- 24/06/2025
Lundi 23 juin 2025, retrouvez Satya Goetz Lancel (Responsable de gestion de crises des Magasins U, Coopérative U) et Vigdis Morisse-Herrera (Fondatrice, Opale.care) dans HR MAKERS, une émission présentée par Caroline de Senneville.
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00:00Bienvenue sur Hachemakers, aujourd'hui on parle de violences conjugales alors qu'une femme sur six en âge de travailler en est victime.
00:14Au-delà de ravager la vie des femmes dans tous les milieux sociaux professionnels, les violences conjugales représenteraient un coût de 57 milliards pour les entreprises françaises.
00:23Trop souvent perçues comme relevant de la vie privée, les entreprises ont pourtant un rôle essentiel à jouer en matière de prévention
00:28ainsi que d'accompagnement des victimes de violences conjugales.
00:32Je suis ravie d'accueillir sur ce plateau pour en parler Vigdis Maurice Herrera, fondatrice d'Opalcare,
00:36qui est une plateforme de diagnostic, de soutien logistique et juridique pour les victimes de violences conjugales.
00:42Bienvenue Vigdis.
00:43Bonjour, merci.
00:44Première question, où en est-on aujourd'hui de la détection des violences conjugales et intrafamiliales au travail ?
00:51Aujourd'hui, il n'y a pas vraiment grand-chose qui est organisé et structuré pour détecter les violences conjugales de manière systématique.
01:00Pourtant, on a le Code du travail qui est assez clair, qui dit qu'il faut, pour les employeurs, empêcher tous les risques psychosociaux
01:07et il n'y a pas de plus grand risque psychosocial pour une femme que d'être victime de violences conjugales,
01:13une femme sur six, comme vous le disiez, à savoir sur les violences sexuelles et physiques.
01:20On ne prend même pas en compte les autres formes de violences conjugales.
01:23Par ailleurs, des nouvelles législations sur l'égalité professionnelle mettent en avant la nécessité de s'interroger
01:33sur la vie familiale et donc l'impact sur le travail pour les salariés.
01:38Oui, parce que justement, il y a des conséquences pour les victimes sur leur vie professionnelle au quotidien.
01:42Absolument. On ne peut pas travailler quand on a peur de mourir. C'est une absolue évidence.
01:47On ne peut pas travailler quand on a peur de ce qui va se passer le soir à la maison.
01:51On ne peut pas travailler quand on a peur pour ses enfants.
01:54On ne peut pas travailler quand on craint toujours les conséquences de messages qui vont arriver de son agresseur.
02:00quand on ne sait pas ce qu'il va advenir du revenu de notre travail, etc.
02:09Et quand on est épuisé sur le qui-vive, multitraumatisé, comment on peut développer une carrière professionnelle ?
02:16Oui, c'est un facteur discriminant de fait.
02:20Justement, dans la sphère professionnelle, comment mobiliser les entreprises
02:24et comment permettre une réelle prise de conscience pour que l'employeur se dise
02:27non, ce n'est pas juste quelque chose qui relève de la vie privée, je dois protéger mes salariés ?
02:32Alors, il n'y a que les personnes qui ne sont pas concernées qui peuvent considérer que c'est de la vie privée.
02:37Parce qu'on est une seule et même personne au travail, à la maison, sur le chemin de l'école pour aller récupérer les gamins.
02:44On est toujours la même personne.
02:45On ne laisse pas ce qui se passe à la maison à la porte d'entrée de son lieu de travail.
02:50Donc, ça, c'est un argument que j'entends encore et qui me choque au plus haut point à chaque fois
02:56parce qu'il n'y a pas de vie privée quand on parle de crainte pour sa propre vie ou pour celle de ses enfants.
03:03Donc, les employeurs doivent mettre en place des choses d'un point de vue sociétal.
03:10C'est une absolue évidence. C'est même au-delà du rôle d'employeur.
03:13C'est une question de civisme, de démocratie.
03:19De responsabilité.
03:20Exactement. Que de s'intéresser à ce qui advient de son prochain, des personnes qui nous entourent
03:24et encore plus quand ces personnes travaillent pour nous.
03:27Donc, il y a cette responsabilité humaine qui est évidente, mais pas forcément pour tous, je vous l'accorde.
03:33Et au-delà de ça, il y a une responsabilité économique.
