Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 22/06/2025
Mohamed Bida, commandant de police affecté à l’ambassade de France en Afghanistan et auteur du livre qui a inspiré le film "13 jours 13 nuits" en salles le 27 juin réalisé par Martin Bourboulon qui raconte la chute de Kaboul en 2021 sont les invités de France Inter ce samedi.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Et un grand entretien ce matin avec Marion Lourdes que nous consacrons à un film événement
00:0513 jours, 13 nuits, le récit de la chute de Kaboul le 15 août 2021 depuis l'ambassade de France
00:13où est menée une opération d'exfiltration inédite, héroïque de près de 3000 personnes
00:20dans cet Afghanistan qui venait de tomber aux mains des talibans.
00:23Un film inspiré d'un livre d'un commissaire de police qui était aux premières loges de cette exfiltration
00:31qui l'a organisé avec courage, avec détermination.
00:35Et pour en parler ce matin justement, nous recevons son auteur.
00:38Bonjour Mohamed Bidat.
00:40Bonjour.
00:40Et c'est lui qui a mis en image cette histoire absolument formidable, Martin Bourboulon.
00:46Bonjour.
00:47Bonjour.
00:4713 jours, 13 nuits, le film est très réussi avec à l'affiche un grand rejizem
00:52et une formidable Lina Koudry.
00:54Le film sortira en salle vendredi prochain.
00:57Bienvenue à tous les deux.
00:58Vous dialogerez avec les auditeurs d'Inter au 01 45 24 7000 ou sur l'appli Radio France.
01:04On va reprendre d'abord le fil de cette histoire qui est votre histoire, Mohamed Bidat.
01:09Le récit de ces deux semaines où les jours et les nuits se confondent après la chute de Kaboul.
01:15Les Américains annoncent leur retrait d'Afghanistan.
01:18Les talibans ont pris la capitale et il faut organiser l'exfiltration des ressortissants français,
01:25des Afghans qui ont travaillé aux côtés des Français et notamment pour l'ambassade.
01:30C'est ce qu'on appelle un film inspiré de faits réels.
01:34C'est un film de cinéma, ça n'est pas une reconstitution, mais c'est votre histoire.
01:39Qu'avez-vous ressenti en voyant ces images et la mise en scène de Martin Bourboulon ?
01:45Beaucoup d'émotion à revoir certaines images parce que Martin a eu la réalisation.
01:54On sent que quand on est face à cet écran, j'ai fait un bond en arrière de 4 ans,
01:59je me retrouve dans les rues de Kaboul et dans l'enceinte de cette ambassade qu'on a quittée le 15 août.
02:06Le 15 août 2021, justement parce que l'ambassade de France devient l'un des derniers lieux refuges pour les Afghans qui cherchent à partir,
02:16pour les ressortissants évidemment qui attendent d'être rapatriés, ça on le voit dans le film.
02:20Il y a des centaines de personnes qu'on voit écrasées contre le portail métallique de l'ambassade,
02:27des femmes, des enfants parfois en très bas âge.
02:30Vous avez appelé l'ambassadeur pour lui demander d'ouvrir les portes et puis on viendra à la manière dont on raconte ça en image dans un instant, Martin.
02:39Oui, au cours de ces événements, des centaines de personnes se sont amassées devant le portail de l'ambassade de France,
02:45qui était encore la seule ambassade ouverte à ce moment-là.
02:48Et on était en train d'assister à un drame en direct, c'est-à-dire des gens écrasés, asphyxiés,
02:52par une foule qui était hystérique.
02:55Et effectivement, j'appelle l'ambassadeur de France, David Martinon,
02:57qui prend la décision d'ouvrir ce portail, parce qu'il est évident que si on ne fait rien,
03:02on va avoir des morts devant cet ambassadeur.
03:04Et il faut négocier, il faut négocier avec les talibans,
03:07les talibans pour organiser des convois de bus, c'est une situation assez ahurissante,
03:11où il y a justement ces deux personnages, et j'aimerais que vous nous racontiez
03:14comment vous vous êtes emparés de cette histoire, Martin Bourboulon,
03:18ces deux personnages, Roch Dizem, je le disais,
03:21et Lina Kourudry qui joue le rôle d'une interprète franco-afghane.
