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  • 16/05/2025
affaire du pull over rouge

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News
Transcription
00:00Musique d'ambiance
00:22Est-ce la fin du crime parfait ?
00:24Bienvenue dans Au bout de l'enquête.
00:26Christian Ranucci, l'un des derniers condamnés à mort français,
00:32une affaire qui s'étend sur plus de 40 ans.
00:35Elle est l'une des plus emblématiques de notre histoire criminelle,
00:38comme nous le verrons avec le professeur de criminologie Alain Bauer,
00:42emblématique au point qu'elle sera adaptée, et avec succès, en livre et au cinéma,
00:46le pull-over rouge.
00:48Tout commence le 3 juin 1974,
00:51quand la petite Marie Dolores Rambla, 8 ans, disparaît au pied de son immeuble.
00:56La petite fille, le condamné à mort, et le pull-over rouge,
00:59c'est un film de Nathalie Mazier.
01:13Le lundi 3 juin 1974 est un jour férié,
01:17le lundi de Pentecôte, et ce jour-là, il fait très beau.
01:20Donc les Marseillais vont se promener à la plage.
01:26Ce jour-là, je travaille, je suis au service fédéral de la Marseillaise.
01:31À l'Évêché, les journalistes locaux, accrédités comme moi à l'époque,
01:35on a un accès assez ouvert à toutes les informations.
01:40Les journalistes sont à l'Évêché, je dirais pas chez eux,
01:44mais ils y vont fréquemment, régulièrement, ils circulent dans les couloirs,
01:48ils voient un tel, ils ont même un bureau.
01:51Donc les contacts sont proches.
01:54Je vois de l'agitation dans un bureau, ce qui est bizarre ce jour-là,
01:59qui est très calme.
02:00Donc je m'informe et ils me disent,
02:03on a une histoire de disparition dans une cité.
02:09Vous nous suivez et on y va, direct.
02:11Ce qu'on a fait, on a suivi la voiture de police jusqu'à la cité
02:16de Marie Dolorès qui venait de disparaître.
02:25La famille Rambla habite la cité Saint-Agnès,
02:29une cité modeste d'ouvriers.
02:31Ils ont quatre enfants.
02:33L'aîné est une fille, Maria Dolorès, qui a huit ans,
02:37son petit frère a six ans et demi et deux petits jumeaux.
02:41En rentrant dans la maison de monsieur et madame Rambla,
02:44ils nous prennent pour des policiers aussi.
02:46On se retrouve avec monsieur et madame Rambla,
02:50on se retrouve avec trois ou quatre policiers qui sont là
02:53et puis le petit qui est là, le petit gentil,
02:56était en train de raconter un stratagème
02:58qui avait été utilisé par le suspect pour l'éloigner de sa soeur.
03:03Les enfants jouaient en bas, pratiquement à vue, les parents.
03:07Je me suis arrêté avec une voiture.
03:10Il m'a appelé avec ma soeur.
03:12Après, il a dit que je cherchais chez elle.
03:16Après, il a dit que je passe par là-bas
03:18et ma soeur, elle reste là.
03:20Et quand tu es revenu, le monsieur n'était plus là
03:22et ta grand-soeur non plus ?
03:23Non.
03:24C'est un signalement très limité,
03:27mais ce n'est pas surprenant.
03:29Le petit Jean Rambla, encore une fois, à six ans et demi,
03:32il est le seul à pouvoir dire quelque chose
03:34sur la personne qui s'est adressée à eux
03:36et c'est le témoin, si on peut dire, numéro un.
03:39Je me suis effectivement dit, en cinq minutes,
03:42le drame s'est abattu sur cette famille.
03:44Les policiers demandent donc à Mme Rambla de me donner une photo.
03:48Et alors, elle nous a donné une photo
03:50que j'ai récupérée, que j'ai après diffusée à nos confrères,
03:53que la police aussi a prise.
03:55Et c'est sur cette photo qu'ont commencé les premières recherches.
04:01Le visage de Marie Dolorès est placardé dans toute la presse
04:04et on ne comprend pas.
04:06Marseille est atterrée.
04:09Le titre de la une, c'était la disparition de l'enfant.
04:14Et c'est la photo qui m'a permis d'identifier de suite.
04:17Et donc, je me suis rendu au domicile de Pedro et Maria
04:21pour essayer de voir ce qu'on pouvait faire.
04:26En 1974, au moment des faits,
04:29on a eu une enquête sur la présence d'une femme
04:32dans un hôpital de l'Université de Marseille.
04:36En 1974, au moment des faits, j'avais pas tout à fait 21 ans.
04:40Mon épouse de l'époque était la cousine germaine
04:43de la petite Marie Dolorès Rambla.
04:45Famille très simple, ordinaire, d'une gentillesse extraordinaire.
04:49La petite fille, c'est l'enfant des quartiers.
04:52Ça peut être l'enfant de tout le monde.
04:55Ils étaient espagnols et s'exprimaient pas forcément
04:59très, très, très clairement tout le temps.
05:01Ils s'exprimaient quand même relativement bien,
05:03mais avec un accent très prononcé.
05:05Lui est un monsieur pas très grand, assez sec,
05:08un peu tendu, un peu nerveux.
05:10Elle est plus ronde comme femme, plus effacée aussi.
05:13Ils sont dans une douleur épouvantable,
05:15et puis une angoisse surtout énorme.
05:25En ce moment, ils vous écoutent peut-être.
05:33Le 4, donc, le mardi, alors que le week-end est terminé,
05:58là, la police va citer Saint-Agnès.
06:02Ils entendent parler de ce garagiste qui s'appelle Spinelli,
06:05lequel Spinelli est carrossier.
06:07Et lui, donc, il explique que vers la fin de la matinée,
06:10vers les 11 heures, en gros, il était à l'extérieur de son garage.
06:13Et là, il dit, j'ai vu cette fillette que je voyais de temps en temps.
06:18Je l'ai vue monter dans une voiture.
06:20L'homme lui souriait, donc pas de drame, pas de violence, etc.
06:25Elle est montée dans le véhicule et ils sont partis.
06:27Et il dit, je pense que c'était une Simca 1100.
06:32Un appel à témoins est lancé tout de même dans la presse.
06:36La télé, évidemment, en a parlé, la radio en a parlé.
06:39Et les gens, donc, ont entendu.
