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00:06Alors, c'est votre grand-père, je crois, qui a abusé de vous.
00:10Mon grand-père, mon père.
00:13Les deux, il s'est resté un secrète ami et je crois que ça restera toujours.
00:20Vous n'en avez jamais parlé ou on ne vous a jamais cru ?
00:24Alors, j'en ai parlé à ma mère, notamment.
00:31Et mes soeurs et mon frère n'en ont jamais parlé non plus.
00:35Et le seul moment où on a pu en parler, c'est le jour du décès de mon frère.
00:40Et puis, le sujet, on ne l'aborde pas.
00:42J'ai été la seule de la fratrie à aborder facilement de sujets.
00:48Enfin, j'aborde facilement de sujets, j'en parle facilement.
00:52Et j'en ai parlé à mes enfants quand ils ont été en âge de comprendre.
00:57Ça, c'est très bien, oui.
00:58Vous leur avez dit clairement les choses à vos enfants.
01:02Oui, sans donner les détails, bien évidemment.
01:04Mais j'en ai parlé à mes enfants parce que je me suis aperçue que j'étais souvent malade,
01:12que je n'étais pas bien, qu'il y avait du faux sinalisant en moi.
01:16Et j'en ai parlé à une psychologue qui m'a dit, effectivement, le fait d'en parler à vos enfants pourrait peut-être vous aider et pourrait peut-être mieux vous comprendre.
01:29Parce que c'est vrai que j'avais beaucoup d'allusions comme quoi ma fille notamment me disait que j'étais belle.
01:35Et mon fils aussi, puisqu'ils ont 20 ans d'écart, il me disait des choses que moi, je n'arrivais pas à voir pour moi.
01:42Et effectivement, ça m'a aidé énormément à avancer dans ma vie le fait de la ravornie.
01:49Parce que je me suis trouvée beaucoup plus jolie.
01:53J'ai appris à m'aimer beaucoup plus.
01:55J'ai été aussi beaucoup moins malade parce que j'étais régulièrement malade et j'ai su par la suite que, quand on a été victime de viol, d'inceste...
02:08Le corps parle.
02:11Le corps, lui, il n'oublie pas.
02:13Et c'est vraiment...
02:16Enfin, je crois que Bruno Clavier le sait au moins aussi bien, si ce n'est mieux que moi.
02:22Pratiquement, toute personne qui a été abusée a des problèmes de santé.
02:27C'est tôt ou tard.
02:28C'est quand même...
02:31C'est tôt ou tard ou des problèmes psychiques importants.
02:34D'une façon ou d'une autre, ça ne peut pas rester comme ça.
02:39Malheureusement.
02:40C'est vrai que le fait, moi, d'en parler, voilà, m'a aidée beaucoup, beaucoup plus.
02:44Excusez-moi, je voudrais rajouter, ça a quand même aidé vos enfants aussi.
02:47Ce n'est pas que vous.
02:48Ah mais bien sûr.
02:49Oui, c'était bien aussi parce que, du coup, ça les a alertés.
02:54Oui, puisque régulièrement, voilà, ils trouvaient...
02:59Ils ne comprenaient pas pourquoi j'étais moche.
03:01Ils ne comprenaient pas pourquoi j'étais tout le temps malade.
03:04Il y avait plein de choses qu'ils n'arrivaient pas à comprendre.
03:06Et ils ont fini par se dire, bah oui, effectivement, maman, elle a vécu ça.
03:13Et ça a été beaucoup plus facile pour moi d'avancer et pour eux aussi.
03:17Oui, pour eux aussi.
03:18Oui, et puis c'est important aussi parce que ça rompt, si je puis dire, le secret de famille, quoi.
03:24À un moment donné.
03:25C'est-à-dire que vos enfants, d'abord, peuvent se protéger de votre père, notamment.
03:35Alors, ça n'a pas rompu le secret de famille, puisque on est encore dans quatre filles.
03:42Puisque mon frère est décédé.
03:44Et malheureusement, mes soeurs n'ont pas parlé.
03:48Et ils n'ont pas parlé ni à leurs conjoints, puisque moi, j'en ai parlé à mes conjoints.
03:55Elles, elles n'en ont pas parlé à leurs conjoints.
03:58Elles n'en ont pas parlé à leurs enfants.
04:00Et pour moi, c'est quelque chose de compliqué.
04:04Voilà.
04:04Je comprends.
04:06Je comprends tout à fait.
04:07Mais en même temps, il faut respecter la parole de chacun.
04:11Mais vous, en tout cas, vous avez rompu vis-à-vis de vos propres enfants
04:14et de vos futurs petits-enfants, etc.
04:18C'est ça que je voulais dire.
04:19Vous voyez ?
04:20Donc, vous avez fait le job, si je puis dire.
04:23Après, que vos soeurs ne l'aient pas fait, c'est dommage.
04:26Bien sûr que c'est dommage, mais bon.
04:29La question aussi, c'est que, je disais, par rapport à vos enfants,
04:33c'est que le fait qu'on observe que ces choses se répètent.
04:37C'est pour ça que je vous disais que vous avez de l'intérêt de le dire à vos enfants,
04:40aussi dans ce sens-là.
04:41C'est-à-dire, parce que malheureusement, quand on ne dit pas dans les familles,
04:46les choses se répètent.
04:48Et risquent de se répéter, par exemple, plus tard, à une autre génération,
04:52ou quelque chose comme ça.
04:53Donc, c'est pour ça que vous dites parler d'arrêter la chaîne.
04:55Arrêter la chaîne, c'est parler et faire en sorte qu'un maximum de choses soient dites.
