La journaliste, Charlotte d’Ornellas, parle du pèlerin verbalisé pour avoir entonné un chant catholique : «Les amendes, en France, ne sont pas un régulateur d’émotions».
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00:00Il a chanté trop fort et puis avec plein d'autres gens, mais lui il était un peu sur le côté,
00:04donc il était plus facile à attraper que les autres,
00:05parce qu'évidemment, mettre une amende à 7000 personnes en même temps,
00:09c'était courageux mais pas téméraire, a priori quand même, les agents.
00:12Donc lui, il l'a attrapé avec son petit groupe de copains sur le côté,
00:16et puis lui il a pris une amende parce qu'il avait l'outre-cuidance, nous raconte-t-on,
00:19de chanter en regardant les agents.
00:22Et là c'est-à-dire que le reste est assez anecdotique dans ce qui se passe en France
00:26par rapport à cette insolence-là.
00:28Alors certains s'en sont réjouis, il y en a qui ont dit oui, les chants-câteaux,
00:32on n'est pas obligé de se les taper en plus à la gare alors qu'ils avaient trois jours pour chanter.
00:36D'autres au contraire ont dit mais si, c'est super agréable d'entendre le fameux quantique en question
00:42dans la gare pendant quelques minutes avec tous ces pèlerins qui revenaient en même temps.
00:46Les agents en question, eux, sont décrits comme apparemment exaspérés par la scène très bien.
00:52Je précise à tout le monde que les amendes en France ne sont pas un régulateur d'émotions.
00:56On se fiche absolument de savoir qui était content, qui ne l'était pas et qui était exaspéré ou pas.
01:02Ce qui s'est passé, c'est que chaque lundi de Pentecôte, il y a ce fameux pèlerinage de Paris à Chartres
01:08et l'organisation du pèlerinage, comme il y a 20 000 personnes qui y participent,
01:12ils affrètent des trains entiers, qui louent quoi j'imagine, je ne sais pas comment ça se passe,
01:17mais ils affrètent des trains pour ramener les pèlerins parisiens ou de la banlieue parisienne.
01:21Ils paient leurs billets ?
01:23Oui, qui sont compris dans l'inscription évidemment.
01:26Et donc il y a 7 000 pèlerins qui sont acheminés comme ça vers Paris et sa banlieue.
01:30Et depuis quelques années, depuis de longues années même, je suis témoin,
01:33la tradition, on va dire, c'est d'arriver à Montparnasse et de se quitter,
01:38de se dire au revoir ou à l'année prochaine en chantant.
01:40C'est genre rien de plus qu'un groupe de supporters.
01:43Alors là, c'est les supporters du bon Dieu, mais enfin c'est à peu près le même genre de scène, vous voyez.
01:47Rien de très méchant.
01:49Et donc il y a l'un d'eux qui a pris 60 euros pour tapage dans la gare.
01:53Alors quiconque en France, dans n'importe quelle ville, a déjà été dans une gare,
01:56sait que les gares sont particulièrement des cours des miracles.
01:59De manière générale, un peu partout, vous y trouvez à peu près tous les délits
02:03possibles et imaginables.
02:05D'ailleurs, les copains de ce pauvre garçon, les amis qui étaient autour,
02:09ont tenté d'invoquer les chants assez réguliers en gare,
02:11la musique qui parfois est diffusée,
02:13et même les pianos à disposition qui invitent aux chants dans les gares.
02:16Ils ont eu pour réponse qu'il était impossible de verbaliser tout le monde.
02:19Alors certains ont fait remarquer qu'entre verbaliser tout le monde
02:22et verbaliser toujours les mêmes,
02:24il y avait quand même probablement un chemin à trouver.
02:28Alors évidemment, ni ce petit jeune-là,
02:31ni ses amis ou ses copains ou ses copains du moment, on va dire,
02:37ne risquaient de se mettre à saccager la gare pour protester contre cette amende.
02:43Ils ne risquenaient pas non plus, pardon, d'agresser la personne qui voulait la mettre.