06:41Et là, le mercredi matin, un homme a téléphoné au gendarme de Gréasque
06:46pour expliquer que le lundi, vers les midi, midi et quart,
06:52il a eu un accident de la circulation au carrefour,
06:55dit le carrefour de la Pomme.
07:02Alors, le 3 juin 1974, avec ma copine, on avait décidé d'aller à la mer.
07:09Donc, on est partis en direction de Cassis.
07:15Je suis arrivé au croisement de la Pomme.
07:18Et quand je suis arrivé, il y a une voiture qui est arrivée du côté droit.
07:23J'avais priorité, il y avait un stop et tout.
07:25Et à la vitesse où il s'est engagé dans l'intersection,
07:29j'ai compris qu'il ne s'arrêtait pas.
07:31Je me rappelle comme si c'était hier.
07:33Il ne s'arrête pas, le con !
07:35Et j'ai donné un coup de volant pour me déporter vers le centre de la chaussée.
07:39Et lui, il a quand même accéléré.
07:42Et donc, je l'ai percuté.
07:44Ce qui fait qu'il est parti en tête à queue.
07:47Et il avait une 300... C'était une 304 coupée.
07:51Stupéfaction, le type prend sa voiture.
07:54Il est dans sa voiture, il démarre et il repart vers Marseille.
07:59Martinez n'est pas content, il n'arrive pas à prendre le numéro au complet.
08:03Arrive derrière lui un autre automobiliste qui le suivait,
08:07qui s'appelle Aubert.
08:09Aubert est avec sa femme.
08:11Tous les deux ont vu la chose, l'accident et la fuite.
08:14Ils sont quand même étonnés.
08:17Et je dis à monsieur Aubert, vite, vite, prenez le numéro.
08:20Je ne suis pas sûr du numéro.
08:22Et il démarre derrière lui. Il le prend en chasse.
08:25Il suit. La voiture roule devant.
08:29La route fait quelques virages.
08:31Et à 800 mètres de là, il voit que la voiture vient de s'arrêter sur le bord de la route.
08:37Madame Aubert me dit, mon mari est descendu de la voiture.
08:41Je lui ai dit, mais c'est rien, c'est que des dégâts matériels.
08:45Vous allez être poursuivie pour délit de fuite, etc. Vous revenez.
08:48Elle a dit, oui, ça va, ça va, je reviens.
08:51Madame Aubert, ils n'allaient pas attendre qu'ils visitent.
08:53Ils ont fait demi tour, ils sont revenus.
08:55Il me donne donc les numéros.
08:58Moi, je vais m'identifier à la voiture.
09:00C'est un coupé Peugeot 304 immatriculé 1369 SG06.
09:09Mais avant de partir, Madame Aubert me dit, il s'est enfui dans la colline avec un enfant.
09:16Martinez se rend à la gendarmerie de Gréasque.
09:19Là, il dépose plainte au délit de fuite.
09:22Dans sa plainte, il n'est pas fait mention de cette présence d'un enfant.
09:27Le gendarme me dit, écoutez, monsieur, restons en fait, vous êtes à la courant délit de fuite.
09:35Quand j'ai lu l'article, il y avait tellement de faits concordants.
09:39J'ai pensé que c'était très, très important de témoigner.
09:43On est allé à la gendarmerie de Brignoles.
09:45J'ai déposé devant le capitaine de gendarmerie.
09:47La gendarmerie a transmis ça à l'évêché.
09:50Monsieur et Madame Aubert, à une demi-heure d'intervalle, ont fait la relation avec l'accident,
09:56avec l'enfant, la voiture, etc.
09:59Ils ont après été mis en contact avec l'évêché à Marseille.
10:02Il y a aussi un autre témoignage qui vient s'ajouter à tout cet ensemble.
10:06C'est celui d'un homme qui est contre-maître dans une champignonnière
10:12qui se trouve pas très loin de là, par rapport au lieu de l'accident.
10:15Si on continue encore la route sur un kilomètre de plus, on arrive dans une petite hameau.
10:21Et là, à droite, il y a un chemin qui quitte la route et qui va jusqu'à la gendarmerie.
10:27J'ai vu des traces de voiture qui allaient dans la galerie. Je suis allé voir ce qui se passait.
10:30J'ai trouvé un bonhomme avec une voiture qui était embourbée.
10:32Je l'ai sorti avec un tracteur, puis c'est tout. Pour moi, c'est tout.
10:35Le lendemain, j'ai fait le rapprochement, quand j'ai entendu à la radio, de la maman d'une petite à Marseille.
10:46Et là, les gens se sont rendus compte qu'il n'y avait plus qu'une petite à Marseille.
10:50Et là, les gendarmes se disent, on est peut-être bien, en effet, dans un moment sensible de notre histoire.
11:04Il y a peut-être bien un lien dans cette histoire avec l'enlèvement d'une question.
11:07Le parquet est informé et la juge dit tout de suite, hop, recherche.
11:14Donc, les gendarmes vont dans la champignonnière, cherchent un peu.
11:19Et là, derrière des portes qui sont rangées contre la paroi, ils découvrent un pullover rouge.
11:26On décide donc, tout de même, on va le récupérer.
11:29On ne sait pas s'il a l'intérêt d'en faire ou pas, mais voilà.
11:32On lance les recherches, notamment au-dessus de la route, à l'endroit où se trouvait le véhicule,
11:39lorsque les auberts l'ont vu après l'accident.
11:43On arrive en même temps qu'ils vont boucler le secteur, très vite.
11:47On comprend qu'ils ont trouvé quelque chose dès qu'ils sont rentrés.
11:51On découvre un cadavre sous des épineux.
11:54Et on va très rapidement comprendre que malheureusement, il s'agit de la petite Maria Dolores.
12:00Puisque les vêtements que porte le cadavre sont les mêmes que ceux qu'avait décrit le père,
12:06le médecin légiste est appelé sur place.
12:08Et très vite, il voit qu'en fait, elle a reçu beaucoup de coups de couteau, une quinzaine.
12:13Quinze coups de couteau ici, au niveau de la zone du cou.
12:17Et elle a trois marques de couteau sur le dos de la main.
12:22Elle a voulu certainement se protéger.
12:24Il est avéré qu'elle n'a subi aucune violence sexuelle.
12:27Des constatations comme ça, personne n'en a trop envie de les faire.
12:31D'autant que là, on se retrouve ensuite avec la scène la plus abominable de toute cette affaire.
