«(SUR)Vivants» : Claire Lajeunie et Fanny sont les invitées de Culture médias

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00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe à 9h31 avec Thomas Hille et vos invités ce matin Thomas.

00:05Oui, je reçois ce matin la réalisatrice et productrice Claire Lajeuny pour son nouveau documentaire Survivant

00:11diffusé demain soir à 21h sur Canal+, documentaire dans lequel, Fanny, vous racontez le drame de votre vie.

00:18Mon histoire, c'est celle d'une centaine d'enfants chaque année, des orphelins de féminicides,

00:25longtemps ignorés par les institutions.

00:26Aujourd'hui, ensemble, on a décidé de parler, parce que parler, c'est exister.

00:34Parler, c'est éveiller les consciences, c'est pousser au changement, c'est forcer la société à nous voir et à nous entendre.

00:41Pour que plus jamais aucun enfant ne se retrouve seul après avoir tout perdu.

00:46Ne plus se retrouver seul alors qu'on a tout perdu.

00:49Et c'est vrai que ce documentaire, il nous montre que derrière les féminicides, il y a d'autres victimes,

00:54des enfants qui, comme vous, Fanny, ont perdu une mère le jour du drame, mais aussi un père.

01:00Parce que vous, votre père, actuellement, il est en prison et je crois que vous ne l'avez jamais revu.

01:05Non, en fait, je n'ai jamais revu, en tout cas, des six dernières années.

01:09Il m'a beaucoup écrit.

01:10Vous ne souhaitez pas le revoir ?

01:11Non, pas du tout.

01:12Pas pour l'instant, en tout cas.

01:13Et il ressortira de prison dans combien de temps ?

01:16Donc, il a été condamné à 23 ans de réclame criminel avec une peine de sûreté de 15 ans.

01:21Mais en fait, la sûreté peut être bougée pour bonne conduite.

01:25Donc là, il a déjà fait 6 ans et demi, 7 ans à la fin de l'année.

01:27Donc, on peut parier sur le fait qu'il a fait la moitié à peu près de sa détention.

01:31Dans 7 ans, il sera dehors.

01:32Et c'est vrai que c'est tout l'intérêt de ce doc, c'est de se rendre compte à quel point ça impacte.

01:37Et ça fait exploser toute la famille, en fait, ces histoires.

01:40Tout à fait. Nous, on avait un noyau qui fonctionnait bien.

01:45J'étais très proche de mes deux parents avec une relation très fusionnelle.

01:48Et puis finalement, tout cela semble assez fragile et peut éclater très rapidement.

01:53Et Claire Lajeunis, je vous avais reçu il y a quelques mois ici pour parler de votre documentaire Vivante

01:57sur les violences faites aux femmes et sur les féminicides.

02:00Est-ce qu'on peut considérer ce doc, Survivant, comme une forme de suite ?

02:05Oui, à la fois c'est une suite et ce n'en est pas une.

02:07C'est-à-dire qu'effectivement, quand j'ai travaillé sur Vivante,

02:10je me suis rendu compte qu'il y avait des enfants et que c'était l'angle mort, en fait,

02:14de ces sujets derrière ces femmes, effectivement, qui étaient disparus.

02:18Il y avait des enfants et moi-même, en réalisant ce premier film,

02:21je n'avais pas réalisé à quel point c'était beaucoup d'enfants qui étaient sur le carreau

02:26avec rien pour eux, jamais.

02:27Donc on a creusé, j'ai rencontré Fanny à cette occasion, il y a un an,

02:31et on s'est dit, et si on faisait un film ?

02:33Et ce doc, il montre vraiment l'isolement des enfants.

02:36C'est ce que vous avez dû traverser, vous, Fanny, en tant que jeune adulte,

02:39avec votre sœur qui était mineure à l'époque des faits,

02:43et dont vous n'avez pas pu avoir la garde.

02:45Vous avez demandé à avoir sa garde, mais ça n'a pas été possible.

02:48Et vous racontez dans ce doc comme ça a été difficile

02:50d'emmener votre sœur dans un foyer.

02:53Pourquoi ? Racontez-nous ce moment-là.

02:56C'est assez terrible, vous êtes la seule qui reste.

02:59Vous êtes l'aînée, donc tout de suite en posture de responsabilité.

