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  • 29/05/2025
La journaliste et romancière Judith Perrignon était l'invitée de France Inter ce jeudi. Elle publie “L’autre Amérique. Quand Roosevelt défiait le capitalisme aux États-Unis” (Grasset- France Culture). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-29-mai-2025-1926252

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Transcription
00:00Invité du grand entretien ce matin, elle est journaliste, essayiste et romancière et elle fait paraître ce mois-ci aux éditions Grasset et en partenariat avec France Culture.
00:10Un livre passionnant, fort sur une figure majeure du XXe siècle, un homme qui a changé le cours de l'histoire, Franklin Delano Roosevelt, 32e président des Etats-Unis.
00:23Un livre intitulé « L'autre Amérique » quand Roosevelt défiait le capitalisme aux Etats-Unis.
00:30Question chers auditeurs au 01 45 24 7000 ou sur l'appli Radio France.
00:35Bonjour Judith Pérignon.
00:37Bonjour.
00:37Et bienvenue. Les Etats-Unis, c'est un pays que vous connaissez bien.
00:41Vous faites souvent l'aller-retour entre Détroit, la ville de Détroit et Paris.
00:45Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser d'abord à cette autre Amérique ?
00:49De quelle Amérique parlez-vous ?
00:51Ce n'est pas l'Amérique de Donald Trump, de Donald Trump qui ébranle les institutions américaines,
00:57qui ébranle même jusqu'à la démocratie et à son fonctionnement.
01:01L'autre Amérique, elle est incarnée par une figure et une figure majeure que vous connaissez bien.
01:08Franklin Delano Roosevelt, que les Américains appellent FDR.
01:11FDR.
01:12Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à cette figure incontournable de l'histoire du XXe siècle aux Etats-Unis,
01:20au président qui a traversé la Grande Dépression, l'artisan du New Deal,
01:26alors qu'aujourd'hui Donald Trump, lui, est l'auteur de l'Art of the Deal.
01:30Et c'est aussi l'homme qui a été notre allié, celui qui, avec l'entrée en guerre après Pearl Harbor,
01:38a permis de faire basculer la Seconde Guerre mondiale.
01:41En quoi sa figure n'en finit pas de hanter le temps présent, Judith Pérignon ?
01:45Justement, aujourd'hui, on fait souvent référence, on vit une période très inquiète
01:50et on fait souvent référence à ces années 30, avec la montée des régimes autoritaires et fascistes.
01:56Et il se trouve qu'effectivement, dans les années 30, alors ça émerge sur le néant,
02:01puisque les économies se sont effondrées, c'est une grande différence.
02:04Mais du néant va sortir le fascisme en Europe,
02:07alors que les Etats-Unis vont vivre le moment le plus progressiste de leur histoire.
02:11Et pourtant, ce moment progressiste est né du même terreau que le fascisme en Europe.
02:16C'est comme si la réponse au fascisme était là,
02:20dans l'écriture, dans la recréation d'une société,
02:24dans un moment où un homme politique et sa femme, parce qu'il ne faut pas l'oublier,
02:29vont adresser un message à des gens, ils vont entendre les gens.
02:32Je dis que c'est l'allié, on le connaît comme l'allié, effectivement.
02:35L'allié par excellence.
02:37Mais aussi l'allié des gens. C'est l'allié des gens.
02:40Et ça, c'est important, c'est une dimension très importante chez Roosevelt.
02:44L'autre Amérique, alors, c'est donc ce face-à-face du progressisme et du fascisme.
02:49C'est aussi, évidemment, et avec une concordance des temps,
02:52un face-à-face avec Donald Trump aujourd'hui.
02:55On va entendre Roosevelt, FDR,
02:58puisqu'il y a un autre Roosevelt, Theodore, qui est de sa famille,
03:02qui était son oncle, discours au moment de sa deuxième campagne présidentielle.
03:07On est en 1936, le 31 octobre, il est à New York,
03:11dans l'immense salle du Madison Square Garden.
03:15Et nous savons maintenant que le gouvernement des milieux financiers
03:20est aussi dangereux qu'un gouvernement de mafieux.
03:25Jamais dans notre histoire, ces forces n'ont été aussi uniques aujourd'hui
03:35contre un candidat.
