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Éric Berton, président de l'Université Aix-Marseille, était l'invité de France Inter vendredi 18 juillet. Son université va accueillir 31 chercheurs américains à la rentrée prochaine.

Retrouvez « L'invité de 7h50 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00Il est 8h moins le quart. Dimanche, ça fera 6 mois que Donald Trump est de retour au pouvoir aux Etats-Unis.
00:10Parmi ses nombreuses décisions brutales, la baisse drastique des fonds publics alloués à la recherche scientifique
00:16et la remise en cause de la liberté académique des chercheurs.
00:20Plusieurs universités dans le monde et notamment en France ont alors proposé d'accueillir ces chercheurs américains.
00:26Eric Berton, bonjour. Vous êtes le président de l'université d'Aix-Marseille.
00:31Vous avez été le premier en France à ouvrir les portes en début d'année.
00:36La campagne de recrutement que vous aviez lancée est terminée pour l'installation à la rentrée d'une trentaine de scientifiques américains.
00:44Est-ce que vous avez eu beaucoup de candidatures ?
00:47Bonjour, on a eu effectivement beaucoup de candidatures. 300 au 31 mars, date limite.
00:52Et depuis, ça continue à arriver. Là, on est à 600.
00:55Mais on a sélectionné des collègues qui vont venir et qui vont nous rejoindre dès l'automne.
01:02A la rentrée de septembre.
01:03A la rentrée de septembre.
01:0431 collègues qui vont pouvoir travailler en toute liberté académique au sein d'Aix-Marseille-Université dans nos laboratoires.
01:11Sans nous dire qui ils sont, parce que ça c'est une vraie problématique.
01:14Je crois que beaucoup ne veulent pas pour l'instant qu'on donne leur identité parce qu'ils ont peur des répercussions que ça pourrait avoir.
01:20Bien sûr.
01:20Dans quel domaine travaille-t-il ? On connaît les domaines attaqués par l'administration Trump.
01:25Il y a le climat, certains aspects de la sociologie, les inégalités, les études de genre.
01:30Est-ce que ce sont ces profils-là qu'on va retrouver désormais chez vous ?
01:33Oui, tout à fait. Des collègues qui travaillent dans les sciences environnementales, des collègues qui travaillent dans les domaines des humanités, sur les études de genre, mais aussi sur l'histoire, sur la géographie.
01:43Ce sont aussi des thématiques qui sont attaquées puisqu'on aime bien réécrire l'histoire.
01:48Et puis en fait des collègues qui travaillent aussi dans le domaine de la biologie, de la santé, sur l'épidémiologie, l'immunologie.
01:54Et plus surprenant, on ne s'y attendait pas, des collègues qui viennent de la NASA et qui vont nous rejoindre, qui vont nous rejoindre nos laboratoires d'astrophysique.
02:03C'est ça. Donc il y a à la fois des universitaires et puis des chercheurs, des scientifiques qui travaillent dans les agences fédérales, donc type la NASA.
02:10Tout à fait. Des agences fédérales qui ont subi des coupes drastiques.
02:13Est-ce que ce sont des profils qui, aujourd'hui, manquaient à la France ou en tout cas à votre université ? Est-ce qu'on peut le voir comme ça aussi ?
02:21Oui, on peut le voir comme ça parce que ce sont des profils de seniors, ce sont des professeurs de haut niveau, des femmes, des hommes,
02:29qui font vivre tout un écosystème d'étudiants, de post-docs, qui ont déjà gagné de l'argent aux Etats-Unis et qui viennent exercer leur métier en France
02:37parce qu'ils ont besoin de se retrouver d'abord dans une université d'excellence internationale et dans des domaines où ils pourront exercer leur recherche en toute liberté, où ils sont désirés surtout.
02:48Que vous disent-ils de la situation aujourd'hui des universités et des agences américaines ? Est-ce qu'ils subissent des pressions ? Est-ce qu'il y a un besoin urgent pour eux de partir ? Qu'est-ce qu'ils vous disent ?
03:00Il y a un besoin urgent de partir, ils ont des pressions, leurs banques de données sur des collègues qui travaillent dans le domaine du climat sont parfois effacées.
03:10Donc ils ne peuvent plus travailler en fait du tout.
03:12Ils ne peuvent plus travailler, mais alors ils sont payés, ensuite on leur demande de justifier leur salaire, ce qui est assez cocasse.
03:17Et puis ce qu'il faut voir aussi, ce qui est assez émouvant, le plus dur dans cet épisode d'Aix-Marseille Université,
03:23ce sont les messages des gens qu'on n'a pas pris, qui nous envoient des messages poignants.
