Bruno Rebeuh publie "Retour pleine ligne" chez Albin Michel.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot et Thomas Sotto du 28 mai 2025.
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00:00L'invité du 9-10
00:01Un peu de silence, s'il vous plaît. Merci.
00:05Un peu de silence, vous reconnaissez peut-être cette voix, c'est celle d'un des plus grands arbitres du tennis français.
00:10Il a arbitré les plus grands matchs pendant plus de 20 ans sur toute la planète.
00:13Il a les nerfs d'un Dalai Lama et 10 sur 10 à chaque oeil.
00:16Bonjour et bienvenue sur RTL, Bruno Rebeu.
00:18Bonjour.
00:19Vous êtes avec nous parce que vous publiez ce livre, Retour plein ligne chez Albain Michel,
00:23dans lequel vous racontez tout, tout, tout vos souvenirs.
00:27Moi j'ai quand même une première question à vous poser.
00:29Qu'est-ce qu'on ressent quand on est perché là-haut, sur la chaise d'arbitre un peu,
00:32entre le public qui est derrière, qui vous met la pression, et les joueurs qui sont juste en dessous ?
00:37D'abord c'est super parce que je ne paye pas ma place, c'est la meilleure place.
00:40Donc ça c'est top.
00:42Et puis, comme tous les métiers, c'est une question d'habitude.
00:46Et même s'il y a beaucoup de tensions, au bout de quelques temps, ça devient assez agréable.
00:51Puisqu'encore une fois, on est très très bien placé quand même.
00:53Bon, la meilleure place certes, mais vous n'en profitez pas du match, si ?
00:57Absolument, si, si on en profite, oui, absolument.
01:00C'est comme vous, on pourrait dire que vous ne profitez pas de votre émission,
01:04mais quand vous avez du professionnalisme, vous commencez à avoir un tas d'automatismes.
01:09Mais oui, non, non, j'ai toujours profité des matchs pleinement,
01:12et j'ai toujours aussi aimé les matchs qui étaient longs, compliqués, difficiles.
01:17Je préférais un 7-5 au cinquième set plutôt qu'un 6-2, 6-2, 6-2.
01:21Bon, vous êtes humain, Bruno Rebeu, comme nous.
01:23Moi, je suis très neutre en tennis, mais Amandine, elle a ses chouchous.
01:29Comment rester impartiale quand vous êtes sur votre chaise,
01:32que vous avez le public qui pousse, que vous avez d'un côté du filet Roger Federer,
01:35et de l'autre, un type odieux ?
01:36Voilà.
01:38Écoutez, d'abord, on est arbitre professionnel, donc avant d'être arbitre français...
01:43Vous avez un cœur quand même, vous avez une confiance.
01:45Oui, bien sûr, on a un cœur, mais ça ne m'empêchait pas d'être neutre, bien évidemment,
01:49et très très professionnel, et d'essayer de donner le meilleur de moi-même,
01:53quand on dit ça aujourd'hui.
01:55Bon, votre devise, ne laissez jamais penser que vous ne savez pas.
01:59Sauf que parfois, j'imagine qu'on doute, et surtout il y a quelques années,
02:03aujourd'hui, il y a la vidéo, je ne sais pas si on l'appelle comme ça.
02:06L'arbitrage électronique, oui.
02:07L'arbitrage électronique, pour vérifier qu'une ligne est ou pas sur la ligne,
02:11ça n'existait pas, ça, avant ?
02:12Non, ça n'existait pas, c'est pour ça que je dis qu'il fallait vendre ces annonces,
02:16et surtout donner l'impression aux joueurs, bien évidemment en premier,
02:21mais au public, à la presse, à tout le monde, qu'on était sûr de soi.
02:24Sauf qu'entre nous, vous avez bien douté, parfois.
02:27Oui, bien sûr, beaucoup.
02:28Mais vous ne vous déjugiez jamais, du coup, vous dites, je vais au bout de mon truc ?
02:31Écoutez, quand on arbitre sur surface dure, c'est-à-dire pas sur terre battue,
02:34où il y a des traces, où on peut vous prouver que vous vous êtes trompé,
02:37ou même que vous avez raison, mais sur surface dure,
02:39il fallait bien évidemment prendre une décision extrêmement, donc rapidement,
02:43et puis personne ne pouvait vous faire revenir en arrière,
02:45mais c'est pour ça qu'il fallait vendre son annonce et être convaincant aux yeux de tout le monde.
02:49Alors ça, c'est facile à dire, mais ça dépend du bonhomme qu'on a en face,
02:51ou de la bonne femme d'ailleurs, parce qu'il y en a qui avaient du caractère aussi.
02:54Parmi vos rencontres, il y a Connors.