03:39Ils me haïssent, et je suis fier de leur haine.
03:44Incroyable archive, et impossible de ne pas penser aux Etats-Unis d'aujourd'hui
03:53ce d'où vous revenez quand on l'entend, Roosevelt.
03:56Mais bien sûr, d'abord, les mots de Roosevelt à l'époque,
04:00alors il y a ses archives, il y a ses entretiens
04:02avec ses proches que j'utilise dans le livre,
04:05il y a une colère, une virulence contre les milieux financiers
04:08que je ne soupçonnais pas.
04:10Quand il faut vraiment plonger dans le détail des mots
04:12et qu'on n'a pas entendu depuis dans la bouche d'aucun président.
04:15Et aujourd'hui, Trump est vraiment l'héritier,
04:18n'est pas un accident, il est l'héritier des adversaires de Roosevelt.
04:22Nous savons maintenant que le gouvernement des milieux financiers
04:25est aussi dangereux qu'un gouvernement mafieux.
04:29Et c'est l'homme, donc, Roosevelt,
04:32qui a permis de relever les Etats-Unis,
04:35qui se sont complètement effondrés.
04:37Et quand vous disiez que c'était le président des gens,
04:40expliquez-nous en quoi ?
04:41Puisqu'il y avait une administration en place,
04:44celle de Houvers, en 1929,
04:46lorsque les bourses se sont effondrées,
04:48lorsque la crise s'est installée,
04:51lorsqu'on était dans le monde des raisins de la colère de John Steinbeck,
04:55qu'a-t-il fait pour incarner à ce point, justement,
04:59l'alternative, l'autre Amérique,
05:01que celle que nous connaissons depuis ?
05:03Lui-même évolue en temps réel.
05:05Roosevelt, c'est un homme, c'est un aristocrate, blanc, protestant, riche.
05:11Donc, a priori, il appartient à la caste...
05:13Passé par Harvard.
05:14Passé par Harvard, mais il appartient vraiment à la caste dirigeante.
05:17Et il se rend compte, dans ce moment d'effondrement,
05:20que l'élite de son pays tire sur les...
05:24Alors, c'est Ford qui tire sur les ouvriers
05:26qui manifestent pour du travail.
05:28C'est le gouvernement qui tire sur les vétérans de la Première Guerre mondiale
05:31qui demande un peu d'argent.
05:33Et lui, déjà, il est gouverneur.
05:35Il va créer des lois sociales,
05:37des indemnisations chômage,
05:38interdire le travail des enfants.
05:40Et puis, devenu président,
05:42il va porter ce projet-là.
05:43Il faut préciser donc que Hoover,
05:45qui est président,
05:46fait tirer sur les vétérans de la Première Guerre mondiale
05:49qui réclament leurs primes,
05:51que Henry Ford,
05:52qui est le plus grand industriel de ce début du XXe siècle,
05:55qui est l'inventeur de l'industrie automobile moderne.
05:59Détroit, c'est pas une ville anecdotique,
06:01puisque vous en revenez,
06:02c'est la capitale de l'automobile.
06:05Il recrute des milices mafieuses
06:07pour tuer des ouvriers.
06:09Il leur tire à balles réelles dessus.
06:10C'est assez frappant de voir aujourd'hui
06:13la résurgence de cette violence-là,
06:17évidemment pas dans les mêmes proportions,
06:19mais de cette violence dont on a le sentiment à vous lire
06:21qu'elle est contenue essentiellement
06:24dans l'histoire et la société américaine.
06:28Oui, les Etats-Unis se construisent dans la violence,
06:31que ce soit le massacre des Indiens,
06:34l'esclavage, la quête du profit.
06:37Les Etats-Unis, c'est d'abord une aventure individuelle,
06:40de prospérité, de faire de l'argent,
06:42et c'est la loi du plus fort, c'est la loi du Far West.
06:45Et c'est tout ça que traînent les Etats-Unis.
06:47Et quand tout s'effondre,
06:49tout à coup les gens se disent,
06:50les gens y croient aux Etats-Unis jusqu'à ces années 30,
06:53tout à coup ils se disent « mais ça marche pas ».
06:54Et donc Roosevelt va inventer la puissance publique.
