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  • 18/05/2025
Avec Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'IRIS, spécialiste des nationalismes et extrémismes en Europe & Pascal Perrineau, politologue, spécialiste de la sociologie électorale

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##EN_TOUTE_VERITE-2025-05-18##

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00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio Sécurité, Économie Numérique, Immigration, Écologie.
00:10Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:16Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir Jean-Yves Camus, spécialiste de la droite radicale,
00:22et Pascal Perrineau, qui normalement sera en duplex avec nous, politologue et professeur à Sciences Po.
00:29Alors que nous saurons cet après-midi qui de Laurent Wauquiez ou de Bruno Rotailleau l'emportera pour la présidence des LR,
00:36nous évoquerons ensemble l'avenir de la droite en France, mais aussi en Europe.
00:40Car c'est également ce dimanche qu'on aura le verdict de l'élection présidentielle en Roumanie et celui des élections législatives au Portugal.
00:48La Pologne vote également pour le premier tour de la présidentielle.
00:51Dans chacun de ces pays, la droite nationaliste pourrait réaliser une percée selon les sondages.
00:56Quelle droite pour la France de demain ? Entre le bloc central et le bloc national ?
01:00Existe-t-il encore une place pour la droite classique ?
01:04LR devra-t-il nécessairement choisir entre l'union des droites et l'union avec le centre ?
01:08Qu'en est-il en Europe ? Les droites populistes et nationalistes sont-elles l'avenir du vieux continent ?
01:14Tout de suite, les réponses de Jean-Yves Camus et on l'espère Pascal Perrineau, en toute vérité.
01:19En toute vérité, sur Sud Radio, Alexandre de Villecieu.
01:25– Jean-Yves Camus, bonjour. – Bonjour.
01:27– Ravi d'être avec vous, je crois que Pascal Perrineau va nous rejoindre dans un instant,
01:34il tente de se connecter.
01:36Jean-Yves Camus, on va parler des droites ce matin avec vous.
01:44De l'élection LR d'abord, vous êtes plutôt spécialiste de la droite radicale,
01:51mais la droite traditionnelle existe encore avec une campagne où elle a de nouveau fait parler d'elle.
01:59Est-ce qu'elle a encore un avenir, cette droite-là ?
02:04– Je pense que oui, je l'espère.
02:07La droite traditionnelle, il faut maintenant la définir,
02:10elle est éminemment plurielle, libérale, conservatrice.
02:16Libérale, conservatrice avec un trait d'union entre les deux, dit Chantal Dessol.
02:22Elle doit se défendre sur son flanc droit, face à des partis souverainistes, nationalistes,
02:31qui grignotent une partie de son électorat,
02:34qui ont le désavantage sur cette droite traditionnellement associée au pouvoir
02:41depuis longtemps de n'avoir pas l'expérience précisément de la conduite des affaires.
02:46Et puis, elle n'a pour l'instant plus trop à se garder sur sa gauche
02:51parce que la social-démocratie est assez mal, en tout cas ici,
02:57mais à l'avenir les choses seront évidemment évoluées.
03:00Je crois que ce qu'elle doit faire avant tout, cette droite,
03:04c'est se redéfinir, faire un effort idéologique de retour sur soi
03:10et d'autodéfinition, de façon à montrer qu'elle a un contenu,
03:16qu'elle a un projet et qu'elle n'est pas seulement associée à la gestion des affaires.
03:21Parce qu'elle ne peut pas gagner durablement en se contentant de dire
03:28que ses adversaires ne savent pas gérer et qu'elle est naturellement...
03:33Comment dire ?
03:35— Faite pour le pouvoir.
03:36— Faite pour le pouvoir.
03:37Comme si, au fond, il y avait une sorte de lien naturel entre la droite et le pouvoir,
03:44bien que ce soit, si l'on regarde l'histoire de la France, tout de même un petit peu le cas.
03:50Et c'est ce qui se passe aux États-Unis, d'ailleurs.
03:53C'est ce qui se passe aux États-Unis, cet effort de redéfinition idéologique des droits.
03:56— Vous diriez que Donald Trump, au-delà de sa personnalité,
04:00a réussi une reconfiguration idéologique, intellectuelle de la droite,
04:04notamment en direction des classes populaires.
04:06Alors ce qui manque aujourd'hui à la droite classique par rapport au Rassemblement national,
04:10c'est ce fameux bloc populaire.
04:12— C'est pas Donald Trump lui-même qui a réussi ce tour de force-là.
04:17Ce sont des gens qui sont autour de Donald Trump,
04:20et notamment une série d'intellectuels conservateurs trop mal connus ici.
04:26Je pense à Patrick Deneen, je pense à Adrian Vermeule,
04:32à ceux qui réfléchissent sur une forme de communautarisme chrétien.
04:40Il existe autour de Roderer toute une école particulièrement intéressante à ce sujet.
04:46Et j'ai l'impression qu'en fait, oui, il y a une reconfiguration intellectuelle aux États-Unis.
04:52— Et aux États-Unis, il y a une autre option qui est celle de l'union des droites.
05:00Est-ce que c'est inévitable ?
05:02Ou l'union avec le centre ?
05:04Est-ce qu'à un moment donné, entre les deux blocs, la droite ne va pas devoir choisir ?
05:08Ou est-ce que vous pensez qu'elle peut exister par elle-même
05:11si elle fait ce travail de reconfiguration ?
05:15— J'ai toujours dit que si la droite rentrait dans un accord national avec l'ERN,
05:23elle y laisserait à plus ou moins long terme énormément de plumes.
05:29D'abord parce que l'accord se fera nécessairement aux conditions de celui qui arrivera le premier.
05:37Je ne suis pas certain que ce soit LR.
05:39Et ensuite parce qu'elle y perdra son identité.
05:43— Vous avez suivi la campagne.
05:45Est-ce que ce travail de redéfinition n'est pas déjà, d'une certaine manière,
05:49en train de se faire avec une droite qui est, malgré tout, assez différente ?
