- 04/07/2025
Après Bifurcations, la Biennale s’est interrogée sur les Ressources dont pourront disposer les designers pour « présager demain ». Une biennale à l’image des nouvelles générations et des étudiants issus de l’école stéphanoise où « faire » un objet suppose de le « défaire ». Quatre expositions, Créer en Arménie, le pays invité, Qui êtes vous Raymond Guidot, Ressources et Territoires, et Droit de rêver sont racontées ici comme une lecture du design d’aujourd’hui avec le directeur-commissaire de la Biennale. Une édition de 6 semaines augmentées de six week-end festifs de Biennale en Fête, véritable bouée d’approche pour le public.
Réalisation : Chantale Joassard
Réalisation : Chantale Joassard
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00:00Bonjour, bonsoir, bienvenue dans Côté Seine et cette semaine c'est un dernier tour d'horizon de la Biennale 2025 que nous allons faire.
00:0613ème édition d'une Biennale qui avait pour thème ressources présagées demain.
00:10Une Biennale disons nationale et stéphanoise vu que deux expositions, Droits de Révé et Fab École, montraient des projets des étudiants de l'école stéphanoise.
00:19Une Biennale qui porte aussi un regard sur l'Arménie, un œil sur le passé avec Raymond Guido.
00:24Une Biennale à l'étroit, elle a perdu deux tiers de sa surface, qui souhaitait se centrer sur des objets dans un monde du design qui se cherche entre les ressources qu'on puise et celles qu'on ne veut pas épuiser.
00:36Aussi les objets ne sont pas toujours bienvenus, pas toujours réalistes, pas toujours futuristes, ce côté scène n'est pas exhaustif ni absolu.
00:43Ce n'est pas non plus une visite guidée mais plutôt une conversation entre des questions transversales et des instants que vous avez pu vivre ici.
00:50La Biennale, les expositions mais aussi Biennale en fait. Une Biennale dont le sous-titre est présagé demain.
00:56Présagé, synonyme de prédire, prévoir, pronostiquer ou promettre. Il y a un peu de tout ça ici.
01:03Voilà c'est parti, nous allons commenter cette Biennale avec Éric Jourdan, le commissaire général, ici dans Droits de Révé, dédié aux étudiants de l'école.
01:12Et ça nous permet de parler du faire. Un résumé Éric Jourdan sur cette thématique ressources.
01:17Les réponses autour des ressources ont été abordées mais avec des sensibilités fort différentes.
01:25Et là on est dans l'espace de l'exposition Le Droit de Révé, donc une exposition consacrée à des workshops qui ont été menés à l'école par des étudiants et des designers invités.
01:37Des ressources liées à la fabrication. Là je vois à côté un projet qui a été fait seulement avec la main, sans machine, sans dessiné, sans ordinateur.
01:51Il y a aussi un projet là-bas sur les shakers qui est plutôt comment travailler avec les ressources d'une certaine époque.
01:59qui est là en l'occurrence du 19ème siècle, c'est-à-dire sans électricité, comment dessiner et créer et fabriquer du mobilier sans les techniques actuelles.
02:07Donc là tout ça pose la question des ressources, des objets fabriqués ici.
02:13Ça reste à Saint-Etienne, dans notre école, dans notre établissement, une donnée fondamentale.
02:19Oui, oui, carrément, c'est une volonté de créer des choses, d'aller chercher, d'être toujours curieux, de faire des choses qu'on n'a jamais faites avant,
02:29de travailler en groupe avec des gens qui nous inspirent des choses, qui nous font découvrir des choses qu'on ne connaissait pas.
02:36C'est ça aussi le travail dans ces workshops, dans l'école.
02:39C'est vraiment des rencontres entre étudiants, entre professionnels, entre professeurs.
02:44Et ça donne lieu à vraiment beaucoup, beaucoup de nouveautés, plein de nouvelles pistes.
02:50Et parfois c'est le début d'intérêt pour des étudiants, des étudiantes qui vont découvrir quelque chose à un moment donné dans un workshop
02:58et qui peut-être après va ouvrir une pratique.
