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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:07Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:12Jacques-Antoine a établi le dossier extraordinaire d'aujourd'hui grâce au récit qu'en a fait le commissaire principal des affaires criminelles de Stuttgart en Allemagne.
00:21Oscar Wilde a dit « Un célibataire est un danger public rien que parce qu'il existe ».
00:29La tragique comédie qui va agiter pendant six années la petite ville de Saülgau en Allemagne du Sud justifie cette constatation cynique.
00:40Des fiançailles vont être rompues, des amitiés brisées, d'honnêtes bourgeois vont s'expatrier, des organisations culturelles se désagréger, une femme va mourir.
00:59Chers amis, tout commence en automne 1956, lorsque quantité de lettres tapées à la machine et polycopiées
01:21parviennent à des personnes privées, aux tribunaux, aux administrations de la petite ville de Saülgau et même jusqu'aux ministres à Stuttgart.
01:34Ces lettres, en forme de pamphlet, injurie et calomnie en termes obscènes, donnaient Jean de la ville.
01:42Très vite, le vieil inspecteur Lorenz, malgré son expérience, sa finesse proverbiale et sa psychologie qui lui ont valu la responsabilité de l'enquête,
01:52s'aperçoit de l'extraordinaire difficulté qu'il aura à découvrir et surtout à confondre le corbeau,
02:00car celui-ci fait preuve d'une grande habileté.
02:03Ces lettres partent en rafale, à intervalles irréguliers, venant Dieu sait d'où.
02:12L'auteur ne change pas seulement le lieu et l'heure de l'expédition, mais également de machine à écrire.
02:18Il s'est même donné la peine de composer une série de lettres avec une boîte d'imprimerie d'enfants,
02:25ce qui a dû être extrêmement laborieux.
02:27L'inspecteur Lorenz va se donner autant de mal à découvrir le corbeau que celui-ci s'en donnera à lui échapper.
02:35La même minutie, la même patience, le même acharnement.
02:41Ainsi, Lorenz profite de ses jours de congé pour faire connaissance avec les victimes du corbeau et particulièrement cinq d'entre elles.
02:51Ces cinq personnes, qui se connaissent et se fréquentent plus ou moins,
02:57il est vrai que dans une petite ville comme Saolgao, tout le monde se connaît et se fréquente un peu,
03:02semblent particulièrement visés par le corbeau qu'il est fustige en termes crus
03:06pour des agissements sexuels, pervertis, moraux, voire même interdits,
03:13et des atteintes graves à l'honnêteté.
03:15Passons en revue ces cinq personnages.
03:18Le premier personnage est le docteur Schaeffer, 46 ans, protestant et veuf,
03:23un homme aux cheveux gris, une forte personnalité de la ville, plein de charme, cultivé, passionnant.
03:29Il s'est dirigé vers l'enseignement, mais depuis deux ans, il fait des études pour entrer dans la magistrature.
03:35Il dirige le cœur de l'église protestante, il a créé un cercle mélomane et organise des concerts publics.
03:41Il n'ignore pas que plusieurs dames, des chorales ou cercles de musique qu'il anime, ont un penchant pour lui.
03:49Mais selon Schaeffer, ça ne tire pas à conséquence, car si ce sont des femmes gays qui aiment à plaisanter,
03:55elles sont toutes des chrétiennes sincères.
03:58Le deuxième personnage, c'est Mlle Osterman.
04:02Osterman, 50 ans, organiste de l'église protestante,
04:06elle a un faible pour le docteur Schaeffer, ce qui l'a amené à créer un cercle de musique
04:10qui réunit ses autres admiratrices.
04:13Aujourd'hui, on dirait qu'elle est présidente du fan club, en quelque sorte, du docteur Schaeffer.
04:19Le troisième personnage, Mlle Sabine, institutrice de l'église catholique,
04:25en bon terme avec le docteur Schaeffer, est le plus jeune membre du cercle de musique Osterman.
04:30Elle a eu droit à un régime de faveur du corbeau, car en plus des lettres habituelles,
04:34elle a trouvé placardée à sa porte une affiche portant des obscénités du même style
04:39et déclarant qu'elle est une névrosée qu'on devrait conduire dans une clinique de neurologie.
