00:04Avant d'entendre Fabrice Leclerc, journaliste et cinéma à Paris Match,
00:07Charlotte Dornayas avait un coup de gueule, mais j'étais assez d'accord avec vous sur le festival de Cannes
00:11qui avait un peu changé, évolué.
00:13Le festival de Cannes qu'on regardait avec nos yeux d'enfant, effectivement, c'est ce que vous disiez,
00:16les belles robes, les belles robes, le beau tapis, les étoiles dans les yeux et un monde merveilleux.
00:22Et là, on se prend leçon sur leçon depuis une semaine, c'est un peu fatiguant.
00:25Vous avez regardé, Nathan, juste un mot sur le festival de Cannes, je comprends, moi aussi j'ai suivi ça d'une oreille de loin, de très très loin.
00:34L'engagement artistique, je crois qu'il se passe dans une oeuvre, que si on veut s'engager artistiquement,
00:41on le fait dans un roman, on le fait dans un film, on le fait profondément.
00:45Se contenter d'écrire des pétitions, de signer des pétitions, ou de faire des petits discours derrière les paillettes de Cannes,
00:52c'est pas ça l'engagement artistique.
00:53Et aujourd'hui, je crois que les artistes qui font ça, on l'a vu aux Etats-Unis,
00:56quand, aux deux élections de Donald Trump, tout le gratin hollywoodien est venu dire
01:01« Oh là là, il faut voter pour les démocrates, vous êtes vraiment méchants, vous les ploucs,
01:05d'avoir envie de voter Trump, etc., vous puez ».
01:08Bon, ça a eu un effet totalement contre-productif.
01:10Donc l'engagement artistique, ce n'est pas de se contenter de se donner bonne conscience
01:14quand on a une robe ou un costume qui coûte 4000 euros,
01:17et qu'on est sur une noeuvre avec des paillettes.
01:20C'est pas ça l'engagement artistique.
01:23Et les gens qui s'engagent artistiquement, comme le réalisateur qui a eu la Palme d'Or ce soir,
01:27comme Victor Hugo, comme Emile Zola, ce sont des gens qui le payent de leur vie.
01:30Pardon, mais pour une fois, bonsoir Fabrice Leclerc, jointez cinéma à Paris Match.
01:34Bonsoir Pascal, bonsoir à tous.
01:35Vous avez vu, on a un portrait de la montée du tapirou, c'est beaucoup moins glam.
01:39Je ne sais pas si vous partagez ce sentiment.
01:41Mais il reste quelques belles robes, attention.
01:42Non, il reste quelques belles robes, mais pas 4000 euros, n'attendez-vous,
01:45beaucoup plus cher.
01:47Fabrice Leclerc, juste quand même une question.
01:49Non, cette Palme d'Or ce soir, elle a un sens.
01:51Je veux dire, moi j'ai été quand même assez touchée qu'elle soit remise,
01:56effectivement, un dissident iranien, Jafar Panaï,
02:00qui a quand même tourné son film en clandestinité.
02:03Que pouvez-vous nous dire sur ce choix du jury, Fabrice Leclerc ?
02:08Ce choix du jury était attendu dès qu'on a su que Jafar Panaï était en compétition
02:14et on connaît Juliette Binoche pour ses engagements.
02:16On s'est dit, Jafar Panaï part avec une longueur d'avance.
02:19Il est arrivé ce soir avec une longueur d'avance.
02:21Après, on ne peut pas oublier qui est Jafar Panaï,
02:25un cinéaste iranien qui fait en plus des films toujours très intéressants
02:30qu'il a tournés pour la plupart du temps en clandestinité.
02:33Et ce film-là, c'est un espèce de doigt d'honneur au régime iranien
02:39qu'il continue de combattre.
02:41Il était en prison, ça fait encore un an et demi,
02:44avec cette Palme d'Or ce soir.
02:45Alors c'est sûr, on met la lumière sur Jafar Panaï.
02:49Il a dit d'ores et déjà qu'il ne pouvait pas vivre en exil,
02:53donc il va rentrer à Téhéran.
02:54Il n'a peur de rien, c'est incroyable.
02:57Je le trouve très courageux.
02:58Avec sa Palme d'Or, il sera peut-être arrêté,
03:01il sera peut-être remis une nouvelle fois en prison.
03:04Mais quand on voit son film, on comprend à quel point,
03:07et c'est là où je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous,
03:10les leçons de morale, oui, il y en a, je ne lis pas.
03:13Jafar Panaï, lui, fait du cinéma et raconte une histoire.
03:17C'est ce que disait Nathan.
03:18Je me suis peut-être mal exprimé.
03:20Je disais lui, c'est du cinéma et c'est profond.
03:22Oui.
03:22Voilà.
03:23Et c'est aussi drôle et c'est aussi énormément de cinéma.
03:26On ne s'ennuie pas en voyant le film de Jafar Panaï.
03:29C'est autant une comédie à l'italienne qu'un pamphlet sur la torture,
03:34puisque c'est un groupe de gens qui vont se retrouver.
03:37Certains ont été torturés, d'autres sont peut-être tortionnaires.
03:40Et ils vont chacun dire et ne pas dire ce qu'il faudrait dire ou ne pas dire.
03:45Et tout ça est enrobé dans le cinéma.
