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  • 20/05/2025
Le spécialiste des faits divers raconte les dossiers judiciaires qui l’ont le plus marqué, dans un nouveau livre "L’univers du crime" aux éditions du Rocher.

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Transcription
00:00Bonjour Jacques Pradel. Bonjour Céline.
00:02Ça fait plus de 30 ans que vous sondez le monde des criminels, on se souvient notamment de l'émission Perdu de vue.
00:07Ça vous fascine toujours autant ?
00:10Oui, ça me fascine toujours autant, peut-être pour des raisons différentes.
00:13Parce qu'à l'époque de Perdu de vue, et surtout de témoin numéro 1,
00:18je faisais mes premières plongées profondes dans le monde judiciaire,
00:24le monde des enquêtes aussi des gendarmes ou de la police nationale, de la PJ.
00:31Et je découvrais beaucoup de choses.
00:33Et j'étais comme le public fasciné parfois par un certain nombre d'éléments qui entourent toujours le crime.
00:43Et puis au fur et à mesure des années, je sais maintenant que ce que j'aime c'est décrypter,
00:52trouver le pourquoi du comment, raconter.
00:56Pas du tout, moi je ne m'intéresse pas du tout au sang, au morbide, au macabre, etc.
01:03Ni à la criminalité organisée, parce que là les jeux sont clairs,
01:07c'était une sorte de jeu des gendarmes et des voleurs.
01:11Donc voilà, quand on se fait prendre, c'est la casse-prison, point à la ligne.
01:16Donc ce qui m'intéresse c'est le crime de monsieur et madame tout le monde.
01:21À quel moment et pourquoi on bascule ?
01:23Oui, voilà, à la suite de circonstances qui sont toutes différentes à chaque fois,
01:28pour chaque personne, homme ou femme.
01:32Et en même temps, je les appelle des crimes à la simnon.
01:37Parce que c'est comme dans les romans de simnon.
01:40À un moment, la personne se trouve dans une sorte d'entonnoir mental
01:47et décide qu'en tuant la personne en face d'elle qui symbolise son problème,
01:57elle va résoudre le problème.
01:58Et c'est évidemment faux.
02:00Et comme ce ne sont pas des professionnels du crime, en général ils se font prendre.
02:03Ils se font attraper.
02:04Mais vous n'en faites jamais des cauchemars, des histoires que vous racontez ?
02:08Non, parce que si on se laisse gagner par l'émotion,
02:14et ça je parle surtout pour les émissions en direct que j'ai pu faire à la télé ou à la radio,
02:20il y a parfois des témoignages très émouvants.
02:23Je pense notamment aux familles de victimes qui s'estiment toujours méprisées à tort,
02:30d'ailleurs, par les enquêteurs ou par les juges.
02:35En fait, si on se laisse gagner par l'émotion, on ne peut plus faire son travail.
02:41Et mon travail, c'est quand même de porter parfois la voix des partis civils
02:48et d'essayer de trouver des faits nouveaux,
02:54de susciter des témoignages à partir du moment où, évidemment,
02:58on ne transforme pas les récits d'histoires criminelles en cluedo-macam.
03:05Alors dans ce livre, Jacques Pradel, L'univers du crime,
03:07vous avez compilé les affaires qui vous ont le plus marqué
03:09de la mort d'Émile Zola à celle de Gianni Versace,
03:12des crimes du tueur en série Thierry Paulin à ceux de Simone Weber.
03:15Quel est dans le bouquin l'histoire la plus folle, la plus extraordinaire ?
03:21Alors, il y en a beaucoup qui sont folles et extraordinaires.
03:25Il y a celui qu'on a appelé le dépeuseur de Mons.
03:31C'est une histoire incroyable.
03:33Ça se passe à quelques kilomètres de la ville de Mons en Belgique.
03:37Une patrouille de policiers à cheval remarque dans un bas-côté un sac poubelle.
03:43Et puis, l'un des policiers arrête son cheval et se dit qu'il a vu quelque chose de bizarre
03:50qui dépassait du sac.
03:52Il descend le cheval, il va voir, c'est un membre humain.
03:57Et dans le sac, il y a des parties de corps qui ont été découpées.
04:01Et dans les jours et les semaines qui suivent,
04:04la police belge va découvrir 18 ou 20 sacs poubelles contenant, d'après les médecins légistes,
04:13au moins les restes de cinq personnes.
04:17Et on réussira à identifier ces cinq personnes au bout de plusieurs années.
04:24Et donc, autre élément qui marque l'histoire, qui fait qu'on ne l'oublie pas, celle-là,
04:31c'est que le criminel, le tueur en série, puisqu'il s'agit bien d'un tueur en série,
04:37qui lui joue un jeu macabre, il dépose ses sacs dans des endroits qui ont des noms particuliers.
04:44Près de, sur les berges de la rivière de la Haine, rue du dépôt, rue de la tranquillité.