06:58Un arbitre, un régulateur qui dit « attention,
07:01on ne peut pas tout permettre,
07:03il faut faire société,
07:04donc il faut créer des règles
07:05et effectivement redistribuer la richesse. »
07:08Et c'est la première fois aux Etats-Unis.
07:09Une nouvelle donne, le New Deal.
07:11Et l'expression, elle n'a cessé d'être reprise.
07:14Et encore récemment,
07:15aussi bien à l'Union Européenne
07:17par Ursula von der Leyen
07:19que par le président Emmanuel Macron,
07:21chacun veut son New Deal
07:23en période de crise.
07:24L'opposition Trump-Roosevelt,
07:27ce n'est pas un hasard.
07:28Vous dites au fond que depuis
07:30Roosevelt,
07:32les Américains sont tous les quatre ans
07:34confrontés à l'éternelle même question.
07:36aux élections se rejouent finalement
07:39toujours cette question
07:40pour ou contre Roosevelt.
07:43C'est une manière de comprendre,
07:46c'est la grille d'analyse
07:47que vous utilisez pour comprendre les Etats-Unis.
07:50Oui, c'en est une.
07:51C'est cette idée de comment on fait société.
07:54Et on voit bien que l'idée du New Deal,
07:56de l'État-providence,
07:57de Roosevelt,
07:58a complètement régressé.
07:59Alors pas simplement avec Trump.
08:01Il faut savoir que jusqu'aux années 70,
08:03il y avait un consensus là-dessus aux Etats-Unis.
08:05Et puis est arrivé le courant néolibéral,
08:08les crises économiques,
08:09avec Reagan qui a commencé à démanteler ça,
08:12mais aussi sous Clinton.
08:13Clinton a démanté des lois fondamentales
08:15prises après l'effondrement économique.
08:17Et ces lois,
08:18si elles avaient toujours été en vigueur,
08:20la crise des subprimes n'aurait pas eu lieu.
08:23Donc c'est important de le dire.
08:24C'est important de le dire
08:26parce que vous vous rappelez justement
08:27l'affrontement de Roosevelt
08:29avec les banques notamment
08:30et ce qu'il leur impose
08:32après la crise de 1929
08:34et tous les excès,
08:35l'orgie capitaliste
08:37dont elles étaient
08:38et notamment les responsables.
08:39Aujourd'hui,
08:40Donald Trump se réfère à Roosevelt
08:42comme à un opposant,
08:44comme s'il était toujours là.
08:45Le spectre de Roosevelt,
08:47je le disais,
08:48il est présent dans la mythologie
08:50de Donald Trump
08:51véritablement comme un repoussoir.
08:54C'est tout ce qu'il ne faut pas faire,
08:56ne pas intervenir.
08:57Intervenir le moins possible,
09:00c'est l'idéologie d'Elon Musk,
09:02c'est le doge,
09:03c'est ce qu'il y a aussi
09:04dans la tête de milliardaires
09:06comme Peter Thiel.
09:08Cette histoire-là
09:08n'est pas terminée donc.
09:10Non, c'est la poursuite
09:11de cette histoire-là
09:12parce que que font les industriels
09:13et les financiers
09:14sur Roosevelt ?
09:15D'abord, ils disent que Roosevelt
09:16est un dictateur.
09:17Ce qui est ahurissant
09:18quand on voit que Roosevelt
09:19arrive au pouvoir
09:20au même moment que Hitler.
09:21Donc le nazisme s'installe en Europe
09:23et les financiers,
09:25les industriels américains
09:26appellent le dictateur,
09:28c'est Roosevelt.
09:29Eux vendent d'ailleurs,
09:31en tant qu'en Europe Ford,
09:32lui est décoré
09:32par le Troisième Reich.
09:34Et ils l'appellent le dictateur,
09:36ils créent la Liberty League.
09:37Ils sont la liberté.
09:38Et c'est assez fascinant
09:40parce que justement,
09:41ce face-à-face,
09:41c'est ce sur quoi s'ouvre
09:42votre livre,
09:43le face-à-face
09:44entre Roosevelt et Hitler.
09:46Ils arrivent,
09:46ils émergent du même terreau,
09:48écrivez-vous,
09:49des braises et des cendres
09:50d'un monde occidental
09:51terrassé en 1929.
