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Depuis le début de la guerre à Gaza, ses adversaires reprochent à Emmanuel Macron d’avoir une politique peu lisible et changeante à l’égard d’Israël. A y regarder de plus plus près, le positionnement du président de la République s'inscrit pourtant dans une tradition héritée des liens entre les deux pays depuis la création d'Israël. François Reynaert, alias "Oncle Obs", décrypte comment ces liens se sont tissés, de Guy Mollet à Jacques Chirac en passant par Charles De Gaulle.

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Transcription
00:00Après les massacres du 7 octobre 2023, le président Macron était en soutien à Israël.
00:05Seulement après, à cause de la politique conduite par Israël à Gaza,
00:08le président Macron a dit que cette politique était une honte.
00:10On l'a vu au moment aussi du conflit entre Israël et l'Iran.
00:13D'abord, le président Macron était en soutien à Israël,
00:16et puis le président Macron a dit non, il faut aller vers la négociation.
00:18Mais à chaque fois, le gouvernement israélien de Netanyahou
00:21était mécontent de ce que faisait le président Macron.
00:23Alors pourquoi les relations entre la France et Israël sont si compliquées ?
00:27Premièrement, le temps de l'Alliance.
00:28Les relations entre Israël et la France sont compliquées parce que l'histoire est compliquée.
00:32Il faut se souvenir qu'au tout début, peu après la création d'Israël,
00:36la France était le principal allié d'Israël.
00:38Cette alliance a même culminé dans une guerre commune
00:41qui a été menée par la France à côté d'Israël.
00:43Là, on est en 1956.
00:45La France est dirigée par les socialistes,
00:46et Israël est dirigée par les socialistes qu'on appelle les travistes.
00:49Il y a un même accord politique.
00:50Et puis par ailleurs, les deux pays ont un ennemi commun.
00:53En Égypte, le président Nasser, c'est le grand ennemi d'Israël
00:56parce que Nasser veut détruire Israël.
00:58Et par ailleurs, Nasser contrôle une partie de la mer Rouge
01:00et menace le commerce israélien.
01:01Et puis par ailleurs, Nasser est aussi considéré par la France comme un grand ennemi.
01:05On est au moment de la guerre d'Algérie,
01:06et Nasser, qui est un indépendantiste arabe,
01:08il défend les indépendantistes algériens.
01:10Et puis aussi, il y a l'affaire du canal de Suez.
01:12Il a été construit par des Français,
01:14et il appartient à des capitaux français-anglais.
01:16Et le président Nasser veut nationaliser le canal de Suez.
01:19Donc la France, alliée avec l'Angleterre,
01:22va utiliser ça pour régler son compte à Nasser.
01:24Il monte une opération secrète avec Israël.
01:27L'opération, c'est la suivante.
01:28Israël va envahir Gaza et le Sinaï.
01:30Gaza, à l'époque, ça dépendait de l'Égypte.
01:32Et les Français et les Anglais vont envoyer des parachutistes officiellement
01:35pour séparer les belligérants.
01:37Dans la réalité, c'est pour écarter Nasser du pouvoir
01:39et reprendre le contrôle sur l'Égypte.
01:41Seulement, cette opération est un fiasco
01:42parce que les deux superpuissances de l'époque,
01:45c'est-à-dire les États-Unis et l'URSS,
01:46n'acceptent pas que les Français et les Anglais
01:48essaient encore de contrôler le monde.
01:50Donc ils les écartent.
01:51Donc cette opération s'arrête très rapidement.
01:52C'est une grande humiliation pour la France et pour l'Angleterre.
01:55Ça n'empêche pas, par ailleurs,
01:56que la collaboration très proche entre Israël et la France continue.
02:00Les liens d'amitié qui unissent Israël à la France sont multiples.
02:05La France arme Israël.
02:07La France aide Israël à développer son industrie nucléaire.
02:10C'est comme ça que la bombe nucléaire israélienne
02:13a débuté avec l'appui de la France.
02:14De Gaulle fixe la position de la France.
02:17Alors la position de la France,
02:18elle va changer avec le général De Gaulle et la Vème République.
02:21La grande affaire du début de la Vème République,
02:22c'est la guerre d'Algérie.
02:23Mais elle est terminée en 1962, indépendance algérienne.
02:26Le général De Gaulle dit maintenant que cette affaire algérienne,
02:28comme on disait, est terminée.
02:29Il faut rééquilibrer la position de la France à l'égard des pays arabes.
02:32Donc ça veut dire retrouver une position d'équilibre
02:34entre Israël et les pays arabes.
02:36Parce que les pays arabes et Israël
02:37continuent à vouloir constamment se faire la guerre.
02:39Cette guerre monte sans cesse
02:41et puis finalement elle va arriver en 1967.
02:42On ne sait pas qui va déclencher la guerre.
02:44Le général De Gaulle dit
02:45« Moi, je condamnerai celui qui a commencé cette guerre ».
02:48Cette guerre, c'est la guerre des Six Jours,
02:50juin 1967.
02:52Elle est déclenchée par Israël
02:53qui attaque les pays tout autour
02:55et qui réussit à les vaincre en six jours
02:57et à augmenter la surface de son territoire par quatre.
03:00C'est comme ça que Israël possède
03:01ce qu'on appelle toujours les territoires occupés.
03:03C'est-à-dire en particulier Gaza, la Cisjordanie
03:06et la partie est de Jérusalem.
