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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 10 juin 2025 : la réalisatrice et productrice Harriet Marin-Jones. Elle a réalisé le documentaire "King of kings : À la poursuite d'Edward Jones".

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Transcription
00:00Bonjour, Ariette Marin-Jones.
00:02Oui, bonjour.
00:03Vous vous appelez Ariette Marin-Jones, Ariette comme votre mère et votre arrière-grand-mère.
00:08Vous avez grandi en Europe avec vos parents et vos sœurs et vous êtes tous liés par un seul homme,
00:12Edward Jones, l'un des hommes les plus riches des Etats-Unis.
00:16On va dire dans les années 30, 40, 50, 60 ?
00:19Il est mort en 64, donc on va s'arrêter.
00:22Grosso modo, le plus riche de la communauté afro-américaine, notamment à Chicago.
00:26Vous avez mis du temps à découvrir son histoire car elle vous a été longtemps cachée au sein de votre propre famille.
00:31Alors comme son sang coule dans vos veines, vous avez décidé de creuser, de retracer sa vie dans un documentaire
00:36que vous avez écrit, réalisé et coproduit avec un certain Quincy Jones.
00:40On va comprendre tout à l'heure pourquoi.
00:43Dont le père était menuisier et il construisait les maisons des Jones.
00:47Ce film raconte qui était Edward Jones.
00:49Pour votre mère, il était un gentleman, mais elle n'en a jamais vraiment dit plus.
00:52Tour à tour étudiant en médecine, employé dans un train, responsable d'une société de taxi.
00:57Il a notamment été à la tête de la plus grande loterie de Chicago.
01:00Très convoité par la mafia, notamment par un certain Al Capone.
01:03Mais aussi par la police et certains hommes politiques très influents de Chicago.
01:07On va aller jusqu'au maire de Chicago.
01:08Ce qui lui a valu un long séjour en prison, sans avoir vraiment mérité cette peine.
01:12Et de témoigner à la barre lorsque le FBI a lancé une énorme enquête en 1951
01:16pour démanteler et référencer les plus grands criminels des Etats-Unis et de Chicago.
01:20Dans ce documentaire, vous avez creusé dans le passé, questionné le présent.
01:24Pourquoi la vie de votre grand-père a été si longtemps cachée, finalement, Ariette ?
01:28Eh bien, je pense que c'était une époque où il y avait vraiment une omerta.
01:32Le fait que c'était un or la loi, parce que le jeu qui l'a rendu immensément riche,
01:36c'était un jeu illégal à l'époque, contrôlé par les Noirs.
01:40Et je pense que le fait que ce jeu était illégal,
01:44que c'était une période où les parents ne parlaient pas vraiment à leurs enfants.
01:48Et ma mère, je pense qu'elle a eu honte d'avoir eu un père aussi riche,
01:53qui en plus a dû fuir, parce qu'il n'a fait que fuir, courir, etc.
01:57Tu as la terreur, en le précisant.
01:59Oui, il a vu la terreur.
02:01Il était déjà du Mississippi, donc il a fui le Ku Klux Klan.
02:04Et ils ont reçu des menaces, parce qu'il a osé parler à une femme blanche.
02:08Donc il a fui à l'âge de 20 ans.
02:10Et il est arrivé à Chicago, et c'est là où il a eu cette épopée incroyable.
02:14Donc pourquoi le fait que ce soit caché,
02:17c'était non seulement caché et dans ma famille, mais aussi dans la nation.
02:21Voilà.
02:22Il y a eu un apartheid américain.
02:24On a mis énormément de temps à le reconnaître.
02:27Effectivement, par exemple, quand les Noirs marchaient sur le trottoir,
02:29si des Blancs arrivaient en face, ils devaient descendre du trottoir pour les laisser passer.
02:33Il n'y avait pas du tout la même accessibilité d'études,
02:39même l'accès à la culture.
02:41Ils étaient privés de tout.
02:43C'est étonnant d'ailleurs qu'encore aujourd'hui, on ait du mal à parler de ça.
02:47Eh bien, d'autant plus qu'aujourd'hui, on est en train d'essayer d'effacer
02:50toute une partie de l'histoire afro-américaine.
