La journaliste, Gabrielle Cluzel, parle des trop nombreuses minutes de silence après les meurtres de citoyens français : «Après chaque drame de ce type, la seule réponse, c’est un concours Lépine de la mesure la plus ubuesque».
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00:00Écoutez, après chaque drame de ce type, la seule réponse est un concours lépine de la mesure la plus ubuesque.
00:06Et si ce n'était pas aussi tragique, eh bien on pourrait en sourire.
00:11Donc l'interdiction de la vente de couteaux aux mineurs, j'ai dit tout de suite, mais il faudra-t-il l'interdire à la cuisine ?
00:17Eh bien précisément, on voit que le meurtrier d'hier, c'est dans la cuisine qu'il a trouvé son couteau.
00:25Alors pas simple quand même de couper un steak avec une cuillère.
00:30On va le dire très simplement.
00:31Et même une fourchette, Mathieu a raison, peut être dangereuse.
00:34On se souvient du co-détenu dans la cellule de Adama Traoré.
00:40Il ne faut plus manger de viande de toute façon, il faut manger avec les mains.
00:43Ah oui, c'est ça. Il ne faut plus faire de salade de tomate.
00:46Donc nous sommes réduits à la purée, au yaourt et à la compote.
00:51Exit la fourchette.
00:52Et c'est assez normal, la fourchette est introduite par Catherine de Médicis.
00:56C'est un signe de civilisation, le signe de décivilisation.
01:00J'arrête mes digressions.
01:01C'est qu'on va finalement s'en débarrasser.
01:04C'est assez logique.
01:05Mais même en se débarrassant de la ménagère, ça ne va pas suffire.
01:08Là aussi, Mathieu l'a évoqué.
01:09À Château-Din, en 2022, un homme en a tué un autre avec un tesson de verre.
01:13En octobre 2024, au Beaumet, un homme a tué l'homme qui était dans son co-détenu, donc, avec un tesson de bol en céramique.
01:23Donc, est-ce qu'on va supprimer les verres et les carafes à la cantine ?
01:27Moi, je ne sais pas.
01:28On va les remplacer par des biberons, corps en plastique, tétines en silicone.
01:33Sécurité garantie.
01:34Est-ce que les écoles hôtelières vont devoir fermer ?
01:37Tous les paysans, et ça, Charlotte l'a dit hier, ont toujours, du reste, un couteau dans la poche qui leur servait à tout,
01:46y compris à bénir le pain avant les repas, mais certainement pas à tuer leur prochain.
01:52Et puis, il y a un groupe de jeunes de 12 à 17 ans, des grands groupes même, qui ont des couteaux dans les poches,
02:00qui vivent trois semaines ensemble sans portique de sécurité et qui, pourtant, ne s'entretuent pas.
02:05Ça s'appelle des scouts et cela prouve bien que le problème, ce n'est pas le couteau, c'est celui qui le tient.
02:12Et on a l'impression qu'en François Béroud, quand la personne de François Béroud, on a eu bu Premier ministre.
02:18Ubu Premier ministre.
02:20Notons pour sa défense qu'il n'est pas le seul, quand même, dans cette surenchère.
02:23Ah oui, alors ça, c'est vrai, il n'est pas le seul.
02:26Elisabeth Borne a proposé assez classiquement une minute de silence dans les écoles, comme il y a eu à l'Assemblée.
02:33Demain, 12 heures.
02:34Exactement, mais c'est en réalité des minutes d'impuissance et même des minutes d'indécence,
02:39tant elles ne savent à rien, sinon à se donner bonne conscience.
02:42On parle aussi de portique de sécurité, en disant tout de suite que, de toute façon,
02:46les couteaux en céramique ne seront pas repérés.
02:50Alors, au fond de la boîte à idées, il y a encore tout un inventaire à l'après-verre,
02:54de vieux trucs lancés en l'air quelques jours, histoire de calmer l'opinion.
02:57Les cours d'empathie, vous vous souvenez, au fond de la boîte.
03:01Les flyers contre le harcèlement.
03:03L'ironie de l'histoire terrible, c'est que ce garçon était ambassadeur contre le harcèlement.
03:09Les EAVR, vous savez ce que c'est les EAVR ?
03:13Équipe académique, valeur de la République.
03:16Dès qu'il y a un acronyme, ça fait toujours très efficace.
03:18On voit l'efficacité.
03:20Il y a aussi les petits slogans.