05:56On a l'impression qu'il y a une ligne quand même tout de même plus cohérente
05:59qu'elle n'était, par exemple, quand Valérie Pécresse était candidate.
06:03— Il y a incontestablement, chez Bruno Retailleau en particulier,
06:08un effort d'affirmation des principes, un effort d'affirmation intellectuelle.
06:15Le problème est de savoir si l'homme trouvera son public, si vous voulez.
06:20J'ai beaucoup d'estime pour lui.
06:22Il a une charpente intellectuelle et une manière de dire,
06:26depuis le poste gouvernemental qu'il occupe, qui est, je crois, assez mobilisatrice à droite.
06:31Maintenant, reste à voir s'il trouvera cet électorat populaire
06:35qui, pour l'instant, regarde plutôt vers Marine Le Pen et ou Jordan Bardella.
06:40— Je crois que Pascal Perrineau nous a rejoints. Vous m'entendez, Pascal ?
06:45— Très bien. — Merci. Bonjour, Pascal Perrineau.
06:50— Bonjour. — On parle de la droite ce matin.
06:55Jean-Yves Camus nous parlait justement de Bruno Retailleau.
06:59Vous avez suivi la campagne à l'air. D'abord, est-ce que ça a été une bonne campagne ?
07:03Et est-ce que, selon vous, Bruno Retailleau a déjà gagné ?
07:07Ou est-ce que c'est plus compliqué que ça ?
07:10— Écoutez, la campagne n'a pas dérapé comme certaines campagnes antérieures des Républicains,
07:18où ça tournait très vite à la Foire d'Emplagne.
07:21Les arguments échangés n'ont jamais dérapé sur le terrain personnel.
07:27Leur avocé, certes, a fait un procès permanent en Bruno Retailleau
07:32en lui disant qu'on ne pouvait pas être à la fois dans un gouvernement bémol et en dehors
07:38pour prétendre au destiné de l'air.
07:43Mais à part cela, c'est une campagne qui est restée une campagne de bonne tenue.
07:47Pour la prévision, c'est extrêmement difficile. Pourquoi ?
07:50Parce que tous les instruments d'observation sont des instruments d'observation qu'on a sur les sympathisants,
07:56c'est-à-dire les électeurs qui déclarent dans les enquêtes se sentir proches des Républicains.
08:01Et là, il n'y a pas photo, Bruno Retailleau est très en avance,
08:06aussi bien parmi les sympathisants LR que parmi les électeurs républicains par rapport à Laurent Wauquiez.
08:13Mais ceux qui votent, ce sont les adhérents.
08:17Il y avait 40 et quelques mille adhérents avant le lancement de la campagne.
08:23Et le phénomène très étonnant, c'est qu'en effet, les adhérents ont triplé.
08:28Mais nous n'avons pas pour l'instant la réponse au profit de qui.
08:32Parce que quand on regarde le taux d'adhésion dans les différents départements français ou républicains
08:40dans les semaines dernières, on s'aperçoit qu'il y a des terres qui sont à la fois des terres très proches de Bruno Retailleau,
08:48comme les terres des Pays de la Loire, bien sûr Savandé-Chéry.
08:54Mais il y a, quand on regarde par exemple les zones de Renolp, d'Auvergne,
08:59il y a également des progressions extrêmement fortes des effectifs.
09:03Et là, on est plutôt dans des terres qui sont favorables à Laurent Wauquiez.
09:08Cependant, j'aurais tendance à dire que quand il y a un tel mouvement d'adhésion
09:14qui tout d'un coup propulse le NR aux environs de 150 000 adhérents,
09:20ça me reflète un mouvement de pignon.
09:23Et le mouvement de pignon, il y en a au profit de Bruno Retailleau, il n'y en a pas au profit de Laurent Wauquiez.
09:29– Pascal Perrineau, vous l'avez dit, un mouvement d'opinion qui propulse le parti à 150 000 adhérents environ.
09:39Est-ce que ça dit que cette droite est encore vivante ?
09:44C'est la première question que j'ai posée à Jean-Yves Camus.
09:47Est-ce que la droite a l'air encore à un avenir ?
09:50Est-ce que finalement, c'est un sursaut militant mais pas forcément encore un sursaut dans le pays ?
09:56– Alors, il y a un frémissement bien au-delà des adhérents en termes électoraux.
10:02Si vous prenez les dernières élections partielles et particulièrement les législatives partielles,
10:08vous vous apercevez qu'absolument partout, il y a une hausse sensible,
10:13parfois aux alentours de 10 points par rapport aux dernières législatives,
10:17de celles et ceux qui représentent les Républicains sur le terrain.
10:22Donc, l'air dans son espace, qui est l'espace des droites et du centre-droite, a encore une existence.
10:29Je ne dirais pas tout à fait la même chose, par exemple, aujourd'hui, on verra demain, après le Congrès,
10:34pour le Parti socialiste dans l'espace des gauches.
10:37Oui, il y a une attente par rapport à l'air et on le voit aussi par le fait que les Républicains,
10:43quand vous descendez de la France nationale vers la France locale, la France des régions, des départements,
10:49vous apercevez qu'aujourd'hui, les Républicains, c'est le premier parti.
10:53C'est-à-dire que c'est un parti encore très actif sur le terrain municipal,
10:58sur le terrain des départements, sur le terrain des régions.
11:01Donc, il y a un électeur à l'attente.
11:04Simplement, personne n'a su, ni Valérie Pécresse, ni Laura Wauquiez,
11:10mobiliser dans une période récente ces électeurs.
11:14Pour l'instant, on a l'impression qu'il y a, oui, depuis octobre dernier, un phénomène retaillot.
11:21– Phénomène retaillot, Jean-Yves Camus, vous partagez ce point de vue,
11:27tout en disant qu'il n'avait peut-être pas encore, finalement,
11:31complètement la capacité de parler à tous les électorats.
11:36Qu'est-ce qu'il lui manque, justement, pour parler à ce bloc populaire ?
11:40Est-ce que son défaut, c'est qu'il est trop classiquement conservateur ?