09:53Et ils ne savent pas encore
09:55qu'ils mourront
09:55à quelques mois d'intervalle.
09:58L'histoire a voulu
09:59que leur passage au pouvoir
10:00coïncide
10:01et qu'ils nous enseignent
10:03quelque chose.
10:04Pour une fois,
10:05la promesse de Roosevelt,
10:06elle n'était pas creuse.
10:08Et vous racontez son histoire
10:09à travers l'un de ses amis,
10:12son plus proche conseiller.
10:14Décrivez-nous
10:14qui était
10:15Henry Morgenthau Jr.
10:17Henry Morgenthau Jr.
10:19D'abord,
10:19c'est le voisin
10:20de...
10:21Il a une grande ferme
10:22pas loin de Hyde Park
10:23qui est le domaine
10:24Roosevelt,
10:25là où il est né.
10:26Et tous les deux,
10:26ils aiment parler des arbres.
10:28Et puis,
10:29Roosevelt va l'entraîner
10:29avec lui au pouvoir.
10:30Il va même en faire
10:31son ministre des Finances.
10:33Alors,
10:33être ministre des Finances
10:34au moment du New Deal,
10:35c'est-à-dire
10:36créer de la puissance publique
10:37et donc de la dette,
10:39c'est un boulot incroyable.
10:41Henry Morgenthau,
10:41c'est aussi
10:42le seul juif
10:43du gouvernement,
10:44le premier juif
10:44qui peut entrer
10:45au gouvernement aux Etats-Unis.
10:48C'est un pays
10:48très antisémite
10:49comme l'Europe alors.
10:50Et ils vont débattre
10:51sans arrêt,
10:52sans gueuler parfois.
10:53Et ils vont parler
10:54de dette,
10:55ils vont parler
10:56de création d'emplois,
10:57de mesures d'urgence.
10:59Ils vont parler...
10:59Et ils vont parler
11:00de la guerre.
11:00Ils vont parler de la guerre.
11:02L'une des premières discussions
11:03qu'ils ont en 1933,
11:05c'est Morgenthau
11:06qui interroge Roosevelt
11:07en lui disant
11:08quelles sont les probabilités
11:09d'une guerre
11:09avec l'Allemagne.
11:11Et réponse de Roosevelt,
11:13est-ce que les Etats-Unis
11:14vont devoir s'y engager ?
11:15Nous n'en verrons jamais
11:17aucun de nos hommes
11:18là-bas.
11:19C'est assez fascinant
11:20de l'entendre,
11:21de le lire
11:22sous votre plume
11:25dans le journal
11:25de Morgenthau
11:26puisque Roosevelt
11:27ce sera celui
11:28qui finalement
11:29fera entrer
11:30l'Amérique
11:31en guerre
11:32contre le nazisme.
11:33Et c'est ce
11:34face-à-face,
11:35ce va-et-vient
11:36avec la possibilité
11:38toujours
11:39du fascisme.
11:40C'est un monde
11:41en pleine ébullition,
11:42les Etats-Unis
11:42que vous décrivez.
11:43il y a
11:44Lindbergh
11:45qui est un héros,
11:46un véritable héros.
11:47Il a traversé
11:48l'Atlantique
11:49en avion,
11:50c'est le premier
11:50à l'avoir fait.
11:51Et lui
11:52est un adorateur
11:53d'Adolf Hitler.
11:54L'histoire,
11:55s'il avait gagné
11:55la présidentielle
11:56contre Roosevelt,
11:57elle aurait pu être
11:58totalement différente.
12:00Cette Ukraine,
12:01Philippe Roth
12:01l'a imaginé.
12:02L'a imaginé,
12:03oui, oui.
12:03Philippe Roth
12:03l'a imaginé.
12:04Et d'ailleurs,
12:05dans ces citations
12:07que vous avez,
12:07c'est un journal.
12:08Donc ce qui est beau
12:09dans les journaux
12:09comme archives,
12:11c'est que nous,
12:11on connaît la suite
12:11de l'histoire.
12:12Mais eux ne la connaissent pas.
12:13Donc on est avec eux
12:14au plus près.
12:15Et dans l'entourage
12:16de Roosevelt,
12:17les gens disaient
12:17attention,
12:19si nous on tombe,
12:19après c'est la dictature
12:21des milliardaires.