04:45Quatrième personnage, Mlle Lili, 39 ans, institutrice catholique elle aussi.
04:52Elle a un bel appartement, possède un piano à queue, bien qu'elle ne soit pas très musicienne.
04:56Il faut dire qu'elle espérait se marier avec le docteur Schaeffer.
05:00Mais quand apparaissent les premières lettres du corbeau, Schaeffer et elle ont déjà cessé de se fréquenter
05:06et se sont séparées en bons amis.
05:08Signalons que le piano à queue de l'institutrice sera souvent cité dans les lettres du corbeau.
05:14Enfin, cinquième personnage, Mlle Marianne, 46 ans, employée au tribunal de la ville de Ravensbourg,
05:21à 50 km de Saoulgau, femme très bonne qui ne compte que des amis estimés pour sa piété et sa générosité.
05:28Elle est membre du cœur de l'église protestante de Ravensbourg et s'occupe activement de la paroisse
05:34et des organisations d'aide aux orphelins, aux réfugiés, etc.
05:37C'est pendant ses études de droit qu'elle a connu Schaeffer, avec lequel elle aurait eu des relations très étroites.
05:46D'ailleurs, elle lui écrit souvent.
05:47Elle a connu le cercle de Mlle Osterman pendant un congrès qui groupait les chorales protestantes et catholiques de la région.
05:54Particulièrement maltraitée par le corbeau, elle a engagé un détective privé pour le découvrir ou pour le décourager.
06:00Elle refuse de donner les lettres injurieuses à Lorenz, craignant qu'elle soit divulguée à toute la vie.
06:05Voilà.
06:07Il est difficile de soupçonner aucune de ces personnes à qui les lettres du corbeau causent un tort considérable.
06:14Pourtant, le subtil inspecteur Lorenz n'est pas dupe des apparences.
06:19Il sait que chacune de ces personnes peut recéler au fond d'elle-même une agressivité très refoulée qui la pousserait à écrire les lettres anonymes.
06:27Mais il doit aussi se rendre à l'évidence.
06:29Toutes ont apparemment une volonté suffisante pour pouvoir contrôler leur penchant
06:34lorsque ceux-ci sont contraires à leur morale solidement établie.
06:38Ensuite, on ne sait pas le mobile qui pourrait pousser chacune d'elles à être le corbeau.
06:43Toutes les raisons qu'imagine Lorenz paraissent bien minces pour pouvoir bousculer leur vertu
06:47et bien minces en regard du tort qu'elles se causeraient à elles-mêmes.
06:51Fin 1956, Lorenz établit ceci.
06:55Premièrement, les lettres ont été tapées sur cinq machines différentes.
07:00Deuxièmement, la lettre trouvée placardée à la porte de Sabine ayant été écrite avec un crayon brun à sourcil,
07:06« Le corbeau est probablement une femme », ce qui exclut le docteur Schaeffer de la liste des suspects.
07:11Troisièmement, le papier à lettres et les enveloppes ne fournissent aucun indice,
07:16mais les lettres étant postées dans des lieux très éloignés les uns des autres,
07:19bien que toujours dans la région, et à des heures très différentes,
07:22ils pensent que le corbeau ne travaille pas à heure fixe ou qu'il a un complice.
07:27Quatrièmement, puisque le corbeau connaît en détail la vie de ses victimes,
07:31Lorenz est amené à penser qu'il les fréquente.
07:34Cinquièmement, le corbeau qui emploie des expressions comme « bouc luthérien », « cochon d'hérétique »
07:39et se réfère très souvent à la feuille paroissiale catholique de Saul Gao,
07:44doit être un catholique fanatique, ce qui exclut Osterman, la présidente du fan club du docteur Schaeffer,
07:51et Marianne, la secrétaire du premier juge à Ravensbourg, qui sont protestantes.
07:56Sixièmement, Lorenz pense qu'en accablant les protestants et les catholiques
08:00qui participent à la chorale de l'église protestante du docteur Schaeffer,
08:03le corbeau veut faire chasser ce dernier et détruire l'association.
08:07Septièmement, le corbeau fait des fautes d'orthographe,
08:10ce qui exclurait les deux institutrices, à moins bien entendu que ces fautes soient volontaires.