12:37On demande au père de venir sur place.
12:41On lui explique qu'un corps a été découvert.
12:45Et tout de suite après, on entend des hurlements terrifiants.
12:49Et on va ramener le père Romblas jusqu'à la voiture.
12:53Il ne tient plus sur ses jambes.
12:56Il est arrivé en criant, en hurlant.
13:01C'était dramatique.
13:04Et c'est là que Maria, quand elle l'a vu arriver, voulait se jeter dans les escaliers.
13:08Et il y a une photo qui était passée dans la presse où on me voit retenir Maria qui voulait se jeter.
13:15C'était assez insoutenable.
13:17Cet événement-là, il m'est resté gravé pour tout le restant de ma vie.
13:21On fait immédiatement le rapprochement entre l'automobiliste qui conduisait la Peugeot 304 et le crime.
13:33Inutile de vous dire que le propriétaire du véhicule, le père de Maria,
13:37qui était le propriétaire de la voiture,
13:39qui était le propriétaire de la voiture,
13:41n'était pas le propriétaire du crime.
13:44Et donc, il était le propriétaire de la voiture.
13:47Inutile de vous dire que le propriétaire du véhicule s'en occupe sérieusement et donc on l'identifie très vite, il s'appelle Christian Granducci, il vit à Nice.
13:59Il a 20 ans au moment de son interpellation, donc il vit sur les hauteurs de Nice avec sa mère, il travaille, il est représentant de commerce, il a fait son service militaire en Allemagne.
14:13Il est interpellé chez lui à 18h.
14:17On voit le cortège de policiers marseillais qui reviennent de Nice, ils le ramènent donc à l'hôtel de police dans la cour, il y a une grande cour, les voitures se garent.
14:28On le voit descendre de voiture et là je suis à vrai dire très surpris parce que vu ce qui avait été dit sur l'accident, sur la champignonnière où on l'avait récupérée,
14:39je m'attendais presque à voir sortir un demi-SDF ou en tout cas un mec complètement paumé.
14:45Et on voit sortir un jeune homme bien sous tout rapport, presque BCBG et il n'a pas l'air du tout accablé.
14:57Et là Granducci reconnaît les faits concernant le délit de fuite etc.
15:02En revanche quand on commence à lui parler d'allèvement d'une fillette et a fortiori d'un meurtre, il est négatif, je n'y suis pour rien, ce n'est pas moi, vous vous trompez etc. Il nie le meurtre.
15:15Et puis ça dure, ça dure.
15:18Les policiers à ce moment là vont décider une première chose, ils vont faire venir entre autres le gamin, Jean.
15:26Et c'est moi qui ai amené le petit Jean, Jean-Baptiste, à l'évêché pour reconnaître Granducci.
15:34J'ai dû lui expliquer qu'il fallait aller voir s'il reconnaissait le monsieur qu'il lui avait parlé avec la petite Marie-Dolores et qu'il lui avait dit qu'il cherchait son chien.
15:46J'ai dit on va aller voir des messieurs et tu me diras si tu le reconnais.
15:49Et on lui présente donc Granducci au sein d'un groupe, on appelle ça un tapissage en matière de police, donc chaque personne est porteuse d'un numéro.
16:00Jean ne l'a pas reconnu et j'ai essayé puisque après j'ai été isolé avec l'enfant dans une pièce, j'ai essayé de lui dire mais tu ne l'as pas reconnu le monsieur, tu es sûr que ce n'est pas un de ceux-là ?
16:12Sans lui donner de détails ni rien du tout, il ne voulait pas répondre, il ne parlait pas.
16:17Immédiatement après, on prend ce jeune Jean Ramblat, on le fait descendre dans la cour de l'évêché, où se trouve la voiture de Granducci qui a été ramenée de Nice ?
16:27Granducci n'a pas pu se parler pour la voiture que pour le reste, ce n'est pas qu'il n'a pas reconnu mais ce n'est pas qu'il l'a reconnu, c'est qu'il ne voulait pas parler.
16:34Il est resté dans son mutisme, c'est tout, c'est terminé.
16:38Dans cette affaire, le témoignage de Jean-Baptiste, le frère de Marie-Dolores, est capital mais les policiers ont du mal à le faire parler.
16:46Alain, comment recueille-t-on la parole d'un enfant dans une enquête ?
16:50Il faut savoir qu'en 1974, les policiers n'étaient pas du tout préparés à recueillir la parole d'un enfant.
16:57Depuis, ça a beaucoup changé, les policiers comme les gendarmes ont été formés à recueillir la parole des mineurs dans des conditions très particulières
17:06qui visent à éviter de leur faire répéter à plusieurs reprises, de revivre le traumatisme trop souvent
17:10et surtout à les mettre dans des conditions acceptables avec des dessins, des poupées, un environnement plus coloré et plus chaleureux.
17:19Depuis 2021, le Code de procédure pénale prévoit de nouvelles dispositions afin de garantir une parole plus sincère et plus libre
17:27avec la présence de l'autorité parentale, d'un avocat et le fait que tous les entretiens soient systématiquement filmés.
17:33Vous savez ce qu'on dit, on dit que la vérité sort de la bouche des enfants, est-ce le cas en matière pénale ?
17:38Paradoxalement, on est face à deux difficultés et l'affaire Doutreau a montré les limites de l'exercice.
17:44D'abord, il ne faut pas survaloriser la parole de l'enfant car il peut être manipulé, il peut mentir,
17:51il peut mentir soit pour éviter un traumatisme encore plus grand, soit parce qu'il a été instrumentalisé par un des autres protagonistes de l'affaire.
17:59Et en même temps, il ne faut pas sous-estimer leur parole, il faut la relativiser et ceci nécessite une véritable préparation
18:07psychologique pour les enquêteurs afin de trouver les moyens de savoir, sans trop répéter, sans trop pressionner,
18:15dans des conditions qui n'ont rien à voir avec le dialogue qui peut exister avec un suspect majeur,
18:21trouver le bon moyen pour trouver une vérité ténue et parfois extrêmement difficile et toujours très relative.
18:29A ce stade de la garde à vue, les policiers sont dans l'impasse. Ils convoquent d'autres témoins dans l'espoir de faire craquer Christian Anucci.
18:37Alors le garagiste il revient, il dit que j'ai peut-être trompé, j'étais loin, je n'ai pas bien vu, il ne peut rien rajouter s'il a vu quelque chose.