12:22Donc la version
12:23de la dictature
12:24aux Etats-Unis,
12:24c'est forcément
12:25celle des milliardaires
12:25et elle est arrivée
12:27aujourd'hui.
12:27C'est un ancien
12:28de Harvard
12:29et avant de filer
12:29aux standards,
12:30retrouvés les auditeurs
12:31d'Inter
12:31et notamment Elisabeth.
12:33Un mot sur l'actualité
12:35puisque ça n'est pas
12:36un hasard
12:37que cette aristocrate
12:38de l'élite américaine
12:40Franklin Roosevelt
12:42soit passée par Harvard.
12:43Comment comprendre
12:44aujourd'hui
12:44les attaques
12:45de Donald Trump
12:46contre cette université
12:48en particulier ?
12:49Comment comprendre
12:50qu'il veuille
12:51à la fois lui couper
12:52les vivres
12:52et qu'il interdise
12:53des délivrances
12:55de visas
12:55des étrangers
12:56qui voudraient
12:57y étudier ?
12:58Il y a plusieurs raisons.
13:01Certains disent
13:02parce que son fils
13:03n'a pas été reçu.
13:04Il faut savoir
13:04qu'il a beaucoup
13:05de vengeance personnelle,
13:06Donald Trump.
13:07et aussi en attaquant
13:09effectivement
13:10cet emblème
13:12de l'élite américaine,
13:14il satisfait
13:15une base
13:16qui se nourrit
13:18de frustration,
13:20de complotisme.
13:23En plus,
13:23effectivement,
13:24le président de Harvard
13:25a résisté
13:25plus que d'autres universités.
13:28Donc ça,
13:28Donald Trump
13:29ne le supporte pas.
13:30Donc voilà,
13:31c'est l'alliance,
13:33le mélange
13:34de toutes ces raisons
13:34qui fait ça.
13:36Et ce face-à-face
13:37et cette question,
13:39il faut toujours choisir
13:40pour ou contre Roosevelt.
13:41Bonjour Elisabeth.
13:43Oui,
13:43bonjour France Inter.
13:44Bonjour votre invité.
13:45Et bienvenue
13:46à Judith Pérignon
13:47et à l'autre Amérique,
13:49le livre qu'elle publie.
13:50Vous avez une question
13:50donc pour Judith Pérignon.
13:52Oui,
13:53pouvez-vous nous dire
13:54aujourd'hui
13:55quelle est la sensibilité
13:58des citoyens américains
14:00Roosevelt
14:03ou Trump ?
14:05C'est très simplement formulé
14:06et c'est la réponse
14:08de Judith Pérignon
14:09qui nous intéresse justement.
14:10La dernière élection
14:11montre que c'est plutôt Trump.
14:13La majorité a été Trumpiste.
14:15Maintenant,
14:16ça peut bouger.
14:17Roosevelt est aujourd'hui
14:18un peu oublié
14:20aux Etats-Unis.
14:21C'est un vieux personnage,
14:22je dirais même
14:22ce que me confiait
14:24le président
14:24de la FDR Library
14:26qui garde
14:27toutes les archives.
14:28Sa femme,
14:29Eleanor,
14:29est presque plus célèbre
14:30aujourd'hui.
14:31Donc l'idée
14:31de l'État-providence
14:32s'est beaucoup,
14:33beaucoup plusée
14:34aux Etats-Unis.
14:34Mais alors,
14:35comment le comprendre
14:36justement ?
14:37Puisqu'il y a malgré tout
14:38cette fascination
14:42des Américains
14:42pour le self-made man,
14:44pour ce que représente
14:45Donald Trump.
14:46Comment est-ce que
14:47des gens pauvres,
14:49des femmes,
14:50célibataires,
14:51isolées,
14:52peuvent voter
14:53contre leurs intérêts,
14:54contre les filets
14:55de protection sociale,
14:57contre les garanties
14:59que peuvent leur offrir
15:01l'État-providence ?
15:02Comment est-ce qu'on peut
15:03comprendre ce qui se passe
15:04dans la tête
15:05d'un électeur américain,
15:06Judith Pérignan,
15:07puisque vous connaissez
15:08parfaitement le pays ?