02:54Oui, on peut appeler d'ailleurs Sylvie Laurent dans le film
02:56de ce qui était un apartheid aux États-Unis.
02:59Donc, à partir du moment où vous aviez une coute de sang noire,
03:02de one-trap rule, vous étiez considéré comme noir.
03:05Et dès que vous êtes considéré comme noir,
03:07vous aviez la plupart de vos opportunités, de vos droits qui étaient arturés.
03:12Donc, par exemple, moi ou mes enfants, qui ressemblent à des petits Bretons,
03:16auraient vécu aux États-Unis à cette époque.
03:18Ils n'auraient pas pu aller dans les écoles, les bonnes écoles.
03:22Ils auraient été probablement chauffeurs ou domestiques.
03:25Ils auraient eu beaucoup de mal à voter, etc.
03:27On se rend compte, en plus, que c'était il n'y a pas si longtemps que ça.
03:31La ségrégation s'est arrêtée il y a 60 ans.
03:33C'est assez fou.
03:35Au départ, il voulait être médecin.
03:37Votre grand-père, c'était son but.
03:39Il a fréquenté des écoles élitistes.
03:41Il s'est rendu compte que non, les DT est pipé,
03:44que les règles du jeu n'étaient pas les mêmes pour les uns et pour les autres.
03:48Du coup, il a repris sa vie en main.
03:50Il a, en parallèle de ses études, dans un premier temps,
03:53ouvert et monté une société de taxi.
03:55Et effectivement, il a commencé à se rendre compte par l'intermédiaire d'un de ses frères
04:00que les billets de loterie étaient l'accessibilité possible, finalement,
04:06pour les personnes qui étaient démunies, pour les minorités, à une forme de richesse.
04:11Et donc, il a lancé la première loterie, Policie.
04:15Et c'est devenu une industrie extraordinaire.
04:17En fait, le policier est vraiment l'ancêtre du loto moderne.
04:21Et mon grand-père, en fait, a compris que pour pouvoir s'émanciper,
04:25il y avait une chose à faire, c'était le pouvoir de l'argent.
04:28Comme sa couleur était une barrière, il s'est dit, qu'est-ce que je vais faire ?
04:32Être docteur pour un fils de pasteur, ça faisait beaucoup de sens.
04:35Mais en fait, c'était vraiment un entrepreneur né.
04:38C'était un businessman.
04:39Il n'y aurait pas eu la ségrégation.
04:41Il serait devenu probablement un banquier, un mathématicien, un homme d'affaires.
04:45Mais toutes ces professions n'étaient pas du tout accessibles aux champs de couleur.
04:50Et il a développé, il n'a pas inventé ce jeu qui était pour les Noirs,
04:55contrôlé par les Noirs.
04:57Et il en a fait un espèce d'empire où, à un moment donné,
05:00il y avait plus de 10 000 personnes qui travaillaient pour lui.
05:02Quitsyn Jones apparaît dans le documentaire.
05:05Son père a effectivement fabriqué, construisait les maisons des Jones.
05:08Il a connu votre grand-père.
05:10Il disait qu'il était un peu le robin des bois.
05:12Il était considéré comme le robin des bois de la communauté afro-américaine.
05:16Oui, en fait, s'il a eu cet espèce de surnom de Robin Hood,
05:20c'est parce que dès le départ, encore une fois, en tant que fils de pasteur,
05:26c'était vraiment un homme qui voulait faire fortune, ça n'y a aucun doute.
05:29Mais il voulait aussi rendre à la communauté.
05:32Étant donné que c'était une communauté tellement opprimée,
05:35depuis le départ, il s'est dit, il est important, moi,
05:39qui ai la chance d'avoir été éduquée, d'avoir pu aller à l'université, etc.,
05:44de rendre une partie de ce que j'ai à ce qui, à l'époque, s'appelait la black belt,
05:49la ceinture noire Franceville.
05:50Et c'est absolument incroyable de se dire que, grâce à mon grand-père,
05:55il a donné beaucoup d'argent pour que des business secrets,
05:59pour que les étudiants puissent aller à l'école, à l'université,
06:03pour que l'hôpital se fasse sportif, comme Cholou,
06:06qui était le boxeur, etc.
06:09Enfin, ça a été quelque chose d'absolument essentiel pour lui,
06:13de rendre un peu ce que lui a pu avoir.
