Lundi 2 juin 2025, retrouvez Olivier Sibenaler (Partner & Managing Director (turnaround & restructuring), ALIXPARTNERS) dans SOMMET DES LEADERS DE LA FINANCE, une émission présentée par Mathieu Meffre.
00:00Nous poursuivons cette série d'entretiens pour la quinzième édition du sommet des leaders de la
00:09finance, le rassemblement des DAF. J'ai le plaisir d'accueillir Olivier Sybnaler à côté de moi qui
00:16est dans la famille des experts reconnus dans le restructuring et le turnaround. Je demande
00:20Alix Partners et le partner MD en charge du turnaround et du restructuring à Paris. Bonjour
00:26Olivier. Bonjour Mathieu. C'est beaucoup d'honneur. C'est beaucoup d'honneur mais partagé. On se voit
00:33aujourd'hui parce qu'on parle beaucoup de finance, on a parlé d'IA, de SG, de M&A, de géopolitique. Je
00:39l'ai dit, toi ton expertise c'est le restructuring, le turnaround et en préparant cette émission on a
00:45un petit peu creusé dans les private assets. Donc là on parle du monde du private equity, de ce qui est
00:50en train de se passer dans finalement la convergence de plusieurs facteurs. La top line c'est compliqué,
00:56la bottom line c'est compliqué. Or les covenants existent. Quand on a un peu l'Evredger sa boîte ou
01:03sa participation, ils existent et donc il faut trouver des solutions. On parle de restructuration
01:09financière, de marge de manœuvre et je crois que tu as perçu quelques tendances. En fait absolument,
01:15ça concerne le marché, ça concerne aussi mon métier qui est en train d'évoluer. Je pense que dans 18 mois ou dans
01:1924 mois on travaillera plus de la même façon dans le monde des cabinets de restructuration en France.
01:24Il y a deux choses. D'abord il y a un fait de marché et puis il y a une évolution légale. Mais parlons
01:31du fait de marché d'abord. C'est ce que tu évoques. Il y a beaucoup de sociétés financement privé,
01:36typiquement private equity, qui se sont financées en 2021 quand les leviers étaient très élevés.
01:43L'argent était facile, les leviers étaient élevés, les entreprises value étaient élevées. Parfois refinancées
01:48en 2022, cette fois-ci avec des taux d'intérêt élevés donc coûteux. Puis elles arrivent en post-Covid
01:54en 24 ou en 25 avec une performance en matière de débit de DAC qui a tendance à baisser à cause
01:59du ralentissement économique. Donc c'est des entreprises qui ne font pas face à des sujets
02:04de maturité de dette mais à des sujets de liquidité. Donc une baisse des free cash flow,
02:08des leviers extrêmement importants. Donc c'est des entreprises qui font face à des enjeux de
02:14de remboursement des intérêts qui dépassent leur capacité en matière de liquidité.
02:19Alors même qu'un BP ambitieux de boîte sous LBO nécessite a priori un peu de cash flow quand même
02:23d'investissement. Exactement mais après on ne peut pas aller contre la réalité du marché et donc
02:28c'est des sociétés qui aujourd'hui font face à un sujet de liquidité. C'est des animaux qui pèsent,
02:33quand on observe le marché aujourd'hui, entre 1 et 3 ou 4 milliards d'euros. Donc c'est déjà des belles
02:39entreprises. Jusqu'à présent la restructuration comme tu le sais en France était quand même très
02:43pro débiteur et ça attirait assez peu les financiers, les fonds de dette étrangers qui
02:52étaient un petit peu inquiets des incertitudes juridiques qui prévalent en France, qui prévalaient
02:57pour la restructuration financière. Je suis désolé, sur 100 points c'est important les gens qui nous
03:01rencontrent, qui nous écoutent pardon, n'ont pas tous l'habitude d'évoluer dans le restructuring.
03:05Jusqu'à la directive européenne, on avait un juge qui prenait des décisions sur la base de trois
03:12piliers dans l'ordre prioritaire. Un, l'intérêt de la boîte et la poursuite de l'activité. Deux,
03:16les salariés et l'emploi. Trois, les créanciers. Ça a changé. Alors là je parle de tout ce qui se passe
03:23en amont si tu veux. Là on est sur un procès qui n'est pas judiciarisé. L'amiable. L'amiable. Donc c'est en fait
03:31une disposition nouvelle qui est apparue avec la loi sur les classes de partis affectés, dont on
03:37commence à voir bien l'intérêt aujourd'hui, qui permet un cram-don, donc imposer à des créanciers
03:43qui seraient un petit peu dissidents, un schéma de restructuration financière qui est agréé au plus
03:48grand nombre. Ce qui fait que ça limite considérablement l'incertitude juridique. Et alors de fait ça attire
03:54des spécialistes de la dette, que sont les fonds de dette anglo-saxons, qu'on voit aujourd'hui très nombreux sur
04:00cette situation de financement privé avec des sponsors qui sont des fonds de private equity.
