Le Traité constitutionnel européen a été rejeté par les Français il y a tout juste 20 ans, le dimanche 29 mai 2005… Patrick Cohen revient sur ce moment de bascule.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00L'édito politique, Patrick Cohen, le traité constitutionnel, Patrick, a été rejeté par les Français il y a tout juste 20 ans, c'était le dimanche 29 mai 2005.
00:09Par 54,8% des voix, un nom massif dans le jingle, ça vient avant le lancement.
00:15En général, mais on apprend tous les jours.
00:18Il a été rejeté par 54,8% des voix, un nom massif, un choc politique majeur qui retentit encore aujourd'hui
00:26parce que ce scrutin a été le premier à dynamiter l'opposition droite-gauche, à faire perdre les deux grands partis, UMP et PS,
00:32Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui avaient posé ensemble pour le oui.
00:35Le premier à structurer un nouveau clivage, souverainiste contre européen.
00:40Parce qu'il est devenu, trois ans plus tard, avec l'adoption du traité de Lisbonne, le symbole du déni de démocratie, de ces votes qui ne servent à rien.
00:48Parce qu'il a été guidé par la première campagne numérique qui contournait les grands médias,
00:52ce n'étaient pas encore les réseaux sociaux, mais l'apparition des blogs et celui d'un professeur d'économie marseillais du nom d'Étienne Chouard,
01:00avec son argumentaire minutieux contre le projet de constitution, est vite devenu viral.
01:04Enfin simplement parce qu'il demeure le dernier référendum national organisé en France
01:09et on comprend bien que les successeurs de Jacques Chirac n'aient pas eu très envie de recommencer.
01:13Et c'est là, Patrick, que date le début du divorce entre les dirigeants et les citoyens ?
01:18Sûrement un moment fondateur et un repère dans le débat public, vous voulez évoquer la défiance,
01:23les messages des urnes ignorés, le peuple contre les élites, vous dites 2005, tout le monde comprend.
01:28Jean-Luc Mélenchon en agite souvent le souvenir, c'est le début de son émancipation du PS,
01:32les gilets jaunes y ont puisé leur envie de référendum citoyen,
01:36même Bruno Retailleau joue sur cette corde en répétant qu'il a été le seul parlementaire de droite
01:41à voter contre le traité de Lisbonne, ce qui est presque vrai.
01:45Ils étaient cinq à droite à l'Assemblée, quatre au Sénat.
01:48Le Vendéen était alors un villiériste non inscrit qui avait déjà voté non à Maastricht.
01:51Et la volonté populaire a-t-elle été réellement bafouée ?
01:54Alors ça se discute.
01:55D'abord il fallait une issue institutionnelle, l'Europe ne pouvait rester en l'état.
02:00Or la majorité disparate qui a dit non était incapable de proposer autre chose.
02:04Ensuite, entre le rejet du TCE et le traité de Lisbonne, il y eut une campagne présidentielle
02:10où le candidat Nicolas Sarkozy avait clairement annoncé qu'une fois élu,
02:14il négocierait un compromis avec les 18 autres pays qui avaient ratifié le traité constitutionnel.
02:20Ce qu'il a fait avant de soumettre le résultat au Parlement pour une révision constitutionnelle
02:25puis une ratification que les trois quarts des parlementaires ont approuvée.
02:29Alors ça peut se critiquer mais on n'est pas vraiment sur un coup de force ou même sur une adoption de type 49-3.
02:35Mais c'est le même texte qui est revenu par la fenêtre ?
02:37Un copier-coller, ça a beaucoup été dit.
02:40Mais non, le traité de Lisbonne est différent du traité rejeté en 2005.
02:44Il redonne du pouvoir au Parlement national, supprime les attributs qui assimilaient l'Union à un État.
02:49Il retire des objectifs de l'UE le chiffon rouge de la concurrence libre et non faussée.
02:55Il y ajoute la lutte contre le changement climatique.
02:58Enfin, ce traité n'est pas une constitution, comme le souligne une note du think tank Terra Nova.
03:03Aucune constitution européenne n'a été imposée à la France du nom et aux Français dans leur ensemble.
03:09Mais dire cela ou même essayer de le démontrer ne fera pas disparaître le point de fixation.