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  • 30/05/2025
Isabelle Autissier, première femme à avoir accompli un tour du monde à la voile en solitaire et présidente d’honneur de la fondation WWF France, était l'invitée de France Inter vendredi 30 mai. Elle est l'auteure de “La fille du grand hiver”, aux éditions Paulsen.

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Transcription
00:00France en Terre, Alibadou, Marion Lourdes, le 6-9
00:06Grand entretien ce matin avec Marion Lourdes, nous avons le bonheur de recevoir une immense navigatrice,
00:13présidente d'honneur de la fondation WWF France.
00:17Elle est écrivaine et elle publie La fille du grand hiver,
00:21un roman sur la vie d'une jeune femme, une jeune inuite née dans le Grand Nord.
00:26Elle sera la première à partir en expédition du Groenland jusqu'aux Etats-Unis,
00:32à la rencontre des peuples au-delà de la mer.
00:36C'est formidable et ça vient de paraître aux éditions Paul Sen.
00:39Bonjour Isabelle Autissier.
00:41Bonjour.
00:41Et bienvenue sur France Inter.
00:43Vous pourrez dialoguer avec nos auditeurs dans un instant au 01 45 24 7000 au standard
00:49ou sur l'application de Radio France.
00:52Votre roman Isabelle Autissier est inspiré d'une histoire vraie,
00:56et on la découvre, cette histoire, celle d'Arna Rouloun Gouac qui est cette jeune femme.
01:03Elle est née au début du XXe siècle, en 1921.
01:06Elle part en expédition avec un explorateur danois, Rasmussen.
01:11Vous allez nous la raconter, cette aventure.
01:14Mais d'abord, qui était cette fille du grand hiver
01:17et pourquoi avoir voulu raconter son histoire ?
01:20C'est un personnage incroyable.
01:24C'est une jeune femme qui naît dans le grand grand nord du Groenland
01:29et elle naît dans un igloo.
01:30Elle doit devenir, au fond, femme de chasseur.
01:33C'est un destin commun.
01:35Et elle va avoir un destin absolument hors du commun pour différentes raisons.
01:39Peut-être à cause d'un traumatisme de son enfance
01:42où elle devrait mourir et finalement elle échappe à la mort.
01:46Et elle dit, et ça on sait qu'elle l'a dit,
01:48« Je suis née deux fois ».
01:49Et cette deuxième vie, on sent qu'elle veut la remplir.
01:52Elle est visiblement extrêmement intelligente,
01:54très curieuse de tout, très déterminée.
01:57Et c'est ce qui va lui valoir,
01:59ce qui est tout à fait étonnant à cette époque-là,
02:02d'accompagner seule, alors que son mari vient de décéder
02:05et qu'elle aurait dû rester à la maison en quelque sorte,
02:07d'accompagner Rasmussen l'explorateur.
02:10Alors justement, votre livre, il faut parler de cette scène inaugurale
02:14puisqu'il s'ouvre sur un moment absolument terrible.
02:17Le père de famille est parti à la chasse au phoque
02:20et il ne reviendra pas.
02:22La nuit polaire s'est abattue.
02:24Ils n'ont plus de quoi se nourrir.
02:26Et selon la tradition, il faut sacrifier la plus jeune de la famille
02:30pour que les autres conservent une petite chance de survivre.
02:34C'est son frère qui va lui sauver la vie.
02:38Et vous dites, qu'est-ce que cet enfant-là a de plus
02:41si ce n'est une soif inextinguible de vivre ?
02:45D'avoir accepté la mort lui rend chaque instant de vie exaltant et précieux.
02:50Elle se souviendra de cet épisode de son enfance,
02:53vous le disiez, comme d'une seconde naissance.
02:55Mais à quoi ressemblait la vie dans ce grand nord, Isabelle Otissier ?
03:00Dans ce lieu qui sera rebaptisé Tullet.
03:04Vous dites que c'était une vie de pénurie, mais pas seulement.
03:08Oui, c'était une vie difficile parce qu'on vivait uniquement de la chasse.
03:12Et c'était compliqué de chasser.
03:15On chassait avec des lances, on chassait avec des harpons.
03:19Il n'y avait pas toujours à manger.
03:21Mais en même temps, c'était une vie très joyeuse.
03:24On a beaucoup de témoignages.
03:25Ils adorent faire la fête.
03:26Ils adorent discuter entre eux.
