Clélia Odette : "J'avais envie de montrer que les corps qui ont plus de vécu sont magnifiques"

ELLE

25/02/2025

Clélia Odette, photographe et créatrice du projet "Belles mômes", requestionne l'image des femmes de plus de 50 ans en les photographiant nues

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00:00On n'en voit jamais, en fait, des femmes de 60 ans, 70 ans, dénudées.

00:04C'était un covoiturage en Suisse avec une retraitée et une gynécologue et moi dans la voiture.

00:09Et là, tout à coup, la retraitée se met à pleurer et nous explique qu'elle s'est fait refaire la poitrine,

00:14qu'elle s'est fait du Botox pour continuer à plaire à son mari, en gros.

00:19Et je me rappelle que ça m'avait hyper fort blessée et je me suis dit, mais c'est pas possible.

00:23Pourquoi est-ce qu'on fait ça ? Pourquoi c'est toujours pour plaire à l'homme ?

00:26Et c'est là que j'ai commencé le projet Belmome.

00:28Mon but en faisant ce projet, c'était de requestionner notre manière de voir les femmes de plus de 50 ans.

00:34Je ne savais pas trop qui était cette tranche d'âge-là de femme, en fait.

00:38Et au fur et à mesure du projet, je me suis rendu compte qu'on était complètement à côté de la plaque.

00:42Vraiment. Et qu'on avait mis des femmes dans des moules de grand-mère, mère,

00:47mais pas qui est Christiane, par exemple, qui elle est en tant que femme, en tant que telle,

00:51et pas en tant que grand-mère ou femme de.

00:53J'avais aussi envie de montrer que les corps qui ont eu plus de vécu sont magnifiques,

00:58qu'il ne faut pas se cacher.

00:59Ça m'a pris un an pour trouver la toute première femme,

01:01parce que ce n'est pas évident à pitcher comme projet.

01:03Bonjour, je cherche des femmes de plus de 50 ans, potentiellement dénudées.

01:06En général, quand je rencontre une femme, on parle énormément.

01:09Je me rends compte du coup de ce qu'elle a vécu dans sa vie.

01:13Et souvent, c'est des discussions qui sont très profondes et parfois assez tristes.

01:17Mais du coup, cette discussion, elle nous met sur un pied d'égalité,

01:20qui fait qu'elle me fait confiance.

01:21Et donc, je lui dis qu'elle peut poser comme elle veut, dénudée ou non,

01:25que ce soit torse nue, entièrement nue, de dos.

01:27C'est elle qui choisit.

01:28Je demande juste de ne pas sourire.

01:29Et je leur dis bien que ces images, elles restent d'abord entre nous

01:32et que si elle ne veut pas que je les publie, je ne les publie pas.

01:34Il y a eu des Françaises, des Suisses, des Allemandes.

01:36On peut aller au Brésil et au Sénégal.

01:40Il y a de grandes différences entre les cultures, aussi au niveau des religions

01:44et de la manière de percevoir son corps.

01:47Par exemple, au Sénégal, quand je demande à une femme comment elle se sent en vieillissant,

01:51elle va me parler de son mal de dos ou de son mal de genoux.

01:54Une femme parisienne, par exemple, elle va me dire

01:56« Ah, j'ai du mal avec mes pas de doigts ou ma peau qui pend au bras. »

02:00Le nu n'est pas une obligation dans le projet.

02:03Je pense qu'on en a aussi un peu marre de toujours dénuder la femme.

02:07Mais c'était plus pour aller briser les codes de la nudité seulement chez la jeune femme,

02:13de se dire qu'uniquement le corps d'une jeune femme est désirable.

02:16Moi, j'ai plutôt essayé de voir la femme comme une personne entière,

02:20donc un portrait qui n'est pas que le visage,

02:24mais qui est l'ensemble, le visage et le corps, et d'en faire qu'un.

02:26Et de travailler sur les postures aussi, de ne pas trop se cambrer

02:30et de ne pas aller chercher l'érotisme derrière.

02:32Elles sont souvent complexées, pas toutes, mais il y en a qui sont bien complexées.

02:37Et ce qui est assez beau, c'est que quand je leur envoie les images,

02:39elles me disent souvent qu'elles se voient comme elles sont vraiment.

02:41Et en fait, ça leur fait du bien et il y a un aspect presque thérapeutique derrière.

02:45Je pense qu'il y a un avant après sur leur confiance en elles.

02:47Et je pense aussi qu'elles participent au projet

02:49parce qu'il y a une réelle intention presque politique derrière.

02:52Donc, elles participent à un espèce de changement de regard sur la femme.

02:55En fait, on les a mis pendant tellement de temps dans des moules

02:57qu'elles ne savent même plus ce qu'elles aiment ou ce qu'elles sont ou ce qu'elles veulent.

03:01Et quand je viens requestionner ça, je me rends compte qu'en fait,

03:04elles ont plein d'envie.

03:06Elles ont vraiment envie de sortir de ces moules.

03:08Je sais que c'est extrêmement dur.

03:09Moi, étant jeune, j'ai plein de complexes

03:11et j'ai aussi du mal de me montrer telle que je suis.

03:14Mais j'aimerais bien que ce soit un espèce de courant collectif d'entraide

03:18et que ça change parce que je pense que ça ferait du bien à tout le monde,

03:21y compris aux hommes, y compris à l'industrie de la mode,

03:25à l'industrie du cinéma, de représenter tout le monde en fait.

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