03:27Et donc ça c'est quelque chose d'assez dur.
03:30On voit vraiment la difficulté aux Etats-Unis, ce qui se passe c'est l'antiscience en fait.
03:35Difficile pour vous de devoir dire non en fait, vous l'avez dit, 31 dossiers retenus sur presque 600.
03:41Oui, mais c'est pour ça que nous avons lancé notre programme, ça a entraîné derrière et l'Etat a réagi très vite à lancer Choose France.
03:48Et l'Europe va lancer des bourses ERC de 7 ans.
03:53Donc ces collègues vont pouvoir aussi trouver des solutions dans les autres universités françaises et en Europe.
03:58Est-ce que vous vous attendiez à plus de candidatures ?
04:00Je vous pose la question parce qu'il y a un certain nombre de freins forcément quand on est chercheur aujourd'hui aux Etats-Unis.
04:06Déjà j'imagine qu'il faut être francophone.
04:08Pas du tout, pas du tout.
04:09Pas forcément ?
04:09Non, non.
04:10Non, écoutez, on s'attendait, on a lancé le programme le 6 mars.
04:13Le 6 mars au soir on avait une candidature.
04:16Oui.
04:16Donc et ensuite ça a défilé et on a eu beaucoup beaucoup de candidatures et ça montre qu'il y a véritablement un problème.
04:23Et donc pas spécialement un problème de langue, vous acceptez les chercheurs qui ne parlent pas encore français du moins et qui pourront faire leur recherche en anglais ?
04:31Bien sûr la recherche c'est international, ce qui se passe aux Etats-Unis concerne tous les autres pays et donc effectivement l'anglais n'est pas un problème pour nos chercheurs.
04:40Sur l'installation en revanche, et j'imagine que pour certains il y a des freins, des chercheurs qui ont des familles, qui doivent scolariser leurs enfants, qui eux non plus ne parlent pas français.
04:50Comment ils sont accompagnés, pris en charge pour venir s'installer et commencer à travailler en septembre ?
04:55Et nous mettons au point toute une ingénierie avec la région, les villes, la métropole.
05:00La région nous aide beaucoup sur son programme d'attractivité pour l'inscription dans les écoles internationales.
05:06On a des coopérations avec des banques aussi. Le Crédit Agricole nous propose aussi de nous aider pour ouvrir des comptes.
05:13Parce que bon, pour ouvrir un compte il faut une adresse, pour avoir une adresse il faut ouvrir un compte.
05:17Donc il faut avoir un compte. Donc là on essaie de faire sauter ces verrous-là.
05:20Et voilà, mais en tout cas la région s'est mobilisée autour de nous, la ville de Marseille aussi, c'est quelque chose qui est...
05:26Voilà, tout le monde est intéressé, tout le monde va dans le même sens.
05:29Les salaires des chercheurs sont nettement inférieurs en France par rapport aux Etats-Unis.
05:34Ça n'a pas été une question de leur part, tellement, encore une fois, symbole du fait qu'ils ont absolument besoin de venir travailler.
05:42D'abord certains ont été mis au chômage d'office.
05:44Ensuite, effectivement, un professeur aux Etats-Unis est payé trois à quatre fois ce qu'est payé un professeur français.
05:51Mais quand vous ramenez au coût de la vie, avec tout ce qui est les écoles, la prise en charge médicale, c'est plutôt deux, deux et demi.
05:56Et donc ces collègues-là viennent travailler, ils ont besoin d'exercer leur métier, besoin de faire leur recherche, ils ont besoin...
06:03Ils ne viennent pas là pour l'argent, ce sont des profils seniors, ils ont déjà gagné de l'argent.
06:08Ils viennent dans une université internationale, dans une magnifique région, exercer leur métier.
06:13Il y a un mouvement chez vos collègues présidents et présidentes d'universités en France pour accueillir plus d'Américains.
06:20Et au niveau européen aussi, vous évoquez une initiative européenne.
06:22Est-ce qu'en France, vous faites entre guillemets un peu école, si j'ose dire ?
06:25Pas autant que ça devrait, mais on est très soutenus par la ministre Borne et le ministre Baptiste sur ce programme-là.
06:33Mais je trouve qu'il y a beaucoup, il y a besoin vraiment que les universités s'emparent.
06:38Maintenant, il y a des financements, notamment de Chousse France, qui vont permettre...
06:42Alors il y a des universités qui le font, la centrale Supélec, la Sorbonne...
06:46Mais je pense qu'il faut... Amu a quand même mis beaucoup de moyens, et a été la première, a mis beaucoup de moyens.
