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Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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00:00Quasiment 19h sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Bocoté, cher Mathieu, bonsoir.
00:05Bonsoir.
00:06Arthur de Vatrigan, bonsoir.
00:08Bonsoir.
00:09Félicitations Arthur.
00:10Merci.
00:11Parce qu'Arthur avait prévu, prédit, la victoire de Donald Trump.
00:14Exactement.
00:15La semaine dernière, vous nous en parliez, il y avait beaucoup de sceptiques, je ne viserai
00:18personne, suivez mon regard, mais en tous les cas, vous, vous l'aviez dit.
00:22Mathieu est une boussole sud en pronostication.
00:23Mais moi je ne citais pas, je ne l'ai pas cité.
00:27Moi non plus.
00:28D'accord, j'ai déjà entendu Mathieu, mais peut-être que vous parliez de quelqu'un d'autre,
00:31ou peut-être souhaitiez-vous citer Mickaël Dorian pour le point sur l'information.
00:36Bonsoir Mickaël.
00:37Bonsoir.
00:38Elliot, bonsoir à tous.
00:39Faut-il un encadrement militaire pour faire face à la délinquance de plus en plus juvénile ?
00:43C'est ce que souhaite mettre en place le ministre de l'Intérieur Bruno Rotailleau, et c'est
00:47aussi la question posée par notre dernier sondage CSA pour CNews Europe 1 et le JDD,
00:5181% des sondés y sont favorables.
00:54Près de 1850 Israéliens rapatriés d'Amsterdam après le lynchage dont ils ont été victimes
00:59en marge du match de football opposant l'Ajax au Maccabith et la Vie, des faits qualifiés
01:04d'explosion antisémite par la mer d'Amsterdam, en plus des vols réguliers.
01:08Quatre vols spéciaux d'évacuation ont été mis en place entre hier et aujourd'hui.
01:11Et puis en Espagne, la colère ne retombe pas après les inondations meurtrières qui
01:16ont frappé le sud du pays.
01:17Des manifestations ont lieu actuellement à Valence et dans d'autres villes espagnoles
01:21pour protester contre la gestion des inondations et notamment le fait que l'ensemble de la
01:25population n'ait été alerté via ses téléphones portables que dans la soirée alors que de
01:30nombreuses zones étaient déjà submergées.
01:32Merci cher Mickaël pour le point sur l'information à la une de face à Mathieu Bocoté.
01:37C'est l'histoire d'un comeback historique.
01:40Donald Trump, 47ème président des Etats-Unis, une victoire par chaos contre Kamala Harris.
01:45Le républicain a tout emporté sur son passage balayant les prédictions d'un système médiatico-politique
01:51acquis à la cause de son adversaire Donald Trump, président, ou la victoire contre l'oligarchie.
01:58On en parle dans un instant.
02:00A la une également, l'enquête se poursuit du côté d'Amsterdam, 48 heures après ces
02:03scènes d'une violence inouïe contre les supporters juifs du Makali Tel Aviv, les antisémites
02:09pour la maire d'Amsterdam et le Premier ministre hollandais.
02:11Quant en France, l'extrême gauche semble mieux informée ou idéologisée et va jusqu'à
02:17expliquer les agressions.
02:18On décode tout cela dans cette émission.
02:21Enfin ce soir, cher Mathieu, vous recevez Juliette Funès, la philosophe.
02:24Elle sort un nouveau livre, « La vertu dangereuse, les entreprises et le piège de la bien-pensance ».
02:31Voilà le programme de face à Mathieu Bocoté.
02:35On ne cesse, cher Mathieu, depuis une semaine de chercher à comprendre les ressorts de la
02:39victoire de Donald Trump.
02:41Plusieurs hypothèses sont avancées.
02:43Ce soir, vous en examinerez une en particulier.
02:46Peut-on présenter cette victoire comme une révolte populaire contre l'oligarchie ?
02:53Tel sera d'ailleurs le sujet de votre première édito.
02:55Oui, je pense qu'effectivement on a entendu plusieurs explications cette semaine, très
02:59bonnes par ailleurs.
03:00On a entendu la révolte de l'Amérique profonde, une révolte anti-woke, une révolte anti-immigration,
03:06une révolte nationaliste dans le bon sens du terme aux États-Unis.
03:09Donc toutes ces explications ont été mobilisées et elles ne sont pas fausses.
03:13Mais elles s'inscrivent dans une histoire de la révolte populaire américaine sur une
03:19trentaine d'années que nous devons avoir à l'esprit.
03:22C'est souvent ce qui manque, probablement, lorsqu'on regarde ce qui se passe aux États-Unis,
03:25l'histoire derrière les événements.
03:28Donc quelle est l'histoire qui a rendu possible l'émergence de Donald Trump et le retour
03:33de Donald Trump ?
03:34Alors, je m'explique.
03:36Jusqu'à Trump, jusqu'en 2016, on arrive ensuite, on reviendra à 2024 dans un instant.
03:42Jusqu'à Trump 2016, il y a aux États-Unis, au moins depuis les années 90, certains diraient
03:47depuis les années 80, un consensus politique très fort entre les deux partis.
03:52Entre les Républicains et les Démocrates, il y a une convergence de vues, une convergence
03:57de vues surtout en matière de politique étrangère, mais aussi globalement en matière de politique
04:03intérieure, que ce soit en matière d'immigration, que ce soit en matière de politique étrangère,
04:08que ce soit globalement dans la définition de la nation, une forme d'universalisme radicalisé
04:12à l'américaine, conjugué à un multiculturalisme local, tout ça fait consensus aux États-Unis.
04:19Il y a évidemment, entre les Démocrates et les Républicains, il y a convergence.
04:23Il y a par ailleurs des révoltes populistes dans chaque parti.
04:27En 1992 et en 1996, au parti républicain, Pat Buchanan, qui est une forme de Zemmour
04:34américaine de l'époque, si je peux me permettre, donc un commentateur politique
04:37qui va faire le saut dans la vie politique et qui va incarner une insurrection dans les
04:42rangs de la droite américaine, donc une double insurrection, 92-96, 92, c'est là qu'il lance
04:47une formule dont nous sommes désormais familiers, la guerre culturelle, the cultural war.
04:52Buchanan s'empare de la convention républicaine, il est invité à la manière d'un vaincu,
04:57mais d'un vaincu qui a surpris tout le monde, et il fait un discours disant « la guerre
05:00culturelle est aujourd'hui devant nous ».
05:01En 1996, Pat Buchanan refait le coup des primaires, un score honorable, et là il marque un changement
05:08dans le conservatisme américain, et il va faire en sorte que le conservatisme américain
05:13à ce moment-là fait le virage vers une politique étrangère moins interventionniste, une critique
05:19de l'immigration massive, une critique de ce qu'on appelle pas encore le bauquisme,
05:22mais c'est déjà là, une critique aussi du libre-échange et de la mondialisation
05:26qui se met en place.
05:27Donc c'est intéressant, cette révolte a lieu dans les rangs du parti républicain,
05:31Pat Buchanan va être maté, la révolte de Buchanan va être matée des Buchanan Brigade,
05:35comme on disait à l'époque, au point que Buchanan en 2000 va se présenter comme candidat
05:39à la tête d'un petit parti, le parti de la réforme, un parti indépendant, et il
05:42va être balayé de la vie politique à ce moment.
05:44Donc les républicains matent le rêle populiste, les démocrates aussi matent le rêle populiste.
05:50Dans les années 2000, c'est Howard Dean, mais surtout dans les années 2010, c'est
05:55Bernie Sanders.
05:56Bernie Sanders qui incarne l'aile populiste de gauche du parti démocrate, et lui aussi
06:00sera maté, on s'en souvient au moment où Mme Clinton est parvenue à mater son insurrection
06:05notamment, et Sanders est revenu à la chambre ce jour-ci en disant, vous savez, quand le
06:11parti démocrate divorce d'avec le peuple, le peuple divorce d'avec le parti démocrate.
