- 03/04/2025
Présents dans les ustensiles de cuisine, les cosmétiques, le matériel industriel… Les polluants éternels, ou PFAS, sont des molécules qui font l’objet de plus en plus d’études démontrant leur dangerosité pour la santé et l’environnement. Quel serait le coût de la dépollution ? Comment rendre la législation efficace pour minimiser leur utilisation ? Émilie Rosso, journaliste à France TV, et Sébastien Chanlon, coordinateur des laboratoires pour WESSLING, nous en parlent.
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00:00Générique
00:06Comment se débarrasser des PFAS ? On en débat tout de suite avec Sébastien Chanlon, bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue, vous êtes coordinateur des laboratoires Vessling et puis avec nous en duplex Emilie Rousseau qui est journaliste à France Télévisions, co-autrice de l'enquête PFAS La Grande Intox de l'industrie.
00:22Bonjour, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:25Peut-être une question de présentation pour démarrer, les laboratoires Vessling, c'est quoi votre métier ?
00:30C'est de faire des analyses physico-chimiques. Les laboratoires Vessling ont été créés en 1983 par le docteur Vessling et du coup après se sont développés en Europe, principalement en Allemagne.
00:42Et puis en 1999, on a ouvert une succursale en France qui a été rachetée par ALS, un groupe international australien d'origine en 2024, mi-2024.
00:54Et donc vous travaillez sur, par exemple, là on va vraiment parler des PFAS, il n'y a pas que ça évidemment dans votre activité, mais ça fait partie des analyses que vous réalisez pour vos clients ?
01:03Oui, tout à fait, ça fait partie des analyses qu'on réalise pour nos clients qui sont principalement des instituts de recherche mais aussi surtout des bureaux de contrôle.
01:14Et puis aussi on travaille beaucoup sur les centrales d'enfouissement de déchets.
01:20D'accord. Émilie Rousseau, ces PFAS, on va peut-être commencer par rappeler polluants éternels, c'est le mot qui est évidemment beaucoup plus frappant pour tout le monde.
01:29On les retrouve un peu partout dans notre quotidien ?
01:32Ah oui, les polluants éternels, effectivement les PFAS, on les retrouve dans des tas d'objets du quotidien qui vont aller, on a beaucoup parlé des poêles anti-adhésives, des cosmétiques, des détergents.
01:44Mais aussi il y a beaucoup d'usages industriels dont on parle moins mais qui sont aussi très importants, c'est-à-dire que de nombreux tuyaux, de nombreux joints des usines et des plateformes industrielles sont faits en PFAS.
02:01On en trouve dans les panneaux photovoltaïques, on en trouve dans les batteries électriques, on en trouve dans de très nombreux objets et c'est ce qui fait qu'ils sont aujourd'hui aussi répandus dans notre environnement.
02:12Sébastien Chanlon, pourquoi il y en a tant des PFAS ? On va parler de leurs effets néfastes d'abord mais pourquoi ils intéressent à ce point les industriels ?
02:21Tout d'abord parce qu'ils ont des super propriétés physico-chimiques.
02:24Clairement c'était des molécules miracle qui ont été développées à partir des années 40, qui ont des capacités notamment à la fois hydrofuges et oléofuges, c'est-à-dire qu'elles protègent à la fois de l'eau et des huiles, entre autres.
02:42Puisqu'en plus c'est des bons isolants thermiques électriques et puis en plus c'est des molécules qui ne sont pas destructibles justement et qui du coup permettent de réaliser beaucoup d'applications.
02:58Et c'est pour ça qu'elles se sont développées un peu partout. Émilie Rousseau, quel danger ces PFAS, qu'est-ce que ça provoque pour notre santé ? Est-ce que ça a été prouvé scientifiquement ?
03:10Alors il faut d'abord préciser que les PFAS c'est une grande famille de molécules, il y en a plus de 10 000 et qu'elles n'ont pas toutes les mêmes propriétés.
03:19Une fois qu'on a dit ça, la caractéristique qui va les rassembler c'est leur persistance, c'est-à-dire que c'est pour ça qu'on les appelle polluants éternels.
03:28C'est un peu galvaudé mais éternels parce qu'en fait elles sont persistantes, elles ne se dégradent pas naturellement dans l'environnement.
03:35Et c'est ça qui va en fait véritablement faire leur danger parce que c'est ça qui va faire qu'elles sont bioaccumulables dans notre corps humain.
03:41C'est-à-dire qu'une fois qu'on les ingère, on va s'en débarrasser mais très très très très très lentement.
03:46Donc elles vont s'accumuler et forcément plus il y en a dans l'environnement, plus on va y être exposé.
03:52Donc ça c'est la première chose, il faut vraiment comprendre que c'est la persistance qui va créer le risque.
03:58Et ensuite sur les effets sur la santé, on n'aura pas assez d'une demi-heure pour tous les évoquer.
