De retour d'une mission d'analyse en continu de l'océan austral, le "Persévérance" jette l'ancre à Nice dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur l'océan.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 09 juin 2025.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 09 juin 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud alors que le monde est au chevet de l'océan.
00:08Vous avez choisi Amandine de recevoir ce matin un explorateur qui sait à quel point le monde est beau
00:13mais aussi à quel point l'homme peut l'abîmer.
00:15C'est Jean-Louis Etienne, bonjour et bienvenue à vous.
00:17Bonjour Jean-Louis Etienne.
00:19Bonjour.
00:20Et merci beaucoup d'être avec nous en direct ce matin depuis Nice.
00:23On va d'abord essayer, si vous le voulez bien, de faire un peu de pédagogie avec vous.
00:28Pourquoi est-il si important de s'intéresser et donc de protéger nos océans ?
00:33L'océan, si vous voulez, malheureusement pour tout le monde,
00:36enfin malheureusement, ça s'arrête au bout de la plage
00:39mais en fait l'océan c'est 70% de la surface de la Terre.
00:43C'est un acteur majeur du climat.
00:45Il absorbe 93% de l'excès de chaleur.
00:48C'est une ressource pour l'humanité.
00:50A lui seul, l'océan nourrit la moitié de l'humanité
00:53et malheureusement, on a toujours considéré que l'océan c'était une immensité
00:58où on pouvait tout larguer, tout envoyer si vous voulez.
01:01Et aujourd'hui, l'océan souffre de notre irrespect, je vais dire.
01:07C'est le réchauffement climatique ou la surpêche qui est le plus grave aujourd'hui d'après vous ?
01:12Alors, il y a deux choses que vous soulevez qui sont intéressantes.
01:15Le climat, il souffre du climat.
01:17Je le répète, 93% de l'excès de chaleur est absorbé par l'océan.
01:21Tout corps que l'on chauffe se dilate, ça, tout le monde le comprend.
01:24Donc, le niveau de la mer monte.
01:26Il monte de 3,5 millimètres par an.
01:30Donc, ça, c'est une machine qui a une inertie colossale, le climat.
01:33Et ça va continuer, si vous voulez, tant que le climat va continuer à se réchauffer comme ça,
01:37démesurément, le niveau de la mer va monter
01:39et menace, effectivement, tous les habitats côtiers.
01:43Deuxièmement, il y a la surpêche.
01:44Vous avez raison, c'est une menace.
01:46Je le répète, l'océan nourrit la moitié de l'humanité.
01:49La surpêche, si vous voulez, elle n'est plus régulée au-delà de 200 000 nautiques,
01:55c'est-à-dire au-delà à peu près de 350 kilomètres.
01:58L'immensité de l'océan est libre de droit.
02:01Et c'est ça qui est important ici, à Nice, à l'UNOC.
02:05Il y a un traité qui a été signé, le traité de la haute mer,
02:07il y a deux ans, à New York, aux Nations Unies.
02:09Et il faut qu'il soit ratifié pour entrer en vigueur.
02:12Et donc, le travail des diplomates ici, des scientifiques,
02:15c'est de faire comprendre à au moins 60 pays
02:17qu'il faut qu'ils ratifient ce traité de la haute mer
02:21de manière à protéger,
02:23ou que l'immensité de l'océan puisse être protégée par de la surveillance.
02:28C'est ça, d'après vous, la mesure à prendre et à vraiment mettre en place aujourd'hui,
02:34faire en sorte que ce soit plus, si j'ose dire, la jungle au plus loin dans les mers ?
02:40Là, c'est une zone de non-droit, la mer, le large.
02:44Alors, il y a la pêche, bien sûr, vous l'avez dit.
02:47Il y a aussi l'exploitation des grands fonds.
02:49Ça, c'est une problématique aussi qui est soulevée.
02:52Le président Macron et la France s'opposent à l'exploitation des grands fonds.
02:56Ça me rappelle, si vous voulez, dans mon domaine qui était le polaire,
02:59à un moment donné, il était question de donner l'accès à l'exploitation des richesses de l'Antarctique.
03:05Eh bien, il y a eu de l'intelligence qui s'est mise là.
03:07On a dit, attends, on n'est pas pressé, on n'en a pas besoin,
03:09ce n'est pas la peine de se précipiter, donnons-nous du temps.