05:00Je voulais juste vous dire, vous n'avez pas donné de détails,
05:02mais est-ce que vous avez quand même bien parlé, globalement, de ce qui vous est arrivé ?
05:08Ah oui, tout à fait.
05:09Oui, bien sûr.
05:09Alors, j'ai dit que j'avais été violée par mon grand-père.
05:13Oui, oui, j'ai parlé du livre.
05:14Et vous avez dit, vous vous souvenez de l'âge, à partir de quel âge ?
05:18Oui, j'ai donné mon âge.
05:20Je suis en train d'écrire un livre, d'ailleurs, qui va se terminer bientôt.
05:26Et oui, j'ai donné mon âge.
05:31Et quand je parle des détails, c'est des détails intimes.
05:35Oui, je comprends.
05:37Voilà, qui seront dans le livre.
05:38Oui, bien sûr.
05:39Vous savez, il n'est pas la question de donner des détails intimes.
05:43Tout à fait.
05:44Ce n'est pas le propos.
05:45Mais c'est...
05:47Non, je vous avais...
05:48Enfin, on sait, sans parler de l'inceste, on sait que parfois, la petite fille va...
05:56Je vais prendre un exemple tout à fait très anodin, enfin anodin, disons que très loin de l'inceste.
06:02Par exemple, si la grand-mère, pendant la guerre, a couché avec un Allemand,
06:08eh bien, la petite fille, comme par hasard, sera très attirée par un Allemand.
06:13Et elle ne comprendra pas spécialement pourquoi.
06:15Et puis, elle découvrira que c'est une sorte de lien de loyauté vis-à-vis de sa grand-mère.
06:21Voilà, on pourrait donner plein d'exemples, vous voyez.
06:24Mais c'est ça qui est important.
06:26C'est cette sorte de...
06:28Et ça saute souvent une génération.
06:30Et c'est pour ça qu'on ne comprend pas toujours très, très bien.
06:36Je l'ai fait pour mes enfants, pour qu'ils soient protégés, pour qu'ils comprennent.
06:42Et pour vous aussi.
06:44Je pense que ça vous a fait du bien.
06:45Oui, c'est ça.
06:47Oui.
06:48Pour nous trois, c'est important.
06:50Et puis, pour mes conjoints aussi,
06:52puisque c'est important que les personnes qui ont traversé ma vie soient au courant de ce que j'avais pu vivre.
06:59Puisque j'avais une certaine attitude aussi dans ma sexualité, dans ma façon d'être,
07:05qui ne correspondait pas avec ce que je montrais.
07:09Oui, c'est mieux quand, en effet, le partenaire est au courant.
07:14Parce que sinon, ça crée une sorte d'incompréhension au niveau de l'intime, évidemment.
07:21Votre père est toujours en vie ?
07:23Non.
07:24D'accord.
07:25Non.
07:28Bon.
07:28Et votre mère, dans tout ça ?
07:31Alors, ma mère...
07:33Écoutez, ma mère n'est pas au courant.
07:35C'est ce que j'espère.
07:40Pourquoi vous espérez ?
07:41Parce que ça serait plus facile de savoir qu'elle était au courant et qu'elle ne vous a pas protégé, j'imagine.
07:47Exactement ça.
07:48Bien sûr.
07:49Exactement ça.
07:51Alors, en un mot, mon père était un mari extraordinaire.
07:56Et un père d'héoverse.
08:06Mais un mari extraordinaire, comme beaucoup de femmes, il devrait avoir.
08:09Je crois que c'est peut-être pour ça que la société a tellement de mal à comprendre.
08:13On sait que les prédateurs sexuels, ce n'est pas forcément des gens qui sont des salauds, des salopards, a priori.
08:24Oui, visible, ce n'est pas forcément visible.
08:26Voilà, ce n'est pas marqué sur leur front.
08:28Donc, c'est parfois des gens très bien, qui ont l'air très sympathiques, très généreux, tout ce qu'on veut.
08:34Et voilà tout.
08:36C'est toute la difficulté de la nature humaine.
08:38On n'a pas écrit sur notre front tous nos mauvais penchants.
08:44Excusez-moi, c'était lequel grand-père ?
08:46Vous avez parlé d'un grand-père ?
08:47Le maternel ?
08:48Le paternel.
08:49Paternel.
08:49C'est le grand-père paternel, en plus.
08:51Et une chose aussi que j'avais trouvée assez extraordinaire, parce que ma fille, quand j'en ai parlé, elle avait entre 12 et 13 ans.
09:00Elle m'a dit, mais maman, ce n'est pas possible que ta maman n'ait pas su.
09:06Alors, je lui ai dit, peut-être qu'elle n'a pas su, peut-être que je n'ai pas envie de savoir qu'elle savait.
09:15Mais elle m'a dit, mais toi, tu sais quand je ne vais pas bien ?
09:19Je lui ai dit, oui, mais ce n'était pas la même époque.
09:21Ce n'étaient pas les mêmes années.
09:23Et pour elle, ça, ça a été la chose la plus difficile.
09:30Elle n'aime pas, d'ailleurs.
09:32Pour elle, elle ne veut pas entendre parler de mon père.
09:36Merci.
09:39Voilà.
09:39C'est ce qui l'ennuie.
09:41Elle comprend pourquoi je l'ai beaucoup protégée.
09:44Pourquoi j'ai...
09:44Bien sûr.
09:47Écoutez, c'est touchant ce que vous dites, parce qu'on voit bien à quel point les enfants protègent leurs parents
09:54et sont parfois plus, j'allais dire, plus intelligents.
09:58Ce n'est pas le mot, mais en tout cas, sont capables de dire des choses tellement justes.