantes.
01:31Il faut que ce soit aussi des plantes qui poussent assez facilement.
01:34L'idée, c'est que ça pousse chez tout le monde et que ça fonctionne.
01:37Jamy vous répondra enfin à toutes les questions autour du personnage de Simone de Beauvoir.
01:42Dans Dijamy, il vous dira comment ont été créées les grandes écoles.
01:45« On ne naît pas femme, on le devient ».
01:54Cette citation est tirée du célèbre ouvrage de Simone de Beauvoir, « Le deuxième sexe ».
01:59Publié en 1949, ce livre de mille pages demeure aujourd'hui encore l'une des pièces fondatrices du féminisme.
02:07Car il met en lumière la pensée de l'époque.
02:11Le deuxième sexe, c'est la femme.
02:14Et dans la tête de monsieur et madame Tout-le-Monde, à l'époque, le sexe inférieur.
02:18Au départ, pourtant, son intention n'était pas d'écrire sur le féminisme.
02:23Simone de Beauvoir, alors âgée de 40 ans, voulait simplement rédiger un livre sur sa vie.
02:29Elle se replonge dans ses souvenirs d'enfance.
02:32Sa naissance à Paris, le 9 janvier 1908, dans une famille bourgeoise et pieuse.
02:39Elle est l'aînée de deux filles.
02:41Tout au long de sa scolarité, Simone est une élève brillante.
02:45Son aventure sur les bancs de l'école aurait cependant pu tourner court.
02:49Car à cette époque, les jeunes filles ne font pas d'études supérieures.
02:53Ce n'est pas dans les mœurs et ce n'est pas très bien vu.
02:57Mais son père, un avocat passionné de théâtre, la pousse à s'émanciper.
03:02Il aimerait que sa fille écrive.
03:05Il lui répète sans cesse qu'elle a un cerveau d'homme.
03:08Ce sont ses propres termes.
03:10Simone poursuit donc des études de mathématiques, de lettres, puis de philosophie.
03:15Forcément, quand elle débute l'écriture du livre de sa vie, une question s'impose.
03:21Qu'est-ce qu'une femme ?
03:22C'est ainsi que naît le projet du deuxième sexe.
03:26Pendant deux ans, l'écrivaine se lance dans un immense travail de recherche.
03:30Elle rassemble tout ce qu'elle peut trouver sur le sujet.
03:33Elle s'inspire également des travaux des Afro-Américains sur le racisme.
03:38Simone aborde toutes les questions concrètes de la vie des femmes.
03:41Elle parle du corps féminin sans aucune retenue, de l'utérus, des règles,
03:46mais aussi de sexualité, de vagin, de clitoris et même d'homosexualité.
03:51Beauvoir explore aussi la maternité.
03:53Elle affirme que l'instinct maternel est un fantasme.
03:57Elle se positionne en faveur de l'avortement.
04:00C'est révolutionnaire.
04:01Car dans l'après-guerre, en 1949, les femmes sont encouragées à procréer.
04:07Et l'avortement est interdit par la loi.
04:10Il est considéré comme un crime.
04:12La philosophe se penche également sur l'émancipation économique des femmes.
04:17Elle évoque le poids des tâches ménagères et du travail domestique.
04:21Surtout, Beauvoir déconstruit l'idée qu'une femme est par nature inférieure à l'homme.
04:27Selon elle, il n'existe pas une naissance féminine.
04:31Ce sont les structures sociales qui conditionnent les individus.
04:35Le concept du sexe faible est le fruit d'un imaginaire construit par les hommes au fil des siècles.
04:41À sa sortie, l'ouvrage fait scandale.
04:48À gauche comme à droite, les intellectuels masculins sont indignés.
04:53Simone de Beauvoir reçoit même des menaces de mort.
04:56En dépit des polémiques, le deuxième sexe est un immense succès commercial.
05:01Dès la première semaine, il se vend à plus de 22 000 exemplaires.