08:15Donc, le corbeau serait à chercher ailleurs que dans ce petit cercle.
08:21Alors, Lorenz cherche, il cherche et il trouve.
08:26Il finit en effet par mettre la main sur une jeune décoratrice d'étalage,
08:30ancienne élève de Sabine, qui nie, nie très longtemps, et finit par avouer.
08:35Oui, oui, c'est elle qui a fabriqué et collé sur la porte de Sabine, son ancienne institutrice,
08:41une affiche pleine d'injures.
08:43Mais c'est tout, elle n'a pas écrit les centaines de lettres.
08:47Si elle a écrit comme le corbeau qu'on devrait mettre Sabine dans une clinique neurologique,
08:51c'est parce qu'elle pense comme le corbeau.
08:53« Mais elle n'est pas le corbeau ! »
08:56Et Lorenz doit constater qu'en effet, la jeune fille n'est pas le corbeau.
09:00Sabine, considérant tout ça comme une méchante plaisanterie d'ancienne élève
09:03et comme celle-ci n'a que 16 ans, refuse de porter plainte.
09:06Mais l'enquête dure depuis 12 mois, sans résultat.
09:11Au mois de juin, les lettres se raréfient, elles s'arrêtent en juillet.
09:15L'administration ne peut laisser plus longtemps Lorenz sur cette affaire.
09:18De plus, l'enquête a fait grand bruit à Saul Gao.
09:21On espère que la lassitude et le risque ont réduit le corbeau au silence.
09:32Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
09:37Après une accalmie de quelques mois, en 1958, le corbeau se déchaîne à nouveau.
09:44Les principales cibles sont toujours les mêmes personnes,
09:46mais cette fois, les accusations sont adressées par centaines aux habitants de Saul Gao,
09:50aux journalistes, etc.
09:52Menté, menté, il en restera toujours quelque chose.
09:56Plus le mensonge est énorme, plus il a des chances d'être cru.
09:59Ces citations bien connues sont malheureusement vérifiées par les victimes du corbeau.
10:04Alors ?
10:05Alors le docteur Schaeffer quitte la ville pour s'installer à 400 km de là.
10:09Mais le corbeau continue à l'injurier à sa nouvelle adresse.
10:13Mlle Osterman, la présidente du fan club Schaeffer,
10:16met fin aux activités de son association mélomane.
10:19Résultat ?
10:20Plus de concerts à Saul Gao.
10:22Personne ne veut plus faire partie de la chorale protestante tellement calomniée.
10:25Marianne, la secrétaire du premier juge de Ravensbourg,
10:29ne met plus les pieds à Saul Gao, où on la regarde comme une bête lubrique.
10:32Quant à Lily et Sabine, les deux institutrices,
10:34elles ont bien du mal à supporter les railleries de leurs élèves
10:37et l'attitude méfiante des parents à tel point
10:39qu'en 1958, Sabine finit par s'adresser à son député
10:42qui intervient avec vigueur.
10:44Le commissaire principal de Stuttgart délègue un expert international en dactylographie
10:48qui va mener une enquête scientifique.
10:51Cet expert détermine d'abord que...
10:54L'imaginer écrire 1 et 5, c'est-à-dire la première et la dernière,
10:57qui ont servi au corbeau, devrait être facile à découvrir
11:00car il s'agit de modèles assez rares,
11:02rapportés de l'Allemagne de l'Est.
11:05Bien que le corbeau ait dû modifier lui-même certains caractères,
11:08on constate quand même des analogies caractéristiques
11:10pouvant permettre l'identification de chaque machine.
11:13En conséquence, l'expert entreprend de vérifier
11:16toutes les machines à écrire
11:18que peuvent utiliser les parents, les amis, les collègues
11:21et même les voisins des 5 victimes du corbeau.
11:24Bien entendu, il demande également à chacune des victimes
11:26de bien vouloir, pour le principe, se prêter à un test.
11:29Ce qu'elles font sans protester, sauf...
11:32sauf Marianne, la secrétaire du premier juge de Ravensburg.
11:36La vertueuse et brave Marianne, il faut bien le comprendre,
11:40n'habite pas comme les autres à Saolgao.