03:28Ils aiment bien l'hiver parce que l'hiver, on est un peu plus tranquille.
03:31Et on a le temps d'aller les uns sur les autres.
03:34Il y a une vieille qui ricane.
03:36Elle raconte des blagues, en tout cas lapant, en riant, en crachant et en ronchonnant sur des idées idiotes.
03:43C'est assez frappant, en fait.
03:44Ce mélange entre l'austérité, la dureté de la vie pour ces Inuits.
03:49Et d'un autre côté, cette vie qui les maintient, mais solaire au milieu de la nuit polaire.
03:57Alors, je pense que ça leur permet de tenir, évidemment.
04:00On ne peut pas rester tout seul.
04:02On ne pourrait pas imaginer une famille qui vivrait dans son coin.
04:05Forcément, ils ont besoin d'être ensemble.
04:08Et cette joie de vivre, et cet amour de leur pays, et cet amour des bêtes sauvages,
04:13même s'ils sont obligés de les tuer, cet amour de la nature, c'est aussi ça.
04:17Parce qu'ils sont dedans.
04:18On pourrait se dire, mais pourquoi ils ne sont pas descendus vers le sud pour aller dans des endroits plus faciles ?
04:23Non, ils sont bien là.
04:24Ils sont heureux là.
04:25C'est leur pays.
04:26Vous parlez des bêtes sauvages, d'ailleurs, ils les remercient à chaque fois qu'ils sont obligés de les sacrifier pour manger.
04:31Ce que vous faites aussi en écrivant ce récit, La fille du grand hiver, c'est un peu une œuvre de justice.
04:36Parce qu'elle est importante, on le disait, cette femme, c'est la première qui a traversé le passage du Nord-Ouest,
04:41qui a rejoint l'Alaska.
04:43Elle a eu un rôle en tant que femme assez extraordinaire.
04:46Et pourtant, elle a été invisibilisée pendant un moment, parce que femme, parce qu'Inuit aussi.
04:51Oui, parce qu'en fait, les explorateurs européens, américains, avaient besoin des Inuits.
04:57Ils étaient incapables de survivre, en gros, dans le Grand Nord.
04:59Mais ils faisaient l'intendance.
05:00Mais les Inuits, c'était un peu le décor.
05:04C'est-à-dire qu'on les emmenait pour vous aider.
05:07Et puis, de temps en temps, on racontait des petites anecdotes.
05:09Et puis, on s'amusait parce qu'on les trouvait un peu ridicules, etc.
05:12Et puis, les femmes Inuits étaient interdites de partir seules avec un explorateur européen.
05:16Bien évidemment.
05:17Les femmes Inuits, elles étaient quand même très soumises à leur mari.
05:20À partir du moment où elles étaient mariées, enfin en tout cas en couple.
05:24Et donc, elles partaient parfois en expédition avec le mari.
05:27Il y en a un qui faisait la chasse et l'autre qui faisait manger.
05:29C'est ce qui se passe pour elle au départ.
05:31Et puis, il tombe malade, il meurt et elle continue.
05:33Alors ça, c'est un épisode qu'on sait, parce que Rasmussen l'a raconté.
05:37Son mari va mourir quelques jours avant le départ de l'expédition.
05:40Il va proposer à Arnarulungwa de rester à terre.
05:43Il va lui dire, je te donne un petit pécule, tu vas te débrouiller à terre.
05:46Et elle, elle dit non.
05:47Elle a cette phrase extraordinaire.
05:48Elle dit, jusqu'à maintenant, vous vous êtes toujours aidé.
05:49Maintenant, c'est toi qui vas m'aider.
05:51Et tu vas m'aider en m'emmenant.
05:52Parce qu'elle a cette soif de faire ce voyage, de comprendre.
05:57Elle a compris que c'était un peu ses ancêtres.
06:00Les Inuits canadiens sont arrivés à peu près de Nantes.
06:02Elle voulait rencontrer ses ancêtres vivants, écrivez-vous.
06:05Elle savait que son peuple était venu de l'ouest du Canada.
06:09Rasmussen, donc l'explorateur, qui connaissait son courage, sa ténacité, sa grande intelligence,
06:15a accepté qu'elle l'accompagne.
06:17Knud a éveillé en elle le désir d'aller voir ailleurs.
06:20Mais c'est une sorte de carnet de retour au pays, de ses origines.