05:06Au fil des décennies, le livre s'impose comme une référence.
05:10Il est traduit dans 121 langues et s'écoule à des millions d'exemplaires dans le monde entier.
05:16Simone de Beauvoir, l'icône du féminisme, est née.
05:27Lorsqu'en 1971, les militantes du MLF ont l'idée de publier une pétition en faveur de l'avortement,
05:34Simone de Beauvoir accepte immédiatement de les soutenir.
05:37Lorraine Malka nous raconte les coulisses du fameux manifeste des 343
05:42qui va considérablement faire avancer la cause des femmes.
05:51Parmi les milliers de jeunes femmes dont tu parles, Jamy, qui adultent Simone de Beauvoir,
05:56certaines deviennent plus actives que les autres,
05:58se revendiquent féministes radicales et fondent le mouvement de libération des femmes, le MLF.
06:03La cause qui leur tient le plus à cœur, c'est la légalisation de l'avortement.
06:08On est en 1971, la société est soi-disant en pleine libération sexuelle,
06:14mais pour les femmes, ce n'est pas vraiment la fête du sexe.
06:17Seules 6% d'entre elles prennent la pilule,
06:19puisque c'est un produit très nouveau qui suscite donc de la méfiance.
06:23Donc les femmes tombent enceintes et dans certains cas, avortent.
06:26Les plus riches vont en Grande-Bretagne ou en Suisse.
06:29Les autres passent par ce qu'on appelle des faiseuses d'anges,
06:32des femmes souvent non médecins qui les avortent avec des aiguilles à tricoter
06:35ou alors elles font le boulot elles-mêmes.
06:38Elles en ressortent souvent traumatisées, parfois mutilées et certaines en meurent.
06:43À l'époque, aucune femme n'ose dire qu'elle a avorté.
06:46C'est le tabou absolu.
06:48Surtout que l'avortement est passible de deux ans de prison.
06:51Alors comment sensibiliser les dirigeants ?
06:54Au Nouvel Observateur, une journaliste, Nicole Muchnick, a une idée.
06:58Elle contacte le MLF pour rédiger une pétition
07:01et appeler les célébrités à dire publiquement qu'elles ont avorté.
07:06Anne Zelinsky, l'une des fondatrices du MLF, est plus que partante,
07:10mais elle sait qu'elle aura du mal à convaincre ses collègues.
07:13Le MLF n'aime pas l'idée de ne mettre en avant que des stars,
07:16alors que l'avortement clandestin concerne surtout des anonymes qui n'ont pas les moyens.
07:20Entre-temps, Simone de Beauvoir invite des membres du MLF à prendre un café par curiosité.
07:27Anne Zelinsky, très intimidée, en profite pour demander à Simone,
07:31dans le dos de ses collaboratrices, si elle est d'accord pour soutenir ce manifeste.
07:35« Tout ça me paraît très bien », répond Simone, hyper laconique.
07:38« Que dois-je faire ? »
07:39« Je lui aurais sauté au cou », raconte Anne Zelinsky.
07:43Grâce à Simone de Beauvoir, le manifeste va attirer de grandes signatures
07:47comme Marguerite Duras, Françoise Sagan, Gisèle Halimi
07:50et des anonymes, comme le voulait le MLF, qui ne lâchent rien.
07:55En avril 1971, le manifeste des 343 paraît sous le titre « Je me suis fait avorter ».
08:02Charlie Hebdo en fait sa une avec pour titre « Les 343 salopes ».
08:05La formule est reprise dans le monde entier et inspire d'autres pays comme l'Allemagne
08:10qui lancent aussi un manifeste avec l'aide d'actrices comme Romy Schneider.
08:15Les filles du MLF sautent vraiment au coup de Simone de Beauvoir cette fois
08:18qui, pour les calmer, a cette phrase célèbre
08:21« Nous n'avons pas gagné, n'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique,
08:26économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. »
08:30Bonne leçon pour toutes les générations.
