Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • il y a 3 jours
Emmanuel Macron a déclaré vendredi 30 mai que la reconnaissance d'un Etat palestinien est « un devoir moral » et « une exigence politique ». Une démarche qui permettrait de faire avancer le dossier israélo-palestinien ? Les explications de Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00La paix, c'est la coexistence.
00:01Il n'y a pas de coexistence sans reconnaissance.
00:10Le problème de la reconnaissance de l'État palestinien,
00:14il se pose depuis déjà des décennies.
00:20Le problème qui se pose est en fait une équation assez simple.
00:25Est-ce que l'on peut plaider la solution à deux États
00:29qui, rhétoriquement, fait quasiment consensus dans la communauté internationale
00:35sans reconnaître la dualité de ces États ?
00:38On assiste peut-être.
00:40Il faut en attendre confirmation, à l'occasion de cette conférence
00:43qui doit se tenir à la fin du mois de juin,
00:45l'aboutissement de ce long processus,
00:48ce qui ne placera pas la France en tête au sein de l'Union européenne.
00:51puisqu'il y a déjà un assez grand nombre d'États de l'Union
00:55qui ont procédé à cette reconnaissance.
00:57Évidemment, le jeu d'Emmanuel Macron, qui est assez risqué et périlleux,
01:02c'est de dire que c'est un avantage donné aux Palestiniens
01:06et selon la vieille règle de l'équilibre des puissances
01:11et de la médiation entre acteurs en situation de rivalité,
01:17il faut compenser chez l'autre.
01:19Emmanuel Macron essaye d'obtenir, en échange de la reconnaissance par la France
01:25à l'État palestinien, la reconnaissance d'Israël
01:28par un certain nombre d'États, notamment du monde arabe.
01:32Ce qui est une fausse symétrie,
01:34parce que la parfaite symétrie de la reconnaissance de l'État de Palestine,
01:41c'est effectivement qu'Israël reconnaisse également l'État de Palestine.
01:46Ce n'est pas que des États tiers viennent à reconnaître cet État.
01:51Et c'est renoué, on en est là, avec le processus d'Oslo
01:55qui avait conduit l'autorité palestinienne, l'ELP à l'époque, à reconnaître l'État palestinien.
02:04Pousser les États arabes à reconnaître l'État d'Israël, je pense en particulier à l'Arabie saoudite,
02:10si en échange Israël ne reconnaît pas l'État palestinien,
02:14c'est un jeu qui n'est pas gagné d'avance.
02:18On voit mal Riyad procéder à cette reconnaissance alors que la société saoudienne
02:23et de toutes les sociétés du monde arabe,
02:25celles dont les sondages montrent que l'opinion publique est la moins favorable à la reconnaissance de l'État d'Israël.
02:31Reconnaître l'État palestinien, ce n'est pas un saut dans l'inconnu
02:42parce que les résolutions prises par l'Assemblée générale des Nations unies en 1947,
02:48je pense à la 181 et à la 194, prévoyaient la création d'un État palestinien.
02:55Que la diplomatie française dit « nous reconnaissons cet État palestinien »,
02:59ce n'est pas vraiment une innovation, ce n'est pas une rupture par rapport aux résolutions auxquelles elle a adhéré.
03:06Par ailleurs, il y a plus de 140 États sur 193 membres des Nations unies
03:11qui ont déjà reconnu l'État de Palestine.
03:14Simplement, ceux qui sont défavorables ou hostiles à cette reconnaissance font valoir,
03:20mais il n'y a pas d'autorité institutionnalisée.
03:24L'autorité palestinienne est pratiquement dans un État de décomposition.
03:28On ne sait pas quelle est la configuration territoriale de cet État.
03:32On ne sait pas qui le gouverne.
03:34Oui, mais il faut quand même répondre à ces objections.
03:37Premièrement, on ne reconnaît pas un État en fonction de ses dirigeants.
03:42Deuxièmement, la configuration de cet État palestinien a quand même été définie par le droit international.
03:49Mais il y a là un repère qui est un repère neutre et évident.
03:53Et enfin, la dernière question, c'est que si l'autorité palestinienne est désinstitutionnalisée,
03:59c'est aussi parce que les accords boursaux n'ont pas été respectés.
04:03Donc, au contraire, toute reconnaissance irait dans le sens d'une normalisation.
04:09Maintenant, effectivement, c'est vrai qu'une reconnaissance vous oblige.
04:14Une fois que l'État palestinien sera reconnu, ceux qui l'ont reconnu devront faire respecter les droits de cette entité à devenir un État souverain.
04:26Et là, il faudra qu'effectivement, le Conseil de sécurité, en particulier, prenne ses responsabilités.
04:31Il y a une véritable évolution de l'opinion publique.
04:41Il y a eu un sondage, je crois que c'était sur la commande de vos confrères de public Sénat,
04:48qui établit que 63% des Français souhaitent une reconnaissance de l'État palestinien
04:54et 74% seraient favorables à des sanctions prises contre Israël.
04:58Donc, il y a une évolution assez forte, assez sensible de l'opinion publique.
05:02Deuxièmement, la diplomatie française est de plus en plus, comme certains de ses alliés,
05:07l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, dans une situation non seulement minoritaire,
05:13parce que je disais qu'il y avait plus de 140 États qui ont reconnu la Palestine.
05:16Et puis, troisièmement, c'est toujours quelque chose de familier quand on analyse les diplomaties et les politiques étrangères,
05:23et en particulier celle de la France, il y a l'idée d'occuper la scène diplomatique.
05:28On est, c'est le moins qu'on puisse dire, dans une crise absolument dramatique au Proche-Orient.
05:33Que la France prenne une initiative est, je dirais, non seulement bon pour la diplomatie française,
05:39qu'elle prenne le leadership d'une initiative pour mettre fin à cette épouvantable tragédie.
05:47La paix, c'est la coexistence. Il n'y a pas de coexistence sans reconnaissance.
05:52Donc, effectivement, la logique de la diplomatie française, c'est de dire,
05:58il faut à tout prix aménager cette coexistence.
06:02Le point de départ de la coexistence, c'est la reconnaissance.
06:05Donc, tout cela fait que la reconnaissance, c'est devenu le premier pas de la paix.
06:12Et tant qu'on ne reconnaîtra pas, eh bien, il ne se passera mieux.

Recommandations