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  • 16/06/2025
Dans son édito du 16/06/2025, Paul Sugy revient sur le débat autour de Mai 68 dans la société française.

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Transcription
00:00C'est nous, il est 7h56, Paul Sugier avec nous. Bonjour Paul.
00:03Bonjour Romain.
00:03Dans un entretien au JDD, Bruno Retailleau a fait le bilan de plusieurs drames récents,
00:08dont celui surtout de Nogent, où une surveillante a été assassinée par un élève.
00:12Il fait le procès du progressisme et de la déconstruction en disant
00:16« Mai 68 a fabriqué des barbares ».
00:18Oui, Bruno Retailleau rappelle, martèle même, que les faits divers auxquels on a assisté récemment
00:23émeutes après le PSG, meurtres la semaine dernière d'une surveillante à Nogent,
00:28ne sont pas de simples faits divers, mais sont des faits de société,
00:31c'est-à-dire que leurs raisons ne sont pas à chercher à chaque fois seulement
00:34dans telle ou telle explication individuelle, tel trouble mental,
00:37telle explication personnelle, morale ou psychologique ou affective,
00:40dans des paramètres qui valent pour toute une génération.
00:42C'est ce qu'il veut dire avec le mot « barbare », qu'il ne faut pas surinterpréter,
00:45il l'emploie dans le sens étymologique.
00:47Le barbare, c'était l'étranger, le non-citoyen et par extension,
00:50celui qui donc n'avait pas acquis le lent processus de civilisation des mœurs
00:53construit à Athènes et puis à Rome.
00:55Or, le propre de l'époque, c'est qu'il y a des forces agissantes
00:59qui se sont rebellées contre le processus de civilisation
01:02parce qu'elles en dénonçaient les pesanteurs, étouffantes,
01:05les contraintes morales et sociales.
01:06C'est ce que Bruno Retailleau vise en ciblant mai 68,
01:09un processus historique de rébellion contre la civilisation.
01:13Et donc, il dénonce dans les colonnes du JDD
01:14une société permissive que, dit-il,
01:17les beaux esprits progressistes nous avaient vendu comme un progrès.
01:20Cette société, dit encore Bruno Retailleau, devait nous libérer,
01:23elle a enfanté des barbares, c'est ce que nous payons
01:24avec la facture de mai 68 aujourd'hui.
01:27On a l'impression d'avoir déjà entendu beaucoup de discours, surtout.
01:30Est-ce que ce n'est pas un peu facile et réducteur
01:32de ramener à mai 68 ?
01:34Qu'est-ce que vous en pensez ?
01:35Votre question me renvoie à un débat qu'on avait eu
01:37entre Jean-Pierre Le Goff, l'historien,
01:39et les célestes Patrick Buisson au Figaro, il y a quelques années,
01:41qui était un débat de haut vol.
01:42Et l'historien Le Goff rappelait que, en fait,
01:44la société de mai 68 était déjà très avancée
01:47dans l'individualisme bourgeois.
01:49Et donc, en fait, l'esprit de mai 68
01:50planait avant même les événements de mai 68.
01:53C'est un débat qui est intéressant.
01:55Mais je crois que ce que fait Bruno Retailleau,
01:57en rappelant l'importance de mai 68,
01:59ce n'est pas simplement quelques mois,
02:01comme si, par exemple, la prise de la Bastille
02:03épuisait à elle seule l'ensemble de la Révolution française.
02:05Ce n'est pas seulement un événement.
02:06Mais c'est le fait qu'il y a à un moment l'intervention de forces,
02:09d'idées, d'acteurs,
02:11qui viennent s'immiscer dans l'histoire
02:12et qui ont accéléré le processus.
02:14Au fond, nous ne sommes pas seulement le résultat
02:16d'un changement socio-économique.
02:18C'est-à-dire qu'après la guerre, le confort matériel,
02:20l'arrivée de l'ère de la consommation de masse
02:22aurait changé en profondeur la société.
02:24C'est certainement vrai.
02:25Mais il y a aussi par-dessus cela
02:26des intellectuels, des idéologues
02:28qui sont venus déconstruire
02:30à coup de marteau-piqueur la civilisation
02:32parce que leurs idées progressistes
02:33les y amenaient.
02:36Et c'est aussi ce procès intellectuel,
02:37le procès d'une certaine caste
02:39qui, bien après mai 68,
02:40a continué à dominer dans les médias,
02:43dans les universités,
02:44dans le discours culturel général.
02:46C'est aussi ce procès-là
02:47que Bruno Retailleau essaye de faire.
02:49On est plutôt en train d'y revenir
02:50à l'autorité.
02:51On voit les débats qu'on a sur les écrans,
02:53par exemple.
02:54Oui, c'est vrai.
02:55Il y a aujourd'hui un sursaut d'autorité
02:56dans le discours.
02:57Mais ce qui m'inquiète,
02:58c'est que j'ai l'impression
02:59qu'on essaie de rafistoler quelque chose
03:01sans finalement faire
03:02la révolution culturelle de mai 68
03:03à l'envers.
03:04Par exemple, on fait le service civique
03:06qui se veut plus ou moins
03:07une façon de réinstaurer l'autorité
03:08dans l'esprit de la jeunesse.
03:10Et en même temps,
03:10on n'est pas capable de revenir
03:11sur les dernières réformes
03:12de la justice pénale des mineurs
03:13qui, elles, ont continué
03:15l'esprit de laxiste
03:16qui avait commencé avec mai 68.
03:18Vous voyez, et par exemple,
03:19vous parlez des écrans.
03:20Moi, je m'inquiète un peu
03:21de la façon dont Catherine Vautrin
03:22aborde ce sujet en disant
03:23il faut interdire
03:24tous les écrans avant 3 ans.
03:26Ça ne veut pas dire grand-chose.
03:27Ce n'est pas un enfant avant 3 ans
03:28qu'on va les sanctionner.
03:29Et elle dit, oui, en fait,
03:30ça veut dire qu'on va faire une loi
03:31pour inciter les parents.
03:33Et elle dit ensuite
03:33sur le modèle de la loi
03:35qui interdit, par exemple,
03:36la fessée.
03:36Précisément, l'interdiction symbolique
03:38de la fessée,
03:39c'est l'un des symboles, justement,
03:41de l'affaissement moral.
03:42Parfois, on se dit
03:43qu'il vaudrait mieux
03:43quelques fessées de plus
03:44quand on est enfant
03:45que de se retrouver ensuite
03:47en garde à vue
03:48après tel ou tel événement dramatique
03:49quand on n'a pas su, justement,
03:51au sein de la cellule familiale,
03:52recevoir l'autorité,
03:53la leçon d'autorité qu'il faudrait.
03:54Donc, c'est vrai qu'il faudrait faire
03:56toute une révolution culturelle
03:57et pas simplement
03:57mettre des rustines.

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