08:33Merci Lorraine.
08:34Simon, rappelons que quatre ans plus tard, la loi Veil, du 17 janvier 1975,
08:38dépénalise définitivement l'avortement.
08:43Beauvoir et Sartre, voilà deux noms qui vont de pair.
08:46Pendant plus de 50 ans, ce couple vit une histoire d'amour anticonformiste
08:50dans le respect et l'admiration mutuelle.
08:53Jean-Paul appelle Simon par un petit nom qui lui restera « Castor ».
08:58Les deux amoureux se rencontrent sur les bancs de la Sorbonne à la fin des années 1920.
09:04Simone a 21 ans et arrive deuxième à l'agrégation de philosophie juste derrière Sartre,
09:11alors âgé de 24 ans.
09:13En juin 1929, sur un banc du Jardin des Tuileries, il conclut un pacte.
09:18Leur relation ne sera pas conforme aux usages.
09:21Il n'y aura pas de mariage, pas de vie commune, pas d'enfant.
09:25Ça tombe bien, car Simone tient à sa liberté.
09:28Surtout, ils s'autorisent des aventures avec d'autres personnes qu'ils appellent
09:33« leurs amours contingentes ».
09:36Le tout dans la transparence la plus totale, car ils promettent de tout se dire.
09:41Après ses études, Simone de Beauvoir devient professeure de philosophie dans des lycées
09:47de jeunes filles.
09:48Elle y entretient des relations amoureuses avec certaines d'entre elles.
09:52Ces relations avec des jeunes filles mineures font scandale.
09:55Elles sont aujourd'hui encore très controversées.
09:58Comme celles d'ailleurs que Sartre et elle entretiennent avec Olga Kozakiewicz,
10:03une adolescente de 16-17 ans.
10:05Cette liaison inspirera le ménage à trois qu'elle décrit dans son roman « L'invité ».
10:11Publié en 1943.
10:13Il n'y a pas que les mœurs du couple qui choquent l'opinion publique.
10:17Sartre et Beauvoir sont aussi critiqués pour leur manque d'engagement
10:20pendant la Seconde Guerre mondiale.
10:22Ils préfèrent la littérature et faire la fête.
10:26Pour gagner sa vie, Simone accepte même de travailler pour une émission culturelle
10:30sur Radio Vichy.
10:32Plus par opportunisme que par réelle conviction.
10:36Mais à peine la guerre terminée, Beauvoir et Sartre décident de prendre position.
10:40En 1945, le couple fonde les temps modernes, une revue politique, littéraire, philosophique
10:49et surtout très engagée à gauche.
10:52Pendant la guerre froide, ils choisissent de soutenir le camp des communistes,
10:56enfermant parfois les yeux sur les dérives totalitaires du modèle soviétique.
11:00Les positions du couple sont loin de faire l'unanimité,
11:09mais Beauvoir et Sartre s'imposent comme des figures intellectuelles majeures de leur époque,
11:14indissociables l'une de l'autre.
11:17Comme le philosophe le dit lui-même,
11:19Sartre ne peut se concevoir sans Beauvoir, ni Beauvoir sans Sartre.
11:23Jean-Paul Sartre n'est pas le seul grand amour de Simone de Beauvoir.
11:29L'écrivaine a entretenu une relation passionnelle de plus de 15 ans
11:33avec un autre auteur, l'américain Nelson Algren.
11:38David Chemla nous raconte cette époque où le cœur de Simone
11:41battait jusque de l'autre côté de l'Atlantique.
11:45En voilà un, Jamy, qui a fait battre très fort le cœur de Simone de Beauvoir,
11:54son amant américain Nelson Algren.
11:57Elle le rencontre lors de son premier voyage aux Etats-Unis en février 1947.
12:01Alors qu'elle est de passage à Chicago,
12:03une amie lui conseille d'aller rendre visite à l'écrivain.