03:02C'est aussi vraiment une grande richesse et une grande ouverture.
03:05Et bien sûr, dans la Biennale, c'est pareil, puisque la Biennale, c'est aussi une prolongation de ce qu'est l'école, de ce qu'est l'établissement,
03:15avec sa sensibilité aux choses fabriquées.
03:19Première étape donc, le faire.
03:22Nous y reviendrons.
03:23Et parmi les ressources, il y a aussi celle de l'histoire, avec cet hommage à l'historien du design Raymond Guido,
03:30la grande période aussi d'un design flamboyant.
03:33C'est le TGV, c'est le Concorde, c'est le programme Airbus, c'est la voie Georges Pompidou,
03:39où on décide de désengorger le centre-ville de Paris et de faire passer les voitures en dessous.
03:46Il y a cette idée du progrès.
03:48Moi, je n'aime pas trop parler d'avant-garde, mais c'est quelqu'un qui était aux avant-postes,
03:54et qui pensait les choses avant les mouvements, qui les regardait quand ils étaient en train d'arriver.
04:02Un historien dynamique, du temps présent, à l'affût du nouveau.
04:06Une des clés de l'intérêt du personnage, c'est-à-dire savoir regarder, savoir voir ce qui peut arriver,
04:15comment on précède les mouvements.
04:19Est-ce qu'on n'est pas un peu nostalgique, Éric Jourdan, de cette période où le design inventait tout ?
04:26Mais en ce qui concerne Raymond Guido, il a accompagné effectivement une époque, on va dire, les années 60-70,
04:36où il y avait cette idée liée aux Trente Glorieuses, à la production industrielle,
04:42que dans les années 70, la France a dépassé en capacité industrielle l'Allemagne quand même.
04:47On en est loin maintenant.
04:50C'était dans 2001, les sièges dessinés par Olivier Mourgue, dans 2001, Odyssée de l'espace.
04:57Donc il y avait l'idée qu'on associait le design à une espèce de progrès,
05:04mais presque très volontaire, très volontariste.
05:08Je rappelle les salons de l'Élysée, dessinés par Pierre Paulin et choisis par Georges Pompidou,
05:18quelque chose d'assez incroyable.
05:19Plus personne ne fait ça actuellement.
05:24Donc il y avait quand même l'idée d'être moderne.
05:26Alors aujourd'hui, être moderne, ce n'est peut-être plus un design qui pousse l'objet ou l'industrie en avant.
05:33Ce ne sont peut-être plus non plus de grands projets.
05:36La grande designeuse française, Mathalie Crasset, celle que Stark appelait son cerveau,
05:41ne dit pas autre chose.
05:42Dans cette exposition au corps usé, l'homme aux pieds d'argile,
05:47elle témoigne de la place du designer aujourd'hui.
05:50Il jette ce qu'on appelle la lisière.
05:53C'est pour ça que le projet s'appelle l'effet lisière.
05:55Et donc, j'ai proposé aux étudiants de travailler sur ces chutes,
05:58qui sont normalement jetées ou brûlées, pour en faire quelque chose.
06:02Aujourd'hui, je dois dire un créateur, il ne doit pas simplement faire un projet,
06:05il doit faire le terrain de développement du projet aussi,
06:08ce qui n'était pas le cas quand je suis sortie de l'école, par exemple.
06:10Ça, c'est une grosse différence.
06:12Puisque, en fait, les projets qui naissent,
06:15c'est des façons de faire, des logiques qui n'existaient pas.
06:19Donc, il faut aussi les implanter et faire en sorte de trouver les acteurs,
06:23alors que, quand j'en suis sortie de l'école,
06:26les acteurs venaient voir les designers et nous poser des questions, tout simplement.
06:32Aujourd'hui, et moi, je n'ai jamais pris, en fait, le design pour l'idée de répondre à des questions,
06:38c'est plutôt être dans la proposition et dans l'idée de créer des choses singulières.