06:25Mais un voyage qui va durer plus de trois ans jusqu'aux Etats-Unis.
06:29Oui, c'est un voyage absolument incroyable.
06:32Donc on est au milieu des années 20.
06:35Tout ce voyage se fait en traîneau à chien, bien sûr.
06:38On n'a pas de carte.
06:39On ne sait pas où sont les gens, les villages.
06:42On est quand même dans un univers extrêmement hostile pour les humains, en tout cas.
06:47Donc jour après jour, c'est incroyablement compliqué.
06:50Et je pense aussi qu'en tout cas Rasmussen, c'est sûr, ça les excite un peu d'aller comme ça, dans cette aventure totale.
06:57C'est comme ça que vous le décrivez, en tout cas.
06:59Il a l'air vraiment enthousiaste, même à l'idée de prendre, y compris de prendre des risques.
07:03Oui, il aime bien ça.
07:05Rasmussen, il a des origines inuites.
07:06C'est pour ça qu'il s'entend très bien avec ses peuples.
07:09Et il adore ça.
07:10Il adore le traîneau, il adore le froid, il adore...
07:14Et donc il se sent vraiment vivant quand il est avec les inuites.
07:18Mais lui, il est mélangé.
07:19C'est intéressant aussi ce que vous racontez.
07:20C'est en quelque sorte l'irruption de la vie occidentale à Tullé, dans le village d'où ils partent à l'origine.
07:26Le commerce, les objets, il y a une sorte de supérette qui ouvre.
07:29Chacun veut sa tasse pour servir le café.
07:32Et puis il y a des perturbations.
07:33Alors ça, ça ne va pas être au même endroit.
07:35Mais par exemple, dans un des villages, les inuites ont acheté des fusils.
07:39Ce qui devrait les aider à lutter contre la faim, qui leur permet de chasser les reines.
07:43Et pourtant, ça a en fait perturbé la route des reines.
07:46Et ils vont se retrouver à connaître à nouveau la faim.
07:48Oui, voilà.
07:49Les reines ont peur du bruit des fusils.
07:51Les reines ont des migrations extrêmement précises.
07:55Donc les inuites savent où ils vont les attraper.
07:58Et quand ils vont les chasser avec des fusils, les reines ont peur.
08:01Et ils ne repassent plus par là la fois et l'après.
08:03Donc c'est à double tranchant cette éruption de la civilisation occidentale.
08:06Donc c'est vrai qu'il y a du bon et du mauvais.
08:07Mais ces années 20-30, c'est vraiment le moment où va y avoir ce choc des civilisations, en quelque sorte.
08:13En tout cas, l'arrivée d'une civilisation extrêmement forte, extrêmement organisée, avec beaucoup de matériel, etc.
08:19Qui est la civilisation européano-américaine, vis-à-vis de ces peuples.
08:23Et ça va tout bouleverser quand même.
08:24D'ailleurs, Jean Mallory, l'immense Jean Mallory racontera l'histoire des derniers rois de Thulé, de cette région du Groenland.
08:32Et vous êtes un peu dans sa filiation, Isabelle Otissier, avec l'histoire d'Arna Rouloun-Guac.
08:38Leur expédition, elle dure jusqu'à l'arrivée aux Etats-Unis.
08:42Un matin, écrivez-vous sur le bord d'un chemin, se dressent devant eux un panneau « United States of America ».
08:49Et ils sont même invités à la Maison-Blanche, à Washington, par le président américain.
08:54Vous vous dites « Mais comment raconter à autrui ? Par où commencer ? »
08:58Car chacun sait et sent combien ce voyage les a changés.
09:01Le temps en sera seul révélateur.
09:03Comment raconter le voyage ?
09:05Vous qui avez parcouru le monde en voilier et en solitaire.
09:10Comment est-ce que vous, vous avez répondu à cette question ?
09:13Vous vous l'êtes forcément posée lorsque vous étiez au milieu des flots.
09:19Et à l'époque, en plus, où il n'y avait pas de petites vidéos pour communiquer avec la terre ferme.
09:24Cette question, comment est-ce qu'on y répond ?
09:27Alors, ce n'est pas si facile que ça.
09:28Il y a plein de choses qu'on peut raconter.
09:30En fait, on peut raconter ce qu'on a fait, ce qui s'est passé.
09:33Il y avait tel temps, j'ai fait telle chose.
09:36On arrive à raconter un peu ce qu'on a pensé.