06:15Donc une analyse, une critique du terranovisme à l'américain portée par Bernie Sanders.
06:20Donc on a ces deux partis consensuels qui matent le rêle populiste respectif.
06:26Que se passe-t-il en 2016?
06:29En 2016, Donald Trump réussit de manière inattendue à s'emparer du parti républicain.
06:35Il gagne les primaires, on ne le voyait pas venir.
06:38D'ailleurs, à ce moment-là, il ne faut pas se tromper, ce n'est pas présenté comme
06:40le candidat le plus conservateur.
06:42Le candidat conservateur à l'époque, c'est Ted Cruz.
06:44Lui, on dit, c'est l'anti-establishment, c'est une aventure personnelle.
06:50Et ce qu'on ne comprend pas à ce moment-là, c'est qu'il s'approprie le discours des populistes
06:55vaincus du parti républicain et il s'empare de la mouvance buccanane et il lui prête
07:00ensuite sa personnalité extravagante, son leadership, son autorité et son succès personnel
07:05qui aux États-Unis est vu comme un gage de force politique.
07:08Il s'empare du parti républicain et dans un système bipartite, et c'est l'avantage
07:14de la chose, dans un système bipartite, vous ne pouvez pas refouler le populisme complètement
07:18dans les marges.
07:19Si l'aile populiste du parti républicain domine, eh bien l'aile plus modérée tend
07:23à se rallier.
07:24Alors qu'est-ce qu'on voit ? Je résumerais ici, imaginez Trump qui s'empare en 2016
07:30du parti républicain américain, imaginez une union des droites qui va de François
07:35Bérut à Jean-Marie Le Pen et qui est dirigée par Éric Zemmour ou par Jean-Marie Le Pen
07:40ou par Marine Le Pen ou par Jordan Bardella, vous voyez l'idée ? Et François Bérut
07:45accepte.
07:46Donc ça, c'est l'émergence.
07:47Ensuite, il va y avoir une fuite, on va le voir au fil du temps, avec les néoconservateurs
07:52ou les bombardeurs en chef qui vont migrer, qui vont retourner chez les démocrates finalement.
07:56Donc là, qu'est-ce qu'on voit ? Le parti républicain, réussi en 2016 avec Trump,
08:00prend le pouvoir, l'insurrection populiste prend le pouvoir, mais à la surprise générale.
08:04À la surprise générale.
08:05En 2020, Trump cherche à se maintenir au pouvoir, mais il n'y parvient pas, pour différentes
08:11raisons, mais sa campagne tourne un peu en rond.
08:13Et là, il réussit, vous l'avez dit, le greatest comeback, le retour le plus inattendu.
08:18Et qu'est-ce qu'on voit ? Puisque le parti républicain est devenu le parti de l'insurrection.
08:23Eh bien, le parti démocrate devient à ce moment-là le parti de l'oligarchie.
08:26Ça devient vraiment le parti des élites, de toute tendance, qui se rassemblent en lui.
08:31C'est le système qui se coagule autour du parti démocrate.
08:34Donc les médias, Hollywood, les élites technocratiques, tous ces gens se coagulent autour du parti
08:39démocrate pour dire, l'insurrection populiste Trumpienne, nationaliste, protectionniste,
08:44identitaire, faites la liste, ne passera pas, anti-woke, ne passera pas.
08:48Mais, dans cette histoire, c'est pas seulement le peuple contre les élites.
08:53Il y a une partie de l'élite qui décide de quitter le consensus des élites pour faire
08:58une forme d'alliance nouvelle, donc une fraction, une partie de la bourgeoisie qui fait alliance
09:02avec le peuple et des figures importantes comme J.D. Vance, on en avait parlé la semaine
09:07dernière.
09:08J.D. Vance, qu'est-ce que c'est ? C'est une figure qui incarne une mouvance intellectuelle,
09:11le national-conservatisme.
09:12Tucker Carlson, dont on a parlé, une vedette des médias qui est très importante aux États-Unis,
09:16qui a été diabolisée, mais qui a un véritable tirando.
09:18Elon Musk, il se passe des présentations.
09:22Robert Kennedy Junior, c'est intéressant, c'est une rupture au sein de la famille Kennedy.
09:26Donc, il y a toute une frange de l'élite qui va s'allier au peuple insurgé et à
09:31Donald Trump, le chef, et qui vont réussir à forger donc cette coalition qui, il y a
09:36quelques jours, l'a emportée, qui a réussi à vaincre le système qui s'était mobilisé
09:39contre lui.
09:40Je le redis, la marque ultime de la mobilisation du système, c'est que vous aviez d'un côté
09:44l'aile gauche d'Hollywood et de l'autre côté les républicains anciens bombardeurs
09:47en chef qui s'étaient ralliés au Parti démocrate au nom de la mission impériale
09:51des États-Unis.
09:52Et quelles conséquences, Mathieu, la mouvance Trumpist tire-t-elle de cette nouvelle lecture
09:57de la vie politique ?
09:58Alors, c'est une question d'étapes.
09:59En 2016, Trump réussit à prendre le pouvoir, avec notamment la stratégie de Steve Bannon,
10:05personnage qu'on avait un peu oublié.
10:06Steve Bannon, c'est la politique du chaos.
10:08Il a une stratégie pour prendre le pouvoir, pour gagner les élections, mais il n'y a
10:12pas de stratégie pour que faire une fois qu'on a le pouvoir.
10:15Donc, il fait quelques mesures chocs lorsqu'il arrive en poste, mais fondamentalement, Trump,
10:20pour gouverner à ce moment-là, a besoin des hommes de l'establishment républicain
10:24qu'il avait déjà vaincu.
10:25Donc, il fait appel à ceux qu'il a vaincus quelques semaines, quelques mois auparavant.
10:30Donc, ça va paralyser sa présidence.
10:322020, je l'ai dit, il tourne en boucle.
10:342024, c'est autre chose qui s'est passé, et le système l'a senti parce que le Trumpisme,
10:40en fait, est passé d'une aventure personnelle à un mouvement.
10:44Un mouvement qui a désormais son personnel politique, sa vision de l'État, sa stratégie
10:50pour gouverner.
10:51On associe ça beaucoup au fameux Agenda 2025 qui est porté par le Heritage Foundation,
10:56mais ça va au-delà de l'Agenda 2025.
10:58Qu'est-ce qui est au cœur du programme Trumpien en ce moment?
11:01On en pense ce qu'on veut, je cherche simplement à expliquer.
11:03Premièrement, c'est le démantèlement de l'État administratif.
11:06Qu'est-ce que c'est l'État administratif?
11:08C'est l'extension infinie de la bureaucratie depuis le New Deal, en passant par Lyndon
11:14Johnson et la Great Society, en passant par les années 80 et les années 90.
11:19Donc, l'extension infinie d'un État qui se dérobait à la souveraineté démocratique,
11:24qui se dérobait à la volonté populaire et qui devenait une immense bureaucratie portée
11:28à la réingénierie sociale.
11:30Donc, Trump, en ce moment, on verra s'il le fait, dit qu'il faut démanteler l'État
11:35administratif.
11:36Il faut mener une guerre ouverte au wokisme.
11:38Alors, la guerre contre le wokisme, il faut comprendre.
11:41En France, quelquefois, on a l'impression que le wokisme, c'est une collection d'agités
11:44aux cheveux, des invertébrés à l'identité de genre indéterminé, aux cheveux bleus
11:50ou mauves ou roses, tous les trois ensemble, qui pleurent ensemble parce qu'on les a mégenrés.
11:54Mais le wokisme aux États-Unis, c'est autre chose.
11:56Et en France aussi, si je peux me permettre, c'est l'approche EDI.
11:58EDI, équité, diversité, inclusion.
12:01C'est le wokisme conjugué à la pensée managériale.