03:12Il y a eu ce qu'on appelle un moratoire.
03:14C'est ce qui est attendu sur l'exploitation des grands fonds
03:17parce que les conséquences peuvent être dramatiques, si vous voulez, pour l'environnement.
03:20L'exploitation des grands fonds, c'est ce que veut autoriser Donald Trump.
03:25En tout cas, il a autorisé l'exploration minière de ces grands fonds marins.
03:29Les Etats-Unis sont les grands absents de ce sommet, Jean-Louis Etienne.
03:32Certes, ils ont envoyé quelques émissaires,
03:35mais pas de personnalité de haut rang ni de personnalité politique.
03:40Est-ce que finalement, sans eux, c'est quand même compliqué d'agir ?
03:45Sans eux, c'est compliqué.
03:46Il y a quand même pas mal de chercheurs américains qui sont là.
03:50Ils sont dévastés, entre guillemets, si vous voulez,
03:53par l'attitude du président et l'attitude du président
03:56envers la communauté scientifique, au sens large.
03:59C'est un effondrement de la connaissance, de la culture.
04:04Mais bon...
04:04Mais on peut sauver les océans sans les Etats-Unis.
04:06C'est quand même le premier espace maritime mondial.
04:10Oui, c'est le premier espace maritime mondial.
04:12Nous sommes le second, si vous voulez.
04:14Il y a des choses aussi importantes qui vont être discutées,
04:16sur lesquelles, bien sûr, Donald Trump se oppose.
04:18Ce sont les aires marines protégées.
04:20Ce sont des zones, si vous voulez,
04:21où les espèces peuvent venir tranquillement se reproduire.
04:24Et ça, c'est très important.
04:25Il y a des projets qui sont faits.
04:26La France soutient un projet d'aires marines protégées
04:29d'une île qui s'appelle Clipperton, au large du Mexique.
04:32C'est une île française.
04:34Et deuxièmement, au large de l'Antarctique,
04:38la mer du Mont-Durville, par exemple.
04:40C'est un projet qui est porté à la fois par la France et par l'Europe.
04:43Et nous allons faire une mission avec persévérance
04:45à la mer du Mont-Durville en janvier-mars prochain,
04:49avec effectivement l'objectif d'apporter de la connaissance
04:52pour faciliter l'acceptation par deux pays qui s'opposent souvent.
04:57Si vous voulez, les pays qui s'opposent aux aires marines protégées,
05:00c'était la Chine et la Russie.
05:03Maintenant, on peut ajouter les États-Unis.
05:06Mais les aires marines protégées,
05:07ce sont des zones absolument essentielles pour préserver.
05:10C'est des maternités, si vous voulez.
05:11Ce sont des zones de lieux tranquilles
05:13qui sont absolument indispensables pour les espèces.
05:15Persévérance, vous l'évoquiez, c'est votre bateau,
05:18ce bateau océanographique, le plus grand du monde
05:21qui effectue ces missions.
05:24Ça fait 50 ans, vous, Jean-Louis Etienne,
05:25que vous traversez ces océans.
05:29Qu'est-ce que vous avez vu vraiment changer ?
05:32Parce que tout ce qu'on dit,
05:33ces espèces qui disparaissent,
05:36bien sûr la pollution, le plastique,
05:37tout ça, on l'entend,
05:38mais ça nous paraît très peu concret finalement
05:41à nous tous et à tous les auditeurs qui nous écoutent ce matin.
05:43Vous, qu'est-ce que vous avez vu
05:45qui vous semble symptomatique ?
05:48Écoutez ce que j'ai vu.
05:50Prenons l'exemple d'un îlot que j'ai évoqué,
05:52l'atolle de Clipperton.
05:54Ce tout petit îlot français est inhabité.
05:57Il est au large du Mexique, pas très loin.
05:59Vous avez le courant de Californie
06:02qui descend sur la côte ouest des États-Unis,
06:04un peu le nord du Mexique,
06:05et qui revient sur Clipperton.
06:06Vous arrivez sur cette île déserte,
06:08inhabité, vous marchez sur le plastique.
06:10Je vous l'ai dit, vous marchez sur le plastique.
06:13Alors même qu'elle est inhabitée,
06:15donc ça ne vient pas du tout de l'île.