12:05Ils passent un délicieux moment tous les deux
12:07avant que Simone ne s'envole pour Los Angeles.
12:10Quelques heures qui lui ont suffi pour tomber sous le charme
12:12de celui qui est alors considéré comme l'un des auteurs américains
12:15les plus talentueux de l'époque.
12:17Après avoir raconté la misère de l'Amérique de la Grande Dépression
12:20dans les années 30,
12:21Algren dépeint avec la même force
12:23les bas-fonds de Chicago dans ses nouvelles et ses poèmes.
12:27Dans la tradition des romanciers réalistes américains,
12:29il s'intéresse aux pauvres, mais aussi aux noirs,
12:31aux prostituées et aux criminels,
12:33bref, à tous ceux que l'on refuse de voir.
12:35Une Amérique des Invisibles dont Nelson Algren dit lui aussi faire partie.
12:39Simone a beau voir en lui un « dangereux bien-aimé » comme elle l'appelle,
12:42un homme à femme, amateur d'alcool et de poker,
12:44elle n'en tombe pas moins follement amoureuse.
12:46Pendant plus de 15 ans,
12:47les deux tourtereaux vivent une histoire d'amour enflammée.
12:50Simone de Beauvoir ne s'est jamais sentie autant femme
12:52qu'avec son « crocodile adoré » comme elle le surnomme.
12:55Et elle lui écrit souvent, pas moins de 300 lettres.
12:58Son « American lover » l'inspire aussi pour écrire son œuvre majeure,
13:02« Le deuxième sexe » paru en 1949.
13:04Ou encore son roman « Les mandarins »
13:06pour lequel elle obtient le prix Goncourt en 1954
13:08et qu'elle dédie justement à son amant.
13:11Mais Simone n'en oublie pas pour autant l'homme de sa vie,
13:13Jean-Paul Sartre.
13:14Alors quand Algren la demande en mariage,
13:16le castor fait barrage car elle refuse de renoncer à sa vie avec Sartre,
13:19sinon elle serait, je cite,
13:21« une sale créature, une traîtresse, une égoïste ».
13:23Elle est déchirée entre sa loyauté envers son amour de toujours
13:26et la passion dévorante de son amant
13:28avec qui elle décide finalement de rompre.
13:30Après des dernières années difficiles,
13:32Nelson Algren meurt dans la misère et l'indifférence en 1980,
13:36seule oubliée de tous.
13:37Sauf de sa tendre Simone
13:39qui lorsqu'elle s'éteint à son tour en 1986,
13:42se fait inhumer avec l'anneau qu'il lui avait offert
13:44lors de leur première nuit d'amour.
13:47Merci David pour cet autre visage de l'Amérique
13:50et de Simone de Beauvoir.
13:52Imaginez-vous en 1950 à Paris,
14:03dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés.
14:05Vous vous asseyez à la terrasse d'un café
14:07et tout à coup,
14:09vous tombez sur Simone de Beauvoir
14:11en pleine discussion avec Jean-Paul Sartre
14:13autour d'un verre.
14:15Au 19e et au 20e siècle,
14:17il n'était pas rare de croiser un intellectuel
14:19où un artiste en vogue dans ce quartier
14:22de la rive gauche parisienne.
14:24Georges Sand, Jean Cocteau, Gainsbourg,
14:26tous ont fréquenté ces rues animées.
14:29Mais peu de gens l'ont autant arpentée
14:31que Simone de Beauvoir.
14:33Il faut dire que c'est le quartier de sa jeunesse.
14:36Elle est née à quelques rues de là,
14:37au 103 boulevard du Montparnasse.
14:39Plus tard, sa famille déménage à deux pas
14:42aux 71 rue de Rennes.
14:44Enfin, pour ses études,
14:45la jeune femme s'installe dans l'appartement
14:47de sa grand-mère.
14:48Le logement est situé rue d'Enfer Rochereau,
14:51tout proche de Saint-Germain-des-Prés.