04:08Qui ne sont pas des opportunistes de la dernière heure, qui existent depuis 40-50 ans. Qui sont là pour
04:12faire leur métier. Et on est allé les chercher parce qu'on avait besoin de des structures sérieuses qui
04:16rentrent par la dette. Absolument, absolument. Et alors en plus aujourd'hui, si tu veux, il y a une
04:20opportunité pour eux qui est assez particulière, qui est que non seulement ce sont des sociétés dont on
04:25parle qui sont, qui ont un problème de liquidité. Mais en plus, on enregistre aujourd'hui une certaine
04:31baisse des leviers. Ce qui fait que quand ils doivent se refinancer, on observe que l'equity se
04:36retrouve très souvent en dehors de la monnaie. Ça veut dire que les créanciers, les fonds de dette
04:40qu'on évoque là en ce moment, ont la possibilité à la faveur d'un swap, debt ou equity, de prendre les
04:44clés de l'entreprise. Donc toutes ces situations qu'on observe aujourd'hui, qui vont je pense se révéler dans les 16,
04:51et il y en a déjà aujourd'hui qui sont matures, je dirais entre 6 et les 18 prochains mois, vont
04:56permettre à des hedge funds ou à des fonds de dette anglo-saxons de pénétrer le marché français, de
05:01prendre des clés d'une entreprise, swap, debt ou equity, de la restructurer puis de se retirer. Alors
05:07pour nous, évidemment, ça change considérablement notre métier parce que ça veut dire quoi ? Ça veut
05:10dire que d'abord chez Alixpartner, on peut aider ces créanciers et dans un esprit consensuel d'ailleurs
05:17avec l'entreprise et avec le sponsor pour construire le plan de restructuration, crédibiliser ce plan,
05:22construire le business plan, gérer le cash, tout ça dans la période transitoire de la négociation,
05:27conciliation, accelerated self-guard. Et puis après, évidemment, ces fonds de dette n'ont pas
05:32vocation à rester durablement dans l'entreprise, ils ne sont pas opérateurs industriels, ils n'ont pas
05:37de CEO, etc. Donc on a vocation à intervenir en 6 euros plus une team de consultants. Parce que le debt to equity swap,
05:43swap, la dernière R, c'est 11, 12, 13, 2011, 2012, 2013, 2010 même déjà. On en parlait beaucoup à l'époque,
05:50je me souviens, j'étais jeune journaliste et je t'avais écouté en parler. Là, donc on est vraiment sur le debt to equity
05:55sable qui revient. Juste parce que les gens qui nous écoutent n'ont pas forcément tous les jours non plus
06:00l'occasion de parler d'Edge. Donc l'Edge, l'intérêt stratégique d'un Edge, c'est de rentrer par sa porte d'entrée
06:08qui consiste à la dette, de cliner, de nettoyer une situation financière, de mettre de la new monnaie.
06:14Exactement. Parce qu'on n'est pas là pour casser l'actif, on est là pour le revendre derrière.
06:18Tout comme un fonds d'investissement classique. Et donc, au regard à la faveur d'un dispositif
06:24réglementaire qui clarifie, qui baisse les incertitudes, permet au Edge de revenir en force en 2025.
06:31Et du coup, comme tu le disais, 6-18 prochain mois, il y a combien ? Tu estimes à combien de situations possibles ?
06:37Écoute, moi je pense qu'aujourd'hui, des situations très visibles avec des entreprises qui font plus d'un milliard d'euros
06:44de chiffre d'affaires, il y en a une grosse douzaine. Et après, on va voir qu'il y a des cas d'entreprises
06:51qui font 200 ou 300 millions de chiffre d'affaires. Je pense qu'il y en aura pas mal dans les portefeuilles aussi.
06:55C'est sûr que le millésime viticole 21, on s'en souviendra peut-être plus que de celui du PE parce que c'était le haut de la courbe.