09:39J'étais contente, j'ai eu peur.
09:40Et après, il y a une espèce d'intimité qui est beaucoup plus difficile que moi.
09:47J'essaye d'aborder par le roman et par les mots pour partager cette émotion, ce sentiment.
09:54Par exemple, quand on est seul sur le pont d'un bateau avec l'horizon à 360 degrés
09:58et qu'au-dessus de la tête, on a le cosmos, on a les étoiles.
10:02C'est un sentiment extrêmement compliqué à raconter.
10:06Et vous l'avez fait aussi en vous engageant pour la protection de l'environnement
10:12et pour cette planète que vous avez parcourue.
10:14Votre récit, il résonne avec l'actualité Isabelle Autissier pour les Groenlandais
10:19qui ont aujourd'hui une forte volonté d'indépendance vis-à-vis du Danemark, d'ailleurs,
10:24à laquelle leur immense île appartient.
10:27Mais aussi désormais vis-à-vis des Etats-Unis qui la convoitent avec l'idée folle de Donald Trump.
10:33Ça vous fait sourire.
10:35La mise en avant de personnages historiques comme Arna Rouloun Gouac, c'est important.
10:40C'est ce que vous déclariez récemment.
10:42Pourquoi ?
10:43Oui, parce qu'on voit bien qu'ils sont quand même à la recherche de leurs origines.
10:47Ils sont allés vers, où ils ont été submergés, je ne sais pas, par la société occidentale.
10:54Mais on voit bien aujourd'hui ce retour aux traditions.
10:58Je ne sais pas, les groupes rock qui chantent en Inuktitouk.
11:01Et effectivement, les personnages...
11:04Parce que ces dix dernières années, vous vous êtes rendu cinq fois au Groenland.
11:07Oui, j'aime bien y aller avec mon bateau à voile.
11:09Donc j'y passe du temps.
11:10Ah, vous y allez en bateau ?
11:11Ah ben bien sûr, j'y vais avec mon bateau à voile.
11:13Donc ça me permet d'aller effectivement dans les petits villages,
11:17de passer un peu de temps avec les gens, etc.
11:20Oui, c'est normal.
11:21Ils ont envie d'être un pays indépendant.
11:23Pourquoi ils sont danois ?
11:24Ben, historiquement, mais il n'y a aucune raison.
11:27Mais ils n'ont pas de raison non plus d'être américains et ils ne veulent pas.
11:29Oui, mais vous êtes la seule à en parler comme ça en l'occurrence.
11:31Je vais te parler de Jean Mallory, de votre roman.
11:34On en parle du Groenland comme d'un immense espace
11:38où il y a des ressources minières absolument extraordinaires.
11:41On en parle uniquement d'un point de vue économique.
11:44Mais de la même façon qu'on parle de la nature...
11:46Comme s'il n'y avait pas d'habitants, comme si c'était une terre vierge
11:48alors qu'il y a un peuple, le peuple de Thulé, les Inuits.
11:52Ils sont là depuis bien plus longtemps que nous, les Européens.
11:55Et au fond, on en parle exactement comme de la nature.
11:57C'est juste un endroit où on va se servir, quoi.
12:00Ben non, la nature, elle a des lois.
12:02Et puis les peuples, ils ont leurs propres lois et ils veulent leurs propres lois.
12:05Donc, laissons-les, laissons-les arriver, j'espère pour eux, progressivement à une indépendance logique.
12:13Mais après, c'est eux qui vont décider s'ils veulent exploiter des mines.
12:16C'est eux qui le feront.
12:17Ce sera leur problème.
12:18Voilà, justement, sur ces mines.
12:19Vous, vous êtes aussi présidente du WWF.
12:21Donc, vous voulez protéger la nature.
12:24Et notamment, elles servent à extraire ces mines des minerais
12:27qui permettent la transition énergétique.
12:29Et puis, par ailleurs, alors il y a eu l'histoire, effectivement, de Donald Trump
12:31qui a promis de donner 10 000 dollars à chacun des 56 000 Groenlandais
12:36si on le laissait exploiter et débloquer des permis sur ces mines.
12:41Qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus ?
12:44Pardonnez-moi, 10 000 dollars, ça ne lui fait pas très cher.
12:46C'est vrai, 56 000, donc ça fait 560 000 dollars.
12:50Non, non, c'est, encore une fois, c'est eux.
