En 2023, le chiffre d’affaires du commerce équitable a connu une hausse de 1,8 %. Un chiffre révélateur d’une relative bonne santé. Peut-on l’expliquer par une prise de conscience des consommateurs, ou des choix stratégiques des entreprises ? On en parle avec Olivier Canonne, responsable RSE de Sysco France, et Ludovic Brindejonc, directeur général d’Agri-Éthique France. Les deux entités viennent de signer un partenariat.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Générique
00:00On parle du commerce équitable avec Ludovic Brun-Lejon, bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Vous êtes le directeur général d'Agrie Ethique et Olivier Cannon, bonjour.
00:13Bonjour.
00:13Responsable RSE de Cisco France.
00:16On va commencer par poser le décor.
00:18Agrie Ethique, c'est quoi ? C'est un label ?
00:20Agrie Ethique, c'est un label de commerce équitable sur les fières françaises.
00:23Quand vous retrouvez le petit logo Agrie Ethique sur les produits, notamment GMS,
00:30vous avez l'assurance que le producteur est payé à un juste prix pendant trois ans.
00:35D'accord. Et ça concerne à peu près toutes les filières de l'agriculture ?
00:39En effet, ça concerne à la fois les filières végétales et animales et les produits finis.
00:43Ça peut être du pain, de la viennoiserie, ça peut être des galettes, des crêpes,
00:50ça peut être du sel, du pois chiche, du lait.
00:53C'est très diversif.
00:54C'est vraiment très varié.
00:55Exactement.
00:56Cisco France, branche française d'un leader mondial de la distribution de produits alimentaires
01:00et non alimentaires pour les professionnels de la restauration.
01:03Ça veut dire quoi ? Vous êtes un grossiste alimentaire en quelque sorte ?
01:06C'est ça votre métier ?
01:07Exactement.
01:07Alors, on est même en dit sourceur parce qu'on va chercher des produits.
01:11Producteur aussi en partie.
01:12Et puis surtout distributeur de produits alimentaires pour les restaurants.
01:15parce que les restaurants, en fait, il y a toute une diversité de restaurants,
01:19de la restauration commerciale classique, des restaurants du coin de rue,
01:23la restauration collective, les écoles par exemple ou les hôpitaux.
01:27Producteur, parce que ça veut dire que vous produisez aussi à partir de matières premières, c'est ça ?
01:31Tout à fait.
01:31On va en parler.
01:32Justement, on a trois ateliers qui fabriquent des produits, une partie de nos produits,
01:35que ce soit des salades, des produits à base de poissons, des plats cuisinés,
01:40mais aussi des tartes, des feuilletés.
01:43Voilà, toute une gamme de produits qui sont exclusifs et qu'on distribue pour la restauration.
01:49Et donc, si on vous a réuni, c'est parce que vous avez signé un partenariat avec Agri-Étique.
01:54Je vais vous poser la même question avec tous les deux.
01:55Je commence avec vous, Olivier Canone.
01:56Dans quel but ? Pourquoi ce partenariat ?
01:58Alors, il faut rendre à César ce qui est à César.
02:01C'est un de nos fournisseurs qui nous a contactés, enfin, qui ont travaillé depuis longtemps.
02:04C'est l'Atlantique Alimentaire.
02:05qui nous a dit, voilà, on lance des produits Agri-Étique et ça pourrait vous intéresser,
02:11parce que, notamment pour des crêpes salées, ça pourrait tout à fait être pertinent.
02:16Ça, c'était le premier produit, c'est ça ?
02:17Exactement, les premiers produits.
02:18Donc, on a rencontré les deux vies, Agri-Étique, et on a trouvé ça super intéressant,
02:23parce que cette notion de juste rémunération des producteurs,
02:26d'engagement à plus long terme que ce qui se fait classiquement dans les filières de farine ou d'œufs,
02:33ou des choses comme ça, nous a parlé.
02:34Donc, on a beaucoup travaillé pour arriver à trois, finalement,
02:39Agri-Étique, Atlantique Alimentaire et Cisco, arriver à faire ces produits.
02:44Par contre, la petite particularité, c'est que ce n'est pas des produits qu'on a créés,
02:46c'est finalement des produits que Atlantique Alimentaire fabriquait pour nous,
02:50qu'on a passés avec des matières premières agri-éthiques.
02:52Donc, c'était un challenge, parce que finalement, c'était des produits qui étaient déjà bien implantés,
02:57qu'on a fait passer à Agri-Étique, avec le discours de valeur qu'il y avait derrière,
03:01mais aussi un petit surcoût qu'il a fallu expliquer, bien sûr, à nos clients qui achetaient déjà ces produits.