06:44Le design a été utilisé au siècle dernier pour uniformiser.
06:47Je pense qu'aujourd'hui, il est au contraire là pour singulariser de plus en plus,
06:53puisque notre monde est devenu trop uniforme.
06:56Autre témoignage, celui de la designer de maximum minimum du duo Natacha Sacha,
07:02qui fait revivre la pensée moderniste, époque Baos, pour définir le design de demain.
07:10On travaille beaucoup sur l'économie de moyens.
07:12Et donc, on a allé sélectionner des projets qui parlent d'économie de moyens,
07:15mais un peu chacun à leur façon.
07:17Et ce qu'on a voulu montrer, c'est que ces questionnements-là,
07:20de rechercher comment faire mieux avec moins,
07:23elles sont présentes depuis l'histoire, dès le début du design, dès le modernisme.
07:28Et donc, on voulait aussi montrer que quelque chose qui soit vraiment les fondements du design industriel.
07:36On a choisi des objets vraiment du quotidien.
07:38Ça va de la brosse à dents à la voiture, à l'ordinateur,
07:41pour montrer que le design, il est vraiment partout.
07:43Et surtout, la vision qu'on a essayé de porter, c'est celle de la démontabilité des objets et des composants.
07:50Parce que le designer, aujourd'hui, il doit vraiment prendre en considération tout le cycle de vie de l'objet.
07:55Et donc, c'est important pour nous de penser en amont à comment l'objet va pouvoir être démantelé ensuite, recyclé.
08:02Comment on va pouvoir le réactualiser dans son usage.
08:04Dans l'exposition, il y a aussi Territoire, où on découvre une voie inédite, en tous les cas pour moi,
08:13de l'école des arts décoratifs de Paris.
08:16Une réflexion collective à la manière des tiers-lieux, des associations,
08:20loin du dessin qui a fait la réputation de cette école parisienne.
08:22Comment la regarder ?
08:23Il faut regarder cette exposition comme un ensemble de projets qui ont pour point commun
08:29de relier le design à un territoire spécifique.
08:34On considère le design comme une méthode, une façon de faire, une approche
08:38qui part des usages et qui vise à répondre à des questions d'usage.
08:43Donc, il y a tout un pan du design qui est ce qu'on appelle le design de service
08:47et qui va travailler plutôt sur, par exemple, sur la mobilité, sur la santé
08:52et qui ne va pas forcément se matérialiser dans des objets.
08:56C'est partir des usages et voir comment on peut, afin d'améliorer tout simplement la vie des gens,
09:04comment on peut travailler avec les ressources du territoire, avec le déjà là.
09:09Ce déjà là, c'est des savoir-faire, c'est des hommes et des femmes, c'est des matériaux, c'est des ressources.
09:14Voilà, c'est trois exemples de cette biennale ressources,
09:18trois exemples où on se démarque du design objet ou industriel.
09:23Ça m'amène à cette question, est-ce qu'en ce moment le design est en crise ?
09:27Il n'est pas en crise le design, il doit accompagner de toute façon ce qui se passe autour de lui,
09:35sinon ça n'a aucun sens.
09:36C'est d'ailleurs l'intérêt du design, c'est qu'il est connecté, obligatoirement connecté aux problématiques du monde.
09:48Sinon, on est dans la décoration, je ne sais pas, mais en tout cas, il est connecté.
09:54Quand vous travaillez, là je suis assis sur un projet qui a été fait par une entreprise, Rondino,
10:04qui traite des questions de mobilier d'extérieur,
10:08les gens qui fabriquent du mobilier d'extérieur,
10:12ils sont confrontés à des problématiques de raréfaction des ressources en bois,
10:16et donc ils doivent travailler d'interdiction de traitement chimique sur ces bois,
10:23parce que la législation européenne l'interdit maintenant.
10:26Donc il y a toutes sortes de questionnements.
10:29Moi je ne vois pas ça comme une crise, je vois ça comme une façon d'avancer, de bouger.