15:09Oui, mais on peut
15:10élargir ce débat
15:10à nos sociétés européennes,
15:12parce que la question
15:12est posée chez nous aussi,
15:13mais 40, 50 ans
15:15de propagande
15:16contre ça,
15:18une usure totale
15:20des mouvements collectifs.
15:23Et finalement,
15:24ce capitalisme
15:24a réussi
15:25à diviser les gens
15:27plutôt qu'à avoir
15:28leurs intérêts.
15:29j'ai l'impression
15:29que les gens
15:30votent contre eux,
15:31par exemple.
15:31Les Mexicains
15:32ont voté massivement
15:33Trump une deuxième fois.
15:35Après son premier mandat...
15:36Malgré son discours
15:37sur l'immigration,
15:38contre l'immigration.
15:39Et malgré son premier mandat
15:40où beaucoup
15:41avaient été expulsés.
15:42Et pourquoi ils l'ont fait ?
15:44Tous ont dit
15:44parce que Biden
15:45avait trop soutenu
15:46les Vénézuéliens,
15:47avait trop fait
15:47pour les Vénézuéliens.
15:49Et c'est là
15:49que le capitalisme
15:50ne marche que par la division.
15:52Normalement,
15:52un Mexicain
15:53devrait se dire
15:53je veux être très...
15:54Enfin,
15:55on est tous des immigrés
15:56et on dit...
15:56Ben non,
15:57le capitalisme c'est ça.
15:58C'est diviser,
15:58opposer les gens.
15:59Et ça,
15:59ça a bien fonctionné
16:00dans toutes nos sociétés
16:01depuis 40 ans.
16:02Il y a aussi
16:03une résonance
16:04avec l'époque actuelle.
16:05C'est ce qu'on pourrait appeler
16:06le wokisme
16:07ou en tout cas
16:07le progressisme
16:08pour reprendre le terme
16:09que vous,
16:10vous employez
16:11Judith Pérignon.
16:12C'est sa femme
16:12et cousine
16:13Eleanor Roosevelt.
16:15Drôle de relation
16:16passionnée au début.
16:17Une véritable histoire
16:18d'amour.
16:20Une relation
16:20qui est troublée
16:21par de nombreuses
16:22infidélités
16:23incalculables
16:24comme d'autres.
16:26Tant d'autres
16:26présidents américains,
16:28celle de FDR.
16:29Mais Eleanor
16:30décide de ne pas divorcer.
16:31Vous dites qu'ils ont cessé
16:33d'être des conjoints
16:34pour devenir
16:34des partenaires politiques.
16:36Et ce qui est assez fascinant,
16:37c'est l'importance
16:38d'Eleanor Roosevelt
16:39puisqu'elle dit
16:41ce que FDR
16:42ne pouvait plus dire.
16:44C'est-à-dire qu'elle peut
16:45s'exprimer
16:46sur la question
16:47de l'accueil
16:48des réfugiés juifs
16:49dans les années 30
16:50quand l'antisémitisme
16:51est si présent
16:52dans la société américaine.
16:54Elle peut prendre
16:55des positions
16:56très fortes
16:57pour les droits
16:58des afro-américains.
17:00Elle est même
17:00dans le collibateur
17:01du FBI
17:02au moment de la chasse
17:03aux sorcières
17:03poursuivie par
17:04Edgar Hoover
17:06qui l'a considérée
17:06comme trop proche
17:07des communistes
17:09trop indépendants,
17:10trop proche
17:10des afro-américains.
17:12Drôle de figure
17:12et c'est donc elle
17:13qui incarne
17:15quelque chose
17:16comme le début
17:17du wokisme.
17:19Appelez ça
17:19comme vous voulez
17:20mais en tout cas...
17:20Du progressisme
17:21de la lutte
17:22pour les droits civils.
