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00:00Europe 1 Matin. Il est 7h11 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le professeur de criminologie, Anna Bauer.
00:07Bonjour Anna Bauer. Bonjour.
00:09Bienvenue sur Europe 1. La garde à vue se poursuit pour l'adolescente de 14 ans mis en cause dans le meurtre de Mélanie au collège de Nogent en Haute-Marne.
00:16Le procureur de Chaumont a expliqué à Guillaire qu'il avait eu l'intention de tuer ce jour-là une surveillante n'importe laquelle.
00:23Alors pourquoi ? Ses motivations ne sont pas très claires. L'ADO ne présenterait pas de signes extérieurs de troubles mentaux.
00:29mais en revanche il était en perte de repère quant à la valeur de la vie humaine, nous a dit le procureur.
00:34Le profil quand même que cela dessine du tueur, 14 ans à peine je le rappelle, Anna Bauer est effrayant.
00:39Alors en fait c'est une régression, c'est un grand retour en arrière.
00:43Dans notre histoire, la notion d'adolescence, la tranche entre 11, 13 et 18 est une création tout à fait moderne
00:52où nous avons décidé d'étaler le temps du passage directement de l'enfance à l'âge adulte
00:59à autre chose pour des raisons éducatives, sociales, d'insertion.
01:04Mais la brutalité, la violence et particulièrement celle des jeunes hommes a toujours été une réalité.
01:10Il y a moins de 100 ans, on se surinait à l'arme blanche à Paris.
01:14Louis Chevalier le rappelait dans ses ouvrages historiques et nous avions réussi à contenir, maîtriser, manager la violence
01:24et notamment la violence des jeunes jusqu'à le plus bas niveau historique que nous ayons eu d'homicide qui est 2011-2012.
01:32Mais depuis cette période, nous avons connu une régression, une augmentation d'une intensité, d'une rapidité, d'une gravité inaudite
01:39à tel point qu'en 2024, l'année dernière, nous avons connu la pire année des tentatives d'homicide, coups et blessures volontaires
01:48dont une très grande partie est commise avec arme blanche de notre histoire récente, c'est-à-dire des 50 dernières années.
01:55Oui, ça fait des années Alain Bauber que vous analysez cette remontée de la violence globale dans la société
02:01même si certains ont encore du mal à y croire en dépit des statistiques qui sont en l'occurrence très claires.
02:08Est-ce que les jeunes sont davantage concernés par cette montée de la violence que les autres classes d'âge Alain Bauber ?
02:14Alors, il y a une augmentation générale, mais à l'intérieur de cette augmentation générale, il y a un rajeunissement
02:19avec un effet à la fois de désinhibition, de pulsions totalement pas maîtrisées, d'absence de discernement et de rejet de la responsabilité.
02:33Le procureur disait hier qu'un des éléments qu'il avait un peu étonné, surpris ou même un peu traumatisé, c'est l'absence de compassion.
02:42À la fois la volonté de tuer n'importe qui mais quelqu'un et l'absence de compassion sur l'après, c'est-à-dire la capacité à intégrer une forme de responsabilité et de regret
02:53alors que ça n'est même pas arrivé. Et ça, c'est un phénomène qui se généralise.
02:58On a beaucoup de jeunes auteurs qui ne se rendent pas compte de la gravité de ce qui a été fait
03:04et n'assument pas ni la responsabilité, ni le fait que c'était grave et qu'il ne fallait pas le faire.
03:10Exactement. Parlons à présent de l'arme du crime, Alain Bauer, le couteau dont le port s'est considérablement banalisé.
03:16Chez des jeunes obsédés, c'est ce qu'ils disent toujours, c'est assez frappant, par l'idée de pouvoir se défendre.
03:22Voilà, on a un couteau parce qu'on a peur de se faire attaquer.
03:25Vous pensez que c'est une excuse ou bien vraiment ils ont une perception exacerbée de l'insécurité ?
03:29Alors d'abord, historiquement, le couteau, c'était une affirmation du passage à l'âge adulte,
03:34à la capacité d'être en situation, d'être quelqu'un.
03:38Il y avait le couteau, la cigarette, la boisson et on était dans ces difficultés
03:44qui sont le passage, la transition ou les hormones et la manière dont on imagine être,
03:52et surtout les garçons, puisqu'à 90% ce sont des garçons, est un sujet.
03:57La deuxième partie, c'est qu'une partie importante d'entre eux considère que le couteau,
04:03c'est aussi un moyen de ne pas avoir peur ou de se défendre éventuellement au cas où,
04:09parce qu'ils sont eux-mêmes témoins et parfois victimes d'agressions qui existent,
04:14et notamment d'agressions en groupe, et ils ont la même réaction avec le couteau,
04:19qui est aujourd'hui quasiment majoritaire dans l'ensemble des homicides,
04:23qu'on pourrait l'avoir aux Etats-Unis avec le revolver.
04:26Et puis, le troisième élément, il est aussi la volonté d'être un élément agressif,
04:31d'affirmation de son contrôle, notamment sur le territoire,
04:37d'appartenance à une bande qui souvent devient un gang désormais,
04:42et donc ce sont ces trois éléments cumulés qui expliquent la profusion
04:46ou le retour de cette profusion de couteaux et d'armes blanches,
04:50car les enseignants vous en citent bien d'autres,
04:53des règles biseautées, des serre-joints, des tournevis,
04:59qui sont autant d'armes, autres, et comme vous le voyez dans la liste de ce qui a été saisi
05:04par les fouilles à l'entrée des établissements scolaires,
05:08il y a certes des couteaux, mais il y a aussi un tiers d'autres armes,
05:11ou d'autres objets, dit le communiqué du ministère prépudiquement.
05:16Oui, dans les établissements scolaires, ce que vous nous racontez,
05:18on a l'impression que c'est dans les prisons que ça se passe.
05:20Alors, il y a une marche blanche également,
05:22Alain Bauer va avoir lieu ce soir à 18h à la mémoire de la victime, Mélanie.
05:27Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cette marche blanche ?
05:30Ça devient un peu un rituel dans ce genre de drame.
05:33D'abord, il y a une partie compassionnelle qui est importante,
05:35il y a une manière de commencer son deuil qui est un sujet,
05:39il y a une manière de rassembler, d'expliquer,
05:41de se servir d'un drame et d'une tragédie,
05:44pour essayer d'en faire une pédagogie,
05:47de la tentative du fait que ça ne se reproduise pas,
05:50donc c'est toujours très bien,
05:52mais ça ne peut pas être l'élément qui se limite.
05:56Vous avez entendu, comme moi, la mère du jeune Elias,
05:59assassinée à Paris par deux mineurs
06:04pour obtenir, soi-disant, son téléphone,
06:08et on se rend bien compte qu'elle-même dit
06:10oui, mais le moment est de dépasser cela pour agir
06:14et pas seulement commémorer ou compassionner.
06:17Merci beaucoup Alain Bauer d'être venu ce matin sur l'antenne d'Europe
06:20un chier de vos deux derniers ouvrages.
06:22Opération Zelensky, menace et menace sur Taïwan,
06:26c'est paru les deux chez First Edition.
06:28Bonne journée à vous.
06:28Bonne journée.
06:29Il est 7 ans.