10:35Ça pourrait nous différencier quelque part de l'art qui peut se situer d'une façon peut-être plus en retrait,
10:46ou plus isolée des questions sociétales ou économiques.
10:50Le design, ça ne peut pas vivre sans être connecté.
10:54Alors toujours à la Biennale, il y a des objets assez inédits, très futuristes, à partir de matières vivantes.
11:00C'est en le voyant maintenant que je me rends compte de ça.
11:03Mais ce n'est pas du tout intentionnel.
11:05Mais forcément on parle de futur.
11:07Moi je ne voulais plus parler de demain, mais il y a certains projets qui parlent de futur.
11:10Donc forcément, en arrivant, on se retourne face à des formes comme ça de science-fiction.
11:17Mais on n'est pas dans la science-fiction, on est dans le réel.
11:20Oui, on est dans le monde vivant, on est là dans le minuscule.
11:23On est là dans le minuscule qui a pris une échelle plus grande pour exister dans le monde des humains.
11:28On n'est pas là pour dénigrer les humains, mais on est là pour essayer de créer un dialogue
11:33et une cohabitation plus sereine entre le monde du mini-vivant et des humains.
11:38Alors le mini-vivant qui s'incruste ici sur une chaise, des champignons qui poussent.
11:43Quelles sont vos ressources ?
11:45Mes ressources ici, elles sont assez variées.
11:48Que ce soit de la bactérie, du mycélium, de l'insecte, du végétal.
11:53J'ai essayé vraiment de donner un petit spectrum de ce qui existait autour de nous et qui avait besoin de plus de présence.
12:01Et je prends un autre exemple, cette théière est à son ruban.
12:04Le ruban est un des piliers de l'industrie ligérienne.
12:06Quel sens a cet objet pour vous ?
12:08L'idée de ce workshop dont vous parlez, c'était de se dire qu'avec des ressources liées à l'histoire industrielle de Saint-Etienne,
12:20alors c'est un workshop, c'est de la recherche.
12:21On pouvait imaginer d'autres produits que ceux à quoi ils sont destinés habituellement.
12:28Et ça c'est une belle idée, moi je trouve.
12:32Vous savez ce qu'on appelait le Walkman dans les années 80 ?
12:36Ça a été inventé parce que le directeur de Sony, puisque c'est Sony qui a sorti le premier,
12:43souhaitait se promener dans son usine en écoutant de la musique.
12:45Et il a demandé à ses ingénieurs, ils ne fabriquaient pas du tout de Walkman,
12:50de lui faire un machin pour qu'ils puissent se balader dans l'usine en écoutant Mozart.
12:54Donc moi l'idée qu'un designer, une designer en l'occurrence Floracol,
13:03puisse imaginer d'autres produits que ceux à quoi les rubans sont destinés,
13:11je trouve que c'est une belle idée.
13:12Après il faudrait peut-être de la mise au point.
13:14Et vous, quelle demande est-ce que vous feriez ?
13:17De quoi est-ce que vous auriez envie qu'il y ait un objet qui n'existe pas ?
13:19Je ne sais pas, un climatiseur autonome.
13:26J'ai le droit de rêver, mais je suis comme ce qu'on dit en anglais,
13:30je suis un peu meat and potatoes, moi, donc je suis un peu terre à terre.
13:34Alors dans cette biennale ressources, vous avez voulu aussi une biennale de l'objet
13:38parce que ce serait plus grand public.
13:40Quel est l'objet le plus audacieux de cette biennale ?
13:44Alors, ça va vous paraître un peu réactionnaire,
13:51mais je trouve que les...
13:55Je ne sais pas si c'est audacieux, mais c'est particulièrement culotté
13:58d'avoir dessiné du mobilier à la manière dont on le faisait au XIXe siècle.
14:05sans électricité, sans produits chimiques, sans outils de coupe sophistiqués.
14:12Et je trouve ça assez...
14:15Pour arriver à des objets qui sont contemporains, surtout.
14:19Éric Jordan, quel est l'objet le plus décevant ?