02:55On est en 86, premier central, Jimmy Connors contre Stéphane Edberg, s'il vous plaît.
03:00Mais il y a un hic, c'est que vous parlez très très mal anglais à l'époque,
03:04et vous ne comprenez rien à ce que vous dit Connors,
03:06et je vais dire ce que vous écrivez dans le bouquin,
03:08je commence à pétocher, je dois me montrer fort, imperturbable, droit dans mes bottes,
03:12et je m'entends encore lui dire avec une voix venue de nulle part,
03:15ok Mr. Connors, ok, no problemes.
03:17En fait, vous n'avez rien compris à ce qu'il vous racontait.
03:18C'est tout à fait ça.
03:19C'est vrai ?
03:20C'est tout à fait ça.
03:21Et c'est ce que je viens de vous dire là,
03:22et je pense que c'était un moment clé.
03:25Il fallait que je montre que j'avais compris.
03:28Mais il n'a pas compris que vous n'aviez pas compris ?
03:30Non, il n'a pas compris que vous n'avez pas compris.
03:32Bien sûr.
03:33Et comme on a eu après des rapports assez sympas avec lui pendant très très longtemps,
03:39il est devenu mon joueur préféré.
03:42Je lui ai rappelé cette anecdote, il ne s'en souvenait plus,
03:45mais c'est vrai que je lui ai dit que je n'avais absolument rien compris,
03:47parce que dans un moment aussi compliqué, avec beaucoup de tensions,
03:51je n'avais pas compris son accent et surtout ce qu'il m'avait dit.
03:54Vous avez gardé des contacts avec certains joueurs ?
03:56Connors justement ?
03:57Oui.
03:57Comment il va Connors ?
03:59Il va très bien.
03:59Il va très bien.
04:00Il est complètement sorti du milieu du tennis.
04:01On ne le voit pas, on ne le voit jamais ?
04:03Non, non, non.
04:04On ne le voit plus.
04:04Et je lui avais même demandé s'il voulait écrire la préface de mon livre.
04:09Et il m'avait dit, écoute, c'est sympa.
04:11Quand tu parleras anglais.
04:12Quand je parleras anglais, oui.
04:14Vous n'avez pas fait de progrès depuis, non ?
04:15Non.
04:15Non, non.
04:16Si j'en ai fait, après 20 ans sur le circuit, j'en ai fait un petit peu quand même.
04:19Vous avez arbitré 10 finales de Roland-Garros.
04:22Est-ce qu'il y en a une dont vous vous souvenez plus que les autres ?
04:26La première.
04:27C'est toujours important.
04:29Quand on est arbitre, et si on m'avait dit au tout début,
04:32quand j'ai commencé l'arbitrage, que j'ai arbitré une finale de Roland-Garros.
04:36C'était quand la première ?
04:361989.
04:38A 89.
04:38Chang et Berg.
04:39Et je pense que si on m'avait dit ça, j'aurais signé tout de suite.
04:42Et j'ai eu la chance et le privilège d'en arbitrer 10.
04:44Mais c'est vrai que la première, on s'en souvient toujours.
04:47Bon, et alors celle d'après, c'est André Scomes face à André Agassi.
04:50Oui.
04:51Et là, vous racontez qu'Agassi est très très agité, qu'il ne joue pas comme d'habitude.
04:56Et en fait ?
04:57Oui.
04:57Alors, c'est cette fameuse histoire que tout le monde a découvert un certain nombre d'années plus tard.
05:01C'est que la veille, il avait perdu, il avait donc une perruque.
05:05Personne ne le savait.
05:07En prenant sa douche, sa perruque commence donc à se détacher.
05:11Il avait envoyé son frère, il était 21h, la veille de la finale de Roland-Garros pour aller lui acheter des peines ou de la colle ou je ne sais pas quoi.
05:21Donc, il était absolument perturbé.
05:23Il est rentré sur le cours le lendemain.
05:25Donc, il le raconte lui très bien dans son livre aussi.
05:28Et il avait absolument peur de perdre sa perruque en plein milieu du cours et d'être la risée du monde entier.
05:34Vous comprenez ce qu'il se passe à ce moment-là ?
05:36Non, pas du tout.
05:36Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il a une perruque ?
05:38Non.
05:38La seule chose que j'ai ressenti, c'est qu'il avait un comportement qui était assez étrange, lui qui était en pleine forme.
05:45Il avait 10 ans de moins qu'Andrés Gomez qui avait eu un tournoi extrêmement difficile.
05:48Et au lieu de le faire courir, de faire tenir l'échange et puis donc de fatiguer Andrés Gomez, il n'était pas comme d'habitude.
05:56Il ne bougeait pas.
05:56Non, il ne bougeait pas.
05:58Il avait certainement peur.