03:01Il n'y a plus de parents, il n'y a plus que vous.

03:03Vous aviez quel âge, vous ?

03:04Moi, j'avais 20 ans.

03:0520 ans et 6 mois quand c'est arrivé.

03:07Ma petite sœur allait en avoir 15,

03:09puis en plus, elle a été témoin de ce qui est arrivé,

03:11d'une partie des faits, donc extrêmement traumatisés.

03:14Et puis en fait, un jour, j'ai été contactée par le foyer

03:18qui m'a dit, Fanny, il faut nous emmener votre sœur maintenant.

03:21On n'avait pas de recours, en fait,

03:22que personne dans la famille ne pouvait la prendre.

03:24Moi, j'ai demandé du coup la garde de foie qui m'a été refusée,

03:27au titre que je ne devais pas prendre une posture maternelle avec Candice

03:30et qu'il fallait préserver notre lien de sœur,

03:32ce qui est très beau sur le papier, dans la théorie,

03:34je suis tout à fait d'accord avec ça,

03:36mais qui aurait évité bien des drames, bien des tragédies, des déboires.

03:40Et il a fallu que je l'amène,

03:41puisque le foyer m'a dit, si vous ne l'amenez pas,

03:43les forces de l'ordre viendront la chercher de force.

03:46J'ai voulu nous éviter cette violence-là supplémentaire

03:48et j'ai dû la laisser au foyer en sachant parfaitement

03:50que je l'ai jeté dans la gueule du loup

03:52et je pense que c'est une des choses les plus dures

03:56que j'ai eu à faire dans ma vie.

03:58Et ça a été évidemment très dur aussi pour elle,

04:00des enfants qui passent souvent comme ça,

04:02de foyer, en famille d'accueil.

04:04Vous parlez dans ce doc de violence administrative,

04:06ça aussi on ne le réalise pas,

04:07à quel point c'est compliqué de devoir gérer des tonnes de papier

04:12en plus du choc terrible.

04:14Il est fort ce terme de violence administrative ?

04:15Tout à fait, et pour ceux qui nous écoutent,

04:18il n'est pas du tout exagéré.

04:19En l'occurrence, moi j'étais en troisième année de droit

04:23à ce moment-là.

04:24J'avais pris la décision de me réorienter

04:26en grande école de commerce,

04:27donc j'étais en train de passer un concours.

04:29Il fallait que je trouve une alternance.

04:30Et en plus de ça, ensuite, j'ai géré les notaires,

04:33les mutuelles, les avocats, les assurances.

04:35Je frappais à toutes les portes possibles et imaginables

04:36pour qu'on ait des aides.

04:38Si un jour ma sœur m'avait dit

04:39je veux faire des études,

04:41il fallait pouvoir les financer.

04:42On se retrouvait complètement seul.

04:43Il y a eu des scellés également sur les comptes bancaires.

04:45Donc les premiers mois, c'est comment vit-on ?

04:47Tout ça, c'était extrêmement chronophage.

04:51En tout cas, les six premiers mois,

04:51je n'ai pas touché terre.

04:52J'ai eu beaucoup de chance d'avoir, à l'époque,

04:55la doyenne de la faculté de droit de Clermont-Ferrand

04:57qui a été extrêmement compréhensive

04:58et qui m'a permis de continuer ma scolarité à distance.

05:01Voilà, dans des bonnes conditions.

05:02Alors évidemment, Claire Lajeunis,

05:03c'est très particulier de réaliser un doc comme celui-là.

05:06On voit presque exclusivement des femmes

05:08dans le documentaire.

05:09Le seul homme qui témoigne,

05:11le jeune homme qui témoigne le fait anonymement.

05:14C'est plus compliqué pour les garçons de parler ?

05:17Ça a été compliqué, de toute façon,

05:19quand on s'empare de ce sujet.

05:20Voilà, Fanny, elle m'a confié sa vie

05:22et tous les autres aussi.

05:24C'est pas rien,

05:25parce que là, ils sont survivants,

05:28ils m'ont raconté toute leur histoire.

05:29Comment tomber, raconter des scènes de guerre

05:33et en même temps essayer de faire avancer

05:35pour que ses enfants aient des vrais statuts ?

05:38Ça a été toute la difficulté du film.