11:44Est-ce que c'est le fait qu'il appartient au gouvernement Emmanuel Macron
11:48et que, du coup, LR et lui-même sont identifiés à la majorité,
11:54enfin, à l'ancienne majorité, pour le coup ?
11:56– Il fait tout de même largement entendre ces différences.
12:00Non, il a peut-être une difficulté à parler à l'électorat populaire,
12:09qui est le reflet de sa personnalité.
12:13C'est un homme que je trouve extrêmement courtois, extrêmement pesé.
12:21Ses déclarations sont souvent très incisives,
12:26mais sur un plateau de radio ou de télévision,
12:30c'est quelqu'un de tout à fait, encore une fois...
12:35– Peut-être pas assez populiste pour l'époque ?
12:38– Oui, enfin, il ne coupe pas la parole de ses adversaires.
12:42Il essaye toujours d'être dans la retenue.
12:44– Je vais vous couper la parole, je déteste ça, Jean-Yves Camus,
12:46parce que c'est la première pause dans cette émission.
12:48Mais vous nous direz, justement, si l'époque est au populisme,
12:51vous avez étudié notamment les droits de populistes et nationalistes
12:55qui ont le vent en poupe en France en partie,
12:58avec le Rassemblement national, mais aussi un peu partout en Europe.
13:02A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité,
13:04avec Pascal Perrineau et avec Jean-Yves Camus.
13:06– En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
13:11– Nous sommes de retour sur Sud Radio avec Jean-Yves Camus et avec Pascal Perrineau.
13:18Alors, on a des petits problèmes de connexion apparemment.
13:23On n'entend pas très bien Pascal Perrineau, je vous prie de m'excuser.
13:28On va essayer de régler ce problème technique.
13:31En attendant, Jean-Yves Camus est là pour nous parler de la droite,
13:36des droites, avec cette élection LR dont on aura le résultat cet après-midi.
13:44On parlait de cette personnalité qui, a priori, est le favori de cette élection,
13:49Bruno Retailleau, on se demandait si c'était finalement le renouveau ou pas de LR.
13:58Et vous nous disiez avant la pause, Jean-Yves Camus,
14:00peut-être qu'il lui manquait une dimension populiste.
14:03Est-ce que l'époque est à la radicalité finalement ?
14:07Est-ce que Bruno Retailleau n'est pas dans l'époque, d'une certaine manière ?
14:13– C'est peut-être pas mal qu'il ne soit pas dans l'époque.
14:15Je vous l'ai dit, c'est un homme de la retenue.
14:17Ce qui me frappe, c'est que lorsqu'on regarde actuellement
14:20nombre de droites depuis la droite américaine avec le président Trump
14:24jusqu'à Georges Simeon qui sera peut-être ce soir président de la République de Roumanie,
14:29en passant par Victor Orban et quelques autres,
14:32le populisme c'est en ce moment beaucoup synonyme de l'hubris,
14:36qui n'est pas, loin s'en faut, une vertu conservatrice.
14:40– Donc finalement une modestie chez Bruno Retailleau,
14:44qui effectivement est peut-être une qualité pour gouverner un pays,
14:48mais est-ce que c'est une qualité pour faire campagne et gagner une campagne ?
14:54Comment vous expliquez justement que partout ailleurs en Europe
14:59on ait ces profils ou profils avec une certaine forme d'hubris ?
15:03– Parce que les contextes sont très très différents.
15:07Quand on regarde la Pologne et la Roumanie par exemple qui votent aujourd'hui,
15:12on a des systèmes politiques qui ne sont toujours pas stabilisés
15:1720 ans après l'entrée dans l'Union Européenne,
15:20un système partisan qui bouge énormément,
15:23il y a des partis qui effectivement existent depuis assez longtemps,
15:26le parti national libéral roumain existe même depuis l'avance de la seconde guerre mondiale,
15:30mais d'élection en élection on voit bien quand même qu'il émerge de nouvelles forces,
15:35qu'il en disparaît, que ce paysage politique est en recomposition constante
15:40et que finalement les formes classiques de la droite,
15:45comme d'ailleurs les formes classiques de la social-démocratie, n'existent guère.
15:49La social-démocratie roumaine c'est quand même largement la descendance du parti communiste.
15:54Certains social-démocrates roumains ne cédent rien au point de vue du nationalisme à M. Simeon.
16:01Donc on a des contextes qui sont extrêmement différents.
16:04En Europe de l'Est on a une division très forte,
16:06en Europe centrale et orientale plus exactement,
16:09on a une division très forte qui moi m'inquiète beaucoup,
16:11c'est celle entre les villes et les périphéries.
16:13Ce n'est pas un hasard si à la fois le maire de Varsovie et le maire de Bucarest
16:19sont aujourd'hui les challengers des nationaux populistes.
16:24Et cette division du pays, cette division de ces pays est extrêmement forte.
16:36Il y a véritablement une fracture entre des régions.
16:41Si on prend le cas de la Pologne par exemple,
16:43les régions les plus à l'ouest sont plus volontiers libérales que les régions situées à l'est.
16:48Pourquoi ? Parce qu'elles sont plus industrialisées,
16:50plus en contact aussi avec l'Allemagne voisine, plus urbanisées.
16:55Mais il va falloir aussi s'occuper, pour que cette intégration européenne soit pleinement réussie,
17:01des zones périphériques.
17:03Est-ce que ce clivage n'est pas propre à l'Europe de l'Est ?
17:07En réalité on le retrouve aussi en France.
17:10Christophe Guy lui a parlé de France périphérique il y a déjà bien longtemps
17:14et c'est cette France périphérique qui vote majoritairement pour le RN.
17:18Oui, avec des différences qui sont tout de même extrêmement notables,
17:21notamment le fait, si l'on prend le cas polonais,
17:24que les zones situées les plus à l'est ce sont également des zones de conflit.
17:28Si l'on prend par exemple le parti Confédération,
17:31le parti le plus à droite de l'échiquier politique polonais,
17:34c'est un parti qui se distingue par un anti-ukrainisme tout à fait virulent.
