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Le professeur émérite d'économie Philippe Moati était l'invité de France Inter mercredi 25 juin, premier jour des soldes d'été.

Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter

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Transcription
00:00France Inter
00:01Mathilde Munoz
00:05Le 5-7
00:08Il est 6h21, les soldes débutent ce matin dans la plupart des départements de métropole, à l'exception de la Corse.
00:14Un mois de rabais dans les magasins et en ligne.
00:17Est-ce toujours un moment attendu par les consommateurs et les commerçants ?
00:20Les habitudes de consommation ont-elles changé ?
00:22Quid du pouvoir d'achat cette année ?
00:24Bonjour Philippe Moiti.
00:25Bonjour.
00:25Je vais vous poser toutes ces questions.
00:27Vous êtes professeur émérite d'économie à l'université Paris-Cité et cofondateur de l'OBSOCO, l'Observatoire Société et Consommation.
00:34D'abord, comment ça s'annonce cette année ? Prudence ou grosse dépense ?
00:38Prudence. Vous savez, on fait régulièrement des sondages avant les soldes pour sonder les Français sur leurs intentions.
00:44Alors ça ne veut pas dire que ça se réalisera, mais d'une année sur l'autre on peut comparer.
00:47Et donc cette année, on serait à peu près au même niveau que l'année dernière, qui n'était pas très folichon.
00:51En tendance, ça baisse. Donc aujourd'hui, je crois que c'est à peu près 40% des Français qui déclarent avoir l'intention d'aller faire des achats durant les soldes.
00:59Et on leur demande également combien ils pensent dépenser. Et là, le montant est en baisse.
01:02De combien ?
01:03On est sur une tendance générale, sur plusieurs années, à une sorte de désaffection à l'égard des soldes.
01:08Parce que tout simplement, il y a d'autres moments où on peut acheter moins cher.
01:11Et puis la conjoncture macroéconomique n'est pas extrêmement favorable.
01:13Et c'est quoi le budget moyen ?
01:15Alors, il est de mémoire autour de 250 euros, mais honnêtement, ça ne veut pas dire grand-chose.
01:19Les enquêtes qui demandent après coût, combien vous avez dépensé, arrivent à des montants très différents.
01:23Donc le poids des soldes, année après année, diminue, c'est ça ?
01:28Diminue, puisque pour une raison très simple en réalité, c'est que la loi de modernisation de l'économie qui a été votée en 2007 a libéralisé le régime des promotions.
01:37Et donc, ça veut dire qu'aujourd'hui, les vendeurs, les distributeurs peuvent à tout moment dans l'année faire des opérations de promotion sans risque juridique.
01:45Dans le passé, il y avait un petit risque juridique.
01:47Ces derniers jours, on a tous reçu des tonnes de mails, ventes privées, enfin les soldes à vendeurs.
01:51Braderie, super promo, vous appelez ça comme vous voulez, vous n'avez pas le droit d'appeler ça solde.
01:55La seule limite, c'est ça.
01:56On ne peut pas appeler ça solde et on ne peut pas vendre à perte.
01:59Donc le moment des soldes, c'est le seul moment où on peut utiliser ce mot et où on peut vendre à perte.
02:03Parce que c'était la vocation initiale des soldes, de vider le magasin.
02:07Pour récupérer la trésorerie, pour acheter les produits de la saison suivante.
02:09Et puis il y a aussi le Black Friday et tous ces sites internet de prix ultra cassés.
02:14Donc les soldes sont devenues obsolètes ?
02:17Non, parce que pour les commerçants, ça reste un moment important pour essayer de récupérer la trésorerie.
02:21Pour ceux qui en ont vraiment besoin.
02:23Donc finalement, c'est plus important pour les commerçants que pour les clients ?
02:25Sans doute, sans doute.
02:26Sans doute, parce qu'il y a un cercle vicieux dans lequel on est rentré.
02:30C'est que comme on est en régime permanent de prix cassés, les consommateurs ne sont pas dupes.
02:34Ils attendent une opération de prix cassé pour acheter.
02:38Et ça veut dire que quand on est dans un creux entre deux opérations commerciales, on ne vend pas.
02:43Donc les soldes, ça s'ajoute à toutes les autres occasions dans l'année de casser les prix.
02:48Et pour faire revenir les clients en magasin.
02:50Donc s'il n'y avait pas les soldes de début de l'été, on serait sur un creux d'activité.
02:56Comme le marché de l'habillement en particulier est très déprimé.
02:59On a vraiment besoin de ces coups de boost pour entretenir la demande.
03:01C'est ce que j'allais vous demander, c'est vrai pour tous les secteurs ?
03:04L'électroménager, l'habillement, les loisirs ?
03:05Les soldes, c'est quand même très...