03:05Et évidemment, Ludovic Brungeon, qu'est-ce que ça représente de signer un partenariat comme celui-là ?
03:09Alors, c'est à la fois majeur et remarquable.
03:14C'est-à-dire qu'un acteur aussi important que Cisco s'engage dans le commerce équitable
03:18sur des contrats à trois ans pour mieux rémunérer les producteurs, c'est génial, en fait.
03:24Et donc, l'intérêt, c'est que les œufs et le blé qui va permettre de fabriquer la farine
03:32pour les produits finis, la crêpe, vont être payés justement sur un prix rémunérateur pour les agriculteurs.
03:38Et l'engagement dans la durée est extrêmement important.
03:43C'est ce que j'allais vous poser. Pourquoi trois ans, c'est important ?
03:45Alors, pourquoi trois ans ? C'est que ça permet à l'agriculteur d'avoir plus de visibilité.
03:50Alors, déjà, visibilité sur son prix, donc ça va lui permettre d'investir,
03:55mais aussi plus de visibilité pour envisager éventuellement une transition environnementale derrière.
04:00Oui, effectivement. Et alors, ce partenariat, c'est le point de départ ?
04:02C'est-à-dire qu'il y a d'autres produits que vous allez labelliser comme ça, Agri-Étique, c'est ça ?
04:07Complètement. Donc, ça a été ce point de départ avec un autre fournisseur.
04:10Et c'est vrai que, comme nous, je le disais, dans un autre atelier, on fabrique des tartes et des feuilletés.
04:15Assez logiquement, on s'est dit que ça pourrait être intéressant de poursuivre la démarche.
04:20Ce n'était pas histoire de lancer quelques produits Agri-Étique et puis de s'en arrêter là.
04:23L'idée, c'est de construire un effet de gamme, de pouvoir communiquer dessus,
04:26parce qu'il faut expliquer à nos commerciaux, qui eux-mêmes expliquent aux restaurateurs,
04:30cette logique de commerce équitable nord-nord.
04:33Donc, on va poursuivre le développement.
04:34Il y a des lancements qui sont prévus très prochainement sur d'autres produits.
04:37Oui, le commerce équitable, vous dites nord-nord,
04:40parce que ça ne concerne pas seulement les produits qui viennent de très loin
04:43et des pays du sud. J'imagine que c'était ça la référence.
04:47Est-ce que, justement, c'est un argument que vos clients,
04:50c'est-à-dire les restaurateurs, utilisent de plus en plus, vous avez dit,
04:54de leurs propres clients ? Vous voyez ce que je veux dire ?
04:55Est-ce que le client final du restaurateur, il sait qu'il y a un label agri-éthique quelque part ?
05:00Vous pointez du doigt une des difficultés.
05:02C'est que, quand on va manger au restaurant, on n'a pas les labels sous les yeux.
05:05On ne sait pas forcément d'où viennent les produits que l'on mange.
05:09Donc, c'est une des difficultés.
05:10Mais, par contre, de pouvoir leur expliquer et qu'eux-mêmes, progressivement,
05:13puissent le mettre en avant, ça, c'est quelque chose qui est intéressant.
05:17Puis, il y a un autre argument, il ne faut pas le cacher.
05:19Dans toute la restauration collective, ça les intéresse aussi,
05:22parce que vous savez qu'ils doivent servir un certain nombre de produits.
05:26On va parler de l'aiguillon réglementaire.
05:29Exactement, l'aiguillon réglementaire.
05:30Et ça, c'est vrai que c'est un point intéressant pour ces produits issus du commerce équitable.
05:33Est-ce que, si on regarde un petit peu dans le rétroviseur, Ludovic Brungeon,
05:37les agriculteurs de 2025, ils gagnent mieux ou moins bien leur vie
05:41qu'on va remonter un quart de siècle en arrière, début du XXIe siècle ?
05:47Ça s'est amélioré, ça s'est aggravé ?
05:48C'est compliqué.
05:49Parce que ça dépend des métiers, ça dépend des...
05:51C'est compliqué, ça dépend des métiers, ça dépend des exploitations,
05:54ça dépend des filières, ça dépend des territoires.
05:57C'est important, ça me permet de faire le lien avec le prix agriétique.
06:02Notre prix, il est différent d'un territoire à l'autre pour une même matière première.
06:07Parce que vous avez ce qu'on appelle des exploitations qui sont 100% serralières,
06:12d'autres qui font de la polyculture élevage.