04:04Donc il y en a de très nombreux, il y a de plus en plus d'études qui vont montrer les effets sur la santé.
04:09Ils sont des perturbateurs endocriniens, ils ont des effets sur la fertilité, ils ont des effets sur le développement du fœtus, le développement cognitif des enfants, etc.
04:19Alors il y en a aussi certaines qui viennent d'être classées cancérigènes par l'OMS et par le Centre international de recherche contre le cancer.
04:26Donc certaines molécules mais il faut bien garder en tête que si on veut faire le lien entre toutes les molécules, il faut se dire qu'elles sont persistantes.
04:36Et puis il faut aussi parler des effets cocktail, c'est-à-dire qu'on est exposé à plusieurs molécules différentes en même temps et ça c'est encore mal documenté.
04:44Et donc je reste avec vous Émilie Rousseau, il y a cette loi qui a été votée le 20 février à l'Assemblée nationale qui réduit l'utilisation d'épifaces.
04:54Peut-être en quelques mots dans quels domaines parce que tous les domaines ne sont pas concernés ?
04:58Non alors c'est vrai que la loi elle ne s'applique pas à tous les domaines. Pour l'instant elle s'applique surtout sur les vêtements, les textiles.
05:06Alors pas tous parce qu'il y a certains textiles comme par exemple les tenues pour les pompiers qui seront exclus parce qu'on a besoin d'épifaces pour ce genre de vêtements.
05:15Les fartes de ski et les cosmétiques. Les ustensiles de cuisine faisaient partie au début du champ d'application de la loi puis on l'a tous suivi, ils ont été exclus in fine.
05:27Ça a quelles conséquences pour les industriels une loi comme ça ?
05:30Déjà il faut qu'ils trouvent d'autres solutions. Malheureusement ce qui se passe avec ce genre de loi c'est qu'on va trouver aussi des solutions qui sont des solutions alternatives
05:38avec des molécules qui vont ressembler énormément à celles qui sont interdites et qui potentiellement n'ont pas de données toxicologiques.
05:45Actuellement on a des données toxicologiques sur les chaînes longues, sur les chaînes plus courtes et les molécules plus récentes on a moins de données parce qu'on les collait moins aussi.
05:54Et le problème est là. On a l'exemple du bisphénol A qui avait été remplacé par le bisphénol B qui était plus toxique.
06:00Mais le risque est de remplacer des molécules toxiques par d'autres molécules qui sont potentiellement plus toxiques.
06:06Donc il y a un gros enjeu au niveau industriel et puis aussi il va falloir surveiller de très près ce qui va se passer.
06:12Mais ça veut dire que ces industriels, parce qu'on peut espérer qu'ils cherchent des alternatives quand même, ils ne peuvent pas se passer d'épifaces aujourd'hui ?
06:22En fait dans beaucoup de domaines c'est très compliqué et je pense qu'il va falloir aussi faire une balance entre l'exposition et le risque.
06:29On parlait justement des tenues des pompiers. Potentiellement un pompier va porter sa tenue peut-être dans certaines situations pendant une durée limitée.
06:39Mais si on porte la même tenue toute la journée par exemple on aura une exposition qui va être plus grande.
06:45Et de fait cette exposition va avoir un risque beaucoup plus grand pour la santé.
06:50Effectivement. Émilie Rousseau, sur les contaminations de l'eau je voudrais qu'on se concentre quelques minutes là-dessus.
06:57Est-ce que la loi prévoit des contrôles plus importants ? Est-ce que ça vous semble suffisamment ambitieux ce qui a été voté ?
07:04Alors il y avait déjà un arrêté ministériel qui prévoyait la recherche d'épifaces de manière on va dire plus régulière et active.
07:15Et ça c'est lié à la norme européenne qui va bientôt rentrer en application et qui va pointer un certain nombre d'épifaces, 20 molécules pour être tout à fait exact.
07:24Et donc comme on les recherche dans l'eau potable on va aussi aller les chercher chez des industriels pour savoir qui pollue l'eau potable.
07:31La loi elle apporte quelque chose de nouveau, elle apporte le fait que la recherche d'épifaces dans les rejets industriels ne va plus se limiter que aux 20 épifaces
07:42qui sont visés par la norme européenne sur l'eau potable.
07:47Ça veut dire qu'on va étendre le champ de recherche et ça c'est une bonne chose parce que comme je vous l'ai dit il y a 10 000 molécules.
07:52Tous les industriels n'utilisent pas les mêmes donc il faut absolument qu'on enrichisse nos connaissances et qu'on aille chercher d'autres types de molécules.
08:01Encore faut-il que les industriels communiquent les molécules qu'ils utilisent et qu'on sache quoi aller chercher.
08:07Donc ça c'est le point positif de la loi.
08:10Le point un petit peu plus négatif c'est que cette loi n'interdit pas les rejets d'épifaces dans l'environnement.