03:21Le tucasse tupé de Gabriel Attal.
03:24On n'a qu'à voir.
03:25Il y a les internats éducatifs de rupture de Gabriel Attal.
03:29Et puis, évidemment, il y a les classiques numéros verts, bien sûr.
03:33Ça, c'est connu.
03:34Donc, c'est la politique du petit bout de la lorniette, de la rustine, de la côtaire sur la jambe de bois, du IFJ doté.
03:41Moi aussi, j'ai des acronymes.
03:43Il faut bien que je trouve un truc.
03:44Voilà, c'est ça l'idée, en fait.
03:46Et tant pis si ce sont des gadgets sans lendemain.
03:48Il suffit qu'ils tiennent le temps de l'émotion dans l'opinion publique.
03:52Parce qu'une fois que le temps de l'émotion sera passé, nous vivons dans des séquences médiatiques.
03:56Eh bien, plus personne ne demandera de compte.
03:58Et il suffira que chacun retourne à ses petites affaires.
04:01Alors, on pourrait dire que, de moins de point de vue, en tout cas,
04:04la seule mesure de bon sens applicable et durable pourrait être l'interdiction des téléphones connectés
04:09et donc des réseaux sociaux jusqu'au lycée, jusqu'à 15 ans.
04:13On interdit bien l'alcool, ça doit être possible.
04:16Mais c'est vrai que dans ce fourre-tout de la pseudo-détermination,
04:20on sent bien qu'il n'y a aucune vision.
04:22Thibaut de Montbriel a utilisé une métaphore extrêmement forte et extrêmement juste hier,
04:27celle du toboggan.
04:28À la fin, ça s'accélère.
04:31Et chacun sait, pour avoir essayé enfant, qu'on descend très vite.
04:34Mais pour remonter la pente, c'est long et compliqué.
04:38Alors, comment la remontée, cette pente, selon vous, Gabrielle Cluzel ?
04:41Le premier effort colossal, et qui, semble-t-il, ne paraît pas à l'ordre du jour,
04:46serait de reconnaître que nous nous sommes trompés,
04:48que nous nous sommes fourrés le droit dans l'œil jusqu'à l'homoplate.
04:51L'interdit d'interdire qui a irrigué toutes les strates de la société,
04:55eh bien, ne fonctionne pas.
04:56Et ce qui s'est passé, c'est que, disons-le clairement,
04:59la gauche a tout fichu en l'air, mais la droite qui courait derrière
05:02n'a rien rattrapé de peur de passer pour coincés, conservatrices ou, pire, fascistes.
05:08Donc, dès qu'on n'a plus d'enfants, on est comme une poule devant un couteau.
05:11C'est-à-dire qu'on ne sait pas comment les élever.
05:12On a oublié que, comme tout jeune plan, il fallait un tuteur.
05:16Solide pour qu'il pousse droit, et c'est le cercle vicieux,
05:18parce que quand on voit que certains, grandissant sans enclos,
05:22comme des poneys débourrés, finissent, mal débourrés, finissent en monstres,
05:27eh bien, on ne risque pas d'avoir envie d'en avoir d'autres.
05:30Et ce risque sur le gâteau, c'est quand même l'orgueil incroyable,
05:32alors que nous sommes incapables d'élever nos propres enfants,
05:35nous n'avons plus la technique,
05:36eh bien, nous avons la prétention d'élever ceux des autres
05:39qui arrivent en masse chez nous, avec d'autres meurs,
05:42ce qui rajoute ensuite une grande difficulté.
05:43Mais quel esprit dérangé aurait l'idée de demander à des parents
05:47qui ne savent pas gérer leurs propres enfants
05:48d'accueillir ceux des autres et d'éduquer ceux des autres ?
05:51Eh bien, ces esprits dérangés, ce sont nos élites.
05:55Alors, évidemment, ce n'est pas simple, nous sommes d'accord,
05:59il faut rétablir le sacré, la patrie, le drapeau,
06:02l'histoire de nos ancêtres,
06:03dans lequel ils trouveront forcément un peu de transcendance,
06:07même pour ceux qui ne croient pas en Dieu,
06:09il faut rétablir les figures d'autorité,
06:11le père, la mère, le professeur, le militaire, le policier,
06:13il faut qu'il soit en surplomb de l'enfant.