17:23Pour l'égalité des gens
17:24et donc c'est une figure
17:25féminine d'abord
17:26donc c'est une femme
17:28qui travaille
17:29avec son mari
17:30mais à côté
17:30elle ne parle pas
17:31que pour lui
17:31elle ne parle pas
17:32que pour lui
17:33elle est plus à gauche
17:34que lui
17:34plus libre que lui
17:35elle va développer
17:36des programmes
17:38effectivement
17:39pour aider
17:40la population
17:41afro-américaine
17:42elle va se battre
17:43contre le lynchage
17:44et effectivement
17:46son mari ne peut pas
17:47aller aussi loin
17:47parce qu'il est tenu
17:48par le Congrès
17:49lui contrairement
17:50à Trump
17:50il fait voter des lois
17:52et le parti démocrate
17:53alors est un parti
17:55émane du sud
17:56et il y a toute une minorité
17:56très blanche
17:57et très suprémaciste
17:58et c'est vraiment
17:59de la réelle politique
18:00Roosevelt le mari
18:02elle elle peut aller
18:03beaucoup plus loin
18:03et du coup
18:04sa parole porte encore
18:05aujourd'hui.
18:07Résonance aussi
18:07avec l'époque actuelle
18:09c'est la question
18:10des réfugiés juifs
18:12évidemment en Europe
18:13pendant les premières années
18:16donc des années 30
18:18et jusqu'à la fin
18:19de la guerre
18:19puisque Roosevelt
18:20cherche une solution
18:21ils ne seront pas
18:23accueillis aux Etats-Unis
18:24ou très peu
18:24ils cherchent un endroit
18:25Roosevelt
18:26une terre d'accueil
18:27pour les réfugiés juifs
18:28il adore les cartes
18:29et les plans
18:30il est très heureux
18:31de nommer des personnes
18:32chargées d'essayer
18:33de trouver des scénarios
18:34et ils se sont penchés
18:35pour installer
18:36des foyers juifs
18:38en Angola
18:39c'est ahurissant
18:40en Alaska
18:41et des auditions
18:43sont organisées
18:44au Congrès
18:45qui est à l'époque
18:46le lieu où se décident
18:48encore les choses
18:49aux Etats-Unis
18:50pourquoi est-ce que
18:51la question juive
18:52a été si importante
18:53et si
18:54comment dire
18:55si compliquée
18:56à débattre
18:58aux Etats-Unis
18:59pendant la seconde guerre mondiale ?
19:01D'abord parce que c'est un pays
19:02très antisémite
19:03comme l'Europe
19:03pas mieux que l'Europe
19:04et donc
19:06l'Amérique
19:08ne se sent
19:08les citoyens américains
19:10lambda
19:10ne se sentent
19:11aucune solidarité
19:11avec ce qui arrive aux Juifs
19:13en revanche
19:13il y a une forte communauté juive
19:15aux Etats-Unis
19:16qui se mobilise
19:17avec un mouvement sioniste
19:19qui effectivement
19:20finit par avoir
19:21l'oreille de Roosevelt
19:22mais d'abord
19:23on dit beaucoup
19:24qu'il n'a rien fait
19:25mais c'est vrai
19:25qu'on voit dans ce journal
19:26époussé par Morgan So
19:28il sort des cartes
19:29on voit arriver la solution finale
19:31la Shoah n'est pas encore
19:32mise en place
19:32mais elle n'est plus très loin
19:34il fait une conférence à Evian
19:35il demande à tous les pays
19:36d'accueillir des réfugiés
19:37personne ne veut
19:38personne ne veut
19:39lui il est tenu par les quotas
19:41et on va le voir avancer
19:42moi quand je travaillais là-dessus
19:44c'était effectivement
19:45il y avait une actualité
19:46très terrible
19:47après le 7 octobre
19:49et donc je voyais
19:51Roosevelt
19:52promettre aux sionistes
19:54et promettre aux pays arabes
19:55que rien ne se ferait
19:56dans la violence
19:56on voit arriver Israël
19:58il mourra avant
19:59on ne sait pas ce qu'il aurait fait
20:00mais c'est vraiment passionnant
20:02oui c'est absolument passionnant
20:03parce qu'il a donc
20:04son plus proche collaborateur
20:06qui est juif
20:07et qui l'alerte
20:07sur les crimes des nazis
20:09et il y a un moment très fort
20:10c'est la rencontre
20:11avec Jan Karski