05:59Il le raconte très bien d'ailleurs et c'était assez perturbant pour lui.
06:03Et on peut le comprendre.
06:04Et malheureusement, il a perdu sa première finale de Roland-Garros.
06:06Donc, Gomez a gagné sans doute à cause du problème de perruque d'Agassi.
06:10Peut-être.
06:10Il a fait un très bon match aussi.
06:12Alors, on vous écoute et on se dit, ce type-là, il est né avec une raquette dans la main, avec une raquette dans l'esprit, etc.
06:17Pas du tout.
06:18Vous racontez, dans ma chambre d'ado, il n'y avait pas de poster de Bjorn Borg, de Ginny Connors ou de François Geoffrey.
06:23Les murs offraient une intéressante déco vert et orange.
06:26Le vert pour les Stéphanois, les Saint-Etienne.
06:28Et l'orange pour l'équipe des Pays-Bas, Johan Cruyff.
06:31Mon idole absolu.
06:32Vous rêviez de foot, en fait, vous, Bruno Rebeu ?
06:34Toujours.
06:34Je rêve toujours de foot.
06:35Vous en rêvez toujours ?
06:36Oui, oui, toujours.
06:37Je suis...
06:38J'adore le foot.
06:40J'ai toujours joué au football.
06:41Je n'ai pas pu être un très, très bon joueur.
06:43Donc, je suis resté un modeste amateur.
06:46Mais j'ai voulu faire carrière dans le foot.
06:48Et j'ai après basculé dans le milieu du tennis.
06:51Mais aujourd'hui, le football est toujours pas passionnant.
06:53Un petit peu.
06:54Mais moins.
06:54Mais beaucoup moins.
06:55Et alors, comment, quand on rêve de foot, on se retrouve dans le tennis ?
06:58Écoutez, j'ai été dans une section sport-études à l'époque à Nice.
07:02Milieu des années 70.
07:03Et j'étais dans le même lycée que Yannick Noah et que la fameuse section sport-études
07:07des grands-grands joueurs de tennis de l'époque ou des futurs grands.
07:11Noah Moreton, qui est le président de la Fédération Française aujourd'hui.
07:14Et les joueurs de foot aimaient donc le tennis.
07:17Et les joueurs de tennis aimaient le foot.
07:18Donc, voilà.
07:18On a commencé à échanger des maillots, etc.
07:20Et c'est là où j'ai commencé à aller arbitrer dans le fameux Open de Nice.
07:25Donc, ce qu'on retient, c'est qu'il n'y a pas besoin d'être bon joueur pour être arbitre.
07:29Non, mais il vaut mieux savoir jouer un petit peu.
07:31Ce qui nous permet de comprendre le jeu un petit peu mieux quand même.
07:35Mais je n'ai jamais été un très bon joueur de tennis.
07:37C'est une question qui va peut-être vous paraître absurde.
07:38Mais on a le droit d'être arbitre quand on a des lunettes ?
07:40Oui, parce que la vue n'est pas le plus important dans l'arbitrage.
07:46C'est quoi le plus important ?
07:47C'est d'être un meneur d'hommes.
07:48Vous avez deux joueurs qui jouent pour beaucoup d'argent, pour beaucoup de points.
07:53Vous avez un public autour de vous.
07:54C'est la façon dont vous allez conduire le match.
07:57Savoir sévir pas trop tôt, pas trop tard.
08:01Justement, je voulais vous faire réagir.
08:02Je ne sais pas si vous avez vu ces images, notamment hier.
08:07Moi, j'ai été très surprise en regardant les matchs d'hier.
08:10Il y avait d'un côté Djokovic qui voulait absolument qu'on ferme le toit,
08:12alors qu'il ne tombait que quelques gouttes sur le cours.
08:16L'arbitre, visiblement, ne voulait pas.
08:19Et il y est retourné, je ne sais pas, cinq fois, six fois.
08:21Il y a aussi, alors ça c'était plutôt sur les cours annexes, visiblement,
08:25mais des gens qui hurlent, alors même que l'arbitre dit
08:29les joueurs sont prêts, installez-vous, etc.
08:32Et qui répondent d'ailleurs à l'arbitre.
08:33Ce n'était pas comme ça avant aussi ?
08:35Il y a même eu un ferme-ta-gueule à un arbitre.
08:37Écoutez, ce n'était pas comme ça.
08:38Oui et non, parce que je vois aujourd'hui, et vous avez tout à fait raison,
08:42qu'on est avec un public différent de celui d'avant.
08:46Mais moi, j'ai le record des sifflets à Roland-Garros.
08:48J'ai été sifflé pendant 22 minutes non-stop.
08:51Je le raconte dans mon livre d'ailleurs.
08:53C'était entre Eric Vinogratski, les gens se souviennent.