06:15Mais je remarque qu'on fustige tous les jours de l'année le patriarcat,
06:19et puis quand il y a des émeutes, on dit « Où sont les pères ? »
06:21« Attendez, vous l'avez chassé, donc ne vous plaignez pas,
06:24il faut qu'il soit là ou qu'il ne soit pas là. »
06:26Et puis aussi, il faut que les intéressés acceptent d'être des figures d'autorité.
06:29Vous savez, vous connaissez cette petite chanson,
06:32« Biquette ne veut pas sortir du chou, le chien ne veut pas mordre Biquette,
06:36c'est une comptine pour enfants, personne ne veut faire son boulot,
06:38vous voyez, dans toute la chaîne. »
06:39Là, c'est un peu pareil.
06:40Il faut que les profs, par exemple, acceptent d'être une figure d'autorité.
06:44Personne n'a envie de tenir son rang.
06:46Un prof doit se comporter comme un prof, s'habiller comme un prof,
06:49gronder comme un prof, enseigner comme un prof.
06:51Il doit accepter d'avoir 40 ans et pas 18,
06:53de ne pas être le copain de toute la classe.
06:56Il doit accepter de se faire respecter,
06:59et peut-être même de ne pas être aimé,
07:01parce que ça, ce n'est pas une obligation.
07:04Il faut qu'il soit sur l'estrade, le surplomb, c'était ça.
07:07Et puis à ce prof, on doit donner les outils de coercition,
07:10les notes, la punition, l'exclusion, le renvoi.
07:12Même chose pour les parents, l'autorité, ce n'est pas simple.
07:16De dire à un enfant, tu ne sors pas, avec ses amis-là,
07:20tu vas dans ta chambre, tu vas faire tes devoirs, tu fais ton lit,
07:24ce n'est pas sympa.
07:25C'est vrai qu'on préférait être le père peinard que le père fouettard.
07:30Et c'est vrai que s'agissant des garçons,
07:33alors ça, c'est vraiment le sujet tabou entre les tabous,
07:35et pourtant, c'est vrai, les garçons ont besoin d'avoir une autorité masculine,
07:39un modèle, et puis il faut que ce soit mon père ce héros,
07:43et pas mon père ce pauvre type, comme on le présente souvent.
07:46On pourrait en parler de beaux modèles.
07:47Il y a quelques jours, il y a un père de famille en Seine-et-Marne,
07:50à Moissnay exactement, qui a sauvé ses trois enfants des flammes.
07:54Il est dans le coma depuis.
07:56Est-ce que vous en avez entendu parler ?
07:57Non, ce n'est pas ces figures-là qu'ont dû montrer.
08:00Et puis, au-delà du père, c'est vrai que les garçons adolescents à problème
08:04sont souvent gérés par des femmes qui mettent toute la meilleure volonté du monde,
08:08des profs, des juges, mais qui ont peut-être tendance à les materner
08:12quand ils auraient besoin d'un rapport de force.
08:15Mais c'est des questions absolument interdites,
08:17puisqu'aujourd'hui, hommes et femmes sont parfaitement interchangeables.
08:22Autre sujet, peut-être, que personne n'a abordé,
08:26j'ai vu en passant que cet enfant en voulait au surveillant
08:30parce que l'une d'elles lui avait fait une remarque
08:33parce qu'il embrassait sa petite amie dans les couloirs.
08:35Est-ce qu'un enfant de cet âge est prêt à avoir une vie affective ?
08:40Celui qui n'a pas la moindre empathie pour la vie de son prochain,
08:42comment pourrait-il aimer une fille de son âge ?
08:45Ça aussi, c'est un héritage de mai 68, considérer que tout est normal.
08:50Et puis, on peut aussi envisager, j'aimerais en reparler,
08:54je terminerai par là, c'était une idée de Jacques Bichaud, l'économiste,
08:58de faire des allocations familiales à point, si j'ose dire,
09:03et même des retraites à point, c'est-à-dire récompenser les familles
09:07qui élèvent correctement leurs enfants, bien insérés,
09:12et en revanche, ne pas récompenser celles qui en font des délinquants.
09:17Vous les aurez plus de points si vous avez bien élevé vos enfants,
09:20vous aurez moins de points si vous les avez mal élevés.
09:24Mais cela, évidemment, personne ne le met sur la table.
09:27Pour le moment, on interdit les couteaux, mais à part ruiner les coutelleries,
09:30on ne voit pas bien à quoi ça va servir.
09:31Sous-titrage Société Radio-Canada
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