06:19Donc ça donne une idée du transport du plastique.
06:23Le problème du plastique, c'est sa dégradation.
06:26Nous, ce que l'on voit arriver sur les plages,
06:28on dit que c'est dégoûtant.
06:29C'est arrivé sur la plage, on le récupère.
06:31Ce qui est parti en mer va être dégradé
06:33par les ultraviolets du soleil,
06:35par l'érosion du haut vague,
06:37et ça va faire ce qu'on appelle les micro-plastiques.
06:39Ce sont des petites îles,
06:40des îlots microscopiques sur lesquels
06:43va se développer le phytoplancton,
06:45une petite herbe planctonique.
06:46Et puis ça va être mangé par les crustacés,
06:48mangé par le poisson.
06:50Et ça va entrer dans le réseau alimentaire.
06:53Voilà un exemple.
06:54Et on le retrouve dans notre alimentation aussi.
06:59Jean-Louis, Etienne,
07:00je voudrais qu'on parle aussi de PolarPod.
07:02Vous parliez de persévérance,
07:04mais PolarPod, c'est ce projet
07:05que vous portez depuis 2010.
07:06L'idée, c'est d'aller explorer l'océan Austral.
07:09L'expédition doit durer trois ans,
07:10mais le projet est aujourd'hui à l'arrêt,
07:12sauf erreur de ma part.
07:14Pourquoi ?
07:15Et est-ce que vous avez bon espoir
07:16que ça reparte ?
07:18Écoutez, ici,
07:19il y a eu un rassemblement des forces.
07:21Il y a beaucoup de chercheurs
07:22qui sont venus,
07:23qui viennent de tous les pays,
07:24qui montent à bord de persévérance,
07:25et qui disent,
07:25alors PolarPod,
07:26ils posent la même question que vous.
07:28C'est un projet qui est attendu
07:29par la communauté scientifique internationale.
07:31Il est unique.
07:32On va étudier l'océan Austral
07:33qui est autour de l'Antarctique,
07:35le principal pays de carbone océanique
07:37de la planète.
07:38Et PolarPod est un vaisseau océanographique
07:41zéro émission.
07:42C'est un projet zulverne,
07:44si vous voulez.
07:45Vous avez un problème de moyens aujourd'hui,
07:46c'est ça ?
07:47Non, ce n'est pas un problème de moyens.
07:49C'est un problème de conflit
07:52de marché public
07:54qu'il faut lever.
07:55J'ai rencontré le président de la République hier.
07:57Il m'a pris sur l'épaule
07:58comme il sait le faire.
07:59On va y arriver.
08:00Si vous voulez,
08:01c'est quelque chose
08:01qui m'a redonné
08:02de la confiance,
08:04ce n'est pas compliqué.
08:05C'est un tout petit truc
08:08dans la cathédrale
08:09parce que c'est un projet géant.
08:11Et donc,
08:12il faut résoudre un problème
08:13de marché public.
08:14C'est un problème de droit
08:15à résoudre.
08:17Il y a une mobilisation.
08:19Moi, j'ai des partenaires
08:19qui sont tout à fait d'accord
08:21pour allonger s'il le faut.
08:22Ce n'est pas un problème.
08:24Donc, c'est à l'État
08:24d'essayer d'enclencher ça,
08:25mais le président vous a dit
08:26que ça ira.
08:28Oui, c'est une voie juridique
08:30qu'il faut trouver.
08:30Vous savez, les marchés publics,
08:31c'est très rigoureux,
08:32très rigide.
08:32Je le comprends.
08:33Il y a un petit...
08:34Un petit caillou.
08:37Un petit caillou.
08:38Je cherche le mot.
08:39Merci.
08:40Il y a un petit caillou
08:41qui empêche un peu d'avancer.
08:43Mais j'ai bien espoir
08:44parce qu'il y a
08:45un rassemblement important ici
08:46de toute la communauté
08:48scientifique, politique et tout.
08:50Donc, on a la visite
08:51des ministres
08:51à bord de persévérance.
08:53On est au cœur du réacteur,
08:54si vous voulez.
08:55J'espère que ça va se débloquer.
08:57Et la recherche,
08:58elle est essentielle aujourd'hui.
08:58Et les autres...
08:59...