00:00Alors Jacques de Villiers, d'abord vous avez un nom qui est célèbre, puisque votre grand-père s'appelle Philippe de Villiers,
00:12et qu'il est très présent sur cette antenne d'Europe 1, notamment et de CNews, et puis vous partagez un goût, mais manifestement c'est dans les gènes,
00:19c'est un goût pour l'histoire, et j'ai envie de dire le roman historique. Mais vous avez quel âge Jacques de Villiers ?
00:24Écoutez, j'ai 22 ans.
00:26Mais vous êtes très jeune pour avoir écrit ce roman, qui d'ailleurs se lit merveilleusement, parce qu'il raconte une histoire, une épopée,
00:36et qu'il y a ce goût que vous avez manifestement de raconter une histoire. Pourquoi avez-vous, comment avez-vous eu ce goût pour l'histoire,
00:45et puis ce goût pour le roman, c'est votre premier roman ?
00:48C'est mon premier roman, oui tout à fait. Écoutez, je pense que c'est un goût, effectivement, vous dites dans les gènes,
00:53je pense que c'est beaucoup lié à la transmission, c'est vrai. Et depuis mon plus jeune âge, mes parents m'ont fait baigner dans cet univers-là.
01:01Mon grand-père, qui a cette capacité de poétiser tout ce qui l'entoure, et de raconter avec son génie narratif,
01:12toutes les anecdotes de l'histoire de France, ça m'a marqué aussi. Et puis, même mon oncle Nicolas de Villiers,
01:16qui préside le Puy du Faux aujourd'hui, et qui a cette capacité aussi à rendre spectaculaires les histoires,
01:22forcément, quand on baigne là-dedans, dans ce bain-là, dans ce bain créatif,
01:25c'est assez naturellement que l'envie vous prend au moment de vous essayer à l'écriture,
01:30et c'est en trouvant et en cherchant sur ce sujet de Philippe le Bel, de la royauté, de la croisade d'Aragon,
01:37qui m'est venue l'idée de cette intrigue, de ce roman.
01:39Alors, effectivement, c'est un épisode assez méconnu quand même de l'histoire de France,
01:43c'est la croisade d'Aragon, il faut parler de Philippe le Bel,
01:47Philippe le Bel, c'est le premier des rois maudits ?
01:50Tout à fait, tout à fait, Philippe le Bel, c'est un roi à la légende sombre,
01:54c'est un roi dont Maurice Druon a fait, peut-être pour l'éternité,
01:59c'est à voir, un roi perçu comme un roi presque maléfique, je pourrais dire,
02:04c'est-à-dire un roi manichéen, solitaire, austère, lointain, loin de son peuple,
02:09et d'une certaine manière, voilà, un roi assez négatif.
02:14Loin de la vision que j'en donne dans le roman, alors dans mon roman,
02:18Philippe le Bel est tout jeune, il a 17 ans, il n'est même pas au pouvoir en fait,
02:22c'est son père, Philippe le Hardy, qui est encore roi, pour un an,
02:26et il va assister impuissant à cette croisade immense,
02:30qui emmène une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes du roi de France vers l'Aragon,
02:35pour détrôner Pierre d'Aragon, il va y assister, et Philippe le Bel, déjà très jeune, à 17 ans,
02:39et bien il s'en méfie, il se méfie de cette expédition, il respecte l'autorité de son père,
02:44mais c'est dans cette tension déjà qu'il habite,
02:47parce qu'il est très méfiant quant aux objectifs politiques et même matériels de cette croisade,
02:52et bien c'est cette tension-là qui m'a intéressé,
02:54pour voir comment est-ce que cet épisode va déjà construire, fabriquer en lui,
02:58quelque chose du futur roi qu'il saura plus tard,
03:01et dont je pense qu'il a été un immense souverain, peut-être un des plus importants de l'histoire de France.
03:06Le roi de fer, tel qu'on l'appelait, et puis un roi particulièrement cruel,
03:11par exemple ses filles, je crois que ce sont ses filles qui avaient des amants,
03:15il va faire châtrer les amants de ses filles,
03:19puisque l'adultère n'était pas une chose vraiment à la mode,
03:22on est en 1285, à quoi ressemble la France en 1285 ?
03:28Écoutez, c'est une excellente question, parce que c'est vraiment ce qui motive tout mon roman.
03:33La France de 1285, c'est une France encore féodale.
03:36Pour prendre un exemple très parlant, c'est une France dans laquelle le roi est itinérant,
03:41c'est-à-dire que le roi n'a pas de palais dans lequel il réside, avec les fastes de la cour,
03:45mais il marche, il va à cheval, de province en province, de ville en ville, de village en village,
03:52parfois même il dort à la belle étoile, quand il n'a pas pu atteindre son objectif,
03:56donc il y a une dimension encore traditionnelle très importante, féodale.