03:27C'est compliqué de raconter l'émotion, la peur, l'effroi de foules entières.
03:33Évidemment, alors moi c'est vrai que quand j'ai lu le récit de Mohamed Bida,
03:36j'ai été absolument frappé par la puissance des événements.
03:38On sent tout de suite qu'il y a une histoire qui est bouleversante,
03:41qui est faite effectivement de 100% de faits réels,
03:43ce qui rend du coup la dramaturgie, la possibilité d'en faire un film de manière très forte.
03:47Et il y a évidemment le sujet également qui est passionnant,
03:51qui est tout d'un coup de voir qu'à travers cette exfiltration et cette opération menée
03:54par le commandant Bida et ses hommes, il y a le sujet du déracinement,
03:58où en fait on réalise que c'est une foule, un peuple qui fait tout
04:03pour essayer de fuir un pays qui en réalité ne veut pas quitter.
04:06Et on essaie de mettre en image le plus justement possible en avançant avec ces deux lignes de force dans le récit,
04:13à la fois une partie très assumée, ce qu'on pourrait appeler un thriller,
04:17avec des événements factuels qui sont très forts, très engageants, risqués,
04:21où on ne sait pas comment ça va se passer, vous parliez de la négociation avec les talibans,
04:24mais évidemment également un volet bien plus émotionnel avec ce peuple et cette foule,
04:28comme vous l'avez dit, qui fait tout pour fuir ce pays.
04:30Mohamed Bida, vous dites que vous étiez particulièrement sensible au fait de ne pas abandonner ces personnes
04:36qui s'étaient réfugiées dans l'ambassade, aussi en tant qu'Algérien,
04:40et vous vous sentiez responsable de ces gens ?
04:43Je ne me sentais pas responsable de ces gens, mais j'étais proche d'eux,
04:47j'avais beaucoup d'empathie sur leur situation,
04:49parce que mes parents ont vécu la même chose en 1962, après l'indépendance de l'Algérie,
04:55et c'est vrai que je ne pouvais pas m'empêcher de faire ce parallèle,
04:57mais la plupart des personnes qu'on souhaitait évacuer,
05:01notamment ceux qui ont travaillé pendant l'ambassade de France,
05:04l'avaient été plusieurs semaines auparavant,
05:06puisque l'ambassadeur de France avait mis en place un programme d'évacuation pour ses personnels,
05:10et c'est comme ça qu'à la mi-juin, on a évacué 900 personnes,
05:13donc nos personnels et leurs familles,
05:15et les personnes qui se retrouvent devant le portail de l'ambassade de France le 15 août,
05:18ce sont donc des Afghans de Kaboul,
05:20la population de la ville qui se précipite soit vers l'aéroport,
05:25soit vers la green zone, pour demander...
05:27C'est la zone des ambassades, en fait.
05:28C'est la zone des ambassades.
05:29Et effectivement, ces gens-là, au départ, on n'a pas...
05:33Dans la planification, il n'est pas prévu qu'on évacue les ressortissants d'un pays.
05:36Mais ils ont peur.
05:37Il faut évacuer tout un pays, c'est ce que dit un de vos collègues,
05:40d'ailleurs, un des personnages, qu'un quart de vos collègues dans le film,
05:43il faudrait évacuer tout un pays, en fait.
05:45C'est une réflexion que moi je me fais quand je suis à l'aéroport,
05:48après avoir évacué l'ambassade.
05:50C'est, jusqu'où va-t-on aller dans cette évacuation ?
05:53On ne peut pas évacuer tout un pays.
05:54Et on a, donc, au cours de ces événements,
05:58on s'est posé beaucoup de questions,
06:00mais la réalité a pris le pas sur les événements.
06:03Et on s'est mobilisés, donc c'est une équipe qui s'est mobilisée avec l'ambassadeur,
06:07pour pouvoir mener à bien ces missions d'évacuation au quotidien.
06:12Martin Bourboulon, ce qui est intéressant et ce qui est étonnant,
06:15c'est que Mohamed Bida dit qu'il a été intéressé par le film,
06:17alors même qu'il connaît toute l'histoire de A à Z,
06:19puisque c'est sa propre histoire.
06:20À quoi ça tient ? Comment vous arrivez à le mettre en place ?