12:04Et vous avez dans toutes les grandes entreprises, à Hollywood, vous avez dans les universités,
12:09vous avez un département EDI qui est une forme de commissaire politique intégré à
12:12chaque entreprise pour faire la promotion d'une logique diversitaire qui conjugue normalement
12:17à la promotion de la théorie du genre et le racisme anti-blanc, que l'on renomme antiracisme,
12:21avec des ateliers de rééducation sur l'heure du travail, avec la sélection des gens pour
12:25les embaucher selon la base de la couleur de peau ou du sexe ou de l'orientation sexuelle
12:30plutôt qu'en fonction de la compétence et du mérite.
12:32Et cette approche-là, surtout sous Joe Biden, elle est devenue très puissante dans l'État
12:37fédéral.
12:38Trump, pour l'instant, dit « moi, j'aboli cette approche-là dans la gestion des affaires
12:43publiques, ce qu'a fait Ron DeSantis en Floride, il ne faut pas l'oublier.
12:46Ron DeSantis l'a fait en Floride, donc là, il veut appliquer ça au niveau fédéral
12:49en disant notamment « si vous voulez avoir des contrats avec l'État fédéral, vous
12:52devez appliquer aucune de ces mesures.
12:54Zéro.
12:55Niet.
12:56Nada.
12:57» Donc là, c'est une volonté, autrement dit, de déconstruire l'État idéologique wokiste
13:00tel qu'il avait pris forme à Washington.
13:02C'est la guerre culturelle au sens large aussi.
13:05Alors un, évidemment, c'est de dire comment on réussit à mener cette bataille contre
13:09la giga-bureaucratie américaine qui s'est installée depuis si longtemps.
13:13Et c'est là qu'on rencontre la figure, dans le conservatisme américain, si on prend
13:16la peine de s'y intéresser, la figure d'une forme de césarisme à l'américaine.
13:20Je traduis de bonapartisme à l'américaine.
13:22Qu'est-ce qu'on entend par le bonapartisme à l'américaine?
13:24On dit « puisqu'on a des élites très fortes, une oligarchie très forte, la fédération
13:29de tous les pouvoirs constitués très forts, qui ont comme ciment le wokisme, qui est aujourd'hui
13:33l'idéologie dominante, comme le marxisme était l'idéologie dominante en URSS, qu'est-ce
13:38qu'on doit faire?
13:39On doit avoir une forme de bonapartisme à l'américaine, un césarisme, c'est une
13:42formule qui est utilisée quelquefois, donc avec un chef plus fort, démocratiquement
13:46élu, qui respecte la constitution et qui fait alliance avec cette nouvelle élite dont
13:50je vous parlais, les Vannes, les Musk, les Kennedy, et ainsi de suite, les Tulsigabard,
13:54et avec le peuple pour être capable de démanteler l'État administratif.
13:58Ça nous rappelle, pour ceux qui aiment la philosophie politique, à Machiavel, dans
14:01les discours sur la première des quatre deux-tites livres, où Machiavel disait « en politique,
14:05il y a l'un, il y a les quelques-uns, et il y a la masse, et bien quand l'un, césar,
14:13s'allie avec la masse contre les quelques-uns, les oligarques, et bien là, il y a un nouveau
14:19moment politique qui peut arriver, et le trompisme, on verra ce que ça va donner, mais pour l'instant,
14:23telle est la dynamique institutionnelle du trompisme.
14:26L'EDI, vous vous rappelez ? C'est Équité, Diversité, Inclusion, et ça, c'est la traduction
14:31managériale du wokisme.
14:32Vous étiez sceptique sur la possibilité de la victoire de Donald Trump, Mathieu Bocoté,
14:37et pourtant, il l'a emporté.
14:38Comment expliquez-vous votre scepticisme ?
14:41Alors, quand on voit la puissance du système dans lequel nous évoluons aujourd'hui, parce
14:45que c'est un système très puissant, quand même, avec une tentation totalitaire qui
14:48multiplie les interdits, qui frappe d'anathèmes ceux qui pensent mal, qui, en Europe, n'hésitent
14:53pas à censurer, dissoudre les associations militantes, interdire les colloques, frapper
14:58d'interdits bancaires, c'est un système très puissant.
15:00Et quand on évolue dans un système où il y a une nature totalitaire, je ne sais pas
15:04que tout le système l'est, mais il y a une tentation totalitaire, on a quelquefois l'impression
15:07de se dire « mais il est tout puissant, et tout ce qu'on peut faire, c'est résister,
15:09mais dans l'esprit des Américains, on ne gagnera jamais ».
15:12Eh bien, qu'est-ce qu'on a vu ici ? C'est qu'un système qui est fondamentalement
15:16idéologique, antipopulaire, j'oserais même dire antinaturel, au sens où il nie la nature
15:21humaine très souvent.
15:22Un système qui est anti-identitaire, au sens où il nie l'identité profonde d'un
15:27peuple.
15:28Un système qui est agressif à l'endroit de la population.
15:30Beaucoup d'Américains en ont marre, par exemple, de voir une caste d'idéologues
15:34et de savants fous agresser idéologiquement la jeune génération en cherchant à convaincre
15:38les jeunes femmes que c'est en se rasant les seins et en prenant une thérapie hormonale
15:42qu'elles pourront devenir des hommes et être bien dans leur corps.
15:43Beaucoup d'Américains en ont marre de l'immigration massive, qui s'accompagne aussi d'insécurité.
15:48Eh bien, à un moment donné, un système peut craquer.
15:50Mais on ne sait jamais à quel moment le système peut craquer.
15:53Il a craqué aux États-Unis.
15:55De ce point de vue, qu'on soit favorable ou non à Donald Trump, on peut y voir l'émergent,
16:01le retour d'une vieille vérité facilement oubliée, l'inattendu peut toujours surgir
16:04en politique.
16:05La stratégie de Trump, anti-woke, a fonctionné.
16:08Il a fédéré à la fois un nationalisme historique à l'américaine, entre guillemets, et un
16:13conservatisme capable de parler même aux minorités.
16:15Même aux minorités.
16:16Moi, c'est la grande surprise, le ralliement des hommes latinos au trumpisme, à la coalition
16:20Trumpiste.
16:21L'exaspération devant le wokisme a été capable de fédérer des gens et de créer
16:24une nouvelle coalition qui prendra le pouvoir à Washington dans les prochaines semaines.
16:28Et Donald Trump qui rencontrera Joe Biden, mercredi prochain, pour une première discussion
16:35depuis cette victoire.
16:36Mardi dernier, Arthur de Vatrigan, vous ne faisiez pas partie des sceptiques.
16:41Vous étiez certains de cette victoire ?
16:43Certains, pas.
16:44Mais je ne comprenais pas pourquoi, quand c'était Joe Biden, on pensait tous ou les
16:48analystes pensaient que c'était Trump qui allait gagner, et lorsque Kamala Harris
16:52disait non, alors que dans les sondages, il y avait quand même peu d'évolution.
16:55Mais ce qui est intéressant, c'est en effet, Mathieu a parfaitement raison, et l'ongle
16:59est parfaitement juste, il s'est posé comme le rempart contre l'oligarchie.
17:04D'ailleurs, on l'a vu sur le résultat des cartes, vous aviez en bleu la côte ouest
17:07et la côte est, au milieu rouge.
17:08Moi, ça m'a rappelé, si vous voulez, la carte de l'élection française avec le France
17:13bleu, les couleurs sont inversées, la France bleue et Paris rouge.
17:17Après, il y a une différence, c'est que Trump est une machine parfaitement adaptée
17:21au système américain, où je vous rappelle ses deux camps, et le principe, c'est de
17:24mobiliser massivement son camp pour gagner, alors qu'en France, le deuxième tour, c'est
17:28rassembler le plus large possible.
17:29Le Trumpisme n'a pas complètement marché en France.
17:32Mais par contre, penser que Trump est simplement un populiste et que c'est simplement une
17:36victoire contre l'oligarchie, c'est faire une petite erreur, à mon sens.