05:40Et oui, je voulais absolument un garçon.

05:42J'ai eu beaucoup de mal à le convaincre.

05:43Il a accepté au départ

05:45de témoigner à visage découvert,

05:46puis après, il a fait marche arrière.

05:48Donc, on a retourné des plans.

05:50Il vous a dit pourquoi il avait fait marche arrière ?

05:52Il n'avait jamais raconté son histoire à personne.

05:53C'est la première fois qu'il la racontait.

05:56C'était important pour lui.

05:57Moi, je pense que les garçons

05:59ont plus de mal à se poser en victime.

06:01On le dit d'ailleurs dans le film,

06:02on aborde ce thème,

06:04cette thématique finalement du masculinisme,

06:07de « j'assume pas d'être victime ».

06:09Il nous l'a dit d'ailleurs.

06:10Et en même temps,

06:11il est très fier d'avoir participé à ce film quand même,

06:13parce que son témoignage est essentiel.

06:15Il y a aussi le petit Milo, qui a 4 ans,

06:17qui est un petit garçon qui va très bien.

06:19Quand ses parents sont décédés,

06:22il avait 6 mois,

06:23il était dans cette pièce.

06:24Et c'est ses grands-parents qui l'ont recueilli.

06:26Et voilà, on voit à quel point

06:27l'importance d'un cocon familial

06:31permet à cet enfant,

06:33qui aujourd'hui va très bien

06:34et qui, j'espère, ne se souviendra plus jamais

06:35de ce qui lui est arrivé.

06:36Ça fait partie des moments très touchants de ce doc,

06:39parce qu'ils se disent aussi

06:40qu'à un moment,

06:40il va falloir lui expliquer les choses

06:42à ce petit bonhomme.

06:44Pour vous, Fanny Milité,

06:45comme vous le faites aujourd'hui,

06:47avec d'autres femmes,

06:48j'imagine que c'est une forme de thérapie aussi.

06:50C'est aussi pour ça que vous témoignez.

06:51Il y a une forme de réparation.

06:54Parce que la réparation

06:55ne pourra jamais être complète de toute façon.

06:57On se dit qu'on ne pourra pas empêcher

06:59d'autres femmes de mourir.

07:01On peut par contre essayer de réduire leur nombre

07:02et faire en sorte surtout

07:04que les enfants ne se retrouvent pas lâchés

07:06dans la nature,

07:08seuls.

07:08J'insiste beaucoup là-dessus,

07:10parce que moi,

07:11je me suis retrouvée complètement seule.

07:13On est parti du principe

07:14que j'avais 20 ans,

07:15que j'étais mature,

07:16et que du coup,

07:16j'allais gérer.

07:17Et ce n'est pas possible.

07:20J'ai eu des gens autour de moi

07:22pour m'entourer,

07:22m'encadrer.

07:23J'ai rencontré ensuite l'UNFF,

07:25l'association,

07:26toutes les familles.

07:28On a un groupe

07:28pour échanger avec les jeunes de l'association,

07:30les jeunes orphelins.

07:31On échange beaucoup

07:32et se rendre compte

07:34qu'on n'est pas seul.

07:36C'est l'association

07:37des victimes de féminicides.

07:39Exactement,

07:40l'Union Nationale des Familles de Féminicides.

07:42Et le principe,

07:42c'est vraiment de se rendre compte

07:43qu'on est entouré

07:45par des personnes

07:45qui peuvent comprendre

07:46ce qui nous arrive,

07:47avec un véritable suivi,

07:49avec des conseils juridiques,

07:50administratifs,

07:51tout ce que moi,

07:52je ne l'ai pas eu.

07:53Et on rappelle aussi

07:53qu'il existe un numéro

07:54anonyme et gratuit

07:56pour les femmes

07:56victimes de violences conjugales.

07:58C'est le 3919 Survivants

08:01réalisé par Claire Lajeunis.

08:02C'est avec Fanny

08:04en témoin principal

08:05de ce doc puissant,

08:07intéressant

08:08et qu'on vous recommande.

08:09C'est demain soir,

08:1021h sur Canal+.

08:12Merci beaucoup

08:13à toutes les deux

08:14d'être venues sur ce micro

08:15et bravo pour ce documentaire.

08:17Merci.

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