06:23Ça, c'est un petit peu la magie et la grammaire du cinéma,
06:27c'est-à-dire qu'on refabrique des événements avec nos outils à nous,
06:31de cinéma, de découpage, de technique, d'acteurs qui interprètent les rôles.
06:34C'est effectivement des plus beaux,
06:36des plus belles choses que j'ai ressenties quand Mohamed a vu le film.
06:40Il dit, moi-même, j'ai été projeté dans le film,
06:41et je me demandais comment tout ça allait se passer,
06:44alors qu'en réalité, c'est des événements qu'il avait vécus.
06:45Mais on essaie de trouver surtout la bonne distance,
06:48parce que le sujet nous oblige,
06:49quand on traite une histoire comme celle-ci,
06:51de surtout ne jamais céder au sensationnel pour faire du cinéma,
06:55mais faire du cinéma au service de ce sujet.
06:58C'est-à-dire que les éléments qu'on avait sous la main
07:00étaient tellement puissants et tellement réels
07:02qu'on n'a jamais eu l'idée d'en inventer d'autres
07:05pour faire justement de la sensation.
07:07Et je crois qu'on a été tout simplement guidés
07:09par la chronologie des faits telles que le raconte Mohamed,
07:12qui sont exceptionnellement fous, en fait,
07:15quand on se rend compte qu'ils sont arrivés.
07:17Mohamed Bida, vous êtes allé sur le tournage.
07:19Vous avez parlé avec Roger Gizem,
07:21vous avez échangé également avec Martin.
07:24Qu'est-ce que vous leur avez dit ?
07:27Parce que Martin Bourboulon dit
07:29que votre venue sur le tournage
07:32était un moment fort pour absolument tout le monde.
07:35Oui, parce qu'effectivement,
07:36cette histoire est racontée à travers un personnage,
07:38donc le mien,
07:40et ma présence sur le tournage.
07:41Moi, ça m'a permis de redécouvrir un peu
07:43le décor de Kaboul,
07:44parce que c'était très très bien fait.
07:47Mais je n'apporte pas grand-chose finalement à ce tournage,
07:49parce que Martin, dans son scénario
07:51qu'il a écrit avec Alexandre Smea,
07:55c'est très bien documenté.
07:56Et je n'ai pas beaucoup de choses à apporter en plus,
08:00si ce n'est, bon, ma présence...
08:01Cette part d'histoire qui est considérable
08:03quand vous dites que ça n'est pas grand-chose à apporter.
08:06Vous avez permis, et c'est rare en France,
08:09et c'est rare au cinéma, en particulier en France,
08:12de s'emparer d'événements historiques aussi contemporains.
08:17On est en retard par rapport aux Américains
08:19qui ont cette vieille tradition,
08:20au moins depuis la guerre du Vietnam.
08:23Martin Bourboulon,
08:24vous ne vous êtes pas posé la question,
08:26en tout cas, de savoir comment traiter
08:28un événement historique aussi dramatique,
08:31à chaud.
08:32Ça reste, malgré tout, des films.
08:34On est obligé de penser aux frères Scott,
08:37Tony Scott, Ridley Scott,
08:38qui ont affronté ces genres de sujets
08:42qui se sont passés pour les Américains.
08:44Bien sûr, mais évidemment qu'on se pose des questions,
08:46on essaie de trouver la bonne distance.
08:48Quand Ardavance, ça fait,
08:49le président de Paté Films,
08:50et Dimitri Rassam, mon producteur,
08:53commencent à mettre en chantier ce projet,
08:54et on en parle tous les trois,
08:55et que très rapidement,
08:56on évoque Roche-Dizem comme une évidence,
08:59on se pose évidemment la question
09:00d'être au bon endroit de l'histoire,
09:02et au bon endroit, j'allais dire, du cinéma.
09:04Mais on assume aussi le fait qu'en France,
09:06on a cette ambition,
09:08ces capacités,
09:08ces talents techniques, artistiques.
09:10Mais c'est nouveau !
09:12Alors, je ne sais pas si c'est nouveau,
09:13mais en tout cas...
09:14C'est beaucoup plus rare qu'aux Etats-Unis,
09:16avouez-le, malgré tout,
09:17vous avez une immense culture cinématographique,
09:19l'influence américaine,
09:20elle est...