17:39Alors on va dire, mais pourquoi ?
17:41Est-ce que dans un pays où l'ennemi public numéro un est la Russie,
17:46on trouve une force politique qui émarge à 15 et quelques pourcents des voix
17:50et qui fait sa campagne contre les Ukrainiens ?
17:52Et bien parce qu'il y a toujours le souvenir
17:55et c'est fort heureusement quelque chose qui n'est plus aussi présent
17:58dans la vie politique française,
18:00des massacres commis par les nationalistes ukrainiens
18:03pendant la seconde guerre mondiale
18:05contre la minorité polonaise de Volynie.
18:07Et ça c'est quelque chose, enfin je me suis rendu sur place il y a maintenant deux ans,
18:10c'est quelque chose qui affleure toujours dans toutes les strates de la population.
18:15Pascal Perrineau, est-ce qu'on a changé d'air
18:19et finalement est-ce que ce n'est pas la principale difficulté des Républicains ?
18:24Vous avez écrit vous-même plusieurs livres sur le populisme,
18:27est-ce que l'air est au populisme, au nationalisme, au retour des nations
18:32et est-ce que c'est ce qui explique la difficulté de LR ?
18:36Bien sûr, bien au-delà d'ailleurs de la seule Europe,
18:39la manière populiste de faire de la politique a énormément progressé.
18:47Cependant il faut faire attention,
18:50il y a dans l'opinion, on le voit, une certaine lassitude
18:55vis-à-vis de ce style tonitruant adopté par nombre de leaders populistes
19:03et il y a certainement la recherche d'un profil politique plus clair.
19:10Regardez quand vous cherchez à comprendre ce phénomène d'un sénateur de Vendée,
19:17en l'occurrence Bruno Retailleau, qui tout d'un coup est propulsé au premier plan.
19:22Et bien c'est tout simplement le fait qu'au sein du moins des électeurs de droite,
19:27il y a des gens qui se disent qu'au fond la droite est liée au gouvernement
19:33et qui imaginent très mal une droite purement protestataire,
19:36une droite du jacquard faudrait et qui sont à la recherche en effet
19:42d'un homme capable de renouer les liens entre la droite française et une culture de gouvernement.
19:49– Certes, mais si on en croit les sondages,
19:52Bruno Retailleau a des sondages de popularité assez importants,
19:56il a progressé, il était assez inconnu il faut bien le dire au début,
20:00mais quand on regarde les sondages de la présidentielle,
20:02il a du mal à passer les 10% et finalement c'est mieux que Valéry Pécresse,
20:07mais il est dans l'étiage de ce qu'est la droite aujourd'hui.
20:10– Oui, il est en effet dans les 10%, mais vous savez,
20:14nous sommes à 2 ans de la présidentielle, de l'eau va couler sous les ponts,
20:20c'est très difficile en effet, dans les années qui viennent de passer,
20:26de 4 à 5% à un score qui vous permet de vous inviter au second tour,
20:32en revanche pour toutes celles et ceux qui tournent aux alentours de 10 à 15%,
20:39la chose sera plus aisée s'il y a une dynamique de campagne.
20:47Donc c'est une grande différence d'ailleurs avec Laurent Wauquiez,
20:51Laurent Wauquiez est condamné depuis des mois et des mois,
20:54quand on mesure ses intentions de vote,
20:56a oscillé autour de 4-5% des intentions de vote,
21:01Bruno Retailleau fait plus du double,
21:04donc il y a, vous savez une présidentielle,
21:07certes c'est des courants politiques, ce sont des tempéraments,
21:10mais ce sont aussi des hommes et des femmes, des personnalités,
21:14et il y a, je crois dans le moment actuel que nous traversons,
21:18une certaine correspondance entre le style de Bruno Retailleau
21:23et des attentes des couches moyennes.
21:26La population en revanche des employés, des ouvriers et des jeunes,
21:33reste comme vis-à-vis de tous les candidats de droite pour l'instant,
21:36aux abonnés d'autres camps,
21:39et il y aura certainement, si Bruno Retailleau l'emportait à la tête des LR,
21:45il y aura la nécessité pour lui de ne pas se laisser corneriser
21:49uniquement sur les thèmes de l'immigration et de la sécurité.
21:53Vous me direz, il est ministre de l'Intérieur,
21:56donc c'est dans son portefeuille,
21:59mais il faudra qu'il montre très rapidement
22:01qu'il n'est pas la caricature de lui-même,
22:04mais la caricature qu'on cherche à donner de lui-même,
22:07et à faire sentir sa différence sur le terrain économique et social.
22:10– Merci Pascal Perrineau, merci Jean-Luc Scamion,
22:13on se retrouve après une courte pause,
22:16on continue à discuter de l'avenir de la droite en France et en Europe.
22:21Merci à tous les deux, à tout de suite,
22:23en toute vérité sur Sud Radio.
22:25– En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
22:30– Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité,
22:34avec Jean-Yves Camus, spécialiste des droites radicales,
22:38et avec Pascal Perrineau, professeur à sciences politologues,
22:43auteur notamment de son dernier livre,
22:46Le goût de la politique,
22:48mais aussi auteur de nombreux livres sur le populisme.
22:51Avant la pause, on parlait de cette droite
22:54qui finalement a du mal à exister entre le bloc central et le bloc national,
22:58mais avec peut-être un espace qui va se dessiner.
23:02Pascal Perrineau expliquait notamment
23:07qu'il y avait peut-être une opportunité en ce moment
23:11parce que les gens étaient lassés par l'hubris des nationalistes,
23:15le style fracassant notamment de Donald Trump.
23:20Ceci étant dit, est-ce qu'il n'y a pas une particularité française,
23:23Jean-Yves Camus ?
23:24Parce que le RN est taxé de partie populiste,
23:28parfois même de partie d'extrême droite,
23:31mais est dans une rhétorique finalement pas si fracassante que ça.