04:00Et pour autant, il y a déjà l'héritage de Saint-Louis,
04:02et il y a cette volonté de centraliser davantage le royaume,
04:06c'est-à-dire de le structurer, d'opérer un changement,
04:11quelque chose qui rende l'État plus puissant, plus cohérent,
04:15et qui lui donne une capacité à se défendre contre les ennemis de l'extérieur plus importante.
04:20Et donc c'est un siècle passionnant, c'est une période passionnante,
04:23puisqu'elle est véritablement à la frontière entre deux mondes.
04:27Un monde comme celui que l'on connaît depuis,
04:29et un monde ancien, disparu, mais qui à l'époque est encore vivant et bien présent.
04:33Et c'est vrai que l'histoire de la France, c'est une centralisation à marche forcée,
04:38où on imposera d'ailleurs à tous, ne serait-ce que de parler le français,
04:42et on voudra gommer toutes les différences,
04:45et c'est ainsi que la France deviendra la France.
04:47Alors, le bâtard du Roussillon, qui est ce bâtard Jacques de Villiers ?
04:53Ce bâtard est un personnage très étonnant, et un personnage qui a réellement existé,
04:56puisque je m'attache dans le roman à créer un cadre le plus vraisemblable possible,
05:01pour que mon lecteur puisse s'immerger dans l'histoire avec confiance,
05:04en se disant, on ne me raconte pas des histoires, je ne suis pas là pour transformer l'histoire.
05:08Mais, pour en revenir au bâtard du Roussillon, c'est un personnage issu de nulle part,
05:12qui n'a pas d'attache, qui n'a pas d'origine,
05:14et qui pourtant, pour une raison assez mystérieuse, devient gouverneur de la ville d'Elnes,
05:18qui est juste à côté de Perpignan, en Roussillon,
05:21et qui est à l'époque la capitale du Roussillon.
05:23Et bien, il va fermer les portes à l'armée du roi de France qui descend,
05:26une armée, je le disais, de plusieurs dizaines de milliers d'hommes,
05:29il va fermer les portes au roi de France, ce qui est tout à fait inexplicable,
05:31toute la région s'est rendue, il n'a aucune chance de s'en sortir.
05:35C'est incompréhensible, et pourtant, il pose cet acte-là en disant,
05:37non, le roi de France ne passera pas.
05:40Et donc, ce personnage-là, très étonnant, très mystérieux,
05:43et pourtant, d'une liberté assez phénoménale,
05:45et d'un courage ou d'une inconscience aussi grande,
05:48et bien, il m'a intéressé parce qu'il va rencontrer,
05:51et je n'en dis pas plus, mais il va rencontrer le jeune Philippe Lebel,
05:55au cours de multiples péripéties,
05:57et c'est cette rencontre-là qui est intéressante,
05:59entre un jeune promis aux plus hautes fonctions de l'État,
06:02et quelqu'un qui n'est personne,
06:04mais qui pourtant, partage avec ce jeune promis,
06:06un pragmatisme à toute épreuve,
06:08et un sens des instincts et des évidences historiques.
06:13Alors, on l'appelle Philippe Lebel,
06:15en fait, c'est Philippe IV,
06:17absolument,
06:17qui a marqué l'histoire de France.
06:20Ceux qui se souviennent, comme moi,
06:23lorsqu'ils étaient enfants,
06:24avoir découvert Philippe Lebel avec les rois maudits,
06:27se souviennent que c'était Georges Marshall
06:29qui interprétait Philippe Lebel,
06:32qui était un vieil acteur,
06:34il n'était pas forcément vieux, d'ailleurs, encore, en 71 ou 72,
06:37mais c'était un très bel homme,
06:39Georges Marshall.
06:41Et il y avait cette passion pour les rois maudits,
06:44qui avait été un succès absolument incroyable.
06:46Vous avez dit tout à l'heure que c'est Maurice Druon
06:48qui avait écrit,
06:49sans doute aidé d'Edmond Charleroux,
06:52c'est la légende, en tout cas, qui le dit.
06:55Il y a eu, je crois, six ou sept épisodes,
06:57ça avait été réalisé par Claude Berma,
06:59il y avait Jean-Piat qui jouait le baron Écarlate,
07:01il y avait Louis Seignier qui jouait le banquier,
07:04il y avait Maoud Artois
07:05qui était joué par François Seignier, peut-être.
07:09Non, Hélène Duc,
07:10Hélène Duc,
07:11dont tout ça, c'était des comédiens de la comédie française.
07:17Et c'est vrai qu'il y a une passion pour l'histoire
07:19qui ne se dément pas,
07:20avec le Puy du Fou,
07:22dans votre famille, évidemment,
07:24et l'illustration.
07:27Le Puy du Fou qui est ouvert en ce moment
07:28et qui, tous les jours, fait le plein.
07:31C'est absolument incroyable,
07:32cette passion pour l'histoire de France.
07:34Et en même temps, moi, ce qui me frappe,
07:36c'est que la jeune génération
07:37n'a pas de repères sur cette histoire de France,