12:53Évidemment, on a tous des smartphones dans la poche.
12:55Donc, à un moment donné, ces minerais, on peut essayer de les recycler, etc.
12:58Mais ça sert aussi à faire des batteries de voiture électrique.
13:01On sait bien qu'à un moment donné, il y a des mines.
13:04Mais pas n'importe où, pas n'importe comment, pas à n'importe quel prix.
13:07Et d'abord, si on est chez les gens, c'est les gens qui vont décider.
13:10Et précédemment, il y a quelques années, il y a un gouvernement qui est tombé là-dessus,
13:14sur l'histoire d'une mine d'uranium.
13:16Parce que les gens ont dit non, on ne veut pas de cette mine d'uranium.
13:19Bon, ben voilà.
13:20C'est leur choix.
13:21C'est leur choix.
13:23Et puis, ils ont quand même toujours cet amour de leur pays
13:26et cet amour de la nature.
13:28Et donc, voilà.
13:29Il faut leur faire confiance un peu.
13:31Et vous aussi, vous avez l'amour de la nature.
13:33Il y a d'ailleurs une question de Karim Ostandard,
13:36qui veut vous interroger.
13:37Mais il veut interroger la présidente d'honneur de la WWF France.
13:42Bonjour Karim.
13:43Bonjour.
13:44Bonjour France Inter.
13:45Bonjour Madame Autichier.
13:46Bonjour.
13:46J'aimerais savoir comment ramener l'écologie de manière positive dans le débat actuel,
13:53au vu des nombreuses décisions très négatives qui me mettent en rogne,
13:57en passant par les GDFE, les ânes, les...
14:02Alors, les zones à faible émission, les zones zéro artificialisation nette.
14:06Exactement, oui.
14:07Oui, et l'autoroute à 69.
14:09J'aimerais voir comment...
14:10Parce que moi, ce que je note, c'est qu'on est déjà dans les élections municipales en ce moment,
14:17et on va se retrouver avec un discours populiste contre l'écologie.
14:22Merci Karim pour votre question-réaction, Isabelle Autichier.
14:25Alors d'abord, toutes les mesures contre l'environnement et contre la nature vont contre les humains.
14:30Nous faisons partie de la nature, nous ne pouvons pas nous permettre de tirer contre notre camp.
14:35C'est encore le cas là.
14:38Voilà, quand on arrête les zones à faible émission, on va favoriser la pollution,
14:42on va favoriser les maladies respiratoires.
14:45Et c'est les gens qui ont le moins de pouvoir d'achat, qui vont souffrir le plus, ça on le sait.
14:49Donc c'est vraiment, ça va contre l'histoire.
14:53Après, ne nous décourageons pas, il y a eu des hauts et des bas dans ces questions-là.
14:57On le sait, on n'a pas le choix que de continuer à se battre, et on va continuer à se battre.
15:03Et oui, il y aura des temps meilleurs.
15:05Oui, il y aura des temps meilleurs.
15:05Oui, il y aura des temps meilleurs.
15:06Mais bien sûr, parce qu'on n'a pas le choix.
15:09Parce que les questions du climat, les questions d'écroulement de la vie autour de nous,
15:13ça nous concerne, et on se met un mouchoir sur les yeux,
15:17mais à un moment donné...
15:19On est dans le déni, dans le look-up, ou alors on est collapsologue
15:23et on parle comme des prophètes de l'apocalypse.
15:26Votre discours, il est détonnant Isabelle Autissier.
15:28Mais moi, on me demande si je suis optimiste et pessimiste,
15:30je dis je m'en fous, c'est pas le problème.
15:33Je ne suis ni l'un ni l'autre, je me bats jusqu'au bout,
15:36jusqu'au centième de degré, jusqu'à la petite espèce.
15:39C'est ça qui va nous aider à nous en tirer.
15:41Et si on ne fait pas ça, alors on est juste des enlouilles.
15:44Mais alors justement, vous êtes navigatrice, vous avez l'habitude de fréquenter les mers, les océans,
15:48vous êtes aussi spécialisée en halieutiques, donc tout ce qui a trait à la pêche.
15:52Il y a le sommet des Nations Unies sur la mer qui arrive le 9 juin prochain.
15:56Est-ce que vous avez un message pour les décideurs qui vont y participer ?
16:00La planète Terre, c'est la planète bleue.
16:03C'est la seule à des milliards et des milliards d'années-lumière qui est un océan.