03:06Non mais non, on a ça dans tous les secteurs.
03:08Mais en termes d'activité commerciale, ça se polarise quand même beaucoup sur le vêtement.
03:12Et qu'il y en a beaucoup besoin, c'est un secteur qui est en difficulté depuis 15 ans.
03:15Donc il y a cette loi de 2007 de modernisation de l'économie.
03:19Ça, ça constitue un vrai virage.
03:21Est-ce qu'il y a d'autres facteurs qui expliquent la moindre importance des soldes aujourd'hui ?
03:25Alors, le facteur structurel, c'est ce que je viens de dire.
03:28C'est-à-dire la généralisation des opérations à prix cassé.
03:30Donc il n'y a pas la peine de se précipiter le jour des soldes.
03:32Il y aura d'autres moments où on pourrait acheter et faire des bonnes affaires.
03:35Et puis il y a le contexte macroéconomique.
03:38La baisse du pouvoir d'achat.
03:39La période inflationniste, c'est traduite par une tension sur le pouvoir d'achat de certaines catégories de consommateurs.
03:46Parce que paradoxalement, l'INSEE nous a expliqué par exemple qu'en 2024, le pouvoir d'achat des ménages avait progressé de 2%.
03:51Mais c'est une moyenne qui cache la disparité.
03:54Et j'ai envie de dire que le gros de la population, si on exclut les personnes aisées, ont connu des vraies tensions sur leur pouvoir d'achat.
04:01Donc on fait attention tout simplement.
04:02Et à ça s'ajoute peut-être que l'ambiance n'est pas à la légèreté, à la consommation.
04:08Le taux d'épargne a atteint un niveau extraordinairement élevé.
04:11Donc les Français préfèrent épargner que dépenser.
04:14Et nous, on mesure dans nos enquêtes une perte d'appétit à la consommation.
04:18On n'a pas envie, peut-être parce qu'on a déjà trouvé tout simplement.
04:20Une saturation des besoins ?
04:22C'est difficile de l'exprimer.
04:23En tout cas, quand on demande aux gens de noter leur envie de consommer, ils donnent des notes extrêmement basses.
04:28Ce qui peut s'expliquer, je fais peut-être de la surinterprétation, par le fait qu'en fait on est déjà super équipé.
04:36Alors les vêtements, regardez dans votre placard combien vous avez de vêtements que vous n'utilisez pas.
04:39On est en train de finir une étude sur la question, c'est assez monstrueux.
04:42Et donc à quoi bon en acheter encore alors qu'on en a déjà beaucoup ?
04:46Et donc on a l'impression que dans les arbitrages de consommation, la dépense va plutôt vers des postes qui touchent l'être.
04:52Donc vivre des expériences plutôt que l'avoir.
04:55C'est-à-dire de continuer à accumuler des biens.
04:57Donc finalement on se rend compte que ça ne nous rend pas forcément plus heureux.
04:59Et ce serait quoi ces expériences vers l'être ?
05:02C'est des voyages. Quand on demande aux gens quel est le poste budgétaire sur lequel ils aimeraient dépenser, c'est des voyages, c'est clair.
05:08Mais regardez les terrasses de café, des carillons de soleil, c'est prendre un pot avec ses potes,
05:12c'est découvrir un rooftop et faire une expérience gastronomique, c'est se payer un sou à l'élastique.
05:20Chacun va trouver un terrain d'expression, mais on a le sentiment que c'est ça qui est important.
05:23C'est de vivre des moments forts.
05:25Et là l'argent est mieux dépensé que pour accumuler des produits qu'on a déjà.
05:28Donc nos envies, nos désirs sont moins matériels aujourd'hui ?
05:31Ils sont moins matériels parce que nous sommes globalement un pays riche où nos besoins sont comblés,
05:36où l'offre n'apporte plus vraiment de nouveautés.
05:38On a eu la vague du numérique qui a renouvelé la norme de consommation.
05:41Ça maintenant c'est un peu derrière nous, on a déjà tout.
05:43Et on veut nous convaincre qu'il faut changer régulièrement sans smartphone, mais on n'est pas complètement dupe.
05:47Donc les dépenses se déplacent.
05:50Et puis rajouter à ça la prise de conscience par une partie croissante des consommateurs de l'impact écologique de la consommation.
05:55Ça vous le constatez ?
05:56Ah bah oui, heureusement.
05:57Alors c'est un petit peu reculé ces dernières années, mais malgré tout la lame de fond est là.
06:01Et donc vous avez une fraction des consommateurs qui font attention
06:03et qui réduisent les achats de produits dont ils n'ont pas réellement besoin.
06:08Philippe Moati, merci.
06:09Professeur émérite d'économie à l'université Paris-Cité.
06:12Vous avez cofondé aussi l'Observatoire Société et Consommation.
06:16Les soldes, donc ça commence ce matin.
06:18Et c'est jusqu'au mardi 22 juillet inclus.
06:20Sous-titrage Société et Consommation

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