23:37On a l'impression que Marine Le Pen et Jordan Bardella
23:40veulent aussi incarner une forme de sérieux,
23:42même après le verdict qui peut-être va éliminer Marine Le Pen
23:47de la course à la présidentielle,
23:48on n'a pas eu de surenchère populiste.
23:50Alors il y a eu du côté de Jordan Bardella
23:52un certain nombre de signaux envoyés
23:56qui témoignaient d'une certaine admiration pour le trumpisme,
24:01mais Marine Le Pen a très très rapidement
24:05douché tout espoir de voir le parti
24:09devenir une caricature française du trumpisme précisément
24:13pour des raisons qui tiennent à la fois la forme
24:16et la raison de penser que les français n'aiment pas ce style-là.
24:21Et au fond, parce que Marine Le Pen ne veut pas
24:27incarner le type de désinvolture
24:31qu'on a vu dans les premiers mois du gouvernement Trump,
24:34je pense qu'elle ne veut pas d'un secrétaire à la défense
24:36qui laisse fuiter n'importe quoi à n'importe qui,
24:41elle ne veut pas d'une politique étrangère
24:45entre les mains de quelqu'un qui
24:48enterrine des propositions
24:51qui sont inacceptables pour l'ensemble de la communauté internationale,
24:54elle veut incarner du sérieux.
24:56C'est d'ailleurs un des refroches
25:00qu'on lui fait parfois dans son propre camp
25:04que de vouloir être trop sérieuse
25:08et par là même de risquer de perdre l'avantage comparatif
25:12que ce parti a toujours eu par rapport à la droite,
25:15qui est d'être disruptif.
25:18Et la question c'est de savoir jusqu'où on peut être disruptif.
25:20Si on est, ou si l'on devient,
25:23une quasi-carbone copie de ce qu'est la droite des républicains,
25:28alors à ce moment-là, les français feront davantage confiance
25:31à une formation qui, traditionnellement,
25:35est associée au gouvernement
25:38et si jamais Marine Le Pen rompt avec la dédiabolisation
25:44qui n'est toujours pas achevée,
25:46elle ne se normalisera pas suffisamment
25:48pour passer du score qui a été le sien
25:51au second tour des présidentielles où elle s'est qualifiée
25:53au score qui permet de gagner en 2027, soit 50% des voix plus une.
25:57– Pascal Perrineau, vous avez étudié les populismes également
26:02à travers l'Europe, en Occident,
26:04est-ce qu'il n'y a pas finalement une spécificité française
26:10avec un parti populiste relativement raisonnable ?
26:15– En effet, le national-populisme français,
26:20d'abord, est un des plus vieux nationaux-populisme
26:24sur le continent européen.
26:26C'est un parti qui est là, présent, sur la scène électorale,
26:31depuis tout de même le début des années 80.
26:36Il a réussi à fidéliser maintenant un électorat extrêmement important
26:43et il faut bien reconnaître qu'il a taillé des croupières
26:47à l'électorat, dans différents électorats,
26:50mais particulièrement dans l'électorat de la droite française.
26:54Cependant, cette puissance qu'est le rassemblement national
26:58reste une puissance solitaire.
27:01Il reste ce gros problème.
27:04Nous sommes dans un mode de scrutin majoritaire à deux tours
27:07pour une élection présidentielle qui reste le problème des alliances
27:11et on l'a vu de manière criante au second tour des dernières législatives.
27:17Ce n'est pas un parti qui, en dépit de ses efforts
27:20et en dépit, en effet, de la création de ce petit allié siotiste,
27:27ça n'est pas un parti qui a réussi à s'inscrire dans une alliance crédible et durable.
27:34— Pourquoi ce qui fonctionne en Italie, par exemple, ne fonctionne pas en France ?
27:38— Bien sûr, le mode de scrutin n'est pas le même.
27:41Il n'y a pas de présidentielle en Italie.
27:45Le scrutin italien reste un scrutin proportionnel.
27:48Les règles du jeu sont différentes.
27:51L'habitude aussi des relations des différents partis
27:55avec les partis que l'on qualifie rapidement d'extrême-droite ou nationopopuliste
28:02n'est pas la même qu'en France.
28:04Il n'y a pas du tout les mêmes traditions politiques.
28:08Et donc, en France, il reste une fenêtre d'opportunité, si on peut dire,
28:14pour le retour d'une droite, d'une droite de gouvernement,
28:20qui, elle, peut se poser le problème des alliances.
28:24Et d'ailleurs, dans le combat actuel entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau,
28:29on voit qu'il y a un candidat qui est plus à l'aise pour incarner une alliance de second tour
28:35qui pourrait l'amener à une coalition victorieuse.
28:39C'est Bruno Retailleau, tout simplement parce qu'il est dans le gouvernement
28:43et qu'il accepte, en effet, de gouverner avec des forces politiques
28:47avec lesquelles il n'est pas tout à fait en accord.
28:51Mais il a fait un compromis.
28:53Et on voit bien que Wauquiez, lui, est sur des positions apparemment,
28:58verbalement, de refus du compromis.
29:02Mais une élection présidentielle, ça se gagne avec, au second tour, un compromis.
29:06Vous savez qu'on soit le Parti Socialiste à gauche, les Républicains à droite
29:11ou, jadis même, le général De Gaulle au sein de la droite française.
29:15Toute la difficulté est d'être au second tour,
29:18ce qui n'est plus arrivé depuis un moment à la droite classique.
29:22Mais, justement, et c'est l'actualité du jour,
29:25cette élection LR, est-ce que finalement, leur chance,
29:28c'est qu'il y ait un espace qui se libère ?
29:31Le RN avait une candidate naturelle qui était Marine Le Pen.
29:35Celle-ci pourrait être empêchée.
29:37Pour l'instant, tous les sondages semblent indiquer
29:39que Jordan Bardella fait au moins aussi bien.
29:43Mais est-ce qu'encore une fois, il faut se fier aux sondages
29:46ou est-ce que ce changement de scénario pourrait rebattre les cartes politiques ?
