Chaque samedi, nous discutons des enjeux climatiques avec François Gemenne, qui enseigne à HEC, est président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme, et membre du GIEC.
## L'alimentation et son empreinte carbone
La question de l'empreinte carbone liée à notre alimentation est particulièrement pertinente en cette période des fêtes de fin d'année. Ce sujet, récurrent à cette saison, soulève des difficultés car notre alimentation constitue une part importante de notre empreinte carbone, due à l'agriculture, qui génère 20% des émissions de gaz à effet de serre en France. Selon le Haut Conseil pour le Climat, environ 38% de l'empreinte carbone d'un Français moyen est attribuée à la viande rouge.
François Gemenne souligne que la consommation de viande rouge en France est en stagnation : nous en consommons un peu moins à la maison, mais davantage à l'extérieur.
## La complexité des habitudes alimentaires
L’attachement émotionnel et culturel que les gens ressentent envers certains aliments, ainsi que des préférences personnelles, compliquent le changement des habitudes alimentaires. Deux facteurs principaux expliquent cette résistance. Le premier est le manque d’information auprès des Français concernant le bilan carbone des viandes, qui varie énormément. Par exemple, le canard a une empreinte bien moins élevée que celle du bœuf. Beaucoup pensent également que les fruits et légumes locaux ont tous un meilleur impact carbone que ceux importés, alors que ce n'est pas toujours le cas. En effet, c’est souvent le mode de culture qui détermine l’empreinte, les coûts de transport n'étant que partiellement responsables, puisqu'ils représentent en moyenne 15% du bilan carbone.
## Les injonctions moralisatrices et leur impact
Le deuxième facteur tient au fait que les injonctions à modifier ses habitudes alimentaires sont souvent perçues comme moralisatrices ou culpabilisantes, ce qui engendre un sentiment de rejet. Gemenne illustre ce point en mentionnant une expérience d'un grand groupe hôtelier français. Dans ses restaurants, les plats végétariens ont été davantage commandés lorsque leur nature n'était pas explicitement mentionnée sur le menu. Les gens n'apprécient pas qu'on essaie de leur dicter leurs choix alimentaires.
## Une approche axée sur le prix
Les chercheurs Stefano Lovo et Yurii Handziuk, du département de finance d'HEC, ont exploré des méthodes pour diminuer l’empreinte carbone de la cantine de l'école. Au cours de deux années, ils ont testé diverses stratégies, incluant une journée sans viande qui a pu réduire l'empreinte de 10%, mais a simplement déplacé la consommation de viande ailleurs. Une méthode d’information qui affichait le bilan carbone des plats s'est aussi avérée inefficace pour influencer les choix des consommateurs.
Finalement, ils ont mis en place une tarification variable au printemps 2023, ajustan