11:41Aussi, lorsque l'expert se présente au palais de justice
11:44pour lui demander de taper devant elle une lettre du corbeau,
11:47elle croit qu'on la suspecte particulièrement.
11:50Elle palie, s'indigne,
11:52et, comme l'expert insiste, elle finit par faire une crise de nerfs.
11:55Le premier juge intervient pour la calmer
11:57et l'expert renonce avant d'avoir obtenu un essai valable.
12:01Ensuite, l'expert va visiter tous les magasins
12:04et ateliers de réparation de machines à écrire
12:05dans un rayon de 50 km
12:07pour y contrôler les milliers de fiches établies
12:09durant les dernières années.
12:11Comme ce travail pénible ne fournit aucun indice,
12:14il recueille un exemplaire de toutes les circulaires
12:17des administrations locales, du courrier commercial des sociétés,
12:20de la correspondance des personnes exerçant une profession libérale
12:23qui utilise une machine à écrire,
12:24les écoles, même les menus placardés à la porte des restaurants,
12:28les cartes de vin sont recueillies par l'expert
12:30qui les compare le soir dans sa chambre d'hôtel
12:32avec les lettres du corbeau.
12:35Il est à noter, et vous verrez, chers amis,
12:37que ce détail est tout de même assez curieux
12:39quand on connaît la suite,
12:40que tout le monde est particulièrement bien disposé
12:42pour aider cet expert.
12:44Les gens offrent spontanément leur aide,
12:46acceptent volontiers de lui confier des exemplaires
12:48de leurs travaux de d'actylographie
12:50et cessent leur travail pendant le temps nécessaire
12:52à l'examen des machines.
12:54Hélas, ce travail énorme de plusieurs mois,
12:56cette immense bonne volonté, reste sans résultat.
13:00L'expert baisse les bras,
13:03l'enquête s'arrête,
13:05pourtant, le plus grave est encore à venir.
13:09Après une accalmie de quelques mois,
13:11en septembre 1962,
13:12l'institutrice Lily, à bout de nerfs,
13:15téléphone à l'inspecteur Lawrence.
13:18Elle vient de recevoir une nouvelle série de lettres
13:20dont les obscénités et les accusations
13:23dépassent tout ce qu'elle a reçu jusqu'alors.
13:26Elle supplie l'inspecteur Lawrence
13:28de ne pas la laisser tomber.
13:31L'inspecteur Lawrence revient donc à Saolgao en 1962,
13:35convaincu que certaines des conclusions
13:37de sa première enquête devaient être erronées.
13:40Par exemple, ayant fait étudier attentivement
13:43les lettres du corbeau par un prêtre catholique,
13:46celui-ci a déterminé qu'elles contiennent
13:48certaines expressions typiques
13:50que les protestants croient utiliser par les catholiques
13:53alors que les catholiques ne les utilisent pas.
13:56Donc, le corbeau essaierait de faire croire
13:59qu'il est catholique alors qu'il serait protestant.
14:02Dans ces conditions,
14:04Mlle Osterman, l'ex-présidente de l'ex-fan club
14:07du malheureux Dr Schaeffer,
14:09et Marianne, la secrétaire du premier juge de Ravensbourg,
14:13qui sont protestantes,
14:14pourrait être, bien que cela paraisse invraisemblable,
14:16le corbeau.
14:17Mlle Osterman étant en vacances,
14:19Lawrence se rend à Ravensbourg pour voir Marianne.
14:23A tout hasard,
14:24il se fait accompagner de l'expert en machine à écrire
14:26et c'est ensemble qu'ils entrent
14:29au palais de justice de Ravensbourg.
14:31Là, dans la loge du concierge,
14:35l'expert, par routine,
14:37regarde les murs
14:38et voit une notice jaunie
14:41tapée à la machine
14:42indiquant les heures d'ouverture et de fermeture des bureaux.
14:46Il reste pétrifié
14:48et chuchote à l'oreille de l'inspecteur Lawrence
14:51« Machine numéro 1 ».
14:54Cinq minutes plus tard,
14:57Lawrence et l'expert
14:58contrôlent toutes les machines du tribunal
14:59et découvrent enfin
15:00celle qui serait la fameuse machine numéro 1.