04:52Et alors, il y a une enquête en plus policière extraordinaire,
04:58menée par la PJ belge,
05:02qui fait travailler les profileurs du FBI qui acceptent de se joindre à l'enquête.
05:10Et malgré tout ça, on ne trouvera jamais l'identité du tueur.
05:16Ça fait plus de 25 ans qu'on n'a pas retrouvé les débris et que ça s'est arrêté.
05:24Donc l'auteur est soit mort, soit en prison, soit il a quitté la Belgique
05:28et il est quelque part à travers le monde en train de continuer ses coupables exactions.
05:36Est-ce que vous avez des relations avec certains criminels ?
05:39Allez-vous les voir en prison, par exemple ?
05:41Non. Non, j'ai rencontré quelques voyous, pas des criminels.
05:46Quelques voyous qui sont des gens...
05:52En fait, c'est quand même le but de la justice et des procès et de la prison,
05:58c'est d'essayer de trouver, dans les actes qu'a commis quelqu'un, délictueux,
06:03de trouver ce qui pourrait le ramener dans la communauté humaine.
06:10Alors, c'est beaucoup plus difficile quand il s'agit d'assassinats spectaculaires,
06:16de tordures, enfin...
06:19Bref, voilà.
06:20Mais c'est pour ça que je parle quand même dans le livre,
06:23au tout début du livre, je raconte qui était Bruno Sulac.
06:28Parce que Bruno Sulac, c'est le voyou à l'ancienne.
06:32C'est celui qui n'a jamais tué personne,
06:36mais qui a fait vraiment des dégâts,
06:38qui a fait des casses incroyables à Paris, chez Cartier, à Cannes, encore chez Cartier,
06:45mais qui a volé des dizaines et des dizaines de millions de francs à l'époque,
06:51mais qui représentent finalement des dizaines de millions d'euros.
06:54Et Bruno Sulac fait partie de ce que les policiers, à son époque,
06:58appelaient, donc dans les années 80, appelaient un beau mec.
07:03Alors, un beau mec, c'est quoi pour un flic de l'époque ?
07:06C'est celui qui ne dénonce jamais ses complices,
07:11qui accepte la responsabilité de ce qu'il a fait,
07:15qui paye ses années de prison.
07:17Et cela dit, Bruno Sulac avait un petit truc de plus,
07:21un bonus de plus, c'est que d'abord, il s'évadait.
07:25On l'a appelé le roi de l'évasion,
07:27parce que c'était un type très séduisant,
07:32et pas qu'avec les femmes,
07:34enfin, c'était quelqu'un à qui on pouvait faire confiance, etc.,
07:38qui arrivait à convaincre des gens,
07:40contre-monnaie, bien sûr, très bûchante,
07:44et qui s'évadait.
07:45C'est comme ça, d'ailleurs, qu'il est mort,
07:47puisqu'il était à Fleury-Mérogis,
07:50il avait soudoyé le sous-directeur de la prison
07:53et un gardien.
07:55Il leur avait fait miroiter une somme très importante
08:00qui était prise sur son trésor de guerre.
08:03Et puis, ce jour-là, il y a eu le grain de sable,
08:05c'est-à-dire qu'il y a eu une tournée de surveillants inopinés,
08:12et la porte dont il avait pourtant la clé est restée fermée.
08:17Et là, il y a eu une chasse à l'homme à l'intérieur de la prison.
08:21Il a essayé de sortir par la fenêtre,
08:23et c'était au troisième étage.
08:24Il est mort.
08:25Vous plaidez, Jacques Pradel,
08:27pour l'allongement de la période de prescription,
08:29qui est actuellement de 20 ans pour un acte criminel.
08:32Il faudrait que ce soit combien de temps, et pourquoi ?
08:34Je pense qu'il faut tout simplement doubler cette période.
08:3740 ans.
08:38Je ne pense pas qu'il faille annuler la période de prescription,
08:44parce que je trouve que c'est bien, moralement,
08:47que le seul crime imprescriptible en France
08:51soit le crime contre l'humanité.
08:53Donc je ne pense pas qu'il faille...
08:56Mais pour les crimes de sang,
08:58ça a été très longtemps de 10 ans.
09:00Depuis 2017, grâce à deux députés
09:03qui ont déposé une proposition de loi
09:06qui a été votée à l'unanimité
09:08par l'Assemblée nationale et le Sénat,
09:12elle a été portée à 20 ans.
09:14Mais 20 ans, actuellement,
09:17c'est obsolète par rapport au progrès
09:21de la police scientifique.
09:23Je pense que maintenant, la police scientifique
09:25nous prouve que 30, 35, 40 ans après une affaire criminelle,
09:30on peut encore trouver la solution.
09:33Mais à une condition,
09:35c'est que l'affaire n'ait pas été classée.