14:21Le plus décevant ?
14:23Nos bannières qui s'enroulent.
14:30Je suis très déçu par ça, alors que c'était très beau.
14:33Éric Jordan, quel est l'objet le plus archaïque ?
14:35Archaïque ?
14:37Oui.
14:37Dans quel sens ?
14:38Archaïque.
14:39Peut-être qu'il transporte trop de choses ?
14:42Moi, peut-être, je ne sais pas.
14:45Je ne sais pas.
14:47Il y a une brouette, là.
14:48Oui.
14:49Elle est archaïque.
14:49Alors, dans le catalogue de l'exposition, un texte aborde la question de la ressource,
14:54indiquant que le mot même « ressource » peut être toxique.
14:58Pourquoi ?
14:58Vous le sentez comme ça aussi ?
14:59Il peut l'être, oui.
15:00Il peut l'être parce qu'il peut être complètement empêchant, d'une certaine façon.
15:06Alors qu'il faut le voir plus comme un booster, mais il peut être...
15:10Parce que ça peut tout à fait vite être...
15:13C'était mieux avant, on ne peut plus faire ci, on ne peut plus faire ça.
15:16Alors qu'effectivement, on va arrêter de couper du tech en Afrique pour faire du mobilier.
15:24Voilà, c'est comme ça, mais on va le faire autrement.
15:27Et le design, il s'articule comme ça aussi, dans l'idée de faire autrement.
15:33Donc les ressources, effectivement, c'est toxique dans le sens où on a moins de ressources.
15:39L'humanité a toujours... Il y a toujours un moment donné où il y a des choses qui disparaissent.
15:44Et nous, on doit continuer.
15:45C'est toxique aussi parce qu'effectivement, il y a...
15:49Il y a une espèce aussi, quand on parle de ça, de syndrome de la ZAD, quand même,
15:55qui apparaît tout de suite avec...
15:57On va prendre des palettes et puis on va faire des tables et des sièges.
16:01Ce n'est pas de ça dont il s'agit.
16:02Ce n'est pas ça, la question des ressources.
16:05La question des ressources, c'est d'abord la question de la recherche.
16:08Moi, je le vois comme ça.
16:09On va sortir de tout ça par le haut, par la recherche, par...
16:14Et là, ce n'est pas toxique, c'est dynamique.
16:17Voilà, une biennale qui questionne les ressources, les nôtres.
16:21Celles qu'on vient chercher et utiliser.
16:24Et on poursuit après une pause dynamique dans la biennale, en fait.
16:28Voyage en musique avec la compagnie Nomade Nomade, qui nous emmène.
16:32On est ici.
16:33On est ici.
16:40Voilà, on est ici.
16:43Merci.
17:02Alors ce tour forain de la Biennale, ça nous permet de rappeler les lieux, seulement deux sites dans les Halles Barouins, hors de la cité, une Biennale ressources, mais aussi objets, toutes sortes d'objets, mais des objets qui dévoilent ce que sont les ressources qu'ils ont fabriquées.
17:18Quel est l'objet qui est le plus objet pour vous dans cette Biennale ?
17:23Moi, il y a une chaise, comme ayant dessiné des tas de chaises, des centaines de chaises dans ma vie, des dizaines de chaises dans ma vie, il y a une chaise qui est dessinée avec l'aide de l'intelligence artificielle, et j'avoue que ça me perturbe énormément.
17:39Je me demande comment on a pu arriver à un truc pareil.
17:42En même temps, ça me rassure, parce que je me dis qu'on a encore besoin de nous quand je vois ça.
17:48Mais c'est un objet quand même qui interroge fortement.
17:54Alors il y en a d'autres, bien sûr.
17:57Mais celui-ci, c'est marrant, quand je pense à l'exposition ressources des Halles Barouins, je pense à celui-là.
18:04Oui, ça veut dire que quand on visite la Biennale, on ne va pas retenir 300 ou 1000 objets ?
18:12Non, non, mais c'est comme quand on visite une expo de peinture, ça.