03:36À l'heure où on nous parle d'économie budgétaire, de difficultés à boucler des budgets dans les différentes entreprises,
03:44dans les différents ministères, etc., à toutes les échelles, ces violences, elles représentent un coût social qui a été étudié.
03:52Une victime de violences conjugales représenterait pour la société, selon une étude de santé publique faite en 2006,
03:5768 000 euros pour les employeurs, la sécurité sociale, la justice, etc.
04:07Donc, sur ces 68 000 euros, on a 44% directement imputable aux employeurs.
04:11Ce qui fait une victime, donc une femme sur six, 38 000 euros à minimum pour un employeur.
04:17Donc, si on ne s'y intéresse pas pour l'aspect social, il faut au moins s'y intéresser pour l'aspect économique.
04:23À titre personnel, en tant que femme qui paye des impôts, en tant qu'ancienne fonctionnaire de l'État,
04:28je préférerais que cet argent aille directement servir tous nos acquis sociaux,
04:34plutôt que de financer les conséquences des violences.
04:38Et c'est le sens d'Opalcaire, de sa création.
04:41Comment vous accompagnez les entreprises et quelles ressources vous mettez à disposition ?
04:46Alors, l'objectif d'Opalcaire, c'est de donner les moyens d'y arriver.
04:50Parce qu'on est sur un sujet qui est tellement tabou dans la société qu'il n'est pas toujours évident de savoir quoi faire,
04:56comment s'y prendre et quand on s'y prend mal, on peut aussi avoir un impact négatif sur les victimes.
05:04Donc, ça, c'est quelque chose qui est de l'ordre d'une professionnalisation et tout le monde ne peut pas s'improviser.
05:09Par contre, avec Opal, on va permettre aux entreprises de communiquer sur la question,
05:15de communiquer sur leurs actions, de communiquer sur un outil ressource,
05:20donc Opal, avec un questionnaire qui va venir interroger la vie familiale, intime de la personne.
05:28Un questionnaire anonyme, on n'a aucune capacité à savoir qui répond quoi.
05:33Et à partir de ce questionnaire, on va pouvoir lui dire si elle est victime de violences.
05:37Parce que les campagnes, on va dire, femmes victimes de violences, nous vous écoutons,
05:42mais encore, faut-il s'en rendre compte qu'on est victime de violences conjugales,
05:45parce que ce n'est pas si évident.
05:48Et donc, nous, on va leur donner les moyens de savoir qu'elles le sont,
05:52d'avoir une légitimité, parce que c'est ça, c'est sur ça que ça repose.
05:56Oui, mais on va toujours minimiser.
05:57Ce n'est pas grave, c'est que si, c'est que ça.
05:59C'était juste une gifle, on a entendu, juste une gifle.
06:02Voilà. Donc, il y a toujours des moyens de minimiser.
06:04Si c'est moral, c'est encore plus facile de minimiser, parce qu'il n'y a aucune trace.
06:09Alors, il n'est pas toujours évident de savoir qu'est-ce qu'on peut mettre en place pour un employeur,
06:14comment s'adresser à une victime, comment lui parler.
06:17C'est un vrai métier, ça.
06:18Donc, nous, on va leur mettre à disposition un outil qui va permettre de détecter les violences conjugales.
06:25Les salariés peuvent le faire de manière anonyme, totalement accessible sur n'importe quel support.
06:31pour pouvoir comprendre et mettre un contexte juridique à leur situation personnelle.
06:38À l'issue de ce questionnaire anonyme, on va analyser leur situation personnelle.
06:45On va leur donner des explications, si elles sont victimes de violences conjugales,
06:49sur quels sont les différents types dont elles seraient victimes.
06:54On va leur expliquer le cadre légal pour les légitimer,
06:57parce que c'est très important de savoir qu'on est bel et bien victime et ne pas minimiser ce qu'on vit.
07:05On va venir apporter des ressources au niveau des associations,
07:09en fonction du profil des victimes, si elles ont des enfants, si elles sont homosexuelles,
07:13dans la région où elles vivent, etc., si ce sont des hommes, des femmes.
07:16L'objectif, c'est que, plutôt que de leur balancer une liste d'assauts et chercher,
07:22on fait un peu le tri sur ce qui existe et ce qui a plus à même de les accompagner.
07:27Ensuite, on va proposer aux employeurs un espace qu'ils peuvent administrer,
07:34dans lequel ils vont entrer leurs ressources.