09:22Oui, quand on fait un film comme celui-ci,
09:24on est toujours...
09:25Bien sûr, on est le film d'après.
09:27On est le film d'après d'autres films qui ont eu lieu.
09:29On pense à Argo,
09:30on pense à certains films de Catherine Bigelow également.
09:32À Ben Affleck.
09:33À Ben Affleck.
09:34On pense à tous ces films-là qui nous ont...
09:35Zero Dark Thirty.
09:36Exactement.
09:37Qui nous ont construits.
09:38Il y avait aussi un film de Paul Greengrass
09:39qu'on avait revu,
09:40qui s'appelait Green Zone à l'époque.
09:42Et on est le film d'après,
09:43et quand on se pose la question du film d'après,
09:44on se dit,
09:45est-ce qu'on s'inscrit dans une continuité très naturelle
09:46où on essaye justement de trouver le petit truc
09:48qui fait que ça peut être un peu différent ?
09:50Mais évidemment qu'on se pose quand même
09:52beaucoup de questions avant d'y aller,
09:53mais on assume l'idée qu'on a envie d'y aller.
09:55Et Greengrass, c'était en Irak,
09:56là en l'occurrence l'Afghanistan.
09:58Racontez-nous, Mohamed Bida,
09:59parce que cette opération d'exfiltration,
10:01elle est assez fascinante.
10:03C'est la plus complexe jamais organisée
10:06par la France,
10:07et à chaud,
10:08et dans une urgence absolue.
10:11Combien de personnes ont été sauvées
10:13au cours de ce moment-là ?
10:152 800 ?
10:17Entre le 15 août et le 26 août,
10:19on est à peu près à 2 800 personnes évacuées.
10:22Des hommes ?
10:23Beaucoup d'hommes,
10:24des femmes,
10:25des enfants,
10:25mais les trois quarts sont des femmes et des enfants.
10:28Parce que c'est ces gens-là
10:29qu'on a en priorité mis en sécurité,
10:32notamment devant l'ambassade de France,
10:34et des gens qu'on a récupérés à l'aéroport.
10:36C'est essentiellement des femmes et des enfants,
10:37parce que c'était les plus fragiles.
10:39Parce qu'à un moment donné,
10:41on doit faire des choix.
10:42Donc évidemment,
10:42il y a des gens qui sont
10:43plus ou moins désignés
10:46sur des listes,
10:47parce qu'ils ont
10:48effectivement une activité
10:49qui les menace
10:50directement vis-à-vis des talibans.
10:54Mais en majorité,
10:55femmes et enfants,
10:57mais c'est dur quand même,
10:58parce que...
10:59Il y a ceux qui ne partent pas.
11:00Il y a ceux qui ne partent pas,
11:01évidemment.
11:01Bien sûr.
11:02On fait des choix,
11:02mais ces choix,
11:03on les fait sur le moment,
11:06dans l'urgence.
11:07Parce qu'il faut savoir que
11:08si l'ambassade de France
11:09avait préparé ses évacuations
11:11bien en amont,
11:12ce qu'on n'avait pas envisagé,
11:13c'était d'évacuer des Afghans.
11:14Évidemment,
11:15c'est pour ça que
11:15cette opération devient complexe.
11:17Parce qu'elle est tout à fait
11:18improvisée
11:19à partir du 15 août.
11:2120 ans de guerre.
11:22C'est une guerre
11:23qui a coûté
11:23plusieurs milliers
11:24de milliards de dollars.
11:26Qu'est-ce qui n'a pas marché ?
11:27Est-ce que vous avez
11:28le sentiment d'un énorme gâchis
11:29quand on savait
11:30que l'ambition de la France
11:32sur place en Afghanistan
11:33était de gagner les cœurs
11:34et les esprits des Afghans ?
11:37Ce n'était pas
11:37l'ambition de la France seulement.
11:38C'était l'ambition
11:39d'une communauté internationale
11:41très présente en Afghanistan.
11:43Mais avec quand même
11:44un pouvoir américain
11:45plus important.
11:46Bien sûr.