18:14Vous repartez avec deux, trois tableaux.
18:17Voilà.
18:18C'est normal, ça.
18:19Comment est-ce qu'on guide le public à partir avec un souvenir ?
18:25Il ne faut pas le guider, le public.
18:26Il ne faut pas le guider, surtout pas.
18:29Si les expositions sont bien faites, bien expliquées, il faut surtout le laisser apprécier lui-même, les choses.
18:37Alors vous avez voulu une Biennale objet, mais aussi axée sur les étudiants, les travaux des étudiants,
18:42des travaux en recherche, souvent, comme ici à Fab Lab.
18:45Oui, c'est le but.
18:49Là, le but de Fab École, c'est de mettre nos étudiants en situation de proposer aux entreprises des projets auxquels eux ne sont pas forcément destinés.
18:59Tout est fabriqué, tout a été fait en collaboration avec des entreprises de la région.
19:04C'est aussi dire que les entreprises du territoire sont une ressource pour nos étudiants.
19:09Ici, à Fab École, c'est le droit de rêver, c'est Band Essai, c'est Futurib, Père Jean Jaurès.
19:16C'est la grande présence des étudiants dans cette exposition.
19:21C'est ce que je souhaitais, ils sont là, c'est important.
19:31On a un établissement qui est d'abord une école supérieure de la Red Design.
19:35Il faut le rappeler, toujours.
19:38La Biennale, c'est aussi leur Biennale.
19:40La Biennale depuis les origines, c'est aussi l'invitation des pays extérieurs aux nations, design, un pays pour sa recherche, pour ses ressources.
19:51Qu'est-ce que vous retirez de l'exposition en relief créée en Arménie ?
19:56Nous, on découvre son artisanat, les modèles de l'époque communiste évoqués et retravaillés, les pionniers du design là-bas, les modernistes.
20:03Ils savent travailler avec le passé, visiblement, et sont détachés.
20:07Alors moi, ce que je retiens, c'est une énorme surprise, d'abord, pour moi.
20:12J'étais à mille lieux de pensée.
20:17Ben voilà, j'ai trouvé l'objet qui m'a le plus marqué pendant la Biennale.
20:21C'est le petit banc en pierre qui est là-bas.
20:23C'est le plus bel objet que j'ai jamais...
20:25Un des plus beaux objets que j'ai vu tout au long de ma vie de professionnel de designer.
20:30Et quand on a décidé de faire en sorte que l'Arménie soit le pays invité,
20:36j'étais à mille lieux de pensée qu'on découvrirait autant de qualité, de beauté même.
20:44Il y a des choses qui sont belles, tout simplement.
20:46Et on découvre aussi leur histoire, du coup, avec ses pionniers, à un moment donné.
20:52Encore l'artisanat et le travail de tissage.
20:57Ils le disent, l'utilisation de la pierre, voilà, pour les abribus, etc.
21:03Quand on faisait le jour de l'inauguration, quand on faisait la visite officielle,
21:09il y avait la commissaire, Naïri Katchadourian, qui expliquait les projets de tapis.
21:19Et en même temps, elle était tellement émue qu'elle n'arrivait plus à parler,
21:25tellement elle était émue de montrer ça au monde, quoi.
21:29Et c'était hyper émouvant, quand même, de voir ça.
21:32Parce que ce tapis imprime, d'une certaine manière, un territoire qui ne leur est plus accessible aujourd'hui.
21:38Oui, c'est ça, exactement.
21:41Et donc, c'était très, très touchant de voir cette jeune femme complètement bouleversée par cette création,
21:50qui parlait de tout ça, parce que, évidemment, là où ils sont, là, ce qu'ils vivent apparaît dans leur projet.
22:02On peut parler d'émotion, donc, quand on parle de design ?
22:05Ben, surtout, surtout, il faut parler d'émotion.
22:08Le design, c'est le bon, c'est de l'émotion.
22:13Moi, j'ai fait ce métier-là, parce que j'avais envie de ressentir des émotions.