02:46Et il y a fort à parier qu'ils étaient même prêts à payer sans rechigner.
02:50Et c'est évidemment ce qui choque le plus dans cette histoire,
02:53c'est que dans un pays où tout serait en place,
02:55un agent invoquerait le tapage au moment de chanter en gare,
03:01le risque est pris, la personne paye.
03:03Mais ce n'est pas exactement le cas,
03:05ce n'est pas le cas dans les gares,
03:06ce n'est pas le cas à l'extérieur des gares,
03:08et ce sont un peu trop souvent les mêmes qui payent pour tout le monde
03:11parce qu'ils sont bien élevés, sans risque,
03:13solvables et d'ailleurs très prélevés,
03:15et que leur taper dessus, ce n'est pas prendre le moindre risque.
03:18Et d'ailleurs dans cette histoire,
03:19la SNCF, contactée par plusieurs médias,
03:22n'a pas souhaité réagir jusqu'à maintenant.
03:24Et alors ça c'est un cas, Charlotte,
03:26est-ce qu'on peut en faire une généralité pour autant ?
03:29Alors c'est une question très intéressante,
03:31qui a justement, parfois le hasard fait bien les choses,
03:33été posée par l'Institut pour la Justice,
03:35aux défenseurs des droits la semaine dernière.
03:38En l'occurrence, ça visait les amendes qui sont infligées par la RATP,
03:40vous savez la régie qui gère les transports,
03:43enfin le métro quoi, pour faire simple,
03:44et les amendes infligées par les agents assermentés de la RATP,
03:48et l'association réclame une enquête à Claire-et-Don,
03:50vous savez la défenseur des droits,
03:52que l'on sait très mobiliser, d'ailleurs ils le rappellent dans leur courrier,
03:55elle est très très très mobilisée contre les contrôles au faciès
03:59ou les démonstrations abusives d'autorité.
04:02Est-ce que tous les contrôles au faciès
04:04et toutes les démonstrations abusives d'autorité l'intéressent ?
04:06On verra avec le plus grand intérêt.
04:08En l'occurrence, l'Institut pour la Justice s'inquiète de deux sujets.
04:12Un, le prononcer d'amende sur des prétextes plus ou moins obscurs
04:15ou très interprétatifs qui semblent provenir, je les cite,
04:19beaucoup plus d'un système de rémunération des agents
04:21que de la lutte contre la fraude ou le maintien de la sécurité publique.
04:25Ils prennent des exemples qui ont d'ailleurs été trouvés la plupart du temps
04:28dans la presse ou par des témoignages qu'ils ont reçus.
04:31Vous avez ici une femme qui a été quand même,
04:33qui a pris une amende pour avoir déplacé une plante verte.
04:36Parce que vous pouvez gêner les voyageurs.
04:39Merci beaucoup pour tous les voyageurs.
04:40On a vraiment, nous voyageurs, beaucoup d'autres idées
04:42qui nous gênent infiniment plus qu'une pauvre dame
04:44qui a déplacé sa plante verte dans le métro.
04:46Alors là, ça avait fait un tel tollé que la RATP était revenue dessus.
04:49Mais on en a d'autres qui ont pris des amendes
04:51pour une photo un peu effacée sur le pass.
04:53Vous savez, parce qu'à force, la photo était un peu effacée.
04:56Une valise trop grande.
04:58Alors vous pouvez la mettre dans l'avion,
04:59mais par contre pour revenir dans le métro,
05:00je ne sais pas, il faut la couper en deux, je n'en sais rien.
05:02Je ne sais pas.
05:02Un instrument de musique trop grand lui aussi.
05:05Donc vous pouvez vous mettre à la flûte,
05:06mais pas à la contrebasse si vous habitez Paris.
05:09Sachez-le.
05:10Donc, en l'occurrence,
05:12l'IPJ remarque
05:15qu'il y a par ailleurs très peu de contestations,
05:17parce qu'évidemment, quand vous contestez,
05:18c'est 14 papiers à remplir,
05:20le tout sur 4 ans, avec des recours,
05:22et il faut tel papier, il faut tel autre.