15:04Elle est là,
15:05vieille, noire,
15:07fait un bruit de ferraille
15:08quand on la frappe
15:08et débite les mots, les phrases
15:10avec des hoquets.
15:12Pendant qu'il procède à des essais comparatifs,
15:14Marianne,
15:15Sainte Marianne,
15:16comme l'appelle l'un de ses collègues,
15:18vient voir l'inspecteur Lawrence.
15:20« Il paraît que vous avez trouvé une des machines ? »
15:23« Peut-être, répond l'inspecteur. »
15:25Elle revient une demi-heure plus tard.
15:26« Alors, c'est la machine ? »
15:29« Oui, » dit Lawrence.
15:31« C'est la machine numéro 1. »
15:33« Enfin ! » dit Marianne.
15:34« Enfin ! »
15:34« Dire qu'il aura fallu tant d'années
15:36et qu'elle était là ! »
15:37« Mais c'est incroyable ! »
15:39« Qui cela peut-il être ? »
15:42Le lendemain,
15:42Lawrence fouille les archives du tribunal
15:44pour rechercher
15:44quels étaient les employés
15:46qui utilisaient cette machine
15:47en 1955 et 1956.
15:50Or,
15:51il apparaît que
15:51plusieurs femmes
15:52dont Marianne
15:54l'ont utilisée.
15:56Alors, Lawrence fouille encore
15:57et retrouve
15:59des textes d'actylographie
16:00à l'époque
16:01sur cette machine
16:02par chacune de ces femmes.
16:04Ces précieuses découvertes
16:06et en fait,
16:06ils montent dans le bureau
16:07que le premier juge lui a prêté
16:08pour les comparer
16:09avec les lettres du corbeau
16:11datant aussi de cette époque.
16:14Chacun, voyez-vous,
16:14a une façon de frapper particulière.
16:16Plusieurs personnes
16:17tapant la même lettre
16:18sur la même machine.
16:19la frappe
16:20de chacune d'entre elles
16:21sera pourtant reconnaissable.
16:23Surtout
16:24sur les machines anciennes
16:25où la puissance,
16:26la netteté
16:27et la rapidité
16:27de la frappe
16:28conditionnaient totalement
16:29l'impression du caractère
16:30sur le papier.
16:32Or,
16:33après avoir vérifié
16:34dix fois,
16:35l'expert reconnaît
16:36de façon indiscutable
16:37la frappe du corbeau
16:39chez l'une de ces femmes.
16:40Et cette femme,
16:41c'est la secrétaire
16:44du premier juge,
16:45Sainte-Mariane.
16:48Évidemment,
16:48Lawrence l'a fait
16:49immédiatement appeler
16:50pour lui demander
16:50des explications.
16:52Il s'attend
16:52à une scène épouvantable,
16:53mais non,
16:54elle entre,
16:56se ressaisit très vite
16:56et dit
16:58« Mais n'importe qui
16:59pouvait entrer ici
17:00et écrire sur ma machine. »
17:02« Oui,
17:03mais n'importe qui
17:04n'a pas la même frappe
17:05que vous. »
17:06« Certes,
17:07mais ça doit être
17:08tout de même possible,
17:09non ? »
17:10« Si,
17:12c'est possible,
17:13mais reconnaissez
17:13que ce serait
17:14une curieuse coïncidence.
17:16Mais si quelqu'un,
17:18si quelqu'un d'autre
17:19a imité ma façon
17:20de frapper
17:20pour qu'on me soupçonne,
17:21il n'y a plus
17:22de coïncidence,
17:23etc., etc. »
17:24L'inspecteur Lawrence
17:25fait alors appel
17:26à sa conscience
17:27de chrétienne.
17:28Mais Marianne
17:29se contente de répéter
17:30« Ce n'est pas moi ! »
17:32Pour inculper
17:32définitivement Marianne
17:34ou pour la disculper,
17:36il faut donc trouver
17:36d'autres preuves
17:37et un mobile valable,
17:39car en admettant même
17:40que Marianne soit
17:41un peu folle,
17:42il fallait bien
17:42qu'elle soit poussée
17:43par un mobile quelconque
17:44pour avoir pendant six ans
17:45joué les corbeaux.