07:36Qu'est-ce qu'ils ont décidé de mettre en place pour leurs salariés,
07:40afin de les accompagner dans cette période de leur vie ?
07:42Exemple, un jour de congé pour aller porter plainte.
07:46Bon, grâce à Opal, la personne, elle va pouvoir voir qu'elle a ce droit ouvert par son employeur,
07:53elle va voir les modalités pour en faire la demande, qui contacter.
07:56Elle n'a ainsi pas à venir raconter sa vie privée,
08:00parce que les violences et ce qu'il se passe, c'est de l'ordre de l'intime et de la vie privée,
08:04pour pouvoir ouvrir ce droit, vu qu'elle aurait été détectée par notre système en amont,
08:09pour voir ce qui existe.
08:11Ainsi, pour la victime, elle va pouvoir voir un panel complet de l'existant.
08:16Le cadre légal, des avocats, des médecins, des ressources qui peuvent l'accompagner dans cette période,
08:22les associations, les aides de l'employeur ou les aides de la commune, etc., etc.,
08:26pour avoir quelque chose de parfaitement personnalisé, propre à sa situation,
08:32et c'est elle qui décide le moment où elle est prête pour aller les activer et aller les chercher.
08:37On met également à disposition des employeurs des ressources en communication,
08:42une campagne d'affichage, des ressources pour le numérique,
08:45afin de communiquer sur l'outil Opal pour inciter les salariés à y aller.
08:49Et les salariés, quand elles saisissent ce dispositif,
08:52elles commencent quand même à se rendre compte qu'elles sont victimes de violences ?
08:56C'est la première étape ? C'est la main tendue dont elles avaient besoin ? La frontière n'est pas ?
09:01Nous, on essaye d'encourager tout le monde à faire le test.
09:04À dire que, voilà, c'est ouvert, vous pouvez y aller.
09:09On ne va pas forcément appeler à réfléchir sur sa situation personnelle en amont,
09:17mais on va pousser les questions qui sont assez fines pour pouvoir analyser et répondre à souvent des situations
09:23qu'on n'interrogeait même pas d'un point de vue des victimes.
09:27La campagne, par exemple, elle va reprendre des phrases que les victimes se disent,
09:31que les agresseurs disent, et interroger.
09:34Et vous ? Vous en êtes où ?
09:36Et là, on invite les gens à venir faire le diagnostic.
09:39Parce que c'est ce qu'on se disait au début, même pour des violences un peu économiques,
09:43que c'est très difficile de le discerner.
09:45Est-ce qu'il y a un compte commun ?
09:46Est-ce que le conjoint a juste un compte sur lequel il met tout l'argent sans que l'autre y ait accès ?
09:50Enfin, ça, ce n'est pas évident.
09:52C'est exactement des questions qu'il va y avoir sur Opal.
09:54Donc, est-ce que vous avez suffisamment d'argent pour faire les courses ?
09:57Est-ce que votre conjoint se sert avant et vous laisse le soin de boucler le budget pour vous et vos enfants à la fin du mois ?
10:03Est-ce qu'il n'a pas dépensé ? Des choses comme ça, par exemple pour les violences économiques.
10:07Parce que c'est des situations qui sont parfois normalisées, qu'on n'interroge pas,
10:11et du coup, qui rentrent parfaitement dans la catégorisation des violences conjugales.
10:16Mais que la victime est tellement habituée à vivre, ne va pas les remettre en cause.
10:21Et qui, pour autant, peut l'empêcher de partir s'il y a une difficulté et un besoin urgent de partir,
10:26si elle n'a pas accès aux ressources financières nécessaires.
10:28Absolument.
10:31Quelles ouvertures de droits exceptionnels sont possibles ?
10:33Vous aviez parlé d'une journée, par exemple.
10:35Est-ce qu'il y a aussi des hébergements d'urgence ?
10:37Qu'est-ce qui est possible du côté des employeurs ?
10:40Et qu'est-ce que vous observez surtout dans ce qui est le plus communément mis en place ?
10:44Moi, j'encourage les employeurs à réfléchir sur l'existant, déjà.
10:50Parce qu'il y a déjà des choses qui sont financées dans nos contrats en tant qu'employeurs
10:55pour pouvoir aider les victimes.