18:52C'est à ce moment-là qu'ils décident d'abattre leur carte maîtresse, c'est madame Aubert.
18:59Qui va lui mettre les poings sur les yeux, elle sait ce qu'elle a vu.
19:02Ranucci, ni avoir un nez au milieu de la figure, vous comprenez ce que je veux dire, il dit l'évidence, donc ça l'agace madame Aubert.
19:09Alors elle monte d'un cran, elle bande dans les tours.
19:13Et là madame Aubert dit à Ranucci mais je vous reconnais, c'est vous qui étiez sur le bord de la route, la fillette a parlé, elle a dit qu'est-ce qu'on fait,
19:23vous êtes monté dans la pinède juste au-dessus, c'est vous.
19:29Et là Ranucci qu'est-ce qu'il fait, il craque, il s'effondre, il se met à pleurer, il dit oui oui c'est moi, il pleure et il dit mais je ne voulais pas la tuer, je ne suis pas un salaud, mais il a vu à ce moment-là.
19:42Il déclare qu'il avait enlevé la petite fille mais qu'il avait l'intention de la ramener à la maison et qu'en réalité étant poursuivi par l'automobiliste dans les conditions que je vous ai indiquées, il a perdu la tête et il a tué la petite fille parce qu'il craignait que les gens qui le poursuivent ne puissent l'accuser d'avoir entraîné la petite fille dans la colline, n'est-ce pas, pour la violer, ce qui selon lui n'était pas le cas.
20:05Ranucci dit je l'ai tué avec le couteau automatique que j'avais dans ma poche, avant l'entrée dans la champignonnière il y a une plateforme où il y avait à l'époque un tas de tourbes mêlées de fumiers, il a mis le couteau au sol, il a appuyé avec le pied, il a fait descendre le couteau dans la tourbe.
20:26Les gendarmes qu'est-ce qu'ils font, ils vont explorer le secteur qu'on leur a donné et ils vont trouver le couteau.
20:33Avec précaution ils ouvrent la lame, il y a des taches de sang mêlées à des débris de fumiers, le larme correspond à ce qu'a décrit Ranucci dans le tas de tourbes, c'est assez probant comme élément, il ne se contente pas de dire où il a mis le couteau.
20:52Ranucci parle de l'enlèvement, les policiers lui disent est-ce que tu peux nous expliquer comment étaient les lieux etc. et Ranucci dit oui oui je peux, je peux même vous dessiner l'endroit.
21:04On lui fournit un papier, un crayon, il dessine le lieu de l'enlèvement, il a dessiné ce plan qu'il a signé et ça c'est une pièce évidemment très importante dans le dossier.
21:15On procède à une fouille du véhicule et dans ce véhicule on découvre tout de même et ça c'est important un pantalon bleu foncé et le pantalon bleu foncé qui appartient à Ranucci, Ranucci ne discute pas, ce pantalon est sali par des taches de boue au niveau des genoux etc.
21:39Mais aussi par des taches de sang, c'est du sang humain et on détermine le groupe sanguin, à savoir le groupe A qui est le sang de Maria Dolores, le groupe A mais qui est aussi celui de Ranucci.
21:53Je pense qu'il l'a tué parce qu'il perd totalement ses moyens.
22:03Comme elle a peur, elle crie, lui, il veut d'abord la faire taire parce qu'il ne veut pas se faire prendre, il a une angoisse folle, c'est de se faire prendre.
22:10Il a tué cet enfant dans un moment d'enfoliement total.
22:23Je me rappelle des filles à mort ou à l'enterrement de la petite.
22:34On est en juin 1974, on est en plein dans la France de Giscard qui est une France assez conformiste.
22:47Et le débat entre les abolitionnistes et les partisans de la peine de mort est très présent.
22:53La population à Marseille est en émoi.
23:00Il y a énormément de monde avec la Vendique populaire, à mort l'assassin, Ranucci à mort, c'est ça je me souviens très bien, il faisait très chaud en plus.
23:09Ranucci a passé ses aveux, je décide, puisqu'on a l'adresse, j'ai l'adresse de là où habite Christian Ranucci, d'y aller.
23:21Je prends mon auto et je vais voir madame Maton qui est la mère de Christian Ranucci.
23:32Madame Maton à l'époque garde des enfants à son domicile, elle est ce qu'on appelle une assistante maternelle.
23:37Et les parents des enfants adorent Christian et c'est un garçon qui est aimé, qui ne pose pas de difficultés socialement, relationnellement parlant.
23:48Elle a le culte de son fils, elle le dépeint comme un garçon aimant, adorable.
23:55Leur rapport c'est d'abord l'autorité de la mère, lui il est dans la crainte.
23:59Quand il a l'accident je suis moins intimement persuadé que ce qui le fait disjoncter totalement c'est la réprimande de sa mère.
24:07Qu'est-ce que je vais me faire en rioler ?
24:09On n'a pratiquement aucun éclairage sur le père, c'est la mère qui le décrira comme un homme violent.
24:15Le divorce a été très difficile, très conflictuel.
24:19Et il le raconte lui, il dit j'ai vécu toute mon enfance dans la peur, nous avons été en fuite en permanence
24:25parce que ma mère était persuadée que mon père voulait nous retrouver et qu'il voulait nous tuer.
24:31A partir de là comment pour le jeune Ranouchi une vie d'errance ahurissante.
24:37Madame Maton installe son fils Christian dans la haine de son père.
24:43Il n'y a pas de figure je dirais paternelle forte dans sa vie.
24:48La femme de sa vie c'est sa mère indiscutablement et rien d'autre autour.
24:55Ce qu'il faut en retenir, c'est ce qu'ont dit d'ailleurs les experts psychologues, c'est que Ranouchi est un être immature.
25:03Immature totalement, immature totale, c'est affligeant.
25:09Heureusement qu'il est allé faire son service militaire, je veux dire qu'il lui a donné un petit peu de quelque chose, un peu d'aplomb.
25:15Mais là bon c'est un grand bénin.
25:18Les experts disent qu'il ne souffre d'aucune pathologie particulière au plan psychiatrique.
25:24Donc il n'était pas en état de démence au moment de l'action, donc il est responsable de ses actes.
25:32La juge ne le reverra qu'au mois de décembre 1974.