11:47Ce sont les Américains
11:48qui finançaient
11:48le fonctionnement de ce pays
11:50et qui ont dépensé
11:51près de 2500 milliards de dollars
11:53pour la reconstruction
11:54de l'Afghanistan.
11:56Et je pense
11:57que ce qui a péché,
11:58c'est qu'on n'a pas assez investi
11:59sur la jeunesse afghane,
12:01sur ces profils
12:02de jeunes afghans
12:03qui ont fait leurs études
12:04à l'étranger,
12:05qui reviennent
12:06des grandes écoles,
12:07qui reviennent en Afghanistan
12:08pour aider à reconstruire
12:09leur pays
12:10et qui s'engagent
12:10dans l'administration afghane,
12:12mais à qui on ne laisse pas
12:13la place
12:14pour pouvoir
12:15exercer leur talent.
12:17Et les Américains
12:18ont préféré
12:19s'appuyer plutôt
12:20sur des seigneurs de guerre,
12:22donc cette organisation
12:24féodale du pays,
12:26de manière à pouvoir
12:27maintenir la population
12:28et de préserver
12:29la sécurité
12:30qui devait prévaloir
12:31à ce moment-là
12:32dans le pays.
12:33Martin Bourboulon,
12:34en mars dernier,
12:35il y a eu une série
12:35qui a été diffusée
12:36qui s'appelle Kaboul
12:37et qui raconte,
12:38alors pas avec le même
12:39point de vue évidemment,
12:40mais la même histoire,
12:42en tout cas qui traite
12:43du même thème.
12:44Comment vous expliquez
12:45que tout d'un coup,
12:46on s'intéresse
12:46à cet événement particulier ?
12:48Est-ce que c'est parce
12:48qu'il y a des résonances
12:49aussi avec ce qui peut
12:50se passer aujourd'hui ?
12:52En plus de la série,
12:53il y a eu des écrits,
12:54des podcasts,
12:55il y a eu beaucoup de choses
12:56effectivement sur le même sujet.
12:57Je pense que comme vous le disiez
12:57à l'instant,
12:58ça fait partie de notre histoire
13:01assez récente,
13:02on parle de ça,
13:02c'était en 2021.
13:04Donc il y a un intérêt soudain
13:05qui évidemment,
13:06parce que je pense qu'il y a
13:08à la fois une partie du visuel
13:10qui a été très connue,
13:11moi je me souviens
13:12comme beaucoup en août 2021
13:13de ces images
13:14absolument terrifiantes
13:16et troublantes
13:16de ces femmes et ces hommes
13:17qui s'accrochaient
13:18au train d'atterrissage
13:19des avions
13:20qui étaient en phase de décollage.
13:21Il faut quand même mesurer
13:22la puissance d'une image.
13:24Il y a des images d'archives
13:25d'ailleurs dans le film.
13:26Oui, il y a des images
13:26et on dit souvent
13:27qu'une image vaut mieux
13:27que mille mots.
13:28Je pense que là,
13:29on a l'exemple absolu,
13:30c'est-à-dire que tout d'un coup
13:31de se rendre compte
13:31à ce point-là
13:32d'un désespoir humain,
13:33parce qu'ils savent très bien
13:34que la tentative
13:35est quasiment vouée à l'échec,
13:37évidemment.
13:38Donc je pense que ça,
13:39c'était des images
13:39qui avaient circulé
13:40et ce qu'on ne connaissait moins
13:41et c'est mon cas à moi,
13:42c'est effectivement
13:42cette partie-là,
13:43cette petite histoire
13:44dans l'ambassade de France,
13:45cette exfiltration,
13:46cette opération à Pagan
13:47comme vous l'avez mentionné.
13:48Alors effectivement,
13:49qu'il y ait aujourd'hui
13:49des films, des livres
13:50ou des séries
13:51qui s'attachent à ce sujet,
13:52ça me paraît assez naturel
13:53parce que c'est une histoire
13:54très très forte.
13:55Mohamed Bida,
13:56vous avez l'impression
13:57qu'aujourd'hui,
13:58alors je ne sais pas,
13:59peut-être dans l'isolationnisme américain,
14:02enfin cette espèce de repli
14:03qui peut se faire aujourd'hui,
14:05il y a des résonances
14:06avec l'histoire
14:07que vous avez pu vivre à l'époque ?