29:54Ce changement de scénario crée un trouble.
29:57On le voit, on le sent, même électoralement.
30:02C'est la première fois depuis longtemps qu'au sein même du RN,
30:09il y a une turbulence qui est une turbulence profonde.
30:12Pour l'instant, ça n'a pas dégénéré.
30:15Bardella est sorti du bois,
30:18a laissé entendre qu'il pourrait être un candidat crédible.
30:22Pour l'instant également, Marine Le Pen réagit avec beaucoup de calme.
30:29Mais on voit bien que ça y est, le verre est dans le fruit
30:33et qu'entre celles et ceux qui vont soutenir jusqu'au bout
30:37le retour de Marine Le Pen
30:39et qu'entre celles et ceux qui vont s'efforcer de promouvoir
30:43l'arrivée de la météorite Bardella,
30:46il va y avoir un affrontement et un trouble.
30:49Ce qui faisait la force de l'électorat du RN,
30:54c'est qu'il y avait un chef.
30:55C'est maintenant une patronne.
30:57Maintenant, pour les électeurs, on le voit bien, il y a un trouble.
31:01Il y a deux patrons.
31:03Il y a une leader naturelle qui n'est plus la candidate tout à fait naturelle.
31:08Il y a un jeune dont on se posera à un moment la question tout de même,
31:12quel est le passé politique, professionnel,
31:16les compétences d'un homme comme Jordan Bardella.
31:20C'est là où, après avoir découvert les avantages de la jeunesse,
31:23on découvrira peut-être les inconvénients de la jeunesse et de l'impréparation.
31:27Jean-Yves Camus, est-ce que Jordan Bardella est aussi fort que le disent les sondages
31:35ou est-ce qu'il peut y avoir vraiment un trouble à l'intérieur du RN ?
31:40Pascal Perreault disait qu'il y avait un candidat naturel.
31:43Je dirais même qu'il y avait un binôme peut-être naturel avec Marine Le Pen
31:47qui avait un fort ancrage dans les classes populaires
31:49et un Jordan Bardella qui semblait vouloir conquérir peut-être une droite plus classique.
31:54À partir du moment où ce binôme n'existe plus, est-ce que le parti est réellement affaibli ?
32:00Est-ce qu'un espace se libère pour la droite LR par exemple ?
32:04Alors, à ce jour, le binôme existe encore.
32:08Et même si Marine Le Pen voyait tomber à l'été 2026 un verdict en appel qui soit évidemment défavorable,
32:17après tout, ce binôme pourrait bien durer encore.
32:20Le seul problème, c'est que le timing est très mauvais.
32:22Parce que si jamais le verdict tombe à la rentrée judiciaire de l'été 2026,
32:31il faudra que le RN en tire tout de suite les conséquences.
32:36Et là, il y a deux cas de figure.
32:38Ou bien Marine Le Pen voit la sanction de première instance confirmée
32:44et elle est obligée vraiment de se mettre en retrait.
32:47Elle ne peut pas être candidate.
32:49Ou bien alors, elle voit l'exécution provisoire tomber et elle peut être candidate.
32:55Mais on aura toujours un Jordan Bardella qui, quand même, pense sérieusement à la présidentielle.
33:01Et puis, ce sera tard, c'est tard, la rentrée 2026,
33:05pour mettre en branle tout un appareil de campagne dans un parti politique
33:09qui a toujours été, on va dire, un peu fébrile en période de campagne.
33:13Parce qu'il manque toujours de relais, d'encadrement, de cadres dans certaines régions.
33:19Parce qu'il a toujours des difficultés à mobiliser de la technicité pour élaborer son programme.
33:27Ce sont des groupes de travail à mettre en place.
33:29C'est un programme à sortir.
33:31C'est une équipe de campagne à mettre en place qui gère toutes les sensibilités.
33:36Bref, par rapport à un Bruno Retailleau
33:40qui peut-être sera déjà sur le devant de la scène depuis un petit peu plus d'un an,
33:47c'est compliqué à rattraper.
33:49C'est là qu'il y a une fenêtre, incontestablement,
33:51pour celui qui, ce soir, prendra la tête des Républicains.
33:55— On le saura ce soir.
33:57En attendant, c'est la dernière pause dans cette émission.
33:59On se retrouve pour la conclusion de cette émission sur Sud Radio.
34:02En toute vérité, avec Pascal Perrineau et Jean-Yves Camus.
34:04A tout de suite.
34:05— En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio.
34:08Alexandre Desvecquiaux.
34:09— Nous sommes de retour, en toute vérité, sur Sud Radio
34:12pour parler de l'avenir de la droite en France et aussi en Europe.
34:16C'est ce soir qu'on connaîtra le nouveau président des Républicains,
34:21Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez.
34:23Mais c'est un dimanche très politique partout en Europe
34:27puisqu'on a un premier tour d'élection présidentielle en Pologne,
34:31on a un second tour d'élection présidentielle en Roumanie
34:34et on a une élection législative au Portugal
34:37avec à chaque fois une droite radicale plutôt bien placée.
34:43Donc est-ce que ce sont des situations extrêmement spécifiques et différentes
34:48ou est-ce qu'il y a quand même un mouvement de fond, Jean-Yves Camus ?
34:52— Ce sont à la fois des situations spécifiques
34:57et un rapport de force qui a changé sur les 20 dernières années
35:02entre les partis libéraux et conservateurs
35:05qui formaient la droite dite de gouvernement
35:09et puis des formations populistes
35:11qui d'ailleurs souvent sont des météores.
35:13Ce ne sont pas toujours les mêmes formations populistes.
35:16En Roumanie, ça a été le parti Robadiamaré,
35:18le parti de la Grande Roumanie dans les années 90
35:21et puis après la révélation du passé de collaborateur de la Sécurité
35:26et d'un certain nombre de ses chefs,
35:28c'est aujourd'hui l'AUR de M. Simeone.