25:36Et là Ranouchi commence à dire oui mais moi non je ne reconnais plus, ils ne me souviennent de rien.
25:43Il dira qu'il est innocent, il va hurler à la manipulation policière, au service policier.
25:49Il dira qu'il a été torturé et que c'est pas vrai.
25:53Il dira qu'il est innocent, il va hurler à la manipulation policière, au service policier.
25:58Il dira qu'il a été torturé et que c'est dans ces conditions que les services de police ont recueilli ses aveux.
26:14En 1974, je m'apprête à devenir avocate et je fais mes premiers pas au cabinet de Paul Lombard.
26:22Paul Lombard, c'est le pénaliste de l'époque, il a une stature nationale.
26:29Héloïse Maton, elle est conduite au cabinet de Paul Lombard, qui la reçoit,
26:33mais qui est très très mitigée quant au fait de prendre ou non ce dossier.
26:38A l'époque, à son cabinet, travaille Jean-François Le Forcené, qui est un jeune pénaliste brillant, très fin.
26:44Il va demander à Jean-François de rentrer le premier dans l'arène.
26:48Et lui, lui dit-il, il rentrera après dans un deuxième temps.
26:53Quand j'ai vu arriver en blât, pour un avocat, il faut s'imaginer ce que c'est.
26:57C'est l'affaire du siècle qui entre dans le bureau.
26:59Bon, ça a été un fil du destin, parce que vous vous rendez compte,
27:02un avocat de 28 ans qui n'a jamais plaidé aucune affaire importante aux assises.
27:08Et là, je me retrouve au cœur d'une affaire nationale face à un ténor comme Lombard.
27:15Bon, donc, je suis en présence quand même d'une affaire qui, pour un avocat,
27:19constitue une affaire grandiose.
27:31Christian Ranucci, il va être jugé dans un contexte effroyable.
27:35C'est-à-dire que trois semaines avant l'ouverture de son procès, on arrête Patrick Henry.
27:40Patrick Henry qui a scandalisé et horrifié la France,
27:44non seulement en enlevant et en assassinant Philippe Bertrand,
27:47mais en mentant avec une arrogance et un cynisme incroyable.
27:52Et la France est vraiment chauffée à blanc.
27:54La France réclame la peine de mort.
27:56Et Christian Ranucci, son procès, arrive dans ce contexte où on demande une tête.
28:01Il va être jugé pour le crime de Marie-Dolores Rambla,
28:04mais aussi, quelque part, il y aura le fantôme du petit Philippe Bertrand
28:08qui va hanter tous les esprits durant son procès.
28:19En 1976, je suis tirée au sort pour faire partie du jury d'assises
28:25au tribunal à Aix-en-Provence.
28:27Alors j'ai 35 ans, donc je suis maman, j'ai trois enfants,
28:32dont une petite fille qui a l'âge de la victime.
28:35Lorsque j'arrive, il y a des cris, il y a des inscriptions, il y a des tags en noir
28:40sur les murs du palais de justice.
28:43La mort, la mort.
28:45C'est la première grande affaire à laquelle j'assiste,
28:51avec un enjeu aussi important que de sauver la tête d'un garçon de 22 ans.
28:58La mort planée, c'est ça que vous ne pouvez pas comprendre
29:04parce que c'est une autre époque, forcément.
29:07La mort planée, on voyait la mort au-dessus de la tête de Christian Ranucci.
29:13Allait-elle s'abattre ou n'allait-elle pas s'abattre ?
29:16C'est quand même des situations de tension inimaginables, inimaginables.
29:26Lorsque Christian Ranucci rentre dans le bosque,
29:29il a un costume bleu flashy, une grande croix devant, sur son soupule.
29:35Ce qui m'a frappée, c'est surtout l'air qu'il avait,
29:39l'air de dire, mais comment ça, ces gens qui sont là,
29:43ils vont me juger, mais de quel droit ils vont me juger ?
29:46Moi, j'ai ce souvenir-là d'un gars qui ôtait presque l'air de se foutre la gueule du monde.
29:52Il clame son innocence, il interpelle les enquêteurs,
29:57dit qu'il a été frappé, torturé.
30:02Il ne répond pas aux questions, il les élude.
30:06Il vient là pour crier vengeance sur tout le sort qu'on lui a réservé.
30:10Et il passe très mal.
30:13Moi, ce que je ressens, c'est qu'il est à côté de la plaque.
30:17Il ne voit pas la gravité de la situation.
30:28La Défense fait citer Jeannine Mattei comme témoin de la Défense.
30:32Cette petite dame qui était toute timide, qui parlait à peine français,
30:36elle, elle dit qu'il y a quelqu'un avec un pullo vert rouge
30:40qui sévit dans les cités marseillaises et qui attire des petites filles ou des petits garçons.
30:47Et comme ce pullo vert rouge n'appartient pas à Christian Ranucci,
30:51ça pourrait être quelqu'un d'autre.
30:53Quand madame Mattei vient témoigner, je lui dis
30:56« Où avez-vous rencontré madame Ranucci ? »
30:58Et elle me dit « Au baumette. »
31:01Voilà, bon. Voilà, c'est terminé.
31:04« Au baumette ? Mais comment ça, votre fils est au baumette ? »
31:06« Oui, ah bon, d'accord. »
31:08Et à partir de là, son témoignage était terminé.
31:11Pour moi, c'était le profil même du faux témoin.
31:15Il faut être clair, ça a été une erreur catastrophique au niveau de la Défense.
31:22Pour le procès, il a duré deux jours, ce qui est inimaginable actuellement.
31:27On en est rapidement aux plaidoiries, malgré une audience quand même pesante et lourde.
31:34Je m'étais entendu avec les parents de la petite Maria Dolores
31:38pour ne pas demander que Christian Ranucci soit condamné à la peine de mort,
31:42donc c'était très clair.
31:44L'avocat général, il a demandé la mort.
31:46Il termine en disant « Ranucci, que Dieu vous assiste, car vous êtes au-delà de la pitié des hommes.
31:53On ne peut pas avoir pitié de lui, il faut effectivement le condamner. »
31:58C'est ça que ça veut dire.
32:00Le moment est venu de donner la parole à Paul Lombard,
32:03qui était l'ultime rempart face à la mort.
32:07Le président lui dit « Maître, vous avez la parole. »
32:10Et Paul Lombard, le président de l'Assemblée,
32:13« Maître, vous avez la parole. »
32:15Et Paul Lombard…
32:20Pas un mot.