03:07À la suite de ça, le général De Gaulle condamne Israël.
03:10Il dit « Je devais condamner l'agresseur, l'agresseur, je le condamne. »
03:13Et par ailleurs, il s'explique de tout ça
03:14dans une célèbre conférence de presse
03:16qui a lieu en novembre 1967.
03:19Tous les spécialistes, tous les historiens
03:20et toute l'opinion publique à ce moment-là
03:21gardent une petite phrase.
03:23« Les Juifs, un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur. »
03:28Évidemment, c'est une phrase terrible
03:30parce qu'on parle d'un pays qui a été construit
03:32par des survivants de la Shoah
03:33à leur dire « Vous êtes sûr de vous et dominateur. »
03:35C'est évidemment une phrase malencontreuse
03:37et le général De Gaulle l'a regrettée.
03:39Mais on oublie toujours que dans cette conférence de presse,
03:40il y a une autre phrase qui est importante.
03:42« Il organise sur les territoires qu'il a pris
03:46l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion. »
03:52« Et il s'y manifeste contre lui la résistance. »
03:56« Qu'à son tour, il qualifie de terrorisme. »
03:59Cette phrase-là, elle dit une chose qui est vraie qui est
04:02« Quand on occupe militairement un territoire,
04:03nécessairement, ça crée de la violence pour l'éternité. »
04:06C'est pour ça que le général De Gaulle,
04:07à la fin de cette conférence,
04:08il pose ce qui sera la position de la France,
04:11c'est-à-dire « Nous demandons à Israël de se retirer
04:13de tous les territoires occupés militairement.
04:15Nous demandons à ce qu'il y ait une solution
04:17qui soit négociée et reconnue
04:18par toutes les puissances internationales. »
04:20C'est le début de ce qui sera la position française
04:22qui va rester jusqu'à présent,
04:23qui est une position d'équilibre par tous les camps.
04:25Mitterrand, c'est un président de gauche.
04:27Et quand il arrive au pouvoir, très rapidement, en 1982,
04:30il fait pour la première fois une visite officielle
04:32d'un président français en Israël.
04:33Et la Knesset, il salue la magnifique réussite d'Israël
04:36et il dit qu'il faut tout faire pour maintenir le droit d'Israël
04:38à son existence.
04:39Mais aussi, dans ce discours, il dit
04:41« Il faut que les Palestiniens, eux aussi, aient un État. »
04:44C'est la première fois qu'il y a un président français
04:45qui dit qu'il faut qu'il y ait deux États,
04:46un État israélien et un État palestinien à côté.
04:49Et puis après, il y a un président de droite
04:51qui va, à sa manière, rappeler les choses.
04:53C'est la fameuse visite à Jérusalem-Est de Chirac en 1996.
04:57Jérusalem-Est, c'est une partie des territoires occupés.
05:00Et Chirac, en étant dans la vieille ville de Jérusalem,
05:02il veut parler aux populations qui sont là.
05:04Ce sont des Palestiniens, des musulmans ou des chrétiens.
05:06Seulement, les officiers de sécurité israéliennes
05:08l'empêchent de faire ça.
05:09Et c'est comme ça qu'il s'énerve et il dit cette célèbre phrase.
05:11Et cette célèbre phrase, elle le rend extrêmement populaire
05:18dans le monde arabe parce qu'il a tenu tête
05:20à des officiers de sécurité israéliens.
05:22Mais il faut voir aussi que derrière ça,
05:23il y a la position traditionnelle de la France qui est
05:26ce territoire est occupé militairement.
05:28Donc, ce n'est pas à Israël d'y faire la justice.
05:30Et le président français, il a le droit, quand il y vient,
05:32de parler à qui il veut, y compris les habitants qui sont là.
05:34La position actuelle de la France.
05:36Aujourd'hui en France, dans le champ politique,
05:38il y a l'extrême gauche, LFI,
05:40qui est beaucoup du côté des Palestiniens.
05:42Alors, ils disent qu'ils défendent le droit des Palestiniens à exister
05:45et à ne pas être massacrés sous les bombes.
05:46Mais par ailleurs, on a l'impression qu'ils ne disent pas beaucoup
05:48qu'Israël a le droit d'exister aussi.
05:50Et puis de l'autre côté, à droite et à l'extrême droite,
05:52il y a des gens qui disent, on est dans la défense d'Israël
05:54et eux, ils oublient que les Palestiniens ont le droit d'exister aussi.
05:57La position officielle de la France,
05:59qui est défendue par le président Macron,
06:00mais aussi par la plupart des modérés dans le champ politique,
06:03c'est une position qui dit, premièrement,
06:04on ne peut pas accepter qu'un État possède des territoires
06:07qui ont été conquis par la force, donc ce qu'on appelle les territoires occupés.
06:10Ça doit être rendu aux Palestiniens.
06:12Et puis là-dessus, il faut espérer que va être construit un État palestinien.
06:15Un État palestinien qui viendra enfin rendre aux Palestiniens leurs droits légitimes.
06:19Parce que la seule solution, c'est la solution de deux États.
06:22Et puis surtout, cette solution doit être négociée
06:25avec l'accord des grandes puissances et de l'ONU.
06:27C'est le droit international, il faut défendre le droit international.
06:29Ça, c'est la position officielle de la France.
06:32Et bien pourquoi les relations sont compliquées ?
06:34C'est simplement parce que Netanyahou refuse cette position d'équilibre
06:37que c'est de défendre la France.

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