17:39Parce qu'il n'y a qu'une évolution fondamentale, ce n'est pas ce que dit Mathieu, mais c'est
17:43ce qu'on a beaucoup entendu dans les commentaires.
17:45Il y a une évolution fondamentale entre le Trump de 2016 et le Trump de 2024.
17:51Et certains pensent même que la défaite de 2020 était une chance, finalement, pour
17:53la droite américaine. Si vous voulez, en 2016, la droite américaine, en tout cas ses
17:57moteurs intellectuels, assument un tournant élitiste.
18:01Et certains appellent ça même un aristopopulisme, comme Patrick Dinning, qui est un des
18:05intellectuels qui fait partie des intellectuels autour de Trump.
18:09Parce que le concept est simple, c'est que le fossé est tellement immense entre les
18:12deux camps, les démocrates et les républicains, que la victoire de Trump versus
18:17les républicains ne peut s'inscrire dans la durée que si c'est porté de l'intérieur.
18:20C'est-à-dire que le principal champ de bataille, ce sont les hautes sphères, les
18:23hautes sphères, c'est-à-dire les élites.
18:25Et ce n'est pas un pouvoir qui se prend par les urnes, c'est un pouvoir qui se prend
18:29de l'intérieur par le haut. Et donc les administrations, les grandes entreprises, les
18:32médias, dont la propriété privée et gauchistes ou haukies, c'est très agressif
18:37et très excluant. Et donc, il faut prendre le contrôle.
18:40Et c'est pourquoi la défaite de 2020 est vue par certains comme finalement une
18:43bénédiction, parce que ça a permis d'avancer un peu plus.
18:47Et ce nouveau cours intellectuel, nous, au centre du magazine, ça fait plusieurs
18:50années qu'on le suit et on échange régulièrement avec eux.
18:53Et justement, ce qui était intéressant, c'est qu'ils nous expliquaient dès le début
18:56que la stratégie était de transformer le populisme un peu clowneste et qui capitalise,
19:00si vous voulez, sur la colère et l'abandon des élites, en une doctrine qui est
19:03crédible et rigoureuse.
19:05Et la tête de proue, Mathieu l'a rappelé, c'est J.
19:07Stevens, qui va être vice-président.
19:08Et le point commun de ce petit monde, c'est assez intéressant, c'est que ce
19:11monde, globalement ou majoritairement, n'est converti au catholicisme.
19:15Et c'est-à-dire que ce qu'ils disent, c'est que le problème principal, il n'est
19:17pas que économique, il n'est pas que sécuritaire, il est culturel, il est
19:21éducatif, il est moral.
19:22Pour ceux qui ne connaissent pas très bien J.
19:24Stevens, il est devenu par la force des choses la voix de l'Amérique du Midwest,
19:28qui est dévastée par des industrialisations abondées par les élites.
19:32Il l'a rencontré dans son autobiographie en 2016, qui a été un succès en
19:35librairie et qui a été adapté sur Netflix par Ron Howard.
19:41Et en 2019, Vance se convertit au catholicisme en lisant René Gérard et
19:45Saint-Augustin. Et cette conversion, comme d'autres intellectuels de ce
19:48petit monde, comme par exemple Adrienne Vermeule, qui est un éminent
19:53juriste et qui est prof à Harvard, se traduit politiquement par l'abandon, si
19:58vous voulez, de la doctrine classique de la droite américaine.
20:00C'est-à-dire que l'héritage libéral libertaire devient le retour à un
20:05national conservatisme. Et on parle de biens communs et d'enracinement.
20:08On préconise le retour à la tradition, à la nation, plutôt qu'au dépassement
20:13par l'individualisme et par la mondialisation libérale.
20:17Et donc, comme je le disais au début, la droite française ou le camp
20:20national, si on veut l'ergir, ne peut pas dupliquer le trumpiste.
20:23Mais en revanche, elle serait bien inspirée, si elle veut gagner un jour,
20:25de prendre, de s'intéresser à cette stratégie, justement, du courant
20:29intellectuel qui l'a accompagné.
20:31On appelle ça beaucoup le combat culturel, sauf qu'on n'arrive pas à
20:34mettre une pratique dessus, c'est resque théorique.
20:37C'est-à-dire que ce n'est pas un combat qui se mène dans les urnes.
20:39Ce n'est pas un combat qui se mène dans des salons de refusés.
20:42C'est un combat qui se mène sur le terrain de l'adversaire.
20:44Et c'est un combat qui se mène parce que le but, c'est de dire je vais
20:47prendre part au débat critique, au débat intellectuel, au débat
20:50universitaire, au débat culturel.
20:51Ce qu'a fait ce courant post-libéral, c'est-à-dire que la normalisation,
20:55ça ne passe pas par la soumission et la frontière, elle est tenue.
20:58Et donc, c'est-à-dire que, si vous voulez, en fait, c'est le retour de
21:01la politique comme affaire de volonté qui va contre, c'est-à-dire ce
21:04sens de l'histoire un peu bidon qu'on nous raconte à chaque fois.
21:07Autre sujet à présent avec vous, Mathieu et Arthur, les agressions
21:11anti-juives d'Amsterdam sidèrent les Européens qui voient sous leurs
21:16yeux se dérouler une tentative de pogrom.
21:19Comment comprendre ces événements ?
21:22Et ce sera le sujet de votre second édito.
21:24Alors, disons les choses très simplement.
21:27Ce qu'on voit là, c'est la pointe d'aboutissement de ce qui était
21:30annoncé depuis longtemps, c'est-à-dire, on dit de plus en plus, il y a en
21:33Europe des territoires qui, lorsqu'ils s'islamisent,
21:36lorsqu'ils s'islamisent, je ne dis pas lorsqu'il y a des musulmans,
21:38lorsque l'islamisme progresse et qu'il y a un basculement démographique,
21:42eh bien, qu'est-ce qu'on voit ?
21:44Ce sont des territoires où les Juifs ne sont plus les bienvenus.
21:46On le voyait en France, déjà.
21:48On l'a vu en Grande-Bretagne.
21:49Permettez-moi de le rappeler, avec cette ligne d'autobus qui a été
21:51programmée, mise en place en deux quartiers juifs parce que, lorsqu'ils
21:55traversaient autrement dans un quartier très islamiste, ils risquaient
21:58leur peau.
21:59Eh bien, qu'est-ce qu'on voit ?
22:00C'est le point d'aboutissement, aujourd'hui, aux Pays-Bas, la
22:03tentation du pogrom, la tentation du massacre, la tentation de
22:08l'éradication, qu'on ne se contente pas d'y voir simplement une
22:13rixe, comme on dit quelquefois.
22:14On est devant une tentative qui est dans la logique post-7 octobre.
22:18Et quand les gens se sont mis à applaudir, on en a vu en Europe des
22:20gens applaudir le 7 octobre, eh bien, quand on applaudit le 7 octobre,
22:23c'est qu'on applaudit la mise à mort des Juifs en tant que Juifs.
22:27De ce point de vue, ils ne font pas de discrimination, si je peux me
22:30permettre, entre les Juifs d'Israël et les Juifs qui sont sur le
22:33territoire européen.
22:34Il y a de même volonté pogromique, si vous me permettez ce terme.
22:38Je trouve que ce qu'on a vu à ce moment, c'est un signe, en fait, de
22:42l'effondrement en direct du vivre ensemble, plus seulement du fameux
22:46vivre ensemble, plus seulement dans sa version théorique, mais au
22:49quotidien, au jour le jour.
22:50Et nous sommes désarmés devant cela, d'autant qu'il n'a pas manqué
22:53d'intellectuels et de politiques pour mettre en garde, en disant
22:56cela va arriver, cela est inévitable.
23:00Eh bien non. Alors, je note qu'il y en a pour la France et plus
23:03largement pour d'autres nations.
23:04Ça nous montre aussi les limites d'un certain assimilationnisme.
23:07Un certain assimilationnisme qui dit, regardez, vous pouvez transformer
23:11n'importe quel individu d'où qu'il vienne, en français, en irlandais,
23:14en irlandais, en gallois, faites la liste.