32:22Pas un son.
32:24Maître Lombard, qui vraiment est complètement affolé,
32:27il n'arrive plus à parler.
32:29Il lui donne un médicament et ensuite il reprend la parole.
32:32Et d'une voix quand même fatiguée.
32:35Au début, fragile, blessé.
32:39Il a essayé de déployer ses arguments.
32:43Paul Lombard est quand même prisonnier de la décision de Ranucci
32:47de dire « Moi, je suis innocent et je veux que vous plaidiez l'acquittement. »
32:52Ranucci, vers la fin, ne dit rien.
32:54Il n'a rien à ajouter, personne ne dit rien.
32:56Donc on s'en bat, on va vers la petite salle qui est derrière
33:01et on se réunit tous les douze.
33:03Je suis très angoissée.
33:05L'angoisse s'est accumulée pendant ces deux jours
33:08et elle est à son extrême lorsqu'on rentre dans la salle des délibérations.
33:14Il n'y a pas de pire moment que d'attendre un verdict.
33:18Surtout quand il y a la peine de mort qui est demandée.
33:22La délibération a duré deux heures.
33:24On entendait quand même pendant la délibération
33:27le cri de la foule sous les fenêtres qui criait « La mort, la mort ! »
33:36C'est relativement rapide pour décider de la mort d'un homme.
33:41Nous regagnons la salle, les têtes sont fermées,
33:45les jurés regardent leurs pieds, pratiquement,
33:50et n'osent pas regarder Christian Ranucci en face.
33:56Et le président annonce la sentence,
34:01à savoir que Christian Ranucci est condamné à mort par huit voix au moins.
34:07C'était la majorité qualifiée.
34:09Et là, moi je me suis retourné vers lui, vers Ranucci,
34:16qui semblait ne rien comprendre.
34:19Et je me suis dit « Mais il est vivant mais il est mort ! »
34:25« Au nom de la loi ! »
34:28On l'a défoncé, bien sûr, tétanisé, pétrifié.
34:32Alors la dernière chance pour lui c'est bien sûr le recours en grâce.
34:40Tout le monde est persuadé qu'il va être gracié
34:42parce que Valéry Giscard d'Estaing s'est déclaré, à titre personnel,
34:46contre la peine de mort.
34:48Bolonvard, donc, va plaider devant Giscard cette affaire.
34:51Il en ressort d'ailleurs assez confiant.
34:54L'opinion publique est bien sûr très remontée
34:57et Giscard n'ira jamais jusqu'au bout de sa position
35:00et préférera céder à l'opinion publique
35:03et ne pas gracier Christian Ranucci.
35:05Et donc, à ce moment-là, l'exécution est fixée effectivement très vite.
35:23Le 28 juillet 1976, à vers 3h30 du matin,
35:28on va le chercher dans sa cellule.
35:30Il n'est pas au courant, l'exécution,
35:32On va le chercher dans sa cellule.
35:34Il n'est pas au courant, les condamnés à mort ne sont jamais au courant.
35:37Des tapis ont été posés devant sa cellule,
35:39dans le couloir qui mène à l'échafaud,
35:42pour amortir le bruit des pas,
35:44pour que personne n'entende ce qui va se passer.
35:47Il est tiré de son sommeil, c'est toujours comme ça, c'est la règle.
35:50Son avocat lui donne une lettre que sa mère a écrite,
35:53qui est en gros,
35:55« Mon enfant chéri, je penserai à toi, je suis avec toi dans ce moment. »
36:00Elle lui dit qu'il a été un bon fils, qu'elle l'a aimé par-dessus tout,
36:04et qu'elle va se battre pour le réhabiliter.
36:08On lui demande s'il veut s'habiller, il ne veut pas, il mourra en pyjama.
36:11On lui demande s'il veut boire un coup d'alcool, il refuse.
36:17On lui demande s'il veut un prêtre, il refuse.
36:20Il est chaque fois négatif, mal armé.
36:23On lui donne une cigarette, qu'il accepte.
36:27On lui attache bien les mains dans le dos pour bien dégager le coup.
36:32Et puis bon, il va à l'échafaud, voilà.
36:35Il va à l'échafaud, puis ça se passe.
36:37Et à 4h13 du matin, on est sur la porte de la prison.
36:41Christian Ranucci a été exécuté ce matin.
36:44On est totalement sidérés dans tout état de cause,
36:47même dans l'hypothèse de sa culpabilité.
36:50Un homme de 20 ans, avec son histoire, n'avait pas à être guillotiné.
36:56Surtout que quelques années après, la peine de mort allait être abolie.
37:02Christian Ranucci est l'avant-dernier condamné à mort français.
37:05Le dernier sera Amida Jandoubi, guillotiné le 10 septembre 1977.
37:11Alain, pourquoi la guillotine ?
37:13La guillotine, c'est l'aboutissement de très nombreuses et très longues réflexions
37:16sur l'amélioration du sort des condamnés à mort.
37:19Puisque là, on passait de l'écartèlement à la pendaison,
37:22le supplice de la roue ou la décapitation à l'épée.
37:25Et en général, dans des conditions assez horribles,
37:28puisqu'on n'y réussissait pas du premier coup ou que ça durait très longtemps.
37:32C'est donc un médecin député, Joseph-Ignace Guillotin,
37:36qui va défendre le principe d'un nouvel instrument
37:40pour à la fois garantir la peine de mort
37:43et faire en sorte qu'elle soit moins douloureuse,
37:46qui va apparaître en décembre 1789.
37:49Mais il n'est pas le vrai père de cet instrument terrible,
37:54c'est un de ses collègues, Antoine Louis,
37:57qui lui va inventer techniquement, ingénieusement,
38:00un outil avec cette capacité de lame qui coupe d'un seul coup
38:05et qui évite de faire durer le supplice.
38:08Et qui est le premier guillotiné de l'histoire ?
38:10C'est un certain Jacques Pelletier qui sera le premier guillotiné
38:14et ça ne va pas très bien se passer,
38:16pas tellement de son point de vue, il va effectivement mourir rapidement,
38:20mais du point de vue de la population parisienne
38:23qui va être extrêmement déçue de la rapidité du spectacle
38:26et du manque de durée.
38:28Et d'ailleurs une partie de la population va quitter les lieux du supplice
38:33en chantant « Rends-moi ma potence, rends-moi ma potence en bois ».