05:24Et ils prennent un exemple,
05:26ils ont dit qu'il y a une contestation
05:27qu'on a eue entre les mains.
05:29Le parquet a décidé de l'abandon des poursuites,
05:31donc ils ont jugé que l'amande était abusive,
05:32mais ça n'a provoqué aucune jurisprudence
05:35dans la manière de se comporter des agents.
05:37Et l'IPJ note, et ça ne me semble pas un détail,
05:39en l'occurrence, la véritable fraude,
05:41celle qui consiste à aller dans le métro
05:42sans avoir payé son ticket,
05:45c'est 700 000 euros par an.
05:46Peut-être qu'on pourrait commencer par là,
05:47puis après on verra pour les plantes vertes.
05:49Et la deuxième chose
05:50qui inquiète,
05:53enfin en tout cas,
05:54qui interroge l'Institut pour la Justice,
05:56c'est l'existence,
05:57et c'est pire évidemment,
05:58l'existence de témoignages d'agents
06:00qui expliquent qu'ils ciblent volontairement
06:02ceux qui sont susceptibles de payer,
06:04et de payer immédiatement.
06:06Je cite un exemple,
06:07alors qui avait été rapporté d'ailleurs dans le JDD,
06:08d'un agent qui parlait
06:10et qui expliquait,
06:11qui dit,
06:11bah voilà,
06:11on cible par exemple
06:12une personne bien habillée
06:14qui a probablement une carte bleue sur elle,
06:16on va faire le maximum
06:16pour ne pas la lâcher,
06:17la faire sortir de ses gonds
06:19pour qu'elle paye.
06:20C'est exactement la définition,
06:22nous dit l'Institut pour la Justice,
06:23d'une discrimination
06:24à partir de l'apparence physique,
06:26soit celle qui est punie
06:27par le code pénal,
06:28c'est la raison pour laquelle
06:29ils saisissent le défenseur des droits,
06:31et ils ont également,
06:32ils font état de nombreux témoignages,
06:33de pressions
06:34pour que l'amende soit payée immédiatement.
06:37D'abord, un, ça rend la contestation
06:39beaucoup plus pénible,
06:40et deuxièmement,
06:41c'est apparemment une condition
06:42pour que les agents
06:43touchent leurs primes.
06:44Donc évidemment,
06:45vous n'allez pas aller d'abord
06:46sur la personne
06:47qui est apparemment non solvable.
06:49Et le français moyen, lui,
06:51a peut-être raison,
06:52celui qui est solvable à l'infini,
06:53a peut-être raison de penser
06:54qu'il est pris pour une vache à lait à force,
06:56et cela participe,
06:57au-delà de la question
06:58qui a l'air un peu anecdotique
06:59de l'amende ici,
07:00l'amende là,
07:01ça participe, je pense,
07:03très très largement
07:03à cette impression tenace
07:06d'un renversement permanent
07:08du sens de la justice
07:09et de la manière
07:09dont elle est exercée
07:11aujourd'hui en France.
07:13On a vu,
07:13notamment avec les infractions,
07:15vous savez,
07:15les amendes forfaitaires délectuelles
07:17qui étaient une manière
07:19de sanctionner les consommateurs
07:21de drogue, par exemple.
07:21Emmanuel Macron avait dit
07:22on va aller faire payer
07:23immédiatement maintenant
07:24puisque le taux de recouvrement
07:25n'était que de 35%,
07:27c'était en 2023
07:28et depuis,
07:30les finances publiques
07:32nous apprennent
07:33que le taux de recouvrement forcé
07:3425% je vous ai dit
07:3735%
07:3835, pardon,
07:39il avait dit 25%
07:40et les finances publiques
07:41nous apprennent derrière
07:42que le taux de recouvrement forcé
07:44lui plafonne entre 20 et 30%
07:46selon les années.
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