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La France suffoque et fait le dos rond face à une chaleur extrême et qui dure, avec pour la première fois depuis cinq ans la vigilance rouge pour canicule activée en Île-de-France, et toujours un soleil brûlant. Entretien avec l’architecte Éric Daniel-Lacombe.

Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
Transcription
00:007h48, Sonia De Villers, votre invitée, est architecte et urbaniste, professeure à Paris-la-Villette, spécialiste des risques naturels.
00:10Alors, plus de 5 millions d'habitants exposés aux îlots de chaleur, ces fournaises urbaines où la température ne descend plus, y compris la nuit.
00:18Comment rénover le bâti, comment construire, comment réaménager nos villes sujettes à la fois aux canicules et aux inondations ?
00:25Bonjour Eric Daniel Lacombe.
00:27Bonjour Sonia De Villers.
00:28Canicules et inondations, c'est le couple de l'enfer, vous m'avez dit ça sur le pas de la porte de l'entrée du studio, c'est le couple de l'enfer.
00:35Oui, et c'est même le couple qu'il faut suivre puisque les inondations font beaucoup de dégâts, mais peu de morts, comparativement à canicules qui font énormément de morts et très peu de dégâts.
00:47Donc ce moment où l'argent des dégâts pour la réparation des inondations est là, permet je pense de prendre un chemin sur l'adaptation des canicules de manière évidente.
00:56C'est ça, c'est-à-dire qu'en fait tout ce qui est détruit par les inondations, par les crues, par les submersions oblige à reconstruire et au moment où on reconstruit, c'est là où on se pose les questions de la rénovation.
01:07Évidemment, pour le dire autrement, les canicules que l'on a, et je ne suis pas d'accord avec Dominique Seux parce que le chemin de l'étanchéité, Dominique Seux a raison pour l'énergie,
01:17mais c'est un chemin de société que l'on cherche.
01:20Je pense que si on ferme les fenêtres et qu'on ferme la porte, c'est le chemin direct vers la peur et vers le déni du changement climatique.
01:27C'est ça que propose d'ailleurs Marine Le Pen, c'est tout climatiser.
01:31Et je pense que si on est aveugle au mouvement de la nature, on sera aveugle à l'adaptation.
01:37On va y revenir parce qu'on va voir comment on ouvre les fenêtres quand il fait 41 degrés dans certains lieux aujourd'hui.
01:45On va y revenir et par ailleurs, quand vous parlez de détenchéité, vous parlez aussi d'imperméabilité à l'eau, à l'humidité, aux inondations et aux crues.
01:54On va y revenir.
01:551350 écoles fermées parmi elles, des bouilloires thermiques où la température dépassait hier 42 degrés dans des salles de classe.
02:03Vous venez de construire une école à Romorantin dans le Loir-et-Cher.
02:07Elle sera prête à la rentrée prochaine cet après-midi.
02:09Vers 15h, j'ai regardé la météo.
02:11Il fait 37 à Romorantin.
02:12Et cette école, Nicolas Demorant m'avait déjà invité pour une école que j'avais construite à Saint-Germain-en-Laye,
02:18où j'avais transféré la surface des couloirs qui, réellement, quand vous les visitez, ne servent à rien.
02:24Cette surface des couloirs, on va dire, 30 mètres carrés de plus par classe, ça fait des classes qui font 100 mètres carrés,
02:29c'est-à-dire se donner de l'air.
02:30Vous voyez ?
02:31Donner de l'air aux enfants, c'est ça le début de la respiration.
02:34Ce qu'il n'y a pas dans les bus, ce qu'il n'y en a pas dans le métro.
02:37C'est le volume d'air.
02:38Avec une orientation au nord ?
02:39Une fois que vous avez cette classe qui n'a plus de couloir, vous pouvez, deux, la ventiler des deux côtés.
02:44C'est-à-dire que vous pouvez ouvrir une fenêtre petite côté soleil et grande côté ombre.
02:49Et trois, quand il y a trop de soleil, puisqu'il faut passer de la classe vers la cour,
02:53vous faites une circulation abritée.
02:55C'est un petit préau qui, quand il pleut, vous met à l'abri.
02:59Et quand il y a trop de soleil, vous met dans l'ombre.
03:00Clé-vous pas de clim dans l'école ?
03:01Évidemment qu'une fois qu'on a fait ça, et je vous emmène à Romorantin comme à Saint-Germain-en-Laye,
03:05on n'a pas besoin de clim.
03:07On emmène l'adaptation par la population, les parents, les enfants, les enseignants, les ATSEM,
03:14à prendre un plaisir.
03:15Je pense que tout ce qu'on entend sur la culture du risque, c'est la culture de la prudence,
03:19c'est la culture de la bienveillance.
03:20Il faut rester dans ce jeu-là.
03:22Oui, mais on va parler quand même de tout ça très concrètement.
03:23Oui, mais vous faites baisser la température immédiatement.
03:25De plus en plus, on parle de pièces froides.
03:27Qu'est-ce que sont les pièces froides ou les lieux de refuge,
03:31à la fois dans les installations collectives, mais aussi dans les habitats individuels ?
03:35Oui, mais...
03:36Qu'est-ce que c'est qu'une pièce froide ?
03:38Vous voyez, quand Dominique répond, il imagine qu'on prend tout d'un coup.
03:42Moi, ces mesures généralistes, mais c'est pareil, les politiques que j'ai entendues,
03:46y compris sur RTL, Public Sénat, le Grand Jury, Bayrou nous a proposé la géothermie.
03:53Chaque fois qu'on a un truc global, c'est refusé par la population.