03:47Et c'est d'ailleurs ce qui a été à Cannes cette année une vraie tendance.
03:51C'est qu'il y avait beaucoup de films au contenu politique
03:53en faveur de la liberté d'expression.
03:56Mais c'était tous des films de cinéma,
03:58des films qui convoquaient le cinéma,
04:00des films de genre,
04:01des films accessibles à un grand public.
04:03Et je crois que si on doit retenir quelque chose cette année,
04:06c'est réellement ça.
04:07Oui, il y a eu du contenu politique.
04:09Oui, on a regardé le monde à travers les yeux des cinéastes.
04:14Mais on l'a regardé aussi avec énormément de cinéma.
04:16Et je trouve que ce mariage de la politique
04:18et de l'envie de faire des films,
04:19de divertir et de plaire au plus grand nombre,
04:22c'est aussi ce que doit faire le cinéma, non ?
04:25Oui, voilà.
04:26Mais Jaffar Panaï, effectivement, n'était pas l'objet des critiques
04:29que nous amityons au studio.
04:31Et ni les films, d'ailleurs,
04:32parce que nous n'avons pas eu les chances de les voir.
04:34C'était plus les discours qui s'accumulent les uns aux autres.
04:37Oui, c'est ça.
04:37C'est l'ambiance générale, effectivement.
04:39La bien-pensance, on va dire ça comme ça.
04:41Fabrice Leclerc, la bien-pensance,
04:42parfois qui se dégage de Cannes,
04:45avec des leçons de morale qui ne conviennent pas à tout le monde, pardon.
04:48Chacun est libre de penser ce qu'il veut.
04:49Et qui ne sont surtout pas très originels.
04:50Le conformisme, c'est toujours un peu fatiguant.
04:53Oui, voilà, c'était ça.
04:54Ce qui est rigolo, c'est que certains des acteurs ou actrices
04:57qui ont cet engagement de vitrine,
05:00cet engagement juste de plateau télé,
05:03ont pu, par le passé, avoir des déclarations super complotistes.
05:06Ce qui prouve que, par exemple, sur le 11 septembre...
05:08Je ne sais pas, sur quelqu'un qui a pu avoir des propos cette semaine au Festival de Cannes.
05:12C'est intéressant parce que ça montre bien
05:13qu'il n'y a pas toujours une vraie culture politique derrière.
05:16Et qu'en fait, ils parlent de sujets qu'ils ne connaissent pas.
05:19Et qu'ils disent n'importe quoi.
05:21Et encore une fois, je fais bien la distinction
05:22entre des artistes qui s'engagent, qui s'engagent profondément.
05:26Et que ce soit Jafar Panaï,
05:27que ce soit...
05:28On ne va pas faire la liste de tous les grands artistes engagés qu'il y a aujourd'hui.
05:30Ce sont des gens qui mettent leur vie dans leur oeuvre.
05:33Qui mettent leur peau sur la table dans leur engagement.
05:35Et ceux qui se contentent de signer une petite pétition,
05:38de partager une story,
05:39ou de répéter des slogans creux,
05:40ce n'est pas de l'engagement.
05:42Donc il faut vraiment faire cette distinction
05:44qui me semble absolument centrale.
05:45Un petit cocorico quand même, Fabrice Leclerc.
05:49Nadia Militi, actrice française.
05:51Elle a fait un film, paf, Palme d'Or, direct.
05:54Alors ça, c'est incroyable.
05:55Très bien.
05:56Oui, très bien.
05:58C'est incroyable.
05:59Oui, c'est incroyable.
06:00Et c'est aussi assez symbolique.
06:02Et je vais vous dire pourquoi.
06:04Alors c'est vrai, c'est son premier film.
06:05Elle a été castée dans la rue par Avier Ziel.
06:09Elle est actuellement étudiante.
06:10Elle rêverait de devenir prof de sport.
06:13Elle aime beaucoup le football et le basket.
06:16Et c'est vrai que dans ce film,
06:17elle joue une jeune musulmane qui fait ses études
06:20et qui va s'ouvrir à ses désirs,
06:22à son homosexualité qu'elle refoule
06:24et puis qu'elle va finir par accepter.
06:26Et ce qui est beau à Cannes
06:28et ce qui est beau dans ce prix,
06:30je ne sais pas si vous y avez pensé,
06:32mais il y a quelques mois,
06:33il y a une grande actrice qui nous a quittés
06:35qui s'appelait Émilie Dequenne
06:36qui a connu le même destin.
06:38Elle a été castée de manière assez sauvage
06:41par les frères d'Ardennes pour Rosetta.
06:44Et elle a reçu le prix d'interprétation à Cannes.
06:48Et c'est autant une vraie découverte
06:51qu'un petit hommage, je pense aussi,
06:53à ces jeunes actrices
06:55qu'on découvre comme ça,
06:56un peu comme ça,
06:58de manière un peu brute
06:59et qui se révèle bien souvent
07:01être des actrices
07:02beaucoup plus accomplies
07:03que de grandes professionnelles.
07:06Il y avait aussi
07:06les cinq actrices du film
07:07des frères d'Ardennes
07:08qui est là encore un superbe film,
07:11superbe film de cinéma,
07:12beaucoup plus lumineux qu'on ne le croit.
07:14Cinq actrices
07:15qui n'avaient jamais quasiment tourné de film