10:57Et ensuite, sur qu'est-ce qui est de l'ordre du faisable, à moindre coût, quels coûts je peux supporter en plus pour pouvoir aider.
11:08Ce qui ressort bien, c'est la journée de congé pour aller porter plainte.
11:12Je l'encourage aussi pour aller se rendre à des nouvelles auditions, parce que la plainte n'est que le point de départ.
11:18Il va y avoir des avances sur salaire, des prêts.
11:24Il y a des entreprises qui font des prêts à taux zéro à leurs salariés.
11:28Il y a énormément de choses qui sont réalisables.
11:32Sur Opal, dans notre logiciel pour les employeurs, on va proposer des actions qui sont visibles par tous les employeurs.
11:40C'est simplement un petit peu des cases à cocher.
11:43Tu dis ça, je suis prêt à le mettre, ça, je suis prêt à le mettre.
11:46Quand une nouvelle action est réfléchie par un employeur, nous, on la rajoute à notre espace administratif pour les employeurs.
11:55Ce qui fait que c'est collaboratif.
11:57On communique sur le fait qu'il y a cette nouvelle idée qui a émergé de l'intelligence collective
12:00et qu'on la propose libre aux employeurs de cocher ou non la case et de remplir les infos pour pouvoir permettre à leurs salariés d'en bénéficier.
12:08Mais plus on s'enrichit du travail de réflexion des autres, plus on pourra monter quelque chose de complet, en fait.
12:16C'est un échange de bonnes pratiques.
12:18Absolument.
12:19Est-ce qu'il y a des secteurs qui sont plus en avance que d'autres sur cet enjeu et la protection des victimes ?
12:27Malheureusement, je constate qu'on va avoir une meilleure prise en considération de ce sujet
12:33dans les secteurs qui embauchent des femmes à des revenus plus modestes, voire à des temps partiels, etc.
12:41Parce qu'on considère bien plus évident dans notre société que les femmes qui, et ça c'est très classiste,
12:52qui en ont besoin, sont des femmes qui vont avoir des revenus modestes, qui vont avoir fait peu d'études, des choses comme ça.
12:59Alors que les violences conjugales, ça touche tous les pans de la société, ça touche tous les milieux,
13:05ça touche quelle que soit la religion, l'origine sociale, le département, etc.
13:09C'est vraiment quelque chose qui est répandu partout.
13:11Par contre, ce qui va changer, c'est les aides auxquelles on aura besoin.
13:16Une femme cadre, avec des revenus élevés, elle n'aura peut-être pas besoin d'avoir des nuits d'hôtel de payer, par exemple, par son employeur.
13:25Par contre, elle a le même besoin, et l'employeur peut apporter exactement la maître, qui ne coûte rien grâce à notre logiciel, la légitimité.
13:35Oui, c'est à faire la reconnaissance.
13:37Et ça, la reconnaissance, c'est extrêmement important.
13:40Il y a quelques mois, j'ai eu une femme qui m'a demandé comment on fait pour savoir si on est victime de violences conjugales.
13:46Je la renvoie vers Opal, et elle m'en renvoie le questionnaire, où on lui montre tous les points, toutes les violences auxquelles elle est exposée.
13:53Elle me dit, c'est vrai que quand il m'a cassé la main, j'aurais dû m'en douter.
13:57Et c'est pour ça que je parle vraiment de légitimité, parce que quand on vit dans une norme, l'agresseur nous retourne la tête pour nous faire croire que tout ceci est mérité, tout ceci est légitime et tout ceci est normal.
14:10Et en fait, ça prend du temps de sortir de ça.
14:12Et ça, c'est vraiment notre travail, notre cheval de bataille avec Opal, parce que sinon, on attend que les situations, elles deviennent inextricables pour s'occuper des victimes,
14:24alors qu'on peut le prendre le plus en amont possible à un moment où c'est encore possible, en fait, de partir techniquement.
14:29Merci, Vigdis Morissera, fondatrice d'Opalcaire, pour ces éclairages et bravo pour votre engagement sur ce sujet essentiel.
14:39Merci beaucoup.
14:39Pour cette deuxième partie d'émission, je reçois Satia Goethe-Sensel, responsable de gestion de crise des magasins U.
14:48Satia, bonjour.
14:49Bonjour.
14:50Satia, vous avez fait bouger les lignes dans le secteur de la grande distribution.