14:54Lors de la Seconde Guerre mondiale,
14:56les cafés deviennent un refuge
14:57pour les gens du quartier.
14:59Comme on ne peut pas sortir le soir,
15:01on s'y précipite la journée
15:02pour tuer le temps.
15:04Ce sont aussi les seuls lieux chauffés.
15:07Sartre et Beauvoir en profitent
15:08pour passer des journées entières
15:10à écrire au célèbre Café de Flore.
15:13Après la guerre,
15:14en compagnie de leurs amis écrivains et philosophes,
15:16ils refont le monde sur les tables des troquets du coin.
15:19C'est ici que Simone de Beauvoir
15:21et Jean-Paul Sartre
15:22vont devenir peu à peu
15:23les coqueluges du quartier.
15:25Ce couple original fascine
15:27et incarne l'existentialisme.
15:30C'est un courant philosophique
15:31qui stipule que l'homme est libre
15:33et responsable de son existence.
15:36Saint-Germain-des-Prés
15:37est alors l'épicentre parisien de la pensée.
15:40Le Café de Flore
15:41est le QG des poètes et des artistes.
15:43Il fréquente aussi les Deux Magots
15:46ou la Closerie des Lilas.
15:47L'écrivain Boris Vian
15:49fait partie de la bande.
15:50Sur une célèbre photo,
15:52on le voit en pleine discussion au Procope
15:54en compagnie de Beauvoir et de Sartre.
15:58Les interventions de ce dernier
15:59dans les cafés
16:00sont des événements.
16:02On se bouscule pour le voir
16:03et l'écouter.
16:04On raconte même
16:05que des femmes s'évanouissent
16:07en l'écoutant.
16:09Souvent, le soir,
16:10Simone et toute cette bande
16:11abandonnent le bouillonnement intellectuel du Fleur
16:14pour l'ambiance plus festive
16:16d'autres bars de Saint-Germain.
16:17L'écluse,
16:18le relais ou le tabou.
16:20Un bar-cave
16:20qui reste ouvert
16:22jusqu'au petit matin.
16:26Le Saint-Germain-des-Prés
16:28des années 1950
16:29regorge d'endroits
16:31où l'on fait la fête.
16:32Marie-Georgesco II
16:33et le Rhin
16:34nous emmènent faire la connaissance
16:36des figures musicales
16:37des caves enfiévrées
16:38de l'après-guerre.
16:39Notre promenade
16:46débute sur le boulevard Saint-Germain
16:48au fameux Café de Flore
16:49qui, comme tu l'as dit, Jamy,
16:51sert déjà de camp de base
16:52à Simone de Beauvoir
16:53depuis l'occupation.
16:54C'est ici
16:55que l'on peut facilement repérer
16:56des amateurs de jazz
16:57venus siroter un cocktail
16:58avant de poursuivre
16:59la soirée juste à côté
17:00au 13 rue Saint-Benoît
17:02dans l'antre du bebop,
17:04le Club Saint-Germain.
17:06Et au Club Saint-Germain,
17:07on croise du beau monde.
17:08Les monstres sacrés
17:09comme Charlie Parker
17:10ou Miles Davis
17:11sont des habitués.
17:12Et les soirs
17:13où c'est Duke Eddington
17:14qui joue,
17:15on peut voir jusqu'à
17:15mille personnes
17:16s'amasser devant l'entrée.
17:24Pour les amateurs
17:25de chansons françaises,
17:26il y a aussi tout ce qu'il faut.
17:27On peut y croiser
17:28Juliette Gréco,
17:29la muse rebelle du quartier
17:31dont le naturel
17:32et la liberté
17:32fascinent Simone de Beauvoir
17:34qui ne tarde pas
17:35à devenir
17:35l'une de ses meilleures amies.
17:36Les frères Jacques,
17:40eux,
17:40harmonisent
17:41à la Rose Rouge,
17:42rue de Rennes.
