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  • 03/07/2025

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Transcription
00:00Un jeune garçon qui m'avait dit qu'il ne peut plus mettre les pieds dans un restaurant
00:04parce qu'il a un syndrome de stress post-traumatique.
00:06Tout le monde prend cher en cuisine, pour le dire très simplement.
00:09Évidemment, quand on est une femme ou une personne non blanche
00:12ou une personne pas hétérosexuelle, on prend encore plus cher,
00:16c'est la double, enfin la triple peine.
00:17Mais tout le monde, tout le monde souffre en cuisine.
00:20Être une femme n'a jamais immunisé contre le fait d'être autrice de violences.
00:24Être jeune n'a jamais empêché de harceler quelqu'un.
00:27C'est des violences verbales, c'est des humiliations, c'est des violences physiques.
00:31Des petits coups de couteau, coups sur les tibias, des violences de la cruauté pure.
00:36Le chef refuse qu'on se parle, refuse qu'on rit.
00:39Des remarques racistes en permanence, des insultes en permanence.
00:42Quelqu'un qui ne vous appelle jamais par votre prénom, mais pas...
00:45On part d'une violence économique, par exemple, donc de l'exploitation.
00:50Et puis, au fur et à mesure, on va rendre acceptable de plus en plus de violences.
00:55C'est normal de travailler 5 ans, 60, 70 heures semaine.
01:00De ne pas voir ces heures supplémentaires rémunérées.
01:02C'est normal de laver un four avec de l'acide sanguant.
01:05C'est normal de ne pas avoir de chaussures de sécurité.
01:08C'est normal de ne pas faire de pause pour manger.
01:10C'est normal de ne pas boire de la journée, de ne pas aller aux toilettes de la journée.
01:14Ces violences, elles sont normalisées.
01:16On fait comprendre très, très vite, notamment aux élèves qui se forment,
01:20que la violence, elle est nécessaire à l'excellence.
01:24Quand vous avez 15 ans et qu'on vous dit « débrouille-toi avec ton patron »,
01:28qu'est-ce qu'on fait à 15 ans ? On se tait.
01:30Je me rappelle d'un garçon mineur à l'époque.
01:32Les agressions, c'est qu'il a vécu.
01:35Il est allé voir la patronne.
01:36La patronne lui a dit « chez moi c'est comme ça, si t'es pas content, tu dégages ».
01:39Il est allé voir l'infirmière de son école.
01:43Et l'infirmière lui a donné un doliprane.
01:45Pour moi, les violences dans la cuisine sont normalisées,
01:48sont encouragées par le mythe gastronomique qui prétend notamment que la France
01:54est le meilleur pays du monde en termes de haute cuisine.
01:57Les travaillistes de la restauration, pour les faire adhérer au mythe,
02:01on va prétendre qu'ils ne sont pas des ouvriers et qu'ils sont des artistes.
02:05Les artistes, ça ne fait pas grève.
02:06Les artistes, ça ne se révolte pas.
02:08On a peur d'être blacklisté.
02:10Tout comme le cinéma, c'est un métier, des métiers qui passent par la cooptation.
02:14Des gens m'ont dit « j'ai dû déménager pour trouver du travail ».
02:16C'est au bon vouloir du chef que vous montez les échelons.
02:19Dans le livre, je ne nomme pas les auteurs de violences rapportées par les témoins et les victimes.
02:25En revanche, je donne les noms de ceux qui ont été l'objet d'enquêtes journalistiques.
02:31On a créé une caste d'intouchables, donc qui jouissent d'une impunité d'artistes.
02:36On va se dire « on ne croira jamais » puisqu'en plus, ce chef ou cette chef
02:40a un énorme capital sympathie à la télé.
02:42Les médias sont extrêmement responsables de la création de cette impunité,
02:48donc de cette omerta.
02:50Malheureusement, j'aimerais pouvoir être optimiste.
02:52Mais si j'étais optimiste, le livre ne ferait pas 340 pages
02:55et on n'aurait pas des milliers de témoignages.

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