35:32On voit quand même que cette droite conservatrice
35:36est à la fois favorisée auprès d'une partie des électeurs
35:40par l'habitude qu'elle a de gouverner
35:43et j'allais dire le côté rassurant de savoir
35:46que ces partis ont un rapport au pouvoir,
35:49un rapport à l'élaboration d'un programme,
35:53à la prévision des actes de gouvernement
35:55qui effectivement est plutôt rassurant,
35:58qui leur donne une apparence de solidité
36:01et puis d'un côté une volonté que les populistes captent bien
36:05de renverser un petit peu la table
36:07à la fois vis-à-vis des contraintes issues de l'Union Européenne
36:10et puis aussi, et ça c'est un thème qui monte,
36:13par rapport à ce qu'ils appellent le gouvernement des juges,
36:16c'est-à-dire à toutes ces invalidations de candidatures,
36:20à toutes ces enquêtes menées sur tel ou tel parti
36:23ou tel ou tel candidat sur des affaires de corruption
36:26ou de corruption supposées
36:28et puis à cette prétention parfois
36:33à se mettre en travers de la volonté populaire
36:38par des décisions de justice
36:41qui peuvent d'ailleurs revenir comme un boomerang.
36:45– Justement oui, je voulais qu'on s'arrête un peu
36:48sur le cas de la Roumanie
36:50parce qu'avec quelque chose d'inédit,
36:53alors en France Marine Le Pen pourrait être empêchée,
36:56là on a un premier tour d'élection présidentielle
36:58qui a été annulé il y a quelques mois en Roumanie
37:01avec le candidat Georges Escou
37:03qui non seulement le premier tour a été annulé
37:05mais le candidat a été empêché de se représenter
37:09et finalement Simeone qui est son suppléant d'une certaine manière
37:15mais en tout cas ils sont alliés
37:17fait au premier tour le double du score
37:20de ce qu'avait fait Georges Escou
37:22donc il y a visiblement en Roumanie un effet boomerang
37:26qui est loin d'empêcher la droite dite radicale
37:29d'arriver au pouvoir
37:31semble lui permettre de doubler encore son score
37:36et d'être sans doute la favorite du second tour
37:39on verra ce soir ce qu'il en est.
37:42Est-ce que là il peut y avoir le même...
37:44d'abord qu'est-ce que vous inspire la situation en Roumanie
37:47et est-ce que l'empêchement de Marine Le Pen
37:50peut avoir le même type d'effet boomerang en France ?
37:54– Oui mais dans des contextes différents en Roumanie
37:57on est toujours marqué par le fait
37:59qu'il faut quand même rappeler la spécificité de ce pays
38:03qui n'a jamais été une vraie démocratie
38:07ni depuis, ni entre la fin de la seconde guerre mondiale
38:12et la chute de chez Ossescu
38:14ni même avant la seconde guerre mondiale
38:17entre 1920 et 1940
38:20la Roumanie est balottée de gouvernement en gouvernement
38:24la violence politique est extrêmement forte
38:27elle touche d'ailleurs à l'époque
38:29plutôt le parti le plus à l'extrême droite de l'échiquier politique
38:32donc chez les Roumains aujourd'hui
38:34il y a quand même comme dans l'ensemble de cette partie de l'Europe
38:38une volonté de ne plus voir se dresser d'obstacles
38:42quels qu'ils soient à la volonté populaire
38:46parce qu'on a connu effectivement un communisme
38:49qui a bridé toute forme d'expression démocratique
38:52on n'a pas envie de voir qui que ce soit se mettre en travers
38:55de cette possibilité de s'exprimer
38:57en France c'est un petit peu différent
38:59en France c'est un peu différent parce que
39:02me semble-t-il
39:04le verdict qui a touché Marine Le Pen
39:07est d'autant plus dur
39:10que la stratégie de défense adoptée par le parti
39:13dans le procès de première instance
39:15n'a pas été pensée
39:17n'a pas été pensée correctement
39:19elle aurait pu être autre
39:21elle aurait pu expliquer aux magistrats
39:24qu'effectivement il y avait d'une part
39:26une partie de mauvaise, de méconnaissance
39:28des mécanismes institutionnels
39:30et d'autre part que finalement
39:32et bien
39:34quand on travaille au Parlement européen
39:36on travaille aussi pour des objectifs de politique nationale
39:39je ne veux pas dire que tout le monde fait cela
39:41mais ils auraient pu expliquer
39:43écoutez finalement c'est un petit peu la règle du jeu
39:46on a eu au lieu de ça
39:48des gens qui s'avançaient à la barre
39:50qui étaient semés de fournir des explications
39:52sur l'emploi qu'ils avaient été occupés
39:54et qui étaient infichus
39:56de sortir qui un bout de papier
39:58qui un simple mail pour expliquer
40:00ce qu'ils avaient fait
40:01et qui pour certains d'entre eux
40:03ne pouvaient même pas expliquer véritablement
40:05comment ils avaient été embauchés
40:06et pour qui ils travaillaient
40:07donc la décision de justice
40:09elle est je crois l'expression
40:11par les magistrats
40:13du sentiment que
40:15on s'affichait un petit peu d'eux
40:17donc il existe une possibilité
40:19si cette stratégie
40:21de défense est revue
40:23et présentée avec un petit peu plus
40:25de sérieux, un petit peu plus de consistance
40:27dans le procès d'appel
40:29voilà que les juges
40:31peut-être
40:33décident autrement
40:35mais il y a eu une forme d'impréparation
40:37où j'ai l'impression que ce procès n'a pas été pris véritablement au sérieux
40:39et que l'épée de Damoclès n'était même pas reconsidérée
40:41Pascal Perrineau
40:43sur cette question
40:45de la justice
40:47c'est plus largement de l'état de droit
40:49qui dépasse peut-être à mon avis
40:51le cas Marine Le Pen
40:53on voit qu'elle est très importante
40:55en Roumanie mais peut-être elle se pose aussi
40:57en Europe occidentale
40:59on l'a vu
41:01d'ailleurs même aux Etats-Unis
41:03qu'est-ce que c'est la démocratie
41:05aujourd'hui ?