22:17À la fois, elles ne sont pas qu'esthétiques, les émotions,
22:20elles sont aussi par rapport à...
22:24À votre recherche de compréhension du monde, peut-être ?
22:27Oui, il y a une conscience.
22:27C'est le bon, c'est le bon, c'est le bon, c'est le bon.
22:57La Daniva, c'est un duo franco-arménien.
23:10Un duo, mais aussi un groupe, et ils sont venus spécialement pour l'inauguration de cette Biennale Relief créée en Arménie.
23:17Une émotion, on l'a encore partagée avec les enfants.
23:20Je reviens sur la Biennale.
23:21Ressources versus objets.
23:23Quel est l'objet le plus essentiel de cette Biennale ?
23:27Le public.
23:33C'est pas faux.
23:35Et alors ?
23:35Les chiffres ?
23:37Les chiffres, globalement,
23:42on est...
23:44Les Biennales, en fait, plus nos visiteurs,
23:47on est à 60 000 à peu près visiteurs.
23:50D'ailleurs, les Biennales, en fait, du coup, vous avez l'impression que ça a apporté quoi ?
23:55Parce qu'on a un premier week-end de feu,
23:59sa Bachelard aurait adoré, forcément,
24:02vu qu'on est dans le droit de rêver,
24:04qui est une des citations que vous avez reprises.
24:08Oui, qu'est-ce que ces Biennales, en fait,
24:09vous avez la sensation que ça vous a apporté ?
24:12Alors moi, je pense que ça nous a apporté un public différent,
24:15qui ne venait pas forcément,
24:17qui ne serait pas venu forcément.
24:20Moi, j'ai souhaité tout de suite
24:21me rapprocher des services de Saint-Etienne-Métropole
24:25pour imaginer quelque chose.
24:28Ils ont fait un boulot assez formidable,
24:31franchement,
24:33qui a amené un plus énorme à cette Biennale.
24:36Ce qu'eux ont apporté,
24:38c'est de quel ordre ?
24:40Dans la philosophie même du design.
24:43Moi, je me souviens très bien,
24:46le premier week-end,
24:47avant que ça soit mis en flamme,
24:50je ne sais pas comment on dit, enflammé,
24:52j'ai regardé tous les objets
24:53qui, justement, permettaient de...
24:59Qu'ils ont installés ?
25:00Donc, ces arches, ces peaux en terre ?
25:02C'était incroyable.
25:03C'était un exercice de design incroyable.
25:06Toutes ces choses étaient parfaitement dessinées.
25:09Alors, elles disparaissaient après
25:11parce qu'il y avait cette espèce d'enflammement.
25:14Je ne sais pas comment on dit.
25:16Mais n'empêche que c'est la première chose
25:18que je me suis dit.
25:19J'ai regardé la manière
25:20dont c'était positionné dans l'espace.
25:23C'était vraiment un vrai exercice de design.
25:26Franchement, là,
25:28pour moi, il n'y avait aucune espèce de doute
25:32sur le fait que ça pouvait se relier
25:34à une problématique de design,
25:37là, événementiel.
25:39Mais, après tout,
25:41le projet de Mathieu Lehanner
25:42pour les Jeux Olympiques,
25:43il n'est pas si éloigné de ça.
25:45Personne ne s'est posé la question
25:46de savoir si c'était du design ou pas.
25:49Donc, à Saint-Etienne,
25:50ne nous privons pas d'être audacieux
25:53et d'être bordeurs, même, quelquefois.
25:57Il ne faut pas que le design,
25:58que ce soit un truc d'expert,
25:59un truc fermé au public.
26:01Il faut aussi le laisser dériver
26:03sur ses franges.
26:08Et là, c'est vraiment ça, en fait, Bienal.
26:10C'est aussi une manière de voir le design,
26:13mais d'une façon un peu
26:15qui sort de sa matrice originelle,
26:18qui sort de son confort, je dirais.