23:17Mais à partir d'un certain seuil, aujourd'hui, ça se transforme en
23:20choc des civilisations sur notre territoire.
23:22Et de ce point de vue, la communauté juive devient la cible en
23:26quelque sorte de ce choc des civilisations.
23:28Et il y a une forme d'inversion du signe juif dans l'espace public.
23:31Autrefois, la communauté juive était vue comme la minorité.
23:34Donc, persécuter les Juifs, ça annonçait la persécution des
23:37prochaines minorités, toujours.
23:38C'était le canari dans la mine.
23:39Aujourd'hui, il y a une inversion du signe.
23:41Et aujourd'hui, s'en prendre aux Juifs en Occident, c'est une manière
23:44de dire les prochains seront finalement dans l'esprit des islamistes.
23:47On commence avec les Juifs et on poursuit avec les autres occidentaux,
23:50entre guillemets.
23:52Et l'incapacité à prendre conscience de cela, et à toujours donner des
23:57gestes de capitulation devant cet islamisme qu'on croit pouvoir acheter
24:01à coup de célébration de la Landalus.
24:03Je pense que cela est le signe d'une forme d'effondrement, non seulement
24:07politique, mais existentiel d'une partie des élites européennes.
24:11La question se pose alors, inévitablement, les Juifs sont-ils
24:14condamnés en Europe?
24:15C'est une question atroce.
24:16C'est une question atroce.
24:18Je vais résumer avec une déclaration aujourd'hui d'une députée, Marie
24:22Messmer, de la France Insoumise, qui a dit hier soir à Amsterdam,
24:27c'est la phrase de Fabien Roussel, qui dit que des supporters ont été
24:31agressés parce qu'ils sont juifs.
24:33Et Marie Messmer répond que ces gens-là n'ont pas été lynchés parce
24:36qu'ils étaient juifs, mais parce qu'ils étaient racistes et qu'ils
24:38soutenaient un génocide.
24:40Premièrement, on légitime le lynchage à partir du moment où ça se fonde
24:42sur certaines accusations politiques.
24:44Et au final, dans les circonstances, cette légitimation du lynchage
24:48est une légitimation tout simplement de la violence anti-juive.
24:50En Europe, aujourd'hui, on croyait, mais ce n'est pas l'antisémitisme
24:55qui revient. Le vieil antisémitisme européen est vaincu.
24:57C'est l'antisémitisme qui arrive, qui arrive avec l'islamisme.
25:01Je précise, parce que l'information est tombée il y a quelques instants,
25:04que Bruno Retailleau a décidé de signaler ce tweet au procureur de
25:07la République. J'ai initialé de la madame la procureure de Paris les
25:12propos de madame la députée Marie Messmer, article 40 du Code de
25:15procédures pénales pour apologie de crime.
25:18Elle est connue, elle est députée.
25:21Il y a ce tweet, il y a tout.
25:22Donc maintenant, à la justice d'agir et de savoir si c'est pénal.
25:26Allez-y, Arthur de Vatrigan, quel regard portez-vous sur ces scènes ?
25:29Je ne voudrais pas grand-chose ajouter à ce qu'il a dit.
25:30Il est très juste, il y a juste un contexte de contexte, si vous voulez,
25:33c'est le foot. On a eu l'affaire du Tifo à Paris.
25:37On a eu, c'est la suite d'un match contre le Maccabi Haïfa à Amsterdam.
25:40Et si vous voulez, j'en ai un peu marre d'entendre les commentaires
25:43qu'on a, c'est la politique qui n'a rien à faire dans le foot.
25:45Il ne faut vraiment pas connaître le foot pour sortir une ânerie Paris
25:48parce que le foot est intimement lié à la politique.
25:50Heureusement ou malheureusement, je rappelle la coupe Videla en Argentine
25:54en 78, Missoulini, la Coupe du Monde en 38, la revanche des Malouines
25:57en 86 avec l'Argentine, le fameux slogan Black Blanc Beur en 98 en France
26:01et la Coupe du Monde au Qatar en 2022, où je rappelle que les drapeaux
26:05majoritaires qu'on voyait dans tous les stades étaient des drapeaux palestiniens.
26:09Et une réaction qui a choqué, c'est le, vous savez, le joueur
26:12Hakim Ziyef, marocain, qui a tweeté
26:15ce ne sont pas des femmes et des enfants.
26:16Alors il s'enfuit, Hakim Ziyef, qui a été formé à l'Ajax,
26:20qui a été formé à Eindhoven et qui a joué à l'Ajax.
26:22Et ce serait peut être temps d'ouvrir pour certains les yeux sur les conséquences
26:27du soft power d'État, comme par exemple le Qatar avec le rachat du PSG
26:31ou d'autres activités en France.
26:34Et je vous rappelle qu'il y a un match France-Israël dans pas longtemps.
26:36Et je ne serais pas étonné, malheureusement, qu'il y ait des réactions
26:38étonnantes de joueurs de l'équipe de France.
26:40Et dans un stade de France bunkérisé jeudi prochain.
26:44La publicité, on revient dans un instant.
26:46Julia de Funès, votre invitée, la philosophe qui a écrit
26:49La vertu dangereuse, les entreprises et le piège de la bien-pensance.
26:52A tout de suite sur CNews pour la suite de Face à Mathieu Bocoté.
26:5919h30 sur CNews, le point sur l'information.
27:02On l'a eu à 19h, pardonnez-moi avec Mickaël Dorian.
27:05Mais là, c'est la suite de Face à Mathieu Bocoté avec Julia de Funès.
27:08Merci d'être avec nous.
27:09Merci à vous.
27:10Vous êtes philosophe, vous avez écrit La vertu dangereuse,
27:14les entreprises et le piège de la bien-pensance.
27:17Pourquoi avoir invité Julia de Funès, Mathieu Bocoté?
27:20La rumeur veut que la question woke soit un peu partout dans l'actualité
27:23aujourd'hui des deux côtés de l'Atlantique.
27:25Mais on a quelquefois l'impression que ce soit très américain
27:28et ça nous touche peu.
27:29Or, il se peut que ça nous touche davantage qu'on ne le croit.
27:31Et il se peut surtout que ça nous touche quelquefois dans les lieux
27:33les plus inattendus. L'entreprise Julia de Funès, bonsoir.
27:36Bonsoir.
27:36Alors, 20e siècle, normalement, on associe l'entreprise
27:40à un milieu de liberté, un milieu non idéologique,
27:44à la différence de l'État, de l'université, qui serait très idéologique.
27:46Et l'entreprise est vue comme un lieu de résistance à l'idéologie.
27:50À vous lire, on comprend que l'entreprise aujourd'hui a été colonisée
27:53idéologiquement et que ça devient finalement un laboratoire idéologique parmi d'autres.
27:57Oui, exactement.
27:58L'entreprise prend le relais de ce qui se passe dans notre société.
28:00C'est un catalyseur de ce qui se passe dans la société actuellement.
28:03Et ce n'est pas seulement l'idéologie woke dans l'entreprise de wokisme,
28:06mais une partie de cette bien-pensance qui a envahi notre pays,
28:09qui a envahi nos entreprises et qui engourdit nos esprits.
28:12Et donc, ce que j'essaye de montrer, c'est que la bien-pensance
28:15et cette soumission aux idéologies positives, c'est le politiquement correct,
28:19ce sont les bons sentiments, le prêt à penser, qui a trois écueils énormes.
28:23C'est qu'elle substitue cette bien-pensance,
28:25la réflexion à l'expression de l'opinion majoritaire.
28:28Deuxièmement, elle ne juge, et c'est ça qui est plus grave, de la valeur
28:31et de la valeur d'un raisonnement et d'une idée qu'en fonction,
28:34non pas de sa pertinence, de son objectivité ou de sa vérité,
28:37mais en fonction de sa conformité au credo moral du moment.