17:47Lawrence se souvient alors
17:49qu'elle lui avait déclaré
17:50lors de la première enquête
17:51avoir eu avec le docteur Schaeffer
17:53des relations très étroites.
17:55Il téléphone à Schaeffer.
17:56« Chers amis, imaginez
17:59cette scène étrange.
18:01L'inspecteur a en face de lui
18:02Marianne, qui est assise
18:04dans un fauteuil,
18:06et il a Schaeffer au téléphone.
18:09Il demande à celui-ci
18:10de lui parler
18:11de sa liaison avec Marianne.
18:13Schaeffer tombe des nus
18:14et paraît consterné.
18:16« Vous entendez, mademoiselle ? »
18:18Le docteur Schaeffer
18:19a l'air très étonné.
18:19Il prétend
18:20qu'il n'y a jamais
18:21rien eu entre vous.
18:22« Ah bon ?
18:24Et pourquoi alors
18:25venait-il me voir
18:26en 1955 ? »
18:28« Vous avez entendu, docteur ? »
18:30« Oui, bien sûr, oui.
18:31J'allais la voir
18:32parce que je voulais
18:33devenir avocat
18:34et je me renseignais
18:35auprès d'elle
18:36parce qu'elle était versée
18:37dans les affaires de justice.
18:38C'est tout.
18:39« Parlez-lui donc
18:40de la fête d'yeux
18:41en 1956, »
18:42demande Marianne.
18:43« Oui, je me souviens, »
18:44dit Schaeffer,
18:45au cours d'un congrès.
18:46Elle ne m'a pas quitté
18:48« Oui, j'y faisais
18:50un stage, » dit Schaeffer.
18:52« Et elle est venue
18:52me relancer,
18:53ce qui m'a beaucoup ennuyé.
18:54Et les lettres ?
18:55Et les fleurs ?
18:56Et les cadeaux
18:57que je lui ai envoyés ? »
18:58« C'est vrai, » dit Schaeffer,
18:59« mais j'ai dû lui écrire
19:02de mettre fin
19:02à ce jeu ridicule,
19:03sans résultat d'ailleurs. »
19:05« Elle vous en envoie toujours, »
19:06demande Lorenz.
19:07« Oui, » répond Schaeffer.
19:09« Je lui ai dit
19:10que je l'aimais, »
19:10dit Marianne.
19:11« C'est vrai, » dit Schaeffer.
19:13Elle me l'a dit.
19:14« Mais qu'est-ce que vous voulez
19:15que j'y fasse ? »
19:17« Il a quand même
19:17continué à venir me voir, »
19:18dit Marianne.
19:19« Moi ? »
19:20« Ah si, si, c'est vrai.
19:22J'ai été la voir
19:22deux ou trois fois
19:23lorsque j'ai voulu lui faire
19:25signer une plainte contre X,
19:27contre le corbeau.
19:28D'ailleurs, le plus drôle,
19:29chaque fois que je l'ai revu,
19:31ça a été pour parler du corbeau.
19:33Et le corbeau,
19:34c'était peut-être elle. »
19:37L'insultrice Sabine
19:39confirme à Lorenz
19:40que Schaeffer
19:40lui avait demandé conseil
19:41en 1957,
19:43car il ne savait plus
19:43comment se conduire
19:44vis-à-vis de Marianne.
19:45Sabine lui avait recommandé
19:46d'être cassant
19:47et de lui défendre sèchement
19:49de le submerger
19:49de lettres et de cadeaux.
19:51L'institutrice Lily
19:52fait parvenir à Lorenz
19:54la correspondance
19:55qu'elle a eue avec Schaeffer
19:56au cours des dernières années.
19:58Lorenz constate
19:59que Schaeffer
19:59se plaint en effet
20:00d'être submergé
20:01par les attentions de Marianne.
20:03Dans une de ses lettres,
20:04il écrit que le meilleur service
20:05qu'il peut lui rendre,
20:06c'est de devenir inaccessible.
20:08Pendant que Lorenz
20:09cherche à déterminer le mobile,
20:12l'expert, lui,
20:12cherche des preuves
20:13et il finit par mettre
20:15la main sur la machine
20:15numéro 2
20:16sur laquelle les lettres
20:17ont été tapées
20:18entre septembre 1956
20:19et février 1959.