06:15– Vous avez cet accent américain, inévitablement,
06:18vous avez ça qui coule aussi dans vos veines.
06:20Comment vous vivez cette gouvernance Trump,
06:22avec toutes ces décisions sur, justement, la ségrégation raciale,
06:27sur les personnes qui viennent d'ailleurs et qui ont besoin de soutien ?
06:34– Aïe, ça c'est un sujet sur lequel il ne faudrait pas trop me mettre.
06:37Ça va faire que mes enfants…
06:40Alors, je suis moitié espagnole, moitié américaine.
06:43Et c'est vrai que je pensais que le deuxième mandat de Trump
06:47allait être absolument atroce,
06:49mais il est encore plus créatif que ce que je pensais.
06:52Et évidemment, je suis horrifiée.
06:55Je disais tout à l'heure qu'il veut réécrire une partie de l'histoire.
06:58Il veut gommer, évidemment, tout ce qui touche à la diversité.
07:02C'est une manière de s'attaquer au civil rights movement,
07:06à tout ce qui touche aux droits civiques des Noirs.
07:08Bon, et pas que, évidemment.
07:09Tout ce qui touche à l'inclusion, à l'équité, etc.,
07:12aux femmes, il est très, très créatif.
07:15Donc, je suis horrifiée.
07:17J'espère qu'il va y avoir un sursoui démocrate
07:19qui me paraît absolument essentiel.
07:22Ma sœur est mariée, en fait,
07:24au frère de l'ex-Vibs président des États-Unis.
07:28– Mike Pence.
07:29– Oui, Mike Pence.
07:30Et on a été incapables de le féliciter quand il a été élu,
07:36tellement, évidemment, on est très, très démocrate dans la famille.
07:39Et on est, évidemment, horrifiés par tout ce qui arrive.
07:43– Est-ce que, justement, l'histoire de votre grand-père,
07:44ce n'est pas une leçon ?
07:46Il a dû fuir plusieurs fois pour protéger sa famille,
07:50pour défendre les droits des Afro-Américains.
07:52À aucun moment, il a lâché, Ariette.
07:55À aucun moment, il a baissé les bras.
07:56Il a toujours cru, il a toujours su se réinventer,
08:00proposer autre chose.
08:01À la fin de sa vie, il avait monté une entreprise
08:04pour que votre grand-mère puisse faire des vêtements,
08:07parce qu'elle adorait ça.
08:09Est-ce que ce n'est pas un exemple, justement ?
08:11Il ne faut jamais rien lâcher.
08:13– Oui, c'est vraiment une figure extrêmement inspirante,
08:16parce qu'il a vraiment montré qu'on pouvait se battre
08:19contre le déterminisme,
08:21où on se disait qu'un homme noir ne pouvait pas faire ci,
08:23il ne pouvait pas faire ça.
08:25Au contraire, il a complètement brisé les barrières
08:27et montré qu'on pouvait tout faire, évidemment,
08:32avec de l'éducation, avec de la chance,
08:35avec beaucoup de choses.
08:36– Que gardez-vous en héritage de lui, Ariette, pour terminer ?
08:40– Eh bien, écoutez, moi, une véritable fierté.
08:42C'était très important, j'ai deux enfants,
08:45que mes enfants sachent que dans leur veine,
08:47coule vraiment un sang haut en couleur,
08:51qui nous renvoie de l'autre côté de l'Atlantique,
08:54avec une histoire extrêmement riche,
08:56et c'est ce qui fait notre richesse aujourd'hui.
08:59La fortune qui a été colossale a été, évidemment,
09:02dilapidée, elle a disparu, c'est pour ça que c'est aussi une enquête,
09:05et j'ai adoré traiter ça comme un prélère.
09:06– C'est terrible, parce qu'elle a été détournée par un de ses frères, quand même.
09:08– Elle a été détournée par un de ses frères,
09:09et par les avocats blancs, etc.
09:13C'est l'histoire qui ratote et qui se perpétue.
09:16Mais voilà, la fortune n'est pas ce qui est le plus important.
09:19C'est vraiment ce qui nous a laissé,
09:20et de pouvoir nous dire que rien n'est impossible.
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