Camille Pouponneau a jeté l'éponge. Maire de Pibrac (Haute-Garonne), elle a tout plaqué, étouffée par les contraintes et les injonctions. Elle a écrit "Maires, le grand gâchis", paru le 20 mars chez Robert Laffont.
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00:00Le réveil 100% local, ici Matin.
00:02Nous sommes le lundi 24 mars 2025, soyez les bienvenus, 8h moins le quart, vous avez la parole.
00:07Chaque matin, dans notre quart d'heure Toulousain, est-ce que vous comprenez ces maires qui démissionnent,
00:11ces élus qui jettent l'éponge tellement la tâche est lourde, compliquée et difficile ?
00:15Vous appelez Christine, 05 34 43 31 31, on accueille notre invitée jeune Marie-Marco.
00:20Bonjour Camille Pouponneau, vous avez démissionné de la mairie de Pibra,
00:24commune de 9000 habitants de l'Ouest Toulousain, le vendredi 18 octobre dernier.
00:28Vous avez été maire pendant 4 ans, est-ce qu'un seul instant, une seule seconde,
00:32vous avez regretté votre décision Camille Pouponneau ?
00:35Non, je n'ai pas regretté ma décision parce que j'étais dans un état d'épuisement très sévère.
00:39Si je ne l'avais pas prise, je pense que ma santé aurait été très en danger
00:44et j'ai décidé de préserver ma santé et je pense que nos auditeurs comprennent l'importance de préserver sa santé.
00:52Vous avez 35 ans aujourd'hui, est-ce que ça a été la décision la plus difficile de votre vie ?
00:56Clairement, parce qu'il faut savoir que moi, la politique, j'en rêve depuis que je suis petite,
01:00depuis que je suis gamine, j'en rêve pas parce que j'ai envie de gloire
01:04mais parce que je ne supporte pas l'injustice, j'ai envie de changer la vie des gens.
01:07Je crois vraiment que la politique peut changer le monde, alors je sais que ce n'est pas la mode,
01:11il y a un français sur deux qui pense qu'on serait mieux gouverné par des experts ou par l'armée.
01:14Moi je pense que la politique peut changer le monde, j'y suis allée avec toute mon authenticité,
01:19ma simplicité, mon envie de bien faire et je suis tombée un petit peu de haut.
01:22Et quand vous étiez petite, quand on vous demandait le métier que vous vouliez faire plus tard ?
01:25Président de la République.
01:27Voilà, vous avez été maire.
01:28C'est fini, je laisse la place.
01:30On va peut-être en parler politique à la fin de cette interview.
01:33Vous avez donc été obligée, et vous le racontez dans votre livre qui s'appelle
01:37Maire, le grand gâchis, qui est sorti la semaine dernière aux éditions Robert Laffont,
01:41avoir été obligée de prendre des antidépresseurs pour tenir à la mairie.
01:45Est-ce que vous allez un petit peu mieux depuis que vous avez quitté la mairie ?
01:49Oui, oui, je vais beaucoup mieux en fait.
01:51Déjà, j'ai retrouvé le sommeil. Il faut savoir que quand vous êtes maire,
01:53vous pouvez être appelé à n'importe quelle heure du jour et de la nuit.
01:56Moi, j'ai eu, à 3h du matin, à aller annoncer à des personnes que leur papa,
02:00que leur mari, que leur enfant étaient décédés.
02:03Donc, vous êtes en hyper-vigilance permanente.
02:05Vous ne dormez très peu, vous êtes toujours en alerte.
02:08Du 7 jours sur 7, du 70 heures semaine, exactement.
02:13Donc là, déjà, de retrouver le sommeil et puis d'avoir moins cette alerte permanente,
02:19ça permet quand même de reprendre des forces, donc je vais mieux.
02:21Vous dites dans votre livre que vos samedis après-midi étaient consacrés aux mariages et aux célébrations.
02:25J'aimais beaucoup ces événements qui étaient pour moi souvent les seuls joyeux de la semaine.
02:30On peut se protéger de ça ou pas ?
02:33Je pense qu'on peut.
02:35Maintenant, j'aurais des conseils à donner à ceux qui iront en 2026
02:39parce que je pense qu'il faut s'engager.
02:40Moi, ce mandat, il a complètement changé ma vie, ma vision des choses,
02:43ma vision de l'engagement, ma vision du commun, du collectif.
02:46Mais en effet, il faut se protéger, il faut faire très attention à soi.
02:50Quel a été l'élément déclencheur ?
02:51Qu'est-ce qui a fait qu'un jour, vous vous êtes dit « je vais arrêter, je ne peux plus ».
02:54Il n'y a pas eu d'élément déclencheur, je pense que c'est une accumulation.
02:57Mais il y a un jour, on se dit « stop ».
02:59En tout cas, sur la fin, je sentais qu'à tout moment, je pouvais tomber physiquement.
03:03Et là, ce n'était plus une question de « est-ce que j'allais tomber, mais quand ? »
03:06Et du coup, j'ai décidé d'anticiper et d'éviter de partir en maison de repos.
03:11Vous qui nous regardez, qui nous écoutez, ce quart d'heure Toulousain est aussi votre rendez-vous.
03:1405 34 43 31 31.
03:16On est au sud-ouest de Toulouse, à Frouzins, avec Joël. Bonjour Joël.
03:20Bonjour.
03:21Bienvenue.
03:22Bonjour à toute l'équipe, merci.
03:24Est-ce que vous comprenez cet élu des missionnaires ?
03:28Bien sûr. Ils sont toujours en première ligne.
03:32Ils peuvent mettre des interdits, je vois la semaine dernière, ils ont mis des interdictions
03:36à suite à la tempête, ne pas rentrer dans les lacs. J'habite à côté au Pocheville.