14:53Le 25 novembre dernier, la Fédération du commerce et de la distribution a annoncé le lancement d'une grande campagne d'information commune à l'ensemble des enseignes du secteur.
15:02Est-ce que ça a porté ses fruits et surtout, où en est-on ?
15:06Alors, on en est que ça avance super bien.
15:08Vraiment, c'est des grandes nouvelles.
15:11C'est vraiment une avancée historique.
15:12Je sais qu'il y a beaucoup d'entreprises qui font des choses différentes, qui font beaucoup de choses super pour leurs salariés.
15:20Et là, l'idée, c'était de rendre les choses beaucoup plus simples et accessibles, en fait, à toute entreprise qui souhaiterait s'engager.
15:27On a quand même bien envie de s'attaquer à changer des lois.
15:31Et puis, au final, dans le secteur privé, c'est fantastique.
15:33On peut changer les lois internes.
15:35On peut ne pas attendre la législation.
15:37Et on peut faire en sorte que chaque entreprise puisse ouvrir des droits exceptionnels aux salariés de victimes qui demanderaient assistance.
15:46Voilà, en gros, à peu près, les grandes enseignes se sont toutes engagées à ouvrir ces droits exceptionnels.
15:52C'est-à-dire que, en fait, toutes les enseignes de la grande distribution ont déjà et vont afficher, en fait, auprès de leurs collaborateurs, que ce soit dans les locaux sociaux, à l'intérieur des portes des toilettes, que ce soit la salle de pause.
16:07Un truc tout simple, c'est que si tu as un problème à la maison et que c'est compliqué, tu peux simplement aller voir ta direction, aller voir ton manager pour lui dire simplement qu'à la maison, ça ne va pas.
16:17Donc ça, c'est déjà une grande, grande avancée, rendre les choses plus simples et puis apprendre aussi aux directions RH de pouvoir accueillir simplement cette demande et de pouvoir en fait lui dire voilà, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
16:35Est-ce que c'est quoi les écueils à éviter en la matière ? Au-delà du moment où la victime va voir les RH ou son manager, qu'est-ce qu'il faut éviter pour la prendre au mieux en charge ?
16:46Moi, je dirais que la première chose qu'il faut éviter, c'est de poser trop de questions.
16:52En fait, en gros, il faut respecter. C'est très nouveau d'aller raconter ses histoires personnelles et son travail, au travail, ses problèmes à la maison.
17:00C'est super nouveau. Donc en fait, et ça fait peur aussi aux RH. Ils sont démunis. Donc en fait, oui, il faut simplement être formé à pouvoir simplement écouter, rassurer et après garantir l'orientation.
17:18C'est pour ça que c'est un process global et pluridisciplinaire. Et surtout, moi, ce que je pense qu'il faut passer comme message, c'est qu'il ne faut pas s'inquiéter en fait.
17:29Un salarié, quand il est victime de violences conjugales, il va venir et il va être dans beaucoup d'humilité. Ce n'est pas une séance de psy. On ne va pas les transformer.
17:41Le but du jeu, c'est d'accueillir simplement, de dire OK, c'est compliqué, pas trop poser de questions. Il ne faut jamais poser de questions.
17:47Et simplement demander ce qu'on peut faire et comment l'entreprise peut aider.
17:52Et comment elle peut garantir un anonymat justement sur ces sujets ?
17:57Alors, chaque entreprise, à partir d'une certaine taille, chaque salarié a un RH référent.
18:04C'est vraiment un... Les RH, ils sont super. C'est dans leur cœur de métier, de toute façon, de garantir la confidentialité.
18:11Donc à partir du moment où l'entreprise s'est engagée politiquement à ouvrir ses droits exceptionnels,
18:16le message est aussi de garantir la confidentialité et l'anonymat.
18:20Et ça, elles le font très très bien.
18:23On va revenir sur les droits, mais le secteur de la grande distribution, j'imagine que c'est...
18:27C'est un sujet malheureusement qui est universel, l'évidence conjugale, mais c'est un public particulier dans le secteur de la grande distribution.
18:34Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur peut-être leurs besoins et le type de personnes concernées ?
18:41Alors, c'est vachement important de pouvoir faire un dispositif adapté à la sociologie de son entreprise.
18:49Là, par exemple, ça se légitimit complètement que ce soit une action de la branche.
18:54En fait, on sait aujourd'hui que les salariés de la grande distribution vont avoir cinq facteurs prédictifs sur huit ou dix,
19:04ça dépend de la classification, d'être victimes de violences conjugales.