41:07Est-ce que c'est l'état de droit ou est-ce que c'est la volonté
41:09populaire ? Et est-ce qu'il y a
41:11d'une manière générale chez les peuples
41:13européens, occidentaux
41:15la volonté de reprendre le pouvoir
41:17de refaire davantage
41:19de politique et est-ce que c'est ça
41:21qui explique aussi la persuassé des populistes
41:23un peu partout ?
41:25En effet, peu à peu
41:27l'appareil judiciaire
41:29et la justice
41:31ont été perçus dans les différentes opinions
41:33publiques comme faisant partie de ce
41:35système, de cet
41:37établissement que
41:39les leaders populistes
41:41ne cessent
41:43de condamner.
41:45Quel que soit, j'allais dire,
41:47le bien fondé de certaines décisions
41:49de justice, et j'écoutais attentivement
41:51ce que vient de dire Jean-Yves Camus
41:53sur la décision qui a été prise
41:55à l'encontre de
41:57Marine Le Pen, il faut bien
41:59reconnaître, on peut dire en effet
42:01que la décision de justice a été sévère
42:03mais il faut bien reconnaître
42:05que la manière dont
42:07se sont comportés
42:09les différentes personnes inculpées
42:11vis-à-vis des juges
42:13a beaucoup contribué
42:15à faire que la condamnation soit
42:17sévère, parce qu'on avait l'impression
42:19d'hommes et de femmes politiques
42:21qui s'asseyaient littéralement
42:23sur les règles de droit.
42:25Or, vous me posiez la question,
42:27la démocratie fait, bien sûr,
42:29l'exercice de la volonté
42:31populaire, comme le dit la Constitution
42:33de la Ve, non seulement
42:35par les élections, mais aussi
42:37par le référendum,
42:39par la voix du référendum
42:41et c'est aussi, bien sûr,
42:43l'état de droit.
42:45L'état de droit a été,
42:47j'allais dire, la base de grands
42:49progrès juridiques, il suffit
42:51de regarder la
42:53manière dont le Conseil Constitutionnel
42:55est monté en puissance
42:57tout au long de la
42:59Ve République, pour
43:01s'apercevoir, d'une certaine
43:03manière, la démocratie de la Ve
43:05est améliorée aussi,
43:07certes, par une expression
43:09extrêmement bizarre. – Certains considèrent que c'est un progrès,
43:11d'autres considèrent que c'est une entrave
43:13à la volonté populaire.
43:15En tout cas, elle n'avait pas été pensée comme ça
43:17par le général de Gaulle, je parle sous votre contrôle.
43:19– Tout à fait.
43:21Tout à fait. Mais on peut considérer
43:23que la justice constitutionnelle
43:25peut jouer, on l'a vu sur la défense
43:27des libertés,
43:29on le voit en Allemagne
43:31par exemple, pour préserver
43:33et lutter contre les partis
43:35extrémistes,
43:37la justice constitutionnelle
43:39peut jouer un rôle, qui est un rôle
43:41sain, il y a, comment dire,
43:43des règles fondamentales
43:45qui sont les règles constitutionnelles
43:47et les grands principes généraux du droit
43:49qui constituent un cadre
43:51général dans lequel
43:53s'exprime la
43:55démocratie. Donc,
43:57la démocratie, une démocratie saine,
43:59j'allais dire, ce sont
44:01les deux,
44:03à la fois l'état de droit et une démocratie
44:05qui est une démocratie
44:07qui s'exprime sur un registre
44:09pluriel, c'est-à-dire pas
44:11simplement sur le terrain
44:13des élections législatives,
44:15mais sur le terrain du référendum,
44:17mais sur le terrain également
44:19de l'expression d'une
44:21démocratie qu'on pourrait appeler une démocratie
44:23davantage participative
44:25et on le voit de plus en plus dans les démocraties
44:27européennes, c'est-à-dire
44:29il faut certainement, pour répondre à la crise
44:31de la démocratie, avoir une
44:33conception de ce que certains
44:35appellent, et en particulier un grand
44:37professeur de droit en France, la démocratie
44:39continue. Il faut
44:41en effet que cette démocratie
44:43par la voie du référendum,
44:45par la voie
44:47de la démocratie
44:49d'opinion, comme on dit,
44:51puisse être
44:53une démocratie qui est une démocratie
44:55continue afin que le peuple
44:57n'ait pas l'impression qu'on lui confisque
44:59de la parole et qu'il n'a que
45:01son mot à dire tous les 5 ans.
45:03– Il nous reste simplement 30 secondes
45:05sur le verdict
45:07du procès Le Pen, est-ce qu'il peut y avoir
45:09un effet boomerang favorable
45:11au Rassemblement National ou est-ce que
45:13au contraire ça crée un espace pour la
45:15droite traditionnelle ? Vous avez peu de
45:17temps mais ce sera la conclusion de l'émission.
45:19– Très brièvement, pour
45:21l'instant, on a l'impression
45:23que cette décision
45:25judiciaire n'a pas
45:27été d'abord très habilement
45:29exploitée par le Rassemblement
45:31National, souvenons-nous
45:33de l'échec de sa
45:35grande réunion aux
45:37Invalides à Paris
45:39et quand on regarde
45:41les sondages d'opinion, on a plutôt
45:43l'impression que ça a créé une zone
45:45de fragilité que la droite
45:47de gouvernement peut exploiter
45:49dans les mois qui viennent. – Eh bien c'est ce que nous
45:51verrons avec tout de suite,
45:53ce soir, un premier élément de réponse
45:55avec l'élection de LR,
45:57on aura l'occasion d'en reparler,
45:59de vous réinviter Jean-Yves Camus et
46:01Pascal Perrineau, merci d'avoir été
46:03avec nous, désolé pour les problèmes de son
46:05en début d'émission, je vous laisse
46:07avec les informations et je vous dis à la semaine prochaine
46:09pour un nouveau numéro dans Toute Vérité.

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