20:12Jan Karski
20:13c'est un résistant polonais
20:15un homme absolument extraordinaire
20:16qui a pu s'infiltrer
20:17dans le ghetto
20:18de Varsovie
20:19et qui va
20:20à la Maison Blanche
20:21rencontrer Roosevelt
20:22et qui lui dit
20:23ce qui est en train
20:24de se passer
20:25en Europe
20:27pour les juifs
20:28et il lui parle
20:29de la possibilité
20:31ou de ce qu'il pourrait faire
20:32pour les sauver
20:34Karski lui demande
20:35ce qu'il va faire
20:36et Roosevelt
20:37rétorque simplement
20:38et bien
20:39nous allons gagner la guerre
20:40Jan Karski
20:41on le trouve
20:42il témoigne dans Shoah
20:43de Claude Lanzmann
20:44c'est un personnage
20:45absolument extraordinaire
20:47mais ce Roosevelt
20:49il ne cesse
20:49de s'affronter
20:50il s'affronte
20:51évidemment à Hitler
20:52il a une relation
20:52aussi très ambiguë
20:53avec Staline
20:54que vous racontez
20:55c'est comme s'il avait été
20:57trop confiant
20:58dans sa relation
20:59avec Staline
21:00il perd finalement
21:02à Yalta
21:02il est confiant
21:04Roosevelt
21:05il a une immense
21:06confiance en lui-même
21:07ça c'est sûrement
21:08son éducation
21:09il pense qu'il est
21:11le plus séduisant
21:12dans la pièce
21:13alors ça marche
21:13avec beaucoup de gens
21:14il a un immense sourire
21:15il a un immense sourire
21:16qui est aussi un masque
21:17il faut savoir
21:18que c'est un homme
21:18qui souffre
21:19qui est handicapé
21:20qui ne marche pas
21:21mais alors
21:23sa relation avec Staline
21:25elle est effectivement
21:26très compliquée
21:27parce qu'il reconnaît
21:28ce qu'on a un peu oublié
21:29après
21:30c'est que ce sont les russes
21:31qui ont tenu contre les nazis
21:32ce sont les russes
21:33qui sont morts par millions
21:34dans la guerre
21:36contre le nazisme
21:37et ça
21:37il en fait crédit aux russes
21:39et en même temps
21:40il pense qu'il va pouvoir
21:41dealer avec Staline
21:42et c'est son erreur
21:45et il y a de nombreuses scènes
21:46d'ailleurs
21:47certaines sont drôles
21:48où on le voit
21:49rentrer
21:50dans une salle de bain
21:51et voir
21:52Churchill
21:53tout nu
21:54qui sort de son bain
21:55il y a d'autres moments
21:56évidemment
21:57beaucoup plus graves
21:58et une uchronie
21:59puisqu'il s'éteint
22:01en 1945
22:02et vous vous demandez
22:03mais
22:03qu'aurait-il fait
22:05est-ce que lui
22:05qui a
22:06lancé le programme
22:08Oppenheimer
22:09pour créer
22:09la bombe atomique
22:10est-ce qu'il aurait fait
22:12usage de cette arme
22:13comme le fera
22:14son vice-président
22:16qui lui succédera
22:17Truman
22:18est-ce qu'il aurait balancé
22:19la bombe
22:19est-ce qu'il aurait engagé
22:21les Etats-Unis
22:21dans la guerre
22:22contre le Vietnam
22:23ou en tout cas
22:24dans cette région du monde
22:26c'est des questions
22:27auxquelles on n'a pas de réponse
22:28c'est des questions
22:29qui sont venues
22:31par les historiens
22:32parce que je leur fais
22:32il y a des gens
22:33qui passent toute leur vie
22:35et effectivement
22:36vu le profil politique
22:37de cet homme
22:38les historiens
22:40se demandent
22:41par exemple
22:41il était très très très
22:42décolonisateur
22:43donc il est sûr
22:44qu'il n'aurait peut-être
22:45pas laissé la France
22:46et l'Angleterre reprendre leur empire
22:47enfin des choses comme ça
22:48et c'est intéressant
22:49mais c'est effectivement
22:50une autre histoire
22:51et celle-ci n'a pas eu lieu
22:53l'autre Amérique
22:54Judith Pérignon
22:55c'est publié chez Grasset
22:57c'est absolument passionnant
22:58c'est consacré donc
22:59à Franklin Delanor Roosevelt
23:01excellente journée
23:02et
23:04à Franklin Delanor Roosevelt

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