38:37Après la mort de Christian Ranucci,
38:40l'affaire aurait pu être définitivement classée,
38:43mais sa mère va se battre pour la réhabiliter
38:46et son combat va diviser.
38:57Je ne pense pas que ce soit une erreur judiciaire.
39:01C'est une erreur de justice, oui,
39:04parce qu'il ne méritait pas en toute justice
39:07d'être condamné à mort et surtout d'être exécuté.
39:11Mais ça n'est pas une erreur judiciaire.
39:14Ranucci a bel et bien tué Maria Doloré.
39:18Le fait que quelque part on ait considéré que ce n'était pas normal
39:21qu'il ait été condamné à mort,
39:24le fait qu'il y ait eu ce remord
39:26a sans doute permis à cette storytelling de prospérer.
39:31Et effectivement, ça a sans doute préparé le terreau
39:34à l'affaire du pullot vert-rouge.
39:37Alors, Gilles Perrault, cet homme au pullot vert-rouge,
39:40c'est l'une des pistes qu'il semblerait qu'on a négligées
39:44pendant cette enquête.
39:46Et la question fondamentale que vous posez avec votre livre,
39:49c'est a-t-on tout fait pour prouver ou la culpabilité
39:52ou l'innocence de Ranucci ?
39:55Oui, en fait, je pense qu'on a non seulement négligé
39:59la piste de l'homme au pullot vert-rouge,
40:02mais qu'on l'a délibérément mis en question.
40:05On l'a délibérément fermée.
40:07Puisqu'on avait un coupable qui avait passé des aveux,
40:11on avait donc un coupable satisfaisant.
40:13Quand Gilles Perrault écrit le pullot vert-rouge,
40:15ça devient l'affaire du pullot vert-rouge.
40:17Il envahit le psychisme du lecteur,
40:19alors que le pullot vert-rouge n'a eu aucune importance
40:22jusqu'à présent dans la procédure.
40:24On n'a jamais su à qui appartenait ce pullot vert.
40:27C'est l'énigme de ce dossier,
40:29c'est l'énigme qui sera l'origine
40:32de l'ouvrage de Gilles Perrault.
40:36On découvre un pullot vert-rouge derrière des portes.
40:38Pourquoi voulez-vous que ce soit nécessairement
40:40le pullot vert-rouge de l'assassin ?
40:43Il y a des choses qui sont considérées
40:45comme des détails dans la procédure
40:47que Gilles Perrault va magnifiquement bien exploiter.
40:49Par exemple, il y a le témoignage d'Eugène Spinelli,
40:51qui est un garagiste, qui dit avoir vu de loin
40:54Marie Dolores monter dans une voiture.
40:57Au début, il a dit que c'était une Simca en sang.
40:59Et puis après, on lui a dit
41:01que c'était un Michelin Peugeot 304.
41:03Et en fait, à la police, il le dit,
41:06mais j'ai pu me tromper parce que j'étais loin,
41:09j'avais le soleil dans les yeux,
41:11et effectivement, les deux voitures se ressemblent
41:13énormément vu de dos, ce qui est vrai.
41:15Et évidemment, Gilles Perrault va en faire du pain béni.
41:18Lui, il va considérer comme absolument acquis
41:20que Spinelli a vu une Simca en sang
41:22et que les policiers ont essayé de tromper son témoignage.
41:26Il fait dire à quelqu'un qui n'existe pas
41:30que Jean-Baptiste Ramblin est un grand spécialiste de véhicules
41:35parce que les voitures sont sa passion.
41:37Perrault lui fait dire dans son livre
41:39qu'il a reconnu une Simca en sang.
41:41Le petit, d'abord, je ne sais pas à qui il aurait pu raconter cette histoire.
41:44Il ne connaissait pas les voitures.
41:46Bon, qu'il ait dit, j'ai vu une voiture grise jusque là, j'y vais,
41:50mais une Simca en sang ou une 304 coupée
41:54ou n'importe quelle autre voiture,
41:56il était incapable de reconnaître les voitures.
41:59Très bien de dire que ce n'est pas un d'elle.
42:01Mais alors qui est-ce ?
42:03La petite Marie Dolores, malheureusement,
42:05elle ne s'est pas frappée de coups de couteau.
42:07Donc il y avait quelqu'un qui l'a fait.
42:09Et alors, puisque ce n'est pas un autre chiffre,
42:11il faut que ce soit quelqu'un d'autre.
42:13Un être fantomatique, vêtu de rouge.
42:15Voilà, l'histoire qu'a raconté M. Perrault.
42:18Et c'est tout son talent d'avoir réussi à créer le doute.
42:23Et quand le doute est créé,
42:24c'est quasiment impossible de s'en défaire.
42:28Le livre Le Pullo Ver Rouge a fait des dégâts considérables dans l'opinion.
42:32Ça a été relayé médiatiquement.
42:34Il y a eu une pub fantastique, il y a même eu après un film.
42:38La sortie du Pullo Ver Rouge est un séisme pour les Ramblas.
42:41Parce qu'en fait, toute l'opinion publique se retourne.
42:44Et cette famille qu'on considérait essentiellement,
42:47complètement et malheureusement victime,
42:50quelque part devient responsable de la mort de Christian Ranucci,
42:53qui devient lui la victime.
42:55Christian Ranucci devient alors l'emblème de l'erreur judiciaire.
42:58Je pense que Gilles Perrault a fait un travail militant.
43:00L'abolition de la peine de mort était un vrai débat.
43:02Je veux bien qu'on soit contre la peine de mort.
43:04Je suis le premier à être contre la peine de mort.
43:06Mais à un moment donné, il ne faut pas écrire n'importe quoi.
43:09C'est dramatique.
43:10Voilà, Ranucci, c'est sûr, il a tué la petite Marie-Doresse.
43:15Le père dira que ce livre Le Pullo Ver Rouge tue sa fille une deuxième fois.
43:18Et malheureusement, ça ne va pas s'arrêter là.
43:20Ça a continué.
43:21Parce que Gilles Perrault, il en a vendu des centaines de milliers de ce livre.
43:26Ça ne s'est jamais arrêté.
43:27Ça a été absolument insupportable pour la famille.
43:34Le succès du livre, insupportable pour les membres de la famille Rambla,
43:38va avoir des conséquences terribles,
43:40en particulier pour Jean-Baptiste, le frère de Marie-Dolores.