08:18Or à mon avis c'est là-dessus qu'il faut qu'on agisse et qu'on limite un maximum les émissions d'épifaces que ce soit dans l'eau ou dans l'air.
08:27Qu'on les limite à la source avant de se poser la question des alternatives parce qu'il va falloir se la poser.
08:33Évidemment vous l'avez dit et on sait qu'aujourd'hui il y a plus d'alternatives que ce qu'on pense.
08:38C'est ce qu'a révélé notre enquête mais avant même de se poser cette question des alternatives et d'encourager les industriels à aller chercher des alternatives.
08:45Il faut véritablement stopper la diffusion d'épifaces dans notre environnement.
08:50Ces alternatives parce que vous vous êtes en lien direct avec les industriels ou des organismes qui travaillent avec eux.
08:58Est-ce qu'ils mettent autant d'énergie à trouver des alternatives ou alors est-ce qu'ils cherchent de nouveaux épifaces ?
09:05Ça coûte très cher.
09:06De trouver des alternatives ?
09:07Oui bien sûr parce que c'est de la recherche et développement avancé.
09:10C'était facile parce que même si ces molécules ont été trouvées par hasard, elles ont rendu énormément de services pour pas mal de gens.
09:17On n'a pas précisé quand même qu'une des grosses parties de l'intoxication épiface vient aussi de l'alimentation et des emballages alimentaires.
09:25Je pense que c'est important de le signaler.
09:28Notamment les revêtements des papiers qui sont à la fois hydrofuges et oléofuges dont je parlais pour les emballages de nourriture de fast-food.
09:38Qui permettent justement d'avoir cette qualité-là.
09:42On peut les remplacer donc il y a des solutions qui existent déjà.
09:45On va parler peut-être de la cire d'abeille par exemple qui a à peu près les mêmes propriétés.
09:49Donc si on enduit un papier de cire d'abeille, on va avoir à peu près les mêmes propriétés que l'épiface.
09:56Bon après il va falloir encore qu'il y ait des abeilles, ça c'est un autre sujet.
10:00Mais c'est vrai que tout ça c'est à la fois de la recherche, parfois aussi du bon sens.
10:06Parce qu'effectivement on a la solution facile à proximité.
10:09Mais peut-être il va falloir aller chercher d'autres solutions qui sont un peu plus complexes.
10:13Il y a des polydéthylènes qui sont beaucoup moins toxiques pour la santé.
10:17Qui peuvent être utilisées dans certaines situations.
10:20Mais bon oui effectivement ça force un petit peu aussi les industriels à aller vers ce type de recherche.
10:26Et augmenter leur recherche et développement pour aller chercher d'autres molécules.
10:30Avec peut-être aussi l'aiguillon on va dire juridique ou judiciaire.
10:35La régie des publics des eaux potables de Paris a porté plein de contrix.
10:39Son objectif c'est de faire payer à l'industrie chimique le coût de la décontamination.
10:43Émilie Rousseau, on est un peu dans l'application du principe pollueur-payeur.
10:48Est-ce qu'on peut évaluer le coût de la dépollution ?
10:51Est-ce qu'on a commencé à travailler là-dessus ?
10:53C'est précisément ce qu'on a fait avec le Forever Lobbying Project.
10:57Un consortium de journalistes.
10:59On était 46 et on a calculé le coût de la dépollution.
11:02Et on a trouvé que ça allait nous coûter 100 milliards d'euros par an.
11:07Jusqu'à ce qu'on arrête d'utiliser d'épiphases.
11:11Donc c'est près de la moitié du budget de l'Union Européenne.
11:13Donc le coût de la dépollution il est énorme.
11:17Il est absolument énorme.
11:19On ne pourra pas d'ailleurs tout dépolluer.
11:21Il va falloir faire des choix.
11:23Et ça c'est les scientifiques eux-mêmes qui le disent.
11:26Et ce coût-là, on le sait, le coût qu'on a calculé, il est largement sous-estimé.
11:31Donc évidemment, le principe du pollueur-payeur commence à poser des questions.
11:38C'est-à-dire que de nombreuses métropoles, de nombreuses collectivités se posent la question,
11:42se disent comment on va faire pour mettre en place nos stations de filtration
11:45et portent plainte ou entament des procédures judiciaires contre les industriels.
11:50C'est le cas, vous l'avez dit, à Paris.
11:52Mais c'est aussi le cas ici à Lyon.
11:54Il y a 40 communes qui ont porté plainte contre les deux industriels.
11:58La métropole de Lyon aussi a engagé un recours.
12:01Donc quand on est face à un coût aussi énorme,
12:04évidemment le principe du pollueur-payeur, qui on le sait n'est pas très souvent appliqué,
12:09prend tout son sens.
12:11Merci beaucoup à tous les deux.
12:13A bientôt sur Be Smart For Change.
12:15Émilie Rousseau, votre enquête est toujours disponible à voir sur le site france.tv.fr.
12:21Merci encore. On passe tout de suite à notre rubrique Start-up.
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