17:44Quant à Cora Wauker,
17:45on l'appelle carrément
17:45la Dame Blanche
17:46de Saint-Germain-des-Prés.
17:51Terminons notre promenade
17:52rue Dauphine
17:53et arrêtons-nous
17:54quelques instants
17:54au numéro 33.
17:56C'est là que Boris Vian,
17:57grand ami de Simone
17:58et Jean-Paul,
17:59se produit avec sa trompinette
18:01et son orchestre
18:02les grrr.
18:02La légende dit
18:06que dans les caves
18:07voûtées du tabou,
18:08surnommées
18:08le centre de la folie,
18:10les festivités nocturnes
18:11étaient si tapageuses
18:12que les voisins excédés
18:14déversaient le contenu
18:15de leur peau de chambre
18:16sur la tête des fêtards.
18:17Une anecdote
18:18au moins aussi surréaliste
18:19que la plume
18:20de M. Vian.
18:22Merci Marie,
18:23comme quoi au flore,
18:24il y avait une drôle de faune.
18:27Allez,
18:27on passe maintenant
18:28aux trois informations
18:29essentielles à retenir
18:30sur Simone de Beauvoir.
18:321.
18:33Impossible de parler
18:34de Simone de Beauvoir
18:35sans évoquer
18:36le deuxième sexe.
18:38Dans cet essai,
18:38paru en 1949,
18:40elle déconstruit l'idée
18:42qu'une femme serait
18:42par nature
18:43inférieure à un homme.
18:45Le livre devient
18:46la Bible du féminisme.
18:482.
18:49Simone de Beauvoir
18:50et Jean-Paul Sartre
18:51se rencontrent
18:52à la Sorbonne
18:53à la fin des années 1920.
18:54Pendant 50 ans,
18:56ils forment un couple libre,
18:57anticonformiste
18:58et égalitaire.
19:00Leurs idées
19:00et leurs engagements
19:01marquent profondément
19:03l'histoire du XXe siècle.
19:053.
19:06La philosophe
19:07passe le plus clair
19:08de sa vie
19:08sur la rive gauche parisienne
19:10à Saint-Germain-des-Prés.
19:12Après la Seconde Guerre mondiale,
19:13le quartier attire
19:14poètes,
19:15artistes
19:16et intellectuels.
19:17Tous se retrouvent
19:18autour de Sartre
19:19et Beauvoir,
19:20les apôtres
19:21de l'existentialisme.
19:22...
19:23Simone de Beauvoir
19:28entretenait une correspondance
19:30régulière
19:30avec des milliers
19:31de lecteurs.
19:32Si aujourd'hui,
19:33on en voit moins de lettres,
19:35Lucie entend faire
19:35perdurer la tradition
19:37de l'art épistolaire.
19:38Son idée,
19:39des cartes postales
19:40en papier biodégradable
19:41et à planter.
19:43Faire du verre
19:44avec de la prose,
19:45c'est l'idée du jour.
19:46J'imagine que toi aussi,
19:48Jamy,
19:48tu aimes écrire,
19:49envoyer et recevoir
19:50des cartes postales.
19:52C'est une petite attention
19:53qu'on adore recevoir.
19:55Lucie a une idée poétique
19:57pour transformer
19:58des cartes
19:58en merveilles botaniques.
20:00Mon idée,
20:01c'est de faire des cartes
20:02en papier biodégradable
20:03qui deviendront des fleurs.
20:07Ces cartes postales
20:07que l'on peut planter
20:08deviennent comme par magie
20:09des fleurs,
20:10mais aussi des carottes,
20:11des salades
20:12ou de la menthe.
20:13Lucie est fan
20:14de cartes postales
20:14depuis son enfance
20:15et ses vacances en colo.
20:17Et c'est en passant du temps
20:18avec sa grand-mère alsacienne
20:19que l'idée a germé.