28:40C'est pour ça qu'il y a des universitaires, que vous recevez d'ailleurs ici,
28:43qui n'ont plus lieu d'être, qui ne sont plus jamais invités dans les universités
28:47parce qu'ils ne disent pas des choses fausses,
28:49mais c'est parce qu'ils ne correspondent plus au credo moral du moment.
28:52Et cette bien-pensance, troisième chose, c'est vraiment un dogmatisme binaire
28:56qui pose d'un côté le camp du bien, d'un côté le camp du mal
28:59et qui oublie un peu vite que bien et mal s'entremêlent sur chaque sujet.
29:02C'est en ce sens que cette moralisation, c'est ça la bien-pensance,
29:05c'est de la moralisation facile, s'oppose à la vraie réflexion morale
29:09qui suppose une technicité et qui ne fait pas d'un avis une analyse,
29:13qui ne fait pas d'un opinion une réflexion, qui ne fait pas d'un verdict un jugement
29:17et qui essaye de déceler dans le bien, parfois l'injuste,
29:21qui essaye de voir comment les deux s'entremêlent.
29:23Et dans ce livre-là, j'essaye de montrer en quoi les vertus peuvent basculer en vice,
29:27en quoi nos bienfaits dans ce pays peuvent se retourner en méfaits,
29:31en quoi nos raisons d'éloge peuvent se retourner en cause d'effroi.
29:33Et c'est très vrai dans l'entreprise.
29:35Il y a beaucoup de bonnes intentions.
29:36C'est l'entreprise du 21e siècle.
29:38Les vœux sont très bons, les intentions sont très bonnes.
29:40C'est pétri de bons sentiments.
29:42Mais la volonté du bien peut créer plus de mal que de bien.
29:45Les bons sentiments ne sont pas un signe de vertu, ne sont pas un gage de vertu.
29:48La moralisation peut conduire au pire.
29:51Donc, il faut avoir du discernement.
29:52Il ne s'agit pas de dire c'était mieux avant.
29:54Ce n'est pas du tout mon point.
29:55Ça va beaucoup mieux. On progresse.
29:57On travaille beaucoup mieux.
29:58Il suffit de relire Zola pour se guérir de toute nostalgie
30:00quant aux conditions de travail passées.
30:02Donc, il ne s'agit pas du tout d'être réactionnaire, conservateur,
30:06mais de se dire l'heure est au discernement et l'esprit critique
30:09pour déceler le moment de bascule quand une bonne intention se retourne en son contraire.
30:14Alors, vous nous proposez presque un guide de méthode, en quelque sorte,
30:18pour décrypter l'esprit de l'époque.
30:19Donc, vous prenez une série de concepts, inclusion,
30:23pensée, pleine conscience, consentement.
30:27Les termes sont nombreux.
30:29Et vous nous dites d'abord la définition que l'époque en retient,
30:31c'est-à-dire la définition généralement entendue
30:33par ceux qui se rallient à ce vocabulaire.
30:35Et ensuite, vous décryptez le terme, vous nous le traduisez.
30:39Qu'est-ce qu'il veut dire vraiment?
30:41Ça me fait penser un peu à ce que disait Orwell,
30:42c'est-à-dire la neuve langue doit toujours être traduite.
30:45Est-ce qu'on peut aujourd'hui évoluer dans l'entreprise
30:47si on ne traduit pas toujours, en toutes circonstances,
30:49le vocabulaire qui nous est imposé et ce qu'il veut dire vraiment?
30:52Exactement. Et c'est ça, la déconstruction philosophique,
30:54le travail critique que les gens maintenant confondent
30:56la plupart du temps sur les réseaux avec de la critique.
30:58Ce n'est pas du tout le même exercice.
31:00Et la démarche philosophique par excellence,
31:02c'est un peu une dialectique, une valse en trois temps.
31:05La première, c'est le temps de l'opinion.
31:06Qu'est-ce que pourrait dire?
31:07Alors aujourd'hui, c'est la DOXA, mais ça pourrait être chaque GPT.
31:09Vous demandez à l'intelligence artificielle
31:11ce qu'elle pense d'une notion et vous avez un peu la bien-pensance
31:13qu'il est convenu dire sur la notion.
31:15Deuxièmement, un travail d'analyse critique,
31:17on déconstruit non pas pour s'opposer à la notion,
31:21quel est le sens derrière cette notion
31:23pour ne pas en faire une notion galvaudée,
31:25une notion bien pensante.
31:26Et troisièmement, dans un mouvement dialectique,
31:28essayer de réconcilier ces deux moments,
31:30pas dans une synthèse mièvre, pas dans un en même temps
31:33qui peut ne rimer à rien, mais au contraire,
31:35pour essayer d'apporter une construction,
31:37une solution libératoire sur ces deux moments,
31:40deux premiers moments qui sont plutôt antagonistes.
31:42Mais tout cela est terriblement concret.
31:44Tout cela est terriblement concret.
31:45L'entreprise, on le voit en Amérique du Nord,
31:47on le voit en Europe aussi, on le comprend bien.
31:49Il y a des séminaires, des ateliers sur le mode
31:51de la pensée positive, des ateliers sur le mode...
31:54Globalement, souriez, quelles que soient les circonstances.
31:56Comment les employés, d'autant que vous faites
31:58des conférences partout, vous fréquentez
32:00le milieu de l'entreprise, comment l'employé ordinaire
32:02qui subit ou qui entend ce discours réagit-il?
32:05Est-ce qu'il adhère? Est-ce qu'il est agacé?
32:07Est-ce qu'il est exaspéré?
32:08Oui, j'espère qu'il adhère.
32:09Comme ça, j'aurai encore des conférences.
32:11Mais en tout cas, je crois que considérer
32:13et estimer les intelligences qui constituent l'entreprise
32:16ou celles qui constituent notre pays,
32:17c'est ne jamais céder aux facilités
32:21au mode et à la bien-pensance.
32:22Considérer les intelligences et les gens dans l'entreprise,
32:26c'est les considérer comme des esprits dignement humains.
32:28C'est quoi un esprit dignement humain?
32:30C'est un esprit qui fait mieux que se soumettre
32:32aux injonctions du moment, qui fait plus qu'obéir aux normes
32:35et qui se hisse au-delà du conformisme,
32:39vers toujours plus de liberté et toujours plus d'intelligence.
32:41Et je crois que n'importe qui, que ce soit le public
32:43ou les gens d'entreprise, quand on les considère
32:45comme des gens intelligents qui sont dignes de penser
32:47au-delà de la bien-pensance, c'est de toute façon
32:50très appréciable, parce qu'on recherche tous
32:52un peu plus de liberté de penser, un peu plus d'intelligence.
32:54Mais peut-être que ce n'était pas concret.
32:56Quand vous me dites comment réagissent-ils,
32:58il y a un mot sur lequel ils réagissent
33:00de façon très positive en ce moment.
33:02Parce que je prends un exemple, c'est pour rendre concret
33:04ce que j'ai dit, qui était peut-être un peu abstrait.
33:06Le mot bienveillance.
33:07Vous voyez, il est sorti à toutes les sauces, à tous les menus.
33:09Il faut être un manager bienveillant,
33:10il faut être quelqu'un de bienveillant, etc.
33:11Ça commence à exaspérer tout le monde, la bienveillance,
33:14alors que c'est une vertu au départ.
33:15Tout le monde est pour la bienveillance.
33:17Personne n'est pour la malveillance.
33:19Mais à force d'utiliser ce mot, ça devient complètement galvaudé
33:22et ça se retourne en son contraire.
33:24C'est-à-dire que pour paraître bienveillant,
33:26maintenant, on n'ose plus trop dire ce qu'on pense
33:28à ses géniaux collaborateurs.
33:29Résultat, on fait basculer la bienveillance
33:32dans une forme de complaisance, de non-dit.
33:34Or, il n'y a rien de plus malveillant,
33:36il n'y a rien de plus violent que la complaisance, que le non-dit.