16:07Et cet océan nous a fait la vie et nous a fait nous.
16:09Donc, si on tue l'océan, encore une fois, on se tue nous.
16:14Donc, il y a plein de sujets pour l'UNOC.
16:17Donc, cette réunion...
16:18Vous parlez comme, quasiment mot pour mot, comme Paul Watson,
16:23le président de Sea Shepherd,
16:24dit qu'il emploie vraiment exactement la même expression.
16:27On ne peut pas imaginer, avec un océan mort,
16:30une humanité qui ne mourrait pas avec lui.
16:32Oui, parce que c'est la réalité des choses.
16:35C'est la vérité scientifique.
16:36Ce n'est pas une opinion, la science.
16:38C'est juste qu'on compte des choses.
16:39Et vous êtes ingénieur.
16:40Et je suis ingénieur.
16:41Et voilà.
16:42Donc, c'est vrai que les fake news polluent terriblement.
16:45Mais voilà.
16:46Alors, on va essayer de faire avancer les grands traités internationaux.
16:48Justement, ce traité pour protéger la haute mer.
16:51À ce jour, il a reçu 29 signatures.
16:53Il en faudrait 60 pour qu'il rentre en application.
16:55On ne les aura pas pour le sommet des Nations Unies.
16:58C'est une déception, ça ?
16:59On ne les aura pas pour l'UNOC, parce que les pays sont trop lents à ratifier.
17:03Peut-être qu'on va pouvoir pousser.
17:06Parce que c'est quand même ces grands rassemblements
17:07l'occasion de se voir physiquement et de se parler.
17:10De créer des coalitions, de monter des projets.
17:13Donc, voilà.
17:14C'est quand même des moments où l'océan est en pleine lumière
17:17et qui permet de pousser des actions et des coalitions.
17:21Alors, justement, dites-nous dans quel état sont les océans aujourd'hui,
17:24puisqu'on est avant le sommet de Nice.
17:26Mais qu'il faut sans cesse rappeler à quel point les océans sont malades.
17:31Malades de quoi, Isabelle Autissier ?
17:33Ils sont malades de tout ce qu'on leur impose.
17:35Ils sont malades du dérèglement climatique.
17:37Ils ont pris un degré.
17:38C'est monstrueusement colossal, un degré pour les océans.
17:42Ça veut dire que ça rebat toutes les chaînes alimentaires.
17:44Donc, réchauffement, dérèglement climatique.
17:47Acidification.
17:48Acidification.
17:50Désoxygénation.
17:50Il y a moins d'oxygène de l'océan.
17:52Donc, les animaux et les plantes vivent moins bien et survivent moins.
17:56La pollution ?
17:57La pollution, dont la pollution plastique.
17:59Je peux vous dire, moi, je fréquente les mers glacées.
18:01C'est une horreur.
18:02Quand vous allez au nord du Groenland par 81 degrés nord,
18:07c'est jonché de plastique partout.
18:08Parce que les courants les amènent.
18:10Et il y a du plastique partout.
18:11Et le plastique, ça finit par rentrer dans nos cellules.
18:14C'est un chiffre du WDUF.
18:16Nous absorbons chaque semaine l'équivalent d'une carte de crédit.
18:19Donc, 5 grammes de plastique qui pénètrent notre corps.
18:22Ça ne peut pas être bon pour la santé.
18:24C'est pas vrai.
18:25Et de tout ça, il sera question, évidemment, des pesticides, des métaux lourds,
18:29de tout ce que les humains rejettent dans les océans.
18:33Mais parlez-nous, malgré tout, est-ce que vous gardez la poésie en vous ?
18:37La poésie de la navigatrice ?
18:40Cette appel de la mère, cette fille du grand hiver, au fond, elle vous ressemble quand même pas mal.
18:47Oui, vous savez, dans un mois, je serai sur le pont de mon bateau.
18:50Donc, quand je suis sur le pont du bateau, j'ai l'impression de rentrer à la maison.
18:53Je suis chez moi.
18:54C'est vrai ?
18:54Oui, oui, vraiment.
18:55On va partir faire le tour du Spitzberg.
18:59Donc, aller un peu pousser la glace.
19:00Moi, j'aime bien les pays froids.
19:02Je pars, entre autres, avec des scientifiques.
19:04Et puis, avec un caméraman.
19:06Et c'est vraiment là que je reprends mes bases, que je reprends mon énergie.