43:43Trente ans plus tard, son nom fait la une de l'actualité.
43:47Trente ans après l'assassinat de sa fille,
43:49Pierre Rambla est à nouveau sous le feu des projecteurs.
43:52Aujourd'hui encore, l'épreuve est insupportable.
43:56C'est son fils, âgé de 41 ans, qui comparaît depuis ce matin
44:00pour le meurtre de Corinne Bey, sa patronne et l'ami de la famille depuis 1976.
44:05J'ai été étonné, j'ai dit, c'est pas vrai.
44:09Ce gamin-là, qu'est-ce qu'il a vécu ?
44:12Qu'est-ce qu'il a vécu ?
44:13Il a été poursuivi, lui, toute sa vie aussi.
44:16Toute sa vie.
44:17Il a été questionné.
44:18Et pourquoi ? Et pourquoi ? Et pourquoi ? Et pourquoi ?
44:21Et comment ? Et qu'est-ce qu'il se fait ?
44:23Et tu ne l'as pas connu.
44:25Et tu as eu peur.
44:26Tiens, lâche.
44:27Et là...
44:29Dramatique.
44:30Dramatique.
44:31Je crois que la genèse de l'histoire est là.
44:36Cette fuite vers le rien néant de petit Jean-Baptiste Rambla
44:40vient de l'affaire à Mutsu.
44:43Il est lui-même honté, en fait, par le fantôme de Rannucci.
44:48Dire que Jean-Baptiste Rambla a, de toute évidence,
44:53été bousillé pendant toute son enfance,
44:57toute son adolescence,
44:59par les répercussions de la remise en cause
45:02de la culpabilité de Christian Rannucci,
45:05c'est une évidence absolue.
45:08Et ça n'excuse certainement pas ce qu'il a pu faire.
45:11Et il faut qu'il soit condamné à juste titre.
45:14Mais c'est quand même...
45:16On peut se poser des questions sur pourquoi le drame.
45:22Jean-Baptiste Rambla est condamné à 18 ans
45:25par la Cour d'assises des Boucheronnes.
45:28C'est un verdict attendu.
45:32Jean-Baptiste Rambla est un homme qui a été condamné
45:36Jean-Baptiste Rambla est un détenu modèle.
45:39Il travaille.
45:40Il lui a d'ailleurs même demandé à un moment donné sa mutation
45:43pour apprendre un métier de chauffagiste.
45:45Il est muté dans une prison qui est pas loin de Toulouse.
45:47Et il va demander sa libération conditionnelle
45:49qu'on va lui accorder au bout de 8 ans de prison.
45:52Parce qu'en fait, tous les voyants sont au vert.
45:55Il est vraiment expertisé.
45:57Il voit des psys, il voit tout le monde.
45:59Il a un travail à l'extérieur.
46:01À ce moment-là, si vous voulez,
46:03Jean-Baptiste Rambla doit approcher de la cinquantaine.
46:05Il commence à arriver à un âge où on se dit
46:08bon, voilà, le temps de la paix est venu.
46:11Et tout se passe bien, jusqu'à un moment donné
46:14où il est à deux mois de sa libération définitive.
46:17Un jour, où il est dans une période où il est vraiment très drogué,
46:21il s'assoit dans un parc.
46:22Il voit une jeune femme noire.
46:24Cynthia Lunambus est une jeune fille de 21 ans
46:26qui est à la fenêtre.
46:27Et il est pris d'une fureur.
46:29Il se débrouille pour entrer dans cet immeuble.
46:31Il monte à l'étage où elle est supposée être.
46:33Il sonne à sa porte, elle ouvre et il la tue.
46:35Il la tue avec une sauvagerie incroyable.
46:38C'est là que l'histoire devient abominable.
46:44Je trouve que le terme de malédiction est effectivement,
46:48vous savez ce qu'on dit, le sang appelle le sang.
46:53La défense de Jean-Baptiste Rambla, elle n'est pas compliquée.
46:55Il dit, j'ai fait à Cynthia ce que je voulais faire à Gilles Perrault.
46:58Ce n'est pas Cynthia que j'avais en face de moi,
47:00c'était Gilles Perrault et c'était tous les médias.
47:02Il en veut beaucoup plus en fait à Gilles Perrault
47:05et aux médias qui ont relayé la thèse de Gilles Perrault
47:07qu'à Christian Hanouchi.
47:08Il pleure, il a des émotions,
47:10alors qu'il n'en a aucune quand il parle de Cynthia Ninandu.
47:15On a l'impression effectivement de voir le petit Jean.
47:18On comprend que le petit Jean est encore en lui.
47:21Il est condamné avec le jugement criminel à perpétuité.
47:24On a l'impression que ce n'est pas la perpétuité qui l'embête.
47:27Ce n'est pas ça son problème.
47:29Son problème c'est qu'ils ont peur.
47:33Ils n'ont pas entendu ce que j'avais à leur dire.
47:36Jean-Baptiste Orblat voulait faire appel contre l'avis de ses avocats
47:39et c'est assez étonnant, il a changé d'avis.
47:42À mon avis, s'il voulait faire appel,
47:45ce n'est pas du tout pour perpète.
47:49C'était pour parler d'une dernière fois,
47:53une ultime fois,
47:55de Maria Dolores, de Pierre
47:58et du petit Jean-Baptiste.
48:01C'est une histoire, vraiment,
48:03Ranucci et Jean-Baptiste Orblat,
48:05c'est triste à dire, mais ils sont liés.
48:07Ils sont liés dans le sang,
48:09dans leur imaginaire, je ne sais pas.
48:11C'est vraiment une tragédie complète.
48:15Au final, c'est l'histoire de cette petite à qui on enlève la vie,
48:18une petite qui ne demandait qu'à vivre
48:20avec la joie de vivre qu'elle pouvait avoir.
48:23Et derrière, si ça s'était arrêté là,
48:26le drame aurait été suffisamment grave
48:29pour ne pas qu'on en rajoute.
48:31Or, derrière, on a détruit le reste de la famille.
48:43Jean-Baptiste Orblat, qui voulait faire appel de sa condamnation,
48:46a finalement renoncé.
48:48Âgé aujourd'hui de 55 ans,
48:50il continue de purger sa peine.
48:52Il sera libérable en 2039.
48:59Sous-titrage Société Radio-Canada