03:40Et là, bien sûr, il y a des pouillons qui s'y vont.
03:42Et s'il arrive un accident, on va se retourner contre le mer.
03:46Le panneau est lié, mais c'est partout, c'est l'indiscipline,
03:50le centre-ville est sale, les gens rouspètent, mais il y a des papiers partout.
03:54Je les comprends. Et puis, sans parler des procédures,
03:58il faut qu'ils fassent attention quand ils font un truc à la virgule près
04:02parce qu'il y a des avocats pénalistes qui peuvent les embêter.
04:06Des normes permanentes, et vous en parlez dans votre livre, vous avez bien conscience
04:10de ce que c'est d'être mère. Merci beaucoup.
04:12Merci Joël, vous avez été un très bon avocat pour les mères.
04:14Parlant des habitants, justement, vous dites dans votre livre,
04:17j'avais le poids du monde sur mes épaules. Est-ce que les habitants
04:20ont leur part de responsabilité aussi dans la fonction des mères ?
04:24Du moins, je les comprends. Il faut se rendre compte qu'aujourd'hui,
04:27ils n'ont plus d'interlocuteurs. Tous les services publics ferment leurs guichets.
04:30Aujourd'hui, ils n'ont plus de professeurs devant les enfants.
04:33Ils se sentent en insécurité. Il n'y a plus de médecin dans les communes.
04:36Et eux, leur mère, il le voit, il est là, il voit la lumière du bureau allumée,
04:40il le voit sur le marché, il le voit quand ils font leurs courses.
04:43Donc, c'est évident que c'est vers nous qu'ils se tournent.
04:45Je ne peux pas leur en vouloir pour ça, on est dans la proximité.
04:47Mais par contre, ce qui est important, c'est pour ça que j'ai écrit ce livre,
04:50c'est qu'il y a une énorme différence entre la perception du pouvoir
04:53qu'ils pensent que l'on a, et le pouvoir réel que l'on a en tant que mère.
04:57Et c'est ça qui est difficile.
04:59Le mère a-t-il des pouvoirs ?
05:01De moins en moins, en tout cas. Moi, je crois qu'il a un vrai pouvoir,
05:05mais par contre, sur toutes les questions opérationnelles,
05:07on est vidé de notre puissance.
05:09Pour toute décision, vous parlez d'un passage piéton, par exemple,
05:12construire un passage piéton dans une commune,
05:14ça ne parait rien, mais c'est des mois et des mois de travail.
05:17Alors d'abord, ça coûte 25 000 euros, le prix d'une voiture.
05:20Donc, ça doit poser des questions sur l'argent public.
05:23Ça coûte très cher, et c'est très compliqué,
05:26parce qu'en effet, il y a des normes sur les deux côtés du passage piéton.
05:29Il y a tout un tas de normes.
05:32On est obligés de respecter ces normes,
05:34parce que si jamais, je le dis en rigolant dans le livre,
05:37on prenait un pochoir, parce que combien de fois on m'a dit
05:39« Madame le maire, vous n'avez qu'à prendre un pot de peinture, c'est pas compliqué. »
05:42Si jamais je faisais ça, et qu'il y avait un accident,
05:44en effet, je risquerais d'aller en prison.
05:47Les intercommunalités, Toulouse-Métropole,
05:49pour parler concrètement, a beaucoup plus de pouvoirs ?
05:52Clairement, les métropoles, aujourd'hui,
05:54exercent 75% des compétences des communes à leur place.
05:57À Toulouse-Métropole, par exemple,
05:59il faut imaginer qu'il y a 133 élus.
06:01La commune de Pibrac avait deux élus.
06:03Deux élus sur 133.
06:05Ça vous donne juste une idée de la difficulté
06:07d'avoir du poids dans les décisions.
06:09Et l'État rend tout compliqué avec des réformes,
06:11des injonctions, des démarches infinissables.
06:13Des injonctions contradictoires.
06:14On vous dit qu'il faut construire,
06:15mais on vous dit qu'il ne faut pas toucher les sols,
06:16parce qu'il y a des espèces protégées.
06:18On vous impose des normes en permanence
06:20qui coûtent des milliers et des milliers d'euros.
06:22Puis à la fin, vous n'avez plus d'argent
06:23pour faire votre projet politique,
06:24alors que les gens vous ont élus
06:26pour faire un projet politique.
06:27Vous faites toute une série de préconisations
06:29à la fin de votre livre.
06:30Vous êtes favorable aux impôts qui, vous l'écrivez,
06:32permettent en échange de construire du commun.
06:34Et vous êtes favorable aussi au vote obligatoire.
06:36Pourquoi ?
06:37Parce que je pense que dans ce pays,
06:39on n'entend pas assez
06:41ceux qui ne s'expriment pas,
06:43qui ne disent rien,
06:44qui ne s'y intéressent pas à la politique.
06:46Et je pense qu'en fait, du coup,
06:48les décisions sont prises de manière biaisée.
06:51Je pense qu'il faut qu'on entende
06:52beaucoup plus la base.
06:53Et la politique, est-ce que c'est fini pour toujours
06:55pour Camille Pouponneau ?
06:56La politique, ce ne sera jamais fini.
06:58Parce que je pense qu'elle peut changer la vie.
06:59Après, la forme que ça prendra, je ne sais pas.
07:01Mais je continuerai à m'engager, assurément.
07:03Merci beaucoup Camille Pouponneau.
07:05Votre livre aux éditions Robert Laffont s'intitule
07:07Maire au pluriel.
07:09Le grand gâchis.
07:10Il est au prix de 19,50 euros.
07:11Et je crois que c'est un livre
07:13qu'on devrait tous lire pour comprendre
07:15quelles sont les missions d'un maire au quotidien.
07:17Merci beaucoup et bonne journée.