33:39Si vous êtes bienveillant envers moi ce soir,
33:41vous allez peut-être me dire dans un instant
33:42je ne suis pas du tout d'accord avec vos idées.
33:43Vous allez me contredire, ce sera très bienveillant.
33:45Parce que vous m'écoutez, vous m'avez lu, c'est respectueux
33:48de vous me challenger dans mes idées
33:49et moi je vais vous challenger dans les vôtres.
33:50Donc ensemble, on va monter vers des idées plus justes,
33:53vers des idées plus vraies.
33:54Depuis, les grecs, les idées les plus justes,
33:56les idées les plus vraies sont celles
33:57qui dépassent les contradictions.
33:59La science n'avance que comme ça,
34:00en essayant d'infirmer les théories antérieures
34:03pour consolider, confirmer la théorie présente.
34:06Donc la vraie bienveillance,
34:07quand on est dans un esprit de corps bienveillant,
34:08ça veut dire qu'ensemble, on veut monter
34:10vers des idées plus justes, vers des idées plus vraies.
34:12Encore faut-il oser la contradiction,
34:15oser la confrontation, ne pas sans cesse confondre
34:18la confrontation et l'humiliation,
34:20ou la contradiction et le conflit,
34:22parce qu'à ce moment-là, on fait de la bienveillance,
34:24de la complaisance et on bascule dans le non-dit.
34:26Donc vous voyez bien que la bienveillance,
34:27oui, elle est tout à fait valable, c'est une vertu,
34:30mais quand elle bascule en complaisance,
34:32c'est un péril qui se prend pour une vertu.
34:34Arsene Vatrigan.
34:35Est-ce que cette moralisation de l'entreprise
34:37ne cache-t-elle pas justement un basculement
34:41vers un système pas très moral, ou moins moral ?
34:44C'est-à-dire que la séparation du capital et du travail,
34:47la financiarisation, le rendement comme objectif,
34:51finalement, on se dit que la bienveillance,
34:53la bienpensance, un maquillage, il ne coûte pas cher.
34:56En tout cas, c'est l'opposé, la bienpensance,
34:58la moralisation, c'est l'opposé de ce qui fait
35:00la réflexion morale.
35:01C'est justement tout ce qui substitue à la réflexion
35:04le prêt-à-penser, le politique incorrecte.
35:06C'est le contraire de la démarche morale
35:07qui essaye de voir dans chaque parti,
35:10dans le bien, ce qui est injuste,
35:11dans le mal, ce qui peut être juste,
35:13et qui essaye systématiquement d'entremêler les deux.
35:16Alors que la moralisation facile,
35:19c'est d'un côté le camp du bien, d'un côté le camp du mal.
35:21Donc de toute façon, il n'y a pas plus assommant,
35:24asphyxiant et immoral que la moralisation.
35:27Alors, en entreprise, on le voit aujourd'hui,
35:29et pas seulement dans l'entreprise d'ailleurs,
35:30on le voit à l'école, on le voit dans la vie publique,
35:32un concept s'est imposé, c'est la microagression.
35:34C'est-à-dire, vous me critiquez,
35:36vous remettez en question ce que je dis,
35:37je me sens attaqué dans mon être intime.
35:39Est-ce que ça ne témoigne pas d'une forme
35:41d'affaiblissement psychique dans nos sociétés,
35:44les gens qui, à la moindre critique,
35:45se sentent attaqués au cœur,
35:47attaqués au noyau de leur existence?
35:48Exactement. Et ça me fait penser à le wokisme,
35:50un thème qui vous est cher,
35:51parce que justement, le wokisme, au départ, c'est une vertu.
35:54Vouloir éveiller les consciences sur des injustices
35:56qui sont prohibées par la justice,
35:58mais qui peuvent perdurer dans les faits,
35:59c'était tout à fait louable.
36:00C'est pour ça qu'il ne faut pas rejeter toujours
36:02le wokisme d'un revers de main,
36:03parce qu'à l'origine, c'est une vertu.
36:05Mais ça a basculé dans une idéologie intransigeante
36:08qui a fait de la moindre offense un préjudice.
36:10C'est là que les nuances conceptuelles
36:11et la réflexion morale est utile,
36:13c'est qu'elle apporte des nuances conceptuelles,
36:15un arsenal conceptuel qui permet de délimiter les choses.
36:18Et une offense, c'est une vexation, c'est un froissement.
36:21Quand on vit en société les uns à côté des autres,
36:23on se vexe, on se froisse, on s'humilie parfois.
36:25C'est ce qui fait partie de la vie commune, c'est une offense.
36:27Le préjudice, c'est vraiment l'attaque
36:30à l'intégrité de la personne.
36:31Mais quand on fait, dans cette idéologie-là,
36:33de la moindre offense un préjudice,
36:35on rentre dans une persécution interminable
36:38parce que jamais aucune loi ne sera suffisamment exhaustive
36:40pour recenser tout ce qui peut paraître offensant.
36:43Donc, il faut bien distinguer l'offense du préjudice
36:45et ne pas confondre les deux pour basculer
36:48dans une traque moralisatrice, un assainissement moralisateur
36:51qui est devenu, dans bien des cas, le wokisme.
36:53Alors, il y a un autre terme qui est très présent
36:55dans les entreprises aujourd'hui, ce sont les fameux process,
36:57c'est-à-dire l'encadrement administratif
36:59et presque cette disparition de l'individualité.
37:03J'ai l'impression, mais peut-être que je me trompe,
37:05que beaucoup de travailleurs aujourd'hui,
37:07c'est ce que nous disait notamment Philippe Diribarne
37:09dans son livre sur le travail,
37:10ce qu'ils ressentent de la manière la plus vexante,
37:12la plus violente, c'est la négation de leur individualité,
37:14le fait d'être toujours pris dans des process, comme on dit.
37:17Est-ce que ça, ce n'est pas aussi un lieu d'aliénation au travail ?
37:19Exactement. Et quand on parle de ça aux collaborateurs,
37:20ils sont très heureux aussi de soulever cette réalité.
37:25Le process, je ne critique pas les procédures en tant que telles.
37:27Aucune organisation humaine ne peut vivre sans procédures.
37:30C'est absolument nécessaire.
37:31Mais comme beaucoup de choses dans la vie,
37:32le poison est dans la dose, pas dans la chose.
37:34Et quand le process devient le sommet des priorités,
37:37la priorité absolue dans le travail,
37:39au détriment du sens de la situation
37:41et de l'identité du travailleur,
37:43c'est là qu'on tombe dans l'absurde,
37:45c'est-à-dire qu'on fait d'un moyen, un process,
37:47une finalité à part entière.
37:48Donc, encore une fois, ce n'est pas la procédure en tant que telle,
37:50c'est ce surdosage procédural
37:52et qui n'est même pas simplement réductible aux règles,
37:56aux normes réglementaires.
37:57Les process, maintenant, deviennent des normes comportementales,
38:00des normes langagières.
38:01On utilise les mêmes mots.
38:02Des normes managériales, on le fait parce que ça se fait,
38:05parce qu'ils, par conformisme, par peur...
38:06Un mot trop, il vous va avoir convocation disciplinaire.
38:09C'est-à-dire, si vous sortez un terme qui n'est pas permis aujourd'hui,
38:12vous pouvez avoir de sévères sanctions.
38:13Oui, si on prend le thème de la parité, par exemple,
38:16moi, j'essaye de défendre l'idée que la parité ne défend plus les femmes.
38:19C'est parce que je suis une femme que je peux dire ça.
38:21Imaginez un homme dire ça dans une entreprise,
38:23que la parité est presque anti-féministe.
38:25Je pourrais développer le point.
38:27Je pense que vous êtes viré dans la seconde ou pas loin.
38:30Donc, vous voyez, il y a des thèmes qui...
38:33Le problème, c'est qu'on ne parle plus au niveau des idées.
38:36On parle au niveau des identités.