26:20Et ça permet peut-être de voir, justement,
26:23des matières, comme le feu,
26:25qu'on ne voit pas travailler
26:27à l'intérieur d'une expo design.
26:29Ça peut.
26:30Ça peut être le cas.
26:32Moi, je trouve qu'elle ramène
26:34beaucoup d'humanité à tout ça,
26:35beaucoup de légèreté,
26:38de se dire que,
26:40bon, là, on rentre dans une expo,
26:42il y a une belle scénographie,
26:44il y a des textes,
26:45et puis, à côté, on fait la fête, un peu.
26:47Et c'est important.
26:50Oh, yeah.
26:57Oh, yeah.
27:03Oh, yeah.
27:05Oh, yeah.
27:11Wow.
27:20Alors avant qu'on referme cette conversation, vous vous rappelez souvent que la Biennale, créée il y a 30 ans par le directeur de l'école d'art de l'époque, Jacques Bonaval,
27:35et bien cette Biennale c'était l'école, les étudiants, un pays étranger, si possible très éloigné du design, un esprit joueur, espiègle, un défilé,
27:45comme on a pu le voir cette année avec le lycée de la mode Adrien Testu, les élèves défilent avec les tenues qu'ils ont fabriquées, tenues en matière upcyclée, comme c'est temps de deux secondes.
27:55Voilà ce qu'a pu amener Biennale en fait d'autres ressources encore, avec un esprit atelier, expérience, spectacle, un esprit de foire et de feu,
28:06et ce spectacle d'ouverture qui a réuni près de 20 000 personnes autour de ce feu qui illumine, amène de la chaleur.
28:14Est-ce que la Biennale, Éric Jordan, ne gagnerait pas à avoir un peu d'esprit forain comme ça ?
28:20Je vais vous donner un exemple, à Nantes, il y a eu des travaux qui ont été faits par des artistes qui ont largement emprunté ce chemin,
28:36je pense à l'éléphant qui se balade sur les quais de la Loire,
28:39et là en l'occurrence c'est plus des artistes qui se sont emparés de ça,
28:45et pour moi l'exemple nantais, je ne sais plus le nom de cette...
28:50C'est pas les folies de Nantes ?
28:51Peut-être, je ne sais pas, mais en tout cas c'est assez extraordinaire je trouve,
28:56et ça a marqué beaucoup quand même, c'est très souvent cité en exemple,
29:00et c'est vraiment super intéressant et beau à voir.
29:03Donc les prochaines éditions, il faudra réitérer, sinon développer encore plus peut-être cette question-là.
29:10Un territoire, des gens qui sont liés à Saint-Etienne parce qu'ils ont fait cette école,
29:14mais bon, c'est pas forcément ça.
29:17Et puis de l'inédit, de la nouveauté à tout prix,
29:22venir à Saint-Etienne pour voir des choses qu'on n'a jamais vues ailleurs,
29:25c'est ce qu'on voit ici, mais on ne le voit pas partout dans la Biennale,
29:30et ça c'est hyper important, et c'est quelque chose que j'ai à l'esprit,
29:36en tout cas que je garde à l'esprit pour la prochaine.
29:39Voilà, en même temps qu'on regardait la Biennale 2025, on regardait aussi un peu l'avenir,
29:44une conversation qui a traversé ce temps de 2x15 minutes à la Biennale Biennale en Fête,
29:50Biennale de ressources, d'objets, de projets, de droits de rêver.
29:53C'est une citation de Bachelard, le philosophe des sciences, de la poésie, de l'éducation et du temps,
29:58autant dire l'essentiel.
29:59Bachelard qui aurait adoré cette installation du feu de la compagnie Carabosse,
30:04qui a introduit ici une poétique de l'espace assez folle et très chaleureuse.
30:09On va se quitter encore dans les flammes de Carabosse, elles sont aussi agréables.
30:13Une belle ressource pour cette Biennale 2025.
30:16Et portez-vous bien, restez curieux et audacieux, l'avenir en a besoin.
30:22Bye !
30:22Sous-titrage Société Radio-Canada
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