06:14Donc, obligatoirement, le prix qui est basé sur les coûts de production
06:19n'est pas le même d'un territoire à l'autre.
06:20Donc, la question, en effet, n'est pas simple.
06:23Par contre, ce qu'on constate, c'est que dans le cadre d'agriétique,
06:26vous savez, les prix sont déconnectés des marchés financiers.
06:29Ça, c'est extrêmement important.
06:30C'est un peu technique, mais c'est extrêmement important.
06:32Parce que quand les marchés financiers,
06:34quand le prix sur les marchés financiers des matières premières est bas,
06:37l'agriculteur ne vit pas de son métier.
06:38Et quand ce prix est trop haut, c'est le consommateur qui est impacté.
06:43Dans le cadre d'agriétique, c'est un modèle en parallèle.
06:46Comme on est sur un prix bas de coût de production, plus une marge,
06:49on ne va pas être pénalisé par la volatilité, par la variation.
06:52Ça lisse la volatilité.
06:55Exactement, ça lisse la volatilité.
06:57Et c'est vrai que j'aime bien dire,
06:58quand Trump fait des annonces sur les taxes douanières,
07:02nous, ça n'a aucun impact sur les prix payés aux agriculteurs
07:06qui sont engagés en agriétique.
07:07Et là, vous faites rêver beaucoup d'entrepreneurs
07:09qui ne sont pas dans ce cas aujourd'hui,
07:12avec les incertitudes commerciales liées au retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.
07:16Quelques chiffres, l'Observatoire du commerce équitable nous dit
07:18que le chiffre d'affaires 2023 pour l'ensemble des produits équitables
07:22est en hausse de 1,8% malgré une baisse générale
07:25de la consommation alimentaire de près de 5%.
07:28C'est une relative bonne santé, relative, mais comment vous l'expliquez ?
07:32Même si je me permets de faire le parallèle avec l'agriétique,
07:36parce qu'on a dévoilé nos chiffres dernièrement,
07:38nous, on a une augmentation de plus 75% de notre chiffre d'affaires.
07:41On l'a ce chiffre, chiffre d'affaires 911 millions en 2020.
07:44On est passé de 520 millions d'euros à 911 millions de CA de vente conso.
07:50Alors, il y a plusieurs raisons.
07:52D'une part, parce que le consommateur, je dirais,
07:56est sensible à cette problématique de juste rémunération des agriculteurs.
08:01Et l'autre point important, c'est que les acteurs qui s'engagent en Agritix,
08:05c'est des engagements de marques ou des engagements d'entreprises,
08:08des engagements stratégiques.
08:09Donc, tout de suite, ça brasse des volumes importants.
08:12Je ne sais pas si on l'a vu, ce chiffre.
08:14Donc, 911 millions d'euros 2024, hausse de 75%.
08:18Vous travaillez, Olivier Cannon, avec les exploitants sur le concept d'indice de régénération.
08:26De quoi il s'agit et pourquoi c'est important ?
08:27Alors, c'est intéressant parce que, justement, au-delà de cette notion de commerce équitable,
08:30donc de juste rémunération, c'est vrai qu'on se dit,
08:32bon, on permet à l'agriculteur de mieux en vivre,
08:35mais aussi, c'est important, c'est d'avoir des éléments pour développer, pour investir.
08:39Et notamment sur ces aspects d'investissement,
08:42ce qui nous semblait hyper intéressant dans la démarche agri-éthique,
08:44c'est qu'ils ne se sont pas arrêtés à l'aspect, entre guillemets, social et économique.
08:47Ce qu'ils ont dit aussi, on va accompagner les agriculteurs
08:50pour financer la transition écologique vers d'autres pratiques agro-écologiques.
08:56Et notamment, cet indice de régénération est un des éléments
08:58vers lequel agri-éthique accompagne les agriculteurs.
09:02Donc ça, c'est un point aussi qui est important pour nous,
09:03c'est que c'est le triptyque du développement durable,
09:06le social, l'économique, mais aussi des questions environnementales.
09:08Est-ce que vous essayez d'appliquer aussi ces principes
09:11à des produits qui viennent de beaucoup plus loin ?
09:14Alors, c'est plus compliqué, parce que c'est la source des informations.
09:18Tous ces éléments-là se basent sur des données.
09:21Et c'est vrai que plus les produits viennent de loin,
09:23globalement, plus c'est compliqué d'obtenir des données
09:25sur les modes de production, etc.