06:51Et donc, voilà, je pense qu'il faut compléter ça.
06:54Pourquoi ça peut coincer ? Est-ce que c'est vraiment une question de moyens pour vos collègues ?
06:59Ça peut coincer parce que c'est difficile pour les universités aussi.
07:02Il y a des budgets à respecter.
07:03Nous, on a pu sauver un budget d'attractivité internationale.
07:06On ne prend rien aux chercheurs français, pas du tout,
07:08puisque sur 26 millions d'euros par an consacrés à notre initiative d'excellence,
07:13on prend 5 millions pour les Américains et 21 millions pour les Français.
07:16Donc, voilà, on montre bien ça.
07:18Mais je pense que les collègues attendaient aussi que le programme de financement français se mette en place.
07:24Et donc, ils vont en profiter naturellement, comme nous.
07:26Vous anticipez un peu ma question, mais est-ce que vous comprenez quand même l'agacement, j'allais dire,
07:31de certains chercheurs français, en tout cas qui disent,
07:35nous, on vit parfois dans des situations assez précaires.
07:37Le budget du ministère de l'Enseignement supérieur de la Recherche a baissé en 2025.
07:42On connaît les contraintes pour les années qui viennent.
07:45C'est toute la recherche à besoin d'argent et on accueille des chercheurs américains.
07:50Ce n'est pas incompatible selon vous ?
07:53Pas du tout.
07:54Alors, il faut faire des choix.
07:55D'abord, là, le budget, il a été, par rapport aux annonces qui ont eu lieu par le Premier ministre il y a deux jours,
08:01le budget de la recherche, il est préservé.
08:03Ça, c'est le plus important et c'est bien qu'on investisse dans notre recherche.
08:07Ensuite, il faut faire des choix.
08:08Ce qui se passe aux Etats-Unis, ça influence le monde entier, la recherche française.
08:13Des programmes sont arrêtés parce qu'aux Etats-Unis, c'est arrêté.
08:17Enfin, il faut aussi se montrer à la hauteur de l'événement.
08:19Ce qui se passe aux Etats-Unis, c'est quelque chose d'affreux.
08:21C'est l'anti-science, c'est l'arrivée de l'obscurantisme.
08:24C'est l'honneur de l'université française d'amener une lueur d'espoir à ses collègues.
08:27Et encore une fois, je vous répète, on a consacré sur 26 millions d'euros, 21 pour les chercheurs français et 5 pour les américains.
08:38Donc, il faut savoir raison garder.
08:40Quand vous évoquez des programmes qui s'arrêtent en France à cause de ce qui se passe aux Etats-Unis, c'est-à-dire que ça irradie la recherche mondiale, en fait.
08:49Évidemment, et c'est pour ça qu'il faut réagir.
08:51Il faut réagir parce que ça nous concerne tous et il faut réagir parce qu'on ne peut pas laisser l'obscurantisme arriver dans un pays comme les Etats-Unis.
08:58C'est notre devoir, c'est notre honneur et c'est notre devoir.
09:01Et c'est aussi l'honneur de la France de faire ça.
09:04Un dernier mot, où en est-on de la proposition de loi que vous défendez, notamment avec François Hollande, pour la création d'un statut de réfugié scientifique ?
09:14Concrètement, ça servira à quoi ? Et est-ce que ça va être examiné ? Est-ce que vous avez des informations là-dessus ?
09:18Alors, je pense que ça sera examiné à l'automne.
09:21Ça va servir à donner une protection au même titre qu'un opposant politique.
09:25Le scientifique peut gêner le pouvoir en place quand il est climato-sceptique, par exemple.
09:31Et donc, il est nécessaire de protéger ce scientifique, de favoriser son transfert, de favoriser le transfert des familles.
09:37L'obtention du visa.
09:38Exactement. Et c'est à ça que servira ce visa de réfugié scientifique.
09:44Et je rappelle d'ailleurs qu'à l'université Ex-Marseille, vous accueillez aussi des réfugiés scientifiques d'autres pays.
09:49Bien sûr, on a actuellement 25 collègues qui viennent d'Iran, du Liban, d'Ukraine, de Palestine.
09:58Et c'est l'honneur de notre université.
09:59On est une université où on s'est accueillis.
10:01On a 12 000 étudiants étrangers et beaucoup de chercheurs.
10:05Et donc, c'est notre quotidien.
10:08Éric Berton, président d'Ex-Marseille Université.
10:10Merci d'avoir été l'invité de France Inter ce matin.
10:13Merci.
10:13Et bonne journée.
10:13Merci.

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