14:10Oui, il y en a forcément.
14:12Parce que les Américains,
14:13quand ils s'engagent
14:14en Afghanistan en 2001,
14:17c'est pour une bonne raison,
14:18c'était essayer
14:20d'éradiquer Al-Qaïda
14:21qui était sur le territoire taliban
14:22et d'installer un régime démocratique
14:25en Afghanistan.
14:26Mais c'est vrai que 20 ans plus tard,
14:28on se rend compte que
14:29c'est un pays
14:31qui n'a pas évolué du tout
14:32parce que je pense
14:32qu'on s'est peut-être trompé
14:33dans les programmes de développement,
14:35qu'on n'a peut-être pas insisté
14:36sur les vecteurs économiques
14:37et industriels
14:38et qu'on sait simplement
14:40quand on est à maintenir
14:42la sécurité dans ce pays
14:43pour éviter que les terroristes
14:45ne reviennent
14:46dans ce sanctuaire
14:47qu'était l'Afghanistan.
14:48Mais vous avez conscience
14:49que votre film,
14:50il résonne avec l'actualité
14:52et que c'est impossible
14:53de voir
14:54ces 13 jours,
14:5613 nuits
14:56sans penser
14:57à ce qui peut se passer
14:59au Moyen-Orient,
15:00à la volonté
15:01de renverser
15:02un régime
15:03par la force
15:04et d'y installer
15:04une démocratie.
15:06C'est des questions
15:07qu'on se pose tous
15:08en ce moment.
15:09Elles vous ont accompagné
15:10pendant l'élaboration
15:11du film ?
15:12Bien sûr,
15:12c'est toujours
15:12la force du cinéma,
15:14c'est qu'elle traite
15:14d'un sujet très précis
15:16avec un point de vue
15:17très assumé,
15:18en l'occurrence
15:18le point de vue
15:18de Mohamed
15:19et de l'ambassade de France
15:20et on sait
15:21qu'il va y avoir
15:23des ondes
15:23et que ça va raconter
15:24bien plus que le film.
15:25Ça fait caisse de résonance.
15:27On voit aussi
15:27ce qui me plaisait énormément
15:28dans le projet
15:30du récit de Mohamed,
15:31c'est de voir
15:31qu'effectivement
15:32il y a des ressortissants français
15:33qui se réfugient devant
15:34les portes
15:34de l'ambassade de France
15:35mais il y a aussi
15:35des artistes,
15:36des réfugiés politiques.
15:38On le sent
15:38à un moment donné,
15:39on le voit d'ailleurs
15:40avec ceux qui brandissent
15:42des pancartes,
15:43ils sont des milliers
15:44dans une foule.
15:45Je suis un artiste,
15:46emmenez-moi.
15:47Et je trouve
15:48qu'effectivement
15:48de re-raconter ça
15:49sur cette partie-là
15:50de l'histoire
15:51en août 2021,
15:52il y a des résonances
15:52absolues dans le monde entier
15:54parce que ces gens-là
15:54tout d'un coup
15:55sont terrifiés
15:56à l'idée
15:56du retour au pouvoir
15:57d'une population
15:59qui veut effectivement
16:00s'en prendre à eux.
16:01Donc il y a des caisses
16:01de résonance évidentes.
16:03À un moment
16:03pendant le film,
16:03votre personnage
16:05Mohamed Bidar
16:05rencontre une jeune
16:06soldate américaine
16:07qui se confie
16:08un petit peu à lui
16:09et elle dit
16:10je ne suis pas formée
16:11à ça,
16:12c'est un cauchemar.
16:13Est-ce que pour vous
16:14c'était un cauchemar ?
16:15Est-ce qu'il vous hante
16:15encore ce cauchemar ?
16:17Non, ça ne me hante
16:18plus aujourd'hui évidemment
16:19mais c'est vrai
16:20que la situation
16:20qu'on a découverte
16:21à l'aéroport
16:22était cataclysmique.
16:23Un univers concentrationnaire
16:25devant les portes
16:25de cet aéroport.