20:20Ma mamie,
20:21elle est agricultrice
20:21et elle,
20:22dans ses champs,
20:23elle utilisait
20:23des rubans de graines
20:24où les graines sont
20:25tous les 5 cm
20:26pour que ce soit planté droit
20:27dans les champs,
20:27ce qui est hyper important.
20:29Et du coup,
20:29quand j'ai découvert ce papier,
20:30je me suis dit
20:30« Oh, mamie,
20:31il faut trop qu'on fasse
20:32des cartes
20:32avec ce papier ! »
20:35Pleine d'optimisme,
20:36Lucie n'a pas eu peur
20:37de se planter.
20:43Alors qu'elle n'est
20:44que l'ICN,
20:45quand elle réalise
20:45de A à Z
20:46ses premiers modèles,
20:48au dessin presque enfantin.
20:50Du coup,
20:50elles sont en graines
20:51de fleur des champs,
20:52coquelicot et myosotis
20:53et c'est avec
20:54ses premières cartes
20:55que je suis allée
20:55démarcher les boutiques
20:56avec mon plus beau sourire
20:57en disant
20:58« Vous ne voulez pas
20:58proposer mes cartes
20:59à vos clients ? »
21:00Sa petite entreprise
21:04est florissante
21:05et à 23 ans,
21:06elle a déjà créé
21:07plus de 200 000 cartes,
21:08toutes réalisées
21:09artisanalement.
21:10Pour faire son papier
21:13ensemencé,
21:14Lucie commence
21:15par broyer du papier
21:16qu'elle mixe
21:16avec de l'eau.
21:19Il faut ensuite
21:19choisir minutieusement
21:20ses graines.
21:22« Ouais, hop,
21:23on va partir
21:23sur des carottes.
21:25Il faut juste
21:25bien peser.
21:27Tac. »
21:28Et toutes ne sont
21:28pas bonnes à planter.
21:31« Parfait. »
21:32« Il faut qu'elles
21:32soient assez résistantes
21:33pour ensuite
21:34passer en impression.
21:35Il faut aussi
21:35qu'elles acceptent
21:36de rester assez longtemps
21:36dans de l'eau
21:37quand même
21:37pendant la fabrication
21:38du papier.
21:39Et après,
21:39il faut que ce soit
21:39aussi des plantes
21:40qui poussent
21:41assez facilement.
21:42L'idée,
21:42c'est que ça pousse
21:43chez tout le monde
21:43et que ça fonctionne. »
21:45Une fois le papier séché,
21:46Lucie le met au format.
21:48« Alors, ça avance ?
21:49Oh, mais c'est super ! »
21:51Et pour le dessin,
21:52fini les motifs enfantins.
21:53Notre jeune entrepreneuse
21:54emploie une vingtaine
21:55d'illustratrice professionnelle.
21:57« Il y a des choses
21:57un petit bout de cerise. »
21:59Que des femmes !
22:00Et oui,
22:00il faut dire que Lucie
22:01s'est largement inspirée
22:02du parcours de son icône,
22:03féministe et experte
22:05en art épistolaire,
22:06j'ai nommé
22:06Simone de Beauvoir.
22:08« Aujourd'hui,
22:09les femmes se sont émancipées
22:10et les femmes peuvent
22:10faire ce qu'elles veulent.
22:11Et aujourd'hui,
22:11en étant chef d'entreprise,
22:13c'est quand même
22:13une preuve que
22:14Simone avait raison. »
22:17Comme beaucoup de jeunes filles
22:18de sa génération,
22:19Lucie est une fonceuse
22:20qui s'est fait confiance
22:21et est allée
22:22au bout de son projet.
22:22« Je pense qu'elle est
22:24inspirante aussi
22:25pour tous les jeunes
22:26qui, parfois,
22:26avec le contexte actuel,
22:28ont peut-être du mal
22:29à se projeter
22:29dans un avenir
22:30et on voit que c'est possible
22:31de se lancer
22:32et de croire
22:33en ces projets. »
22:35Aujourd'hui,
22:35ces cartes postales
22:36sont distribuées
22:37dans plus de 500 boutiques
22:38en France
22:38et même en Belgique
22:39ou en Irlande du Nord.