20:22Cette machine
20:22se trouvait jusqu'en août 1959
20:25dans le bureau de Marianne
20:27qui semble avoir échangé
20:29sans raison valable
20:29contre la machine
20:30d'une collègue
20:31pendant l'absence
20:32de celle-ci.
20:33Pour identifier formellement
20:34cette machine
20:34dont tous les caractères
20:35ont été changés,
20:37l'expert doit comparer
20:38les dossiers tapés
20:39avec cette machine
20:39entre 1956 et 1959
20:41avec les lettres du corbeau
20:42de la même époque.
20:44Pendant ce temps,
20:45un policier interroge
20:46le frère de Marianne
20:47qui habite chez elle
20:48et déclare
20:49qu'il l'a brûlée
20:49quelques jours plus tôt
20:50à la suite d'un déménagement
20:51une petite imprimerie d'enfants
20:53qu'il avait trouvée
20:55dans la cave.
20:57Lorenz,
20:58certain d'avoir démasqué
20:59le corbeau,
21:00convoque Marianne
21:01pour procéder le lendemain
21:02à une inculpation officielle.
21:05Le lendemain,
21:06le procureur annonce
21:07par téléphone
21:07à l'inspecteur Lorenz
21:08que Marianne
21:10s'est suicidé
21:11au gaz d'éclairage
21:11dans son appartement.
21:13À côté de son cadavre,
21:15il a trouvé
21:16une lettre
21:16adressée à son frère
21:17et neuf feuillets
21:18d'actylographiés
21:18adressés à l'inspecteur Lorenz
21:20et qualifiés
21:21de compléments
21:22à mon interrogatoire.
21:25Dans ses notes,
21:26elle se défend
21:27d'être le corbeau.
21:29Un neveu de Marianne
21:30apprend à l'inspecteur
21:31que le frère de Marianne
21:32a séjourné
21:33dans une clinique psychiatrique.
21:35Un docteur
21:35qui analyse le comportement
21:36de Marianne
21:36déclare qu'elle avait
21:37une disposition paranoïaque,
21:39ce qui expliquerait
21:40qu'elle ait pu ressentir
21:41à la fois l'amour
21:42et la haine
21:42vis-à-vis de Schaeffer.
21:45Apprémentairement,
21:47l'inspecteur Lorenz
21:48se trouve
21:48dans une situation bizarre.
21:50La population
21:50se retourne contre lui
21:51qui aurait poussé au suicide
21:53cette chrétienne
21:54irréprochable.
21:55Après six ans
21:56d'enquête infructueuse,
21:58certains pensent
21:58que l'inspecteur Lorenz
21:59est bien content
22:00de pouvoir accuser
22:01une morte.
22:02dans ces conditions,
22:05le procureur
22:05préfère qu'on fasse
22:06le moins de publicité
22:07possible à cette affaire
22:08et les pauvres institutrices
22:10Lili et Sabine
22:10voient avec une grande
22:12amertume
22:12qu'on fait maintenant
22:13le silence
22:14pour sauver
22:15l'honneur de Marianne,
22:17mais rien
22:17pour les réhabiliter,
22:20elle,
22:21les victimes.
22:23D'ailleurs,
22:23l'institutrice Lili
22:24est très embarrassée
22:25car elle a reçu
22:26une lettre de Marianne
22:27qui lui déclarait
22:28son intention
22:29de se suicider.
22:30« Lasse d'être
22:31comme toi
22:32un jouet brisé
22:33entre les mains
22:33criminelles du corbeau,
22:35moi qui n'ai jamais
22:36fait de mal à personne,
22:37etc. »
22:39Lili se souvient alors
22:40que chaque fois
22:40qu'elle avait été invitée
22:41par son amie Marianne,
22:43en revenant de chez celle-ci,
22:46elle était prise
22:46de vomissement
22:47et elle croyait
22:49à une affection d'estomac.
22:51Or,
22:52lorsque Lili
22:52cessa de visiter
22:53Marianne,
22:55elle n'en souffrit
22:56plus jamais.
22:57C'est le seul soupçon
23:00que formulèrent
23:01jamais les victimes
23:02du corbeau,
23:03peut-être
23:03parce qu'elles pratiquaient
23:05la charité chrétienne.
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