16:28Des gens qui étaient
16:29agglutinés
16:29contre des barbelés,
16:30des enfants qui étaient
16:31enchevêtrés
16:32dans ces barbelés
16:32qui essayaient de s'extirper
16:33et puis des militaires
16:35américains
16:36qui avaient l'ordre
16:36de protéger l'aéroport
16:38donc d'empêcher
16:39ces gens d'entrer
16:39et nous qui avions
16:41des instructions contraires
16:42qui étaient
16:43de récupérer
16:43le maximum de personnes
16:44qui nous étaient signalées
16:46par nos administrations.
16:48Donc il y a eu
16:48une confrontation
16:49et moi j'ai encore
16:51en mémoire
16:51le visage
16:52de ces jeunes américains
16:53et la souffrance
16:55qu'il y avait
16:55sur leur visage.
16:56Justement il y a
16:56une jeune GI
16:57qui sera tuée
16:58dans un attentat
16:59et qui dit
16:59au personnage
17:00de Roche d'Izem
17:01qui vous dit
17:02« Ils nous ont fait croire
17:04que ce serait simple
17:05et facile
17:05que nous serons
17:06aussi vite repartis
17:08qu'arrivés ».
17:09Cette phrase
17:10elle est extrêmement puissante.
17:11Vous avez dû composer
17:13avec cet espoir
17:14ou cette désillusion-là ?
17:17On a composé avec tout ça
17:19parce que quand on arrive
17:20à l'aéroport
17:20après avoir évacué
17:21l'ambassade de France
17:22moi je suis persuadé
17:23qu'on a fini
17:24notre opération
17:25qu'on va rentrer en France
17:26et en réalité non
17:28puisqu'on doit récupérer
17:29des gens.
17:29Il faut décrire d'ailleurs
17:29Kaboul
17:30pour ceux qui ne connaissent
17:32pas cette ville
17:33mais c'est vrai
17:33qu'il y a un aéroport
17:34civil
17:35et il y a un aéroport
17:36militaire
17:36Bagram gigantesque
17:38aux côtés de la ville
17:40c'est là
17:41qu'étaient les avions
17:42militaires pour la plupart
17:43et c'était comme
17:44une sorte d'immense
17:45espace protégé
17:47où s'organisaient
17:48les départs.
17:49Absolument.
17:49L'aéroport de Kaboul
17:50avait deux zones
17:52donc la zone militaire
17:53avec la base de l'OTAN
17:54d'un côté
17:55et l'aéroport civil
17:56de l'autre.
17:57Évidemment
17:58l'aéroport civil
17:58quand il a été pris d'assaut
17:59par la population
18:00a été fermé
18:01et les militaires américains
18:03ont repris le contrôle
18:04parfois en faisant des victimes
18:05parce qu'il y avait
18:05des affrontements
18:06assez violents
18:07et la partie militaire
18:09donc les gens ont vite compris
18:11que c'était là
18:11qu'il fallait se rendre
18:12devant ces portes d'accès
18:13à la base de l'OTAN.
18:15Martin Bourboulon
18:16on n'a pas
18:17à l'île disait
18:17la tradition
18:18de raconter
18:19ces événements historiques
18:20récents
18:20comme l'ont les américains
18:22quel accueil vous recevez
18:23dans les avant-premières
18:24les projections
18:25que vous avez faites
18:26jusqu'ici ?