19:07Déjà, les femmes représentées à 70%, un facteur, jeunes.
19:13Donc voilà, c'est un critère aussi.
19:17Socioculturellement, peu diplômés, donc un niveau bas.
19:22Rémunération de base et la ruralité.
19:25On s'est aperçu en fait que c'était la double peine.
19:29Le rapport du Sénat pointe que les victimes de violences conjugales sont encore plus victimes, on va dire, en ruralité.
19:41Parce que plus isolées ?
19:42Parce qu'en fait, il y a l'isolement.
19:44Ils ont pointé que 50% des féminicides en 2023 avaient lieu en ruralité.
19:50Alors que c'est seulement 33% de la population.
19:54C'est seulement 4% des appels au 39-19.
19:58Enfin, je ne sais plus, une vingtaine de pourcents.
20:00Et 4% des demandes d'hébergement d'urgence.
20:03Donc en fait, ces chiffres-là, ils nous donnent l'idée qu'elles n'ont pas d'informations.
20:08C'est très compliqué par rapport à la confidentialité.
20:10Tout le monde se connaît aussi si on va porter plainte, si on en parle au travail.
20:15Et très, très vite, en fait, les supermarchés sont hyper représentés, quelle que soit l'enseigne, sont hyper représentés en ruralité.
20:24Donc le point de départ, c'était ce devoir d'information et ce devoir d'assistance.
20:29Et justement, si on revient sur les droits, qu'est-ce qu'il est possible de faire concrètement en tant qu'employeur pour aider une salariée victime de violences conjugales ?
20:38Moi, déjà, à la base, je pense qu'on peut tout faire.
20:40Tout est possible.
20:41Après, depuis 2018, un dispositif a été déployé sur l'ensemble des 1700 magasins U sur 70 000 salariés.
20:51Et donc, en fait, en gros, on a appris aussi avec leurs besoins.
20:55On a appris au fur et à mesure.
20:57Et il y a des grands schémas de besoins.
20:59Les demandes, elles sont souvent simples.
21:01Elles sont souvent les mêmes.
21:02C'est garder son emploi.
21:05C'est souvent une peur de perdre son emploi.
21:07garder son emploi, être en sécurité au travail, pouvoir aménager ses horaires quand on a des horaires décalés, pour pouvoir faire garder ses enfants.
21:16C'est pouvoir tout simplement...
21:20Aller porter plainte.
21:22Aller porter plainte, aménager ça.
21:24Et tout simplement aussi, c'est aussi bête que ça, mais ne pas rentrer à la maison ce soir.
21:31Oui, donc avoir un hébergement d'urgence.
21:33Exactement.
21:34Et ces demandes-là.
21:35Donc l'idée, c'était de construire en fait un dispositif clé en main, ultra simplifié, qui permettait en moins de 12 heures d'ouvrir ce dossier
21:44et de pouvoir faire en sorte que tous ces droits-là exceptionnels, quels que soient leurs besoins, puissent être ouverts et proposés.
21:51Et depuis que vous avez mis ça en place, est-ce que vous avez des exemples de, je ne veux pas dire réussite,
21:55mais de personnes pour qui ça s'est bien passé et l'ampleur a réussi à la mettre en sécurité ?
22:01Oui, j'ai un super exemple et c'est vrai que ça montre un petit peu en fait l'ampleur un peu des choses.
22:10Et en fait, il y a un magasin à côté de Pau qui a fait une demande d'assistance pour une salariée qui était en grande difficulté
22:19et qui ne pouvait pas rentrer chez elle le soir même.
22:21Et le lendemain, la direction du magasin m'a envoyé ce message.
22:27Bonjour, merci pour la grande réactivité suite à la demande réalisée hier pour notre salarié.
22:32En moins de deux heures, son dossier a été ouvert avec solution d'hébergement et de mise à l'abri
22:37et tous les intervenants pour l'aider, psychologues, assistants sociaux, juristes, etc.
22:41Donc voilà en fait la réalité de comment ça se passe et même sur des petits magasins qui n'ont pas forcément de RH, évidemment.
22:48Et pour dire à quel point que si on propose des choses simples avec un dispositif ultra simple
22:54et qu'on diffuse l'information massivement en interne,
22:58en fait, pas besoin d'être médecin ou psychologue pour pouvoir accompagner quelqu'un
23:02et lui garantir le meilleur accompagnement possible.
