Giulia Foïs : « #NotAllMen, ce fameux ‘ouin ouin’ pour nous faire taire » - Vidéo Dailymotion

ELLE

La journaliste Giulia Foïs, chroniqueuse chez ELLE, décrypte les effets pervers du hashtag « Not All Men », qu’on pourrait traduire « pas tous les hommes quand même ».

Transcript

00:00Moi, je n'ai pas vu de hashtag qui disait

00:02« Not all the français aiment la raclette ».

00:03« Not all men », pas tous les hommes quand même,

00:06est un hashtag qu'on retrouve sur les réseaux sociaux

00:09à chaque affaire de viol.

00:11En réalité, c'est la contraction d'une réaction

00:15qui, elle, est millénaire et planétaire

00:16et qui consiste à dire à chaque fois

00:19que vous entendez un récit de viol

00:20« Ah oui, mais tous les hommes ne violent pas ».

00:22Ce hashtag « Not all men »

00:24est apparu pour la première fois sur les réseaux sociaux

00:26il y a une dizaine d'années.

00:28Les femmes se mettent à raconter

00:31ce qu'elles ont vécu comme violences,

00:34de tous types d'ailleurs,

00:35et à chaque récit, chaque tweet,

00:37se termine par « Yes, all women »,

00:40c'est-à-dire « Oui, toutes les femmes ».

00:43Mais très vite, il y a un hashtag

00:45en réponse à ce « Yes, all women » qui apparaît,

00:48c'est le « Not all men »,

00:49« Tous les hommes ne violent pas ».

00:51Et depuis, on n'en est pas sorti.

00:52Si moi, je vous raconte que j'ai été violée

00:54et que vous me répondez « Tous les hommes ne violent pas »,

00:56en fait, vous faites dévier la conversation

00:58sur un tout autre terrain,

00:59et mon récit, je vais de fait l'interrompre,

01:02puisque si j'ai encore un peu d'énergie,

01:04je vais tâcher de vous convaincre que vous avez tort.

01:07Mais mon histoire, elle se sera arrêtée là.

01:10Donc c'est un outil pour nous faire taire.

01:12Bien sûr que « Tous les hommes ne violent pas »,

01:14en revanche, l'écrasante majorité

01:17des violences sexuelles sont commises par des hommes, 97%.

01:22Dans ce « Not all men »,

01:24il y a un chouï de « male tears » aussi,

01:27ce qu'on appelle les « male tears »,

01:28c'est les pleurs des hommes.

01:30C'est le fameux « ouin ouin ».

01:31C'est-à-dire qu'au moment où je te dis « Not all men »,

01:33au fond, ce que j'ai envie de te dire,

01:34c'est « Mais moi, je n'ai pas violé,

01:35mais rassure-moi et dis-moi que tu m'aimes encore.

01:39Rassure-moi sur mes congénères.

01:41Rassure-moi sur qui je suis. »

01:43Et la charge, déjà que tu as toutes les autres,

01:47la charge va t'incomber à toi de me rassurer sur qui je suis.

01:49Là où ça ne fonctionne pas,

01:51c'est que ceux qui vous disent « Not all men »

01:53seront les premiers à préférer

01:55que leurs enfants soient gardés par une femme,

01:57un baby-sitter, un nounou.

01:59Mais « Not all men ».

02:01Seront les premiers aussi à dire à leurs filles

02:03« Attention à comment tu t'habilles quand tu sors dans la rue.

02:06Pense à bien te faire accompagner.

02:08Mais à part ça, « Not all men ».

02:10C'est vraiment une expérience de mauvaise foi hallucinante,

02:13voire de complicité tacite,

02:14parce que tant qu'on n'ose pas affronter le problème,

02:16on le laisse perdurer.

02:17Et donc, ce n'est pas parce que je n'ai pas violé

02:20que je ne fais pas partie d'un système

02:21dont j'ai profité juste parce que je suis un mec, en fait.

02:24Les femmes violentes, ça existe, évidemment.

02:26Mais elles ne font pas système.

02:27Moi, je veux bien qu'on passe un temps fou

02:29à parler des 3% d'auteurs de violences sexuelles

02:33qui sont des femmes.

02:35On risque de perdre un chou de temps quand même.

02:37Et le temps, on ne l'a pas.

02:39On ne l'a vraiment pas.

02:41Demandez à toutes celles qui, au moment où vous regardez cette vidéo,

02:44sont cognées ou sont violées,

02:46ou dont les enfants le sont,

02:48on n'a pas ce temps-là.

02:49Donc, ce qui serait bien, c'est de se concentrer sur les 97%,

02:53se demander comment, comment ça se fait

02:56que, dans notre société qui se croit tellement plus avancée que les autres,

03:04on ait toujours le même facteur genré dans l'équation,

03:06que ce soit toujours plutôt les hommes qui soient du côté des agresseurs

03:09et plutôt les femmes qui sont du côté des victimes.

03:10Comment ça se fait ?

03:11Elle est intéressante, cette question.

03:13À partir du moment où on osera se la poser,

03:16alors on pourra commencer à avoir quelques réponses,

03:18voire trouver des solutions pour y remédier

03:21et qu'on puisse toutes et tous vivre

03:24dans un monde moins violent,

03:28moins injuste, moins dégueulasse.

03:30Et c'est pas mal comme objectif de vie, ça.

Giulia Foïs : « #NotAllMen, ce fameux ‘ouin ouin’ pour nous faire taire »

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