07:03Exactement. Le haut de la courbe sur l'investissement et ensuite hausse des taux d'intérêt et ensuite baisse de la performance économique et puis baisse des leviers maintenant.
07:12Et sinon, côté operations, parce qu'aujourd'hui tu vas sur un panel, donc on a parlé restructuration financière, tu vas parler de fix and close,
07:20donc qui est vraiment une offre à part entière dans ton métier qui consiste à mettre au carré les choses avec le temps nécessaire pour le faire
07:28avant de pouvoir éventuellement céder ou relever de l'argent ou se préparer pour une mise en marché.
07:33En fait, on est là sur un contexte complètement différent. Il n'y a pas de sujet financier.
07:39On parle de business unit, de périmètre à l'intérieur de grands groupes. On parle même d'usines.
07:45Donc, il y a un groupe qui fait les fins de mois. Il n'y a pas de sujet de restructuration financière. Par contre, ça perd de l'argent.
07:50Et qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on continue à investir dedans ? Ou bien est-ce qu'on se sépare de ce périmètre ? Ou bien est-ce qu'on le ferme ?
07:57Et si on le ferme, c'est seule vente ou une seule vente. Donc, il y a toute une combinatoire. D'abord, il faut décider.
08:01Ensuite, il y a une timeline compliquée avec plan A, plan B, plan C, contingency plan. Qu'est-ce qu'on fait si la vente ne se passe pas bien, s'il n'y a pas de clients, etc.
08:09Donc, paf, il faut pouvoir changer. Il faut être assez habile pour changer de cap. Et tout ça sous la contrainte très forte du calendrier social.
08:16Parce qu'il faut faire ça, évidemment, en respectant tous les infos mémos et tout ça.
08:22Oui, et puis les nécessités d'information et de consultation auprès des...
08:27Des OSP, des ORP, des organismes de représentation du personnel, etc.
08:32Donc, c'est des processus qui sont très complexes, qui mobilisent à la fois des compétences opérationnelles, financières, cash, social, procédures collectives, distress et méné,
08:41qui durent entre, je dirais, 9 et 18 mois et qui permettent à un grand groupe, à la faveur des revues de portefeuille qu'ils font régulièrement,
08:49de se séparer de périmètres qu'ils considèrent comme étant sous-performants.
08:52Allez, dernière question, parce que tu nous as longtemps parlé des boîtes 1 milliard, 4 milliards, on va dire des belles ETI.
08:58Là, tu nous parles des grands groupes. Est-ce que le carnet de commande de votre côté, c'est pas pour avoir une mauvaise curiosité ou une curiosité déplacée,
09:07mais le carnet de commande sur le fix and close, comprendre là-dedans la situation des grands groupes qui cherchent des solutions par rapport à des BU,
09:13le carnet de commande chez vous est important, c'est booming ou au contraire vous vous concentrez plus sur de la restructuration financière ?
09:19Non, non, c'est toujours booming. C'est une activité, je dirais, qui est extrêmement régulière chez nous.
09:25L'an dernier, on a dû faire 4 ou 5 opérations. Cette année, il y en a 3 qui sont en cours.
09:30Déjà ?
09:31Oui, oui, oui. Et qui prennent un certain temps à mettre en œuvre.
09:34Et les restructurations financières, j'évoquais, ça va être on the top.
09:38Et c'est intéressant parce que ça permet de déployer d'autres compétences telles que, par exemple, l'intérim management.
09:44Il se trouve que chez Alex Partner, on a racheté il y a deux ans une société qui s'appelle THM,
09:47qui est spécialisée en intérim management avec des cas de très haut niveau qui sont d'anciens CEOs, etc.
09:52Donc, quand on les accompagne avec une équipe de consultants, ça fait…
09:55Tu prennes le mandat social aussi ou plutôt intérim management ?
09:57Ça dépend des contextes.
09:58Tu peux proposer à quelqu'un qui prend le mandat ?
10:01Exactement.
10:02Ça dépend des contextes.
10:03Alors, en France, on regarde ça avec beaucoup d'attention.
10:06Il y a des pays, c'est plus facile que d'autres.
10:08Ça dépend des enjeux.
10:09Voilà.
10:10Merci infiniment Olivier Sybnaler d'avoir pris ces quelques minutes.
10:12Je sais que tu cours sur un dossier après.
10:14On était à la 15e édition du Sommet des leaders de la finance avec Olivier Sybnaler,