18:27On a un accueil
18:28extrêmement chaleureux
18:29très encourageant
18:30on a eu la chance
18:30de présenter le film
18:31en sélection officielle
18:33hors compétition
18:33à Cannes
18:34ça a été un moment sublime
18:36accompagné de toute l'équipe
18:37des Afghans
18:37qui ont participé
18:38on a un accueil
18:40qui est pour le moment
18:41à l'endroit qu'on espérait
18:42c'est-à-dire qu'on propose aussi
18:44de découvrir
18:45ou de redécouvrir
18:45une histoire très récente
18:47qu'on ne connaissait pas forcément
18:48cette opération
18:48à Pagans française
18:49et il y a évidemment
18:50une dimension humaine
18:51qu'on a mis à cœur
18:53de mettre en place
18:53dans le film
18:54qui est reçu
18:55il me semble
18:56donc voilà
18:57on est pour le moment
18:58très heureux
18:58anxieux
18:59à une semaine
18:59de la sortie du film
19:00mais le coup
19:01ça c'est normal
19:02évidemment
19:02il y a les questions
19:03des auditeurs d'Inter
19:04Nina qui vous demande
19:05si vous avez des nouvelles
19:06de certaines des personnes
19:08que vous avez exfiltrées
19:09oui
19:10je suis resté en contact
19:11avec certaines personnes
19:12des gens avec qui j'ai travaillé
19:15à l'ambassade de France
19:15et d'autres
19:17qui ont été évacués
19:18dans ce fameux convoi
19:19bon la plupart
19:20sont assez jeunes
19:22donc pour eux
19:22il n'y a pas de soucis
19:23d'intégration
19:24parce que
19:24ça ne leur posera pas de problème
19:26en revanche
19:26les plus anciens
19:27ceux qui sont arrivés
19:30en France
19:30avec
19:31je dirais
19:32un passé afghan
19:33assez important
19:33ça sera un peu plus compliqué
19:35question qui vous est adressée
19:37Martin
19:37par Dominique
19:38la télé
19:39le cinéma se complète
19:41ou est-ce qu'ils se font
19:42concurrence
19:43dans le rapport à l'info
19:45dans ce qui se passe
19:46dans le monde
19:46puisque vous
19:47vous racontez une histoire
19:48j'allais dire
19:49à hauteur d'homme
19:50très incarnée
19:51avec
19:51avec Roche Dizem
19:53notamment
19:53il y a une responsabilité
19:55quand on crée
19:55des images
19:56violentes
19:57contenues
19:58de ce qui existe déjà
19:59comme violence
19:59dans le monde réel
20:00je ne pense pas
20:01qu'il y ait de concurrence
20:02qu'il y ait une complémentarité
20:04tout ce qui participe
20:05à donner à voir
20:05de ce qui se passe
20:06dans le monde
20:06et de ne pas oublier
20:07les événements importants
20:09et surtout récents
20:09de notre histoire
20:10sont des bonnes choses
20:11la responsabilité
20:13elle est surtout
20:13de rester du bon endroit
20:15du bon côté de l'histoire
20:16et de moralement
20:17de traiter comme il se doit
20:18les événements
20:19qui ont lieu
20:19parce qu'ils sont
20:21finalement assez dramatiques
20:22et il faut rester
20:23à la bonne distance
20:24Mohamed Bidas
20:25a réveillé de mauvais souvenirs
20:26ou vous avez démissionné
20:27juste après votre retour
20:29en France
20:30moi j'ai pris ma retraite
20:31vous êtes part
20:31de retraité pardon
20:32c'était prévu
20:34en fait le 15 août
20:35il y a deux semaines
20:35de la retraite
20:36donc je prends ma retraite
20:37et puis je découvre
20:39cette aventure
20:40et quatre ans après
20:41qu'est-ce que vous regardez ?
20:43aujourd'hui
20:44j'ai encore des souvenirs
20:46évidemment prégnants
20:47parce que
20:47il y a quand même
20:48ça reste quand même
20:50assez gravé
20:51gravé dans ma mémoire
20:53mais à travers le film
20:54quand je vois ce film
20:55je me replonge
20:55dans cette actualité
20:56mais en même temps
20:57c'est un film
20:58qui rend hommage
20:58à l'action
20:59qui a été menée
20:59par les agents
21:01de l'état français
21:01sur le terrain
21:02et on peut
21:03enfin pas toujours
21:04avec l'aval
21:04des autorités
21:06d'ailleurs
21:06à un moment
21:07où vous faites semblant
21:07d'avoir un feu vert
21:08que vous n'avez pas
21:09oui enfin
21:10ça s'est pas tout à fait
21:11enfin ça s'est pas passé
21:12tout à fait comme ça
21:13mais en tout cas
21:15merci à tous les deux
21:16d'être venus
21:17sur France Inter
21:18ce matin
21:18Martin Bourboulon
21:19Mohamed Bida
21:20et donc je rappelle
21:21ce film
21:2113 jours
21:2213 nuits
21:23le film avec
21:24Roch Dizem
21:24et Lina Khoury
21:25notamment
21:26sera donc en salle
21:27vendredi prochain
21:28bon vent
21:29à tous les deux
21:30c'est un peu

Recommandations