09:37Parce que sinon, s'il y a prescription,
09:41les tribunaux diront
09:42« Ah ben non, la justice ne peut pas juger quelqu'un
09:46deux fois pour le même crime.
09:48Et circuler, il n'y a rien à voir. »
09:49Mais vous pensez, par exemple,
09:51qu'un jour, on saura qui a tué le petit Grégory ?
09:53Alors, je pense qu'il reste un infime espoir,
09:57puisque cette affaire n'a jamais été classée.
09:59qu'elle continue, donc,
10:02et que la justice a décidé,
10:04il y a quelques temps,
10:05maintenant de nombreux mois,
10:08de tenter, si j'ose dire,
10:11les analyses de la dernière chance
10:13sur les fameux nœuds
10:15des cordelettes,
10:17qui contiennent peut-être
10:19un ADN
10:21qui pourrait...
10:22Et maintenant que la police scientifique a évolué,
10:25on peut faire un portrait robot ADN,
10:27on peut sortir un ADN
10:30d'un produit extrêmement dégradé.
10:35Une seule cellule suffit, maintenant,
10:37pour dresser un profil ADN.
10:40Donc, voilà.
10:41Je sais que c'est l'espoir, évidemment,
10:43de Christine et Jean-Marie Villemin
10:45qui continuent à...
10:47Et Jean-Marie Villemin, en tout cas,
10:50continue à envoyer très régulièrement
10:52ces réflexions,
10:53des idées de pistes
10:56au magistrat chargé de l'enquête.
10:59Est-ce que vous êtes aussi client
11:00des séries policières à la télé ?
11:03À force d'être le nez dedans toute la journée,
11:05est-ce que vous avez envie
11:05de vous divertir avec ça ?
11:07Oui, oui.
11:07Il m'arrive d'emporter du travail à la maison.
11:10Mais...
11:10Non, mais...
11:12Si vous voulez,
11:12je regarde des...
11:16plus de documentaires
11:17sur les affaires criminelles
11:19que de véritables fictions.
11:21Et je dis toujours, d'ailleurs,
11:23dans mes livres
11:24et dans celui-là aussi,
11:25dans la préface,
11:26j'attire l'attention du lecteur
11:28sur le fait que je ne raconte pas...
11:32Je ne raconte que des histoires vraies.
11:34Même si ça ressemble à de la fiction,
11:38ça n'en est pas.
11:39Le sang, c'est du vrai sang.
11:41Les cadavres,
11:42ils n'ont pas trois vies
11:43comme dans les jeux vidéo.
11:45Voilà.
11:45Et je pense cela
11:48par égard
11:50pour les familles
11:51de victimes
11:52pour qui
11:53leur vie
11:55a explosé.
11:56Quand un de vos proches
11:58est assassiné,
12:00vous vous trouvez projeté
12:01dans un autre univers
12:03que vous n'avez pas prévu.
12:04Et souvent,
12:05les familles de victimes
12:07se raccrochent
12:08au fait qu'ils ont
12:09d'autres enfants,
12:10qu'il faut bien vivre.
12:13Mais enfin,
12:13en fait,
12:15ils sont fracassés.
12:15Et ils sont condamnés
12:17au chagrin
12:18à perpétuité.
12:19Exactement.
12:20Votre prochain livre,
12:21Jacques Pradel,
12:21il portera sur quoi ?
12:22Parce qu'il y aura forcément
12:23un prochain livre,
12:24vous n'arrêtez pas.
12:25Non,
12:25je ne sais pas.
12:26J'essaye de ne pas me transformer
12:28en usine d'écriture.
12:30Et puis,
12:31je laisse aussi...
12:32Non, non,
12:33là,
12:34je n'ai pas
12:35ni de titre
12:37ni de thème
12:38précis
12:39pour les prochains livres.
12:41Je préférerais
12:42que
12:42convaincre
12:43un certain nombre
12:44de parlementaires
12:45qu'il faudrait
12:46porter la prescription
12:48à 40 ans.
12:49Tout au moins
12:50qu'on ouvre le débat
12:51et qu'on prenne l'avis
12:52des magistrats,
12:54des avocats
12:55et de la société civile
12:57et surtout
12:58des associations
12:59de victimes.
13:01Il y a d'ailleurs
13:01eu une pétition en ligne
13:02actuellement
13:03pour soutenir
13:04cet appel.
13:05Oui,
13:05on a déjà
13:05une vingtaine...
13:07J'ai vu 19 000 signatures.
13:08Oui,
13:08voilà,
13:0919 000.
13:09J'espère que
13:11l'appel sera entendu
13:12puisque vous interpellez
13:13Emmanuel Macron
13:14et Gérald Darmanin,
13:15le président de la République
13:16et le garde des Sceaux.
13:16sans illusion.
13:19Merci beaucoup
13:20d'être venu Jacques Fradel.
13:21C'est moi qui veux remercier.

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