19:12Tout simplement, les gens me disent, vous vous ennuyez en mer.
19:14Mais jamais, c'est tellement beau, c'est tellement génial, c'est tellement tout le temps différent.
19:18Quand vous dites pousser la glace ?
19:19Oui, alors un tout petit peu.
19:21Parce qu'évidemment, dans le nord du Spitzberg, il y a de la glace.
19:24Donc, on essaye de voir si on peut naviguer là-dedans.
19:28Si on ne peut pas, on est prudent.
19:29On va faire demi-tour.
19:31Mais voilà, j'espère qu'on pourra le faire.
19:32Il y a toujours une petite incertitude.
19:34C'est ça qui est bien aussi.
19:35Vous avez dit récemment qu'on pouvait s'inspirer des Inuits de leur façon de se positionner par rapport à la nature.
19:41Comment est-ce qu'on peut s'inspirer des Inuits, Isabelle Autissier ?
19:44Parce que justement, ils ont cette philosophie, comme la plupart des peuples premiers,
19:48de se penser à l'intérieur de la nature.
19:51Ils se sentent sur le même plan que tous les êtres vivants qui sont avec eux.
19:55C'est pour ça qu'ils dialoguent, en quelque sorte.
19:57C'est pas un terrain de jeu.
19:59Voilà.
19:59C'est ni un terrain de jeu, ni une suprématie, ni un mépris, ni un déni.
20:05C'est qu'ils savent qu'ils dépendent de la nature.
20:08Donc c'est ça qu'il faut que nous on comprenne, même si on vit dans des villes où la nature est, évidemment,
20:13c'est le parc du coin, pas plus.
20:16Mais ça fait rien.
20:16Pour manger, pour respirer, pour avoir de l'air pur, de l'eau pure, on dépend de la nature.
20:23On est sur la même planète que tout le monde, que toutes les plantes et les animaux.
20:27Mais vous dites que seulement la démarche scientifique, vous en parliez tout à l'heure,
20:31permet de savoir exactement dans quel état est la mer, dans quel état est l'océan.
20:34Est-ce que ce savoir et cette démarche scientifique, aujourd'hui, il vous semble menacé ?
20:39Quand on voit, oui, la désinformation, quand on voit qu'aujourd'hui, l'opinion a la même valeur que la science,
20:45c'est-à-dire je dis n'importe quoi, on va considérer que c'est la même chose que des gens qui,
20:49depuis des années, comptent physiquement les espèces, mesurent physiquement.
20:54Et après, on peut dire ce qu'on veut, l'OLG est à zéro degré.
20:58Alors, je peux écrire sur mon blog que ce n'est pas vrai, mais n'empêche que c'est comme ça que ça se passe.
21:02Et quand vous allez au Spitsberg, c'est au nord du Groenland, vous allez retrouver vos amis inuits ?
21:08Alors, au Spitsberg, il n'y a pas d'inuits, il n'y a pas eu de peuple premier.
21:12Par contre, il y a pas mal de scientifiques.
21:14Il y a pas mal de scientifiques ?
21:15Qu'est-ce qu'ils étudient, justement, dans ces espaces qui sont menacés aujourd'hui ?
21:20Puisqu'on sait que le pôle nord risque de plus en plus la fonte des glaces
21:26et de se retrouver dans une situation où il sera navigable.
21:29Ben oui, ça va trois fois plus vite que chez nous, le dérèglement climatique.
21:32Alors, justement, ils étudient ça.
21:33Ils étudient la réponse, d'abord la vitesse à laquelle ça se passe, les conséquences,
21:39la réponse des écosystèmes.
21:40Qu'est-ce qui va se passer ?
21:41Comment le plancton va se déplacer ?
21:43Comment les animaux vont survivre ou pas survivre ?
21:45Pour essayer d'avoir une vision, comment est-ce que les courants, peut-être, vont changer ?
21:50Et puis, ils étudient aussi ces animaux qui nous font rêver,
21:54les ours polaires, les baleines, etc.
21:56C'était un bonheur de vous recevoir, Isabelle Autissier.
21:58Vous étiez une pionnière, comme celle dont vous racontez l'histoire.
22:01La fille du grand hiver s'est publiée aux éditions Paul Sen.
22:05On vous souhaite bon vent.
22:07Merci.
22:08Et merci infiniment d'avoir été l'invité d'Inter ce matin.

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