09:28Par exemple, le label bio, par exemple, existe partout dans le monde,
09:31le organic.
09:31Mais c'est vrai que les critères, les principes sont les mêmes.
09:36Dans certains pays où il n'y a pas forcément les contrôles
09:38derrière ces réglementations, ça fait en effet des labels
09:42qui ont parfois des géométries variables,
09:44même si globalement, on va dire que ça va dans le bon sens.
09:46Mais il faut quand même être attentif à cette notion d'écart,
09:50parfois, entre les critères.
09:51Il nous reste 2 minutes 30 pour conclure ce débat.
09:55On va effectivement ouvrir ce chapitre que vous évoquiez tout à l'heure
09:57sur la réglementation.
10:00Il y a les lois EGALIM, il y a la loi Climat et Résilience,
10:04Ludovic Brun de Jean.
10:06À quel point ça a été un accélérateur ou pas,
10:09ou insuffisant pour le commerce équitable,
10:12pour la rémunération notamment des produits ?
10:13C'est très clair.
10:14La loi Climat et Résilience, et notamment la loi Pacte 2019,
10:18est venue protéger le terme équitable
10:21pour éviter ces démarches de greenwashing,
10:24de justes rémunérations,
10:26où il n'y a pas de garantie apportée par un label.
10:29Et la loi EGALIM est venue envoyer un signal quand même positif,
10:33même si on sait qu'il y a encore des améliorations apportées.
10:36L'intérêt, c'est d'inciter les acteurs de la restauration hors foyer
10:41à acheter des matières premières sur le principe,
10:45notamment du commerce équitable agritique.
10:47Donc, c'est 2 voies, 2 axes réglementaires
10:50qui sont extrêmement positifs
10:51et qui sont venues, en effet, développer notre label agritique sur le territoire.
10:55Vous voyez l'effet d'accélération, Olivier Cannon ?
10:58Oui, très clairement.
10:59Parce que cette loi EGALIM,
11:01qui s'applique à toute la restauration collective,
11:03est un incitatif à toute la restauration collective
11:07pour acheter des produits de qualité supérieure.
11:10Après, la difficulté, c'est qu'on parle de la belle rouge,
11:13on parle de bio.
11:13C'est un surcoût qui est parfois très élevé.
11:16Et pour certaines restaurations, c'est un peu compliqué.
11:19Et donc, notamment le commerce équitable
11:20ou d'autres approches peuvent permettre d'avoir ces produits EGALIM
11:24avec un moindre surcoût, on va dire,
11:27que les produits vraiment de qualité premium
11:28qui sont couverts par EGALIM.
11:30Donc, finalement, oui, c'est un vrai élément de développement
11:33d'agritique et d'autres labels comme ça
11:36qui, sérieusement, en effet,
11:39basés sur des critères labels, certifications,
11:41permettent d'avoir ces produits accessibles pour EGALIM.
11:46Dernier mot.
11:47Au moment où on enregistre cette émission,
11:48il y a des agriculteurs qui manifestent devant l'Assemblée nationale
11:51pour que, on va dire,
11:54le texte du plomb, la loi du plomb, soit bien votée.
11:58Je ne vais pas rentrer dans le détail de la bagarre parlementaire,
12:02mais ça vous semble un mouvement justifié ?
12:05Alors, de toute façon,
12:07les agriculteurs ont besoin de se faire entendre.
12:10Le problème qu'on a,
12:11je l'évoquais tout à l'heure avec Olivier,
12:13c'est qu'en tant que consommateur et citoyen,
12:17on veut manger local,
12:19on veut de la souveraineté alimentaire,
12:21on veut de la transition,
12:25on veut rémunérer au juste prix l'agriculteur.
12:30Et de l'autre côté,
12:31on importe des produits
12:33qui ne respectent pas les mêmes règles.
12:34ça ne peut pas fonctionner.
12:37Donc nous, ce qu'on préconise,
12:39et c'est ce que disait notamment Olivier,
12:41ce qu'on préconise déjà,
12:42c'est de se mettre d'accord sur le pilier économique,
12:44sur la juste rémunération.
12:45Une fois que tous les acteurs
12:47seront en accord sur des contrats à 3 ans, à 5 ans,
12:50on a même des contrats à 10 ans,
12:51nous, dans les filières poules pondeuses.
12:54Après, on pourra parler d'environnement
12:56et envisager la transition.
12:58Merci beaucoup.
12:59Merci à tous les deux
13:00et à bientôt sur Bsmart4Change.
13:02On passe tout de suite à notre rubrique Smart Ideas.