23:05Proposer des choses simples et être transparent sur les coûts engendrés,
23:09j'imagine tout de même pour l'employeur, ça doit être un élément aussi important ?
23:12Aujourd'hui, l'employeur, très facilement, il peut avoir accès à tout un tas de dispositifs.
23:17Le but du jeu, ce n'est pas de se substituer au service public, c'est un maillage privé, public, associatif.
23:23Et c'est en fait répertorier les meilleures ressources partout en France.
23:27Et il y a des tas d'associations, il y a le service public aussi, il y a des tas de choses
23:31qui font qu'aujourd'hui, ça ne coûte quasiment rien financièrement d'accompagner
23:38et de garantir qu'elles soient bien accompagnées à partir du moment où on a mis en place
23:44les numéros utiles en amont.
23:46Oui, donc vous donnez justement, vous mettez en lien avec des associations
23:49pour qu'elles aient les bonnes écoutes.
23:51Exactement, c'est un mode d'emploi, voilà.
23:55C'est un mode d'emploi qui permet de répertorier toutes les bonnes pratiques
23:59pour permettre d'accompagner chaque collaborateur, chaque personne,
24:05en sachant qu'il est non genré, donc forcément on l'a voulu égalitaire.
24:10Il est proactif, c'est-à-dire que c'est l'employeur qui déclenche la demande d'aide
24:15aux différents partenaires et la collaboratrice ou le collaborateur est rappelé.
24:20Donc c'est proactif, c'est l'aller vers la victime, aujourd'hui c'est hyper important.
24:25Et l'objectif c'était qu'il soit aussi partout en France,
24:28qui ait la même qualité d'accompagnement que ce soit en Ile-de-France ou dans la Creuse.
24:32Vous travaillez aujourd'hui sur l'élaboration d'un guide pratique
24:35sur les violences conjugales avec la NDRH, est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots ?
24:39Justement le challenge était ça, c'est que là on avait réalisé tout un dispositif,
24:45un process et des outils RH pour les directions des enseignes de la grande distribution, de la FCD,
24:52et qui était vraiment adapté au public de la grande distribution.
24:57Là, le pari qu'on a relevé avec la NDRH est de collaborer ensemble,
25:02fort de toutes ces expériences et de ces tests depuis de nombreuses années,
25:04et de rendre ces bonnes pratiques utiles, quelle que soit la taille de l'entreprise,
25:11quel que soit son secteur d'activité et quelle que soit sa géographie en France.
25:16Et dedans, on raconte aussi toutes les belles histoires qui sont possibles.
25:20Et je pense que c'était vraiment important de citer tous ces collaborateurs
25:26qui, grâce à des bonnes pratiques RH toutes simples, aujourd'hui vont bien.
25:33Pour peu que les RH soient informés, sensibilisés, et que les outils soient mis à disposition.
25:37C'est ça. Et ce guide pratique RH, justement, il sera diffusé à partir du 3 juin,
25:44et il se voudra justement d'utilité à tous.
25:49On arrive à la fin, mais un dernier mot, qu'est la prochaine étape ?
25:52Faire changer les lois ? Je sais que ça tient, vous débordez d'énergie, vous n'arrêterez pas là ?
25:57Oui, bien sûr. Évidemment que ça rentre dans un cadre juridique.
26:02Beaucoup de gens se battent pour ça, et je crois qu'aujourd'hui, on arrive à un point de maturité.
26:07Si toutes les entreprises, aujourd'hui, s'engagent dans ce chemin,
26:11on leur donne... Vous savez, quand on ne sait pas quoi faire, souvent on ne fait rien.
26:14Donc là, en fait, on va diffuser massivement un mode d'emploi pour faire des choses simples.
26:21Obligatoirement, ça va basculer. Obligatoirement, il va se passer des choses,
26:24et le monde, petit à petit, devient de plus en plus juste.
26:28Et c'est ça qui est intéressant.
26:29Et ça part souvent du privé, malgré tout.
26:32Oui, ça me paraît une très très bonne idée.
26:35Merci beaucoup, Satya Gunstansel, responsable de gestion de crise des magasins U,
26:40pour ces éclairages et pour votre engagement.
26:42Et à très bientôt pour un prochain épisode d'Achirmakers.
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