22:41« Ça va, mamie ?
22:42Tout se passe bien ? »
22:43« Oui, c'est parfait. »
22:47Et oui,
22:47toutes les générations
22:48sont là.
22:49C'est la fameuse
22:49grand-mère alsacienne
22:50de Lucie
22:51qui gère la mise sous pli
22:52des cartes.
22:53L'enthousiasme de sa petite-fille
22:55a balayé ses doutes
22:56et elle a repris du service.
22:57« Elle m'a fait
22:58un contrat de travail
22:59à Bonnet du Fort
23:00donc voilà,
23:01je me suis remise au boulot. »
23:02« C'est elle
23:03qui m'écrivait les cartes
23:03quand j'étais petite en colo
23:04donc ça fait une belle boucle. »
23:07« Un, deux, trois. »
23:11Alors Jamy,
23:11quand tu auras reçu
23:12et lu ta carte,
23:13pense bien à la planter.
23:14Mets-la directement
23:15dans un pot
23:16et arrose généreusement.
23:18« Après,
23:18quand les fleurs poussent
23:20ou que les carottes,
23:21on les a en salade,
23:22on se dit
23:22« Ah ben tiens,
23:22c'était les carottes
23:23de la carte de Tata. »
23:26« Et voilà,
23:26il ne reste plus
23:27qu'à attendre
23:28quelques semaines
23:28et ta carte
23:29se transformera
23:30en belle plante. »
23:32« L'esprit rebelle,
23:34je traverse
23:35la passerelle,
23:37Simone de Beauvoir. »
23:39« Je ne vais pas
23:39vous écrire un roman
23:40ou un essai
23:41sur Simone de Beauvoir. »
23:42En revanche,
23:43ma philosophie,
23:44c'est de répondre
23:45à vos questions.
23:46Tout de suite,
23:47c'est dit Jamy.
23:53Qui a créé
23:54les grandes écoles ?
23:55Ces établissements
23:59qui constituent
23:59une spécificité française
24:01sont apparus progressivement
24:03au fil de l'histoire.
24:04L'expression
24:05« grande école »
24:06ne correspond pas
24:07à un statut précis,
24:08mais renvoie
24:09à des études supérieures
24:11après sélection,
24:12le plus souvent
24:13par concours.
24:14Ce sont d'abord
24:15des écoles créées
24:16par l'État
24:17à partir du XVIIIe siècle
24:18pour former
24:19ses ingénieurs,
24:20ses militaires,
24:21ses administrateurs.
24:22La toute première
24:23est l'École
24:24des ingénieurs
24:25constructeurs
24:26de vaisseaux royaux
24:27fondée en 1741
24:29pour former
24:29les maîtres charpentiers
24:31de marine.
24:32Viennent ensuite
24:33l'École nationale
24:34des ponts et chaussées
24:35en 1747,
24:37celle des arts et métiers
24:38en 1780,
24:40Polytechnique
24:40en 1795.
24:43Au XIXe
24:44puis au XXe siècle,
24:45leur nombre
24:46grossit en même temps
24:47que l'éventail
24:48des matières étudiées
24:49s'élargit.
24:50Il n'existe pas
24:51de liste officielle,
24:52mais la Conférence
24:53des grandes écoles,
24:54Association nationale,
24:56en réunit aujourd'hui
24:57227.
24:58Demain sera féministe,
25:01Superman change de disque.
25:06C'est Jamy,
25:06c'est fini pour aujourd'hui,
25:07mais notre correspondance
25:09est loin d'être terminée.
25:10Je reviens très vite
25:11ici, dans mon atelier.
25:13Faites-le savoir.
25:14Devin sera féministe,
25:17Superman change de disque.
25:23Main dans la main,
25:26demain sera féminin.
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