08:56Il venait de battre Stéphane Edberg le tour d'avant.
08:59Donc c'était devenu l'idole en France.
09:01Il avait fait la une de la presse, etc.
09:02Et il joue contre un joueur tchèque, Karel Novacek, au tour d'après.
09:06Et dans un match complètement, il était midi sur le cours central qui n'était même pas plein.
09:11Et une bande de jeunes a commencé à me siffler sur une décision que j'avais prise contre le joueur français.
09:16Et tout le public a repris.
09:18Ils se sont amusés à faire ça et ça a duré 22 minutes.
09:20Ça vous a touché ou pas ?
09:21Ça vous a déstabilisé ?
09:22J'ai cru que c'était la fin de ma vie.
09:24Quand on vous siffle pendant 22 minutes sur le central,
09:27ou même les joueurs sont montés sur la chaise pour prendre le micro et dire au public
09:31que nous sommes d'accord avec l'arbitre, il faut vous arrêter.
09:34Mais ils en avaient fait un jeu et ça a duré vraiment très longtemps.
09:37J'ai une petite question.
09:38L'arbitre n'est pas seul.
09:39Il y a les juges de ligne.
09:40Il y avait à l'époque les juges de filet.
09:41Il n'y en a plus parce que c'est trop dangereux.
09:44Roland-Garros est le dernier tournoi du Grand Chelem où il y a encore des juges de ligne humains.
09:48Partout ailleurs, ça a été remplacé par la machine, par l'électronique.
09:50Qu'est-ce que vous pensez de ça ?
09:52J'espère que Roland-Garros va encore résister.
09:55Je ne connais pas la décision qui va être prise pour l'année prochaine.
09:59Les dirigeants de la fédération et de Roland-Garros sont des très bons dirigeants
10:03et j'espère qu'ils prendront la bonne décision.
10:05Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, c'est le dernier tournoi au monde où il y a des juges de ligne.
10:08Je pense que c'est bien d'avoir la vidéo parce qu'il faut vivre avec son temps pour aider.
10:13Mais de là à remplacer la partie humaine de l'arbitrage, je pense qu'on est allé trop loin.
10:19Surtout qu'au tennis, l'arbitrage a énormément progressé.
10:22Et on était arrivé à un arbitrage quasiment parfait.
10:24C'est dommage aujourd'hui de pouvoir retirer tous les arbitres.
10:27Pour en reparler avec Gilles Moreton, le président de la FED,
10:30il n'a pas du tout l'intention de supprimer les juges de ligne.
10:32Sauf, dit-il, si c'était une demande des joueurs.
10:35Si tous les joueurs venaient dire que ce n'est pas possible.
10:37Mais quel intérêt des joueurs ?
10:38De penser qu'ils seraient mieux arbitrés.
10:40Mais ce n'est pas le cas parce que Zverev, il y a quelques jours, après une photo,
10:42il a montré que le...
10:44Il y a encore quelques réglages techniques, surtout sur terre battue.
10:47Mais c'est vrai que ce serait un petit peu dommage.
10:50Et surtout, privé de l'écosystème.
10:52Parce que tous les juges de ligne qui sont à Roland-Garros aujourd'hui,
10:55il y en a 350, ils ont donc une activité tout au long de l'année
10:58à aller arbitrer les petits matchs le dimanche matin dans les clubs en plein hiver.
11:02Si demain, on supprime cette carotte qui est Roland-Garros,
11:05vont-ils toujours continuer à aller arbitrer ?
11:07Il n'y a pas de retour en arrière, parce que si on perd le savoir-faire,
11:09si vous perdez des générations de gens qui savent regarder une ligne et arbitrer,
11:13si dans dix ans, vous dites, finalement, ça ne va pas à le numérique électronique,
11:18il n'y aura plus personne qui saura le faire.
11:19Bon, ça, c'est les yeux, les lignes, tout ça.
11:21Mais nous, on va tester vos oreilles rapidement pour finir, Bruno Rebeu.
11:24Des cris de joueurs ou de joueuses, est-ce que vous savez les reconnaître ?
11:27Tiens, premier cas.
11:28Céleste ?
11:31Oh, bien !
11:33Monika Céleste, bravo.
11:34Raquel Garrido.
11:35Bravo.
11:36C'est tout, on va se passer d'un.
11:37Moi, j'ai dit Monika, elle a dit Céleste.
11:39Deuxième.
11:44Nadal.
11:45Nadal, on va cocher, oui.
11:46Nadal.
11:47C'est le troisième ami qui se fait.
11:53Joko.
11:53C'était mon fils hier soir.
11:54Non, mon fils hier soir.
11:55C'était mon fils hier soir, exactement.
11:57Vous l'avez vu ?