03:57Il faut un des principes généraux, moi je dis, ne pas être étanche,
04:01et deux, des solutions locales.
04:03Une rivière dans le Pas-de-Calais, je ne la redessine pas de la même manière qu'une rivière dans l'Aroya.
04:07Et pour continuer sur ces températures,
04:10les deux grandes inondations qu'on m'a demandé de traiter,
04:13à Mandelieu quand même, 2015, huit morts,
04:16je fais des dessins hydrauliques qui conduisent à prendre de l'eau du fleuve pour les mettre sur le côté
04:21et finalement faire des canaux pour rejoindre la Méditerranée.
04:24Le maire a compris, Sébastien Leroy,
04:26que c'était son grand projet climatique de son mandat de maire pour 2026.
04:31À Trèbes, 17 morts, un endroit dévasté par la rivière.
04:36Pareil, je commence avec l'hydraulique.
04:38Et bien quand vous parlez avec des gens, et c'est ça que je veux dire pour les écoles,
04:42à un moment ils ont eu 4 mètres d'eau, 7 mètres d'eau, j'y retourne là le 15 juillet,
04:45vous êtes avec des gens qui n'ont plus d'eau et qui sont en train d'arracher leurs pieds de vigne
04:50parce qu'ils n'ont plus les moyens de l'alimenter.
04:53Vous comprenez que ces deux faces de la même pièce, inondation, canicule,
04:58c'est ça qu'il faut viser.
05:00Pour les inondations, on arrête les digues, on arrête les murs, on arrête les barrages.
05:04Sonia, on le refait vite.
05:06La faute sur mer, c'est une digue qui lâche en Vendée, en 2010.
05:11Katrina, c'est une digue qui lâche côté Pont-Chartrain en 2005.
05:15Derna, c'est deux digues qui lâchent en Libye, 3 000 morts.
05:19Donc, cette question de l'étanchéité, c'est une question philosophique.
05:23C'est-à-dire que vous fermez la porte, vous vous faites envahir par l'eau
05:26et ceux qui ont fermé leur porte dans le Pas-de-Calais, l'eau ne repart pas, ça a été leur problème.
05:31Vous fermez la fenêtre, c'est pour ça que je dis tant qu'on peut encore maintenir deux fenêtres ouvertes.
05:35Plus on élargit le lit des rivières, plus on élargit le lit des fleuves, plus ils peuvent monter et plus l'eau peut s'écouler.
05:41Exact.
05:42Vous créez des canaux et avec ces canaux, vous rafraîchissez la ville.
05:47Donc, il y a un effet sur la canicule.
05:49Oui.
05:49D'accord ?
05:50Et même un effet de courant d'air.
05:52L'air, comme l'eau, comme le vent, comme tous ces éléments-là, sont des matériaux d'architecture.
05:57Ce n'est pas à vous, filles de grands architectes, que je vais apprendre ça.
06:00Ce sont les nouveaux matériaux de l'architecture.
06:02Et on voudrait s'en priver, on voudrait les enfermer, on voudrait ne rien comprendre.
06:06La question de la nature.
06:08C'est pour ça que je veux que les gamins de l'école de Romorantin aient une bienveillance avec la nature.
06:13Parce que c'est ça qui fera qu'à un moment, quand elle sera hostile, ils ne s'en miffiront moins.
06:19Et ils seront évidemment plus sympas avec elle.
06:21Et elle sera en retour bien plus sympa avec eux.
06:23Toi blanc, végétalisation.
06:25Alors, les toits blancs.
06:28Les toits blancs, ça ne suffira pas.
06:30Et puis, on part dans des bagarres avec tous les gens du patrimoine.
06:34Moi, je suis pour qu'il n'y ait pas trop de divorces.
06:36Pareil entre le niveau local et le niveau national.
06:40Et puis, vous savez bien que le toit blanc, c'est comme ce qu'a dit Dominique.
06:43C'est un peu, mais c'est toujours un peu plus.
06:44Donc, ce qui réfléchit sur le toit repart dans l'atmosphère.
06:47La végétalisation ?
06:49À condition qu'elle soit comprise au sens où, évidemment, elle fait des jeux.
06:54Mais la végétalisation, c'est ce que je propose dans le pavillon français,
06:57avec mes associés Dominique Jacob, Macombe-Vacferlan et Martin Duplantier.
07:01On a gagné la Biennale d'architecture de Venise cette année, au nom des vulnérabilités.
07:05Et que fait le pavillon français en ce moment ?
07:07Il ferme le pavillon pour l'étancher et lui mettre de la clim.
07:11C'est une occasion incroyable.
07:13On a proposé un autre chemin de s'installer dans la nature,
07:16de traverser la nature et d'aller jusqu'au canal pour comprendre l'aqua alta.
07:21La France a dit, vous êtes les lauréats, j'arrive à Venise à la Biennale.
07:24Ils nous disent, jamais vous mettrez un pied dans la nature.
07:27C'est interdit, c'est sanctuarisé.
07:29Voilà ma réponse à la végétation.
07:31Et je leur ai dit, non, si on se rapproche de la nature, on en prendra soin.
07:34Et c'est ça que je vise.
07:36Le pavillon français que vous avez donc réalisé avec l'excellente agence Jacob et Macombe-Vacferlan,
07:41il est visible jusqu'au mois de novembre à Venise.
07:44Oui, mais surtout, tous les visiteurs en ce moment sont dans cet endroit,
07:49au bord de l'eau et dans la nature pour avoir moins chaud.
07:52Merci Eric Daniel Lacombe, merci.
07:54Et merci Sonia de Villers.

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