38:38Et dès qu'on parle au niveau des identités, ça fausse le débat.
38:42Tout débat devient un combat identitaire.
38:45La moindre offense devient justement une humiliation.
38:50Pour retrouver les promesses d'une pensée,
38:52il faut parler non pas au niveau des identités,
38:55qui sont beaucoup plus sensibles à la flatterie
38:57et intolérantes à la critique, mais au niveau des idées.
39:00Arthaud Lattrigain, avant que vous parliez de parité,
39:02on a eu, c'était le 8 novembre hier,
39:04et donc le message maintenant devenu annuel
39:06de « les femmes travaillent gratuitement jusqu'au 31 décembre ».
39:09Déjà, quelle est la réalité ?
39:11Et ensuite, vous avez dit que la parité pouvait être anti-féministe.
39:13Ça m'intéresse de savoir en quoi ça peut l'être.
39:15La formule est un peu provocante.
39:16Alors, sur les salaires, c'est vrai que c'est incompréhensible.
39:18On ne comprend pas encore comment les salaires ne sont pas à stricte égalité.
39:22Là-dessus, il n'y a pas de débat possible.
39:24Mais là où je suis un peu plus critique sur la parité,
39:27c'est qu'aujourd'hui, en France, en 2024,
39:29je ne parle pas des autres pays,
39:30le problème des femmes au travail n'est plus celui de l'accessibilité à des postes.
39:34On peut tout devenir.
39:35On peut devenir présidente de la purée publique, avocate, etc.
39:37Donc, sauf machisme ou sexisme très occasionnel,
39:41les femmes ont accès à tout.
39:43Donc, la parité qui se focalise sur une identité statistique,
39:47on veut cinq hommes, cinq femmes dans un comité de direction,
39:50pour moi, ne résout pas la problématique des femmes aujourd'hui,
39:52qui n'est plus celle-ci, mais qui est l'égalité de vie dans la vie privée.
39:56Tant qu'on n'aura pas rendu plus égale la vie des femmes et la vie des hommes
40:02dans la sphère privée, le problème des femmes au travail ne sera pas résolu.
40:06Donc, l'identité stricte, la statistique identitaire stricte
40:09entre cinq hommes, cinq femmes, une identité mathématique
40:12dans les comités de direction ou dans les entreprises,
40:14pour moi, camoufle la vraie problématique des femmes,
40:16qui est celle d'une plus juste répartition dans la vie privée.
40:19Mais est-ce qu'il y a une égalité dans la vie privée aujourd'hui ?
40:21Parce que dans 90% des cas, bien sûr, il y a des hommes qui s'occupent de tout,
40:24mais dans 90% des cas, les femmes font énormément plus pour leurs enfants,
40:29pour leur foyer, pour leur famille, pour leur maison, que les hommes.
40:32J'aime pas le terme de charge mentale, parce que j'aurais pu en faire un chapitre,
40:35mais si vous comparez la charge mentale d'un homme ou d'une femme à 40 ans, 45 ans,
40:40dans la plupart des cas, elles s'occupent de tout, quasiment de tout à la maison.
40:43Donc, c'est ça pourquoi les hommes n'acceptent pas à vous tiquer,
40:46mais je peux vous dire que…
40:48– Mais permettez-moi, je me ferais peut-être plus libérale que vous,
40:50vous nous dites qu'il faut s'occuper de ce qui se passe dans la vie privée.
40:53– Ah, pas au sens de Sandrine Rousseau.
40:55– D'accord, mais alors en quel sens ?
40:56Parce que moi, mon premier réflexe, quand on m'explique qu'au nom d'une idéologie
41:00de gauche, de droite, de centre, de n'importe,
41:01on me dit qu'on doit traverser la porte de ma maison
41:04et m'expliquer comment je dois organiser dans ma vie privée,
41:06je répondrais comme un Américain du Texas, « back off ».
41:09– Oui, moi aussi, « back off ».
41:10– Alors comment on se mêle de la vie privée des gens sans se mêler de leur vie privée ?
41:13– Ce n'est pas se mêler, ce n'est pas répartir les tâches en disant
41:15« tel va faire la vaisselle », etc. Ce n'est pas du tout ça.
41:17Je pense que ce n'est qu'une histoire de génération et d'éducation
41:21et que ce n'est pas sur la nôtre, je nous met tous dans la même génération,
41:24que ce n'est pas sur la nôtre que ça va marcher.
41:26Mais, oui, vous êtes plus jeune, pardon.
41:28Mais, donc voilà, je pense que c'est une vision de l'idée et certainement pas de quotas
41:32et on ne va pas encore re-rentrer dans la statistique des quotas
41:35et je ne salive pas l'idée d'une égalité stricte
41:38entre les tâches des hommes et les tâches des femmes.
41:40Mais la réalité, le sens de la réalité, c'est que les femmes sont surchargées
41:44la plupart du temps par rapport aux hommes.
41:45Je suis désolée de vous l'apprendre, apparemment, mais c'est un constat unanime.
41:50Peut-être que l'homme et la femme n'ont pas les mêmes sens de priorité.
41:53Vous faites attention à ce que votre enfant ait son goûter
41:56et un homme va faire attention à autre chose.
41:58C'est peut-être ça aussi, je ne sais pas.
42:00Oui, mais enfin, on fait attention à l'essentiel en tant que femme.
42:03Le goûter, ce n'est pas essentiel.
42:04Si vous ne donnez pas votre enfant, ça va mal se passer, vous allez voir.
42:08Alors, revenons sur le monde de l'entreprise, honnêtement,
42:10parce que la question me semble très importante.
42:11Vous faites justement une tournée régulière, en fait c'est votre travail.
42:14Vous multipliez les conférences dans l'entreprise.
42:16Donc, il y a une forme d'aveu à travers cela.
42:18C'est-à-dire, d'un côté, vous êtes très sévère envers l'entreprise.
42:21Vous dites que l'entreprise dérape aujourd'hui.
42:23Et au même moment, les entreprises vous appellent en disant
42:25venez nous expliquer ce qui ne fonctionne pas chez nous.
42:27Donc, d'où vient cette prise de conscience ?
42:29Non, je ne suis pas sévère avec les entreprises.
42:31Je suis sévère avec les idéologies qui s'infiltrent dans l'entreprise.
42:34Au contraire, j'estime, je considère les gens en entreprise,
42:37et c'est parce que je crois dans les entreprises
42:38et j'y ai travaillé aussi en tant que salariée,
42:40qu'on se dit que ce n'est pas possible que ces idéologies
42:43infiltrent, elles aussi, des gens qui réfléchissent,
42:45qui travaillent et qui sont à considérer.
42:48Et qui sont, comme je le disais tout à l'heure,
42:50des esprits dignement humains qui ne peuvent pas réduire
42:52leur pensée à du prêt-à-penser.
42:54Donc, moi, si vous voulez, c'est plutôt une démarche
42:55d'esprit critique, de déconstruction en disant
42:58méfions-nous de certaines choses.
42:59Encore une fois, il ne s'agit pas de condamner,
43:00de critiquer pour critiquer, mais de déconstruire pour libérer.
43:03Mais les entreprises font appel à vous
43:05pour critiquer des méthodes auxquelles elles se soumettent.
43:09Ce n'est pas pour critiquer, c'est pour avoir de l'esprit.
43:12Vous voyez, critiquer, avoir de l'esprit critique,
43:14ce n'est pas la même chose.
43:14C'est distancier ce qu'on vit pour avoir un pas de recul,
43:17pour avoir un autre prisme.
43:19C'est ça, la philosophie, c'est regarder la même réalité,
43:21l'entreprise ou le travail, sous un prisme différent.
43:24Donc, c'est pour ça qu'elles m'appellent, je pense,
43:26et qu'elles en appellent d'autres.
43:27Je ne suis quand même pas la seule.
43:28Pour avoir tout d'un coup un autre regard sur la même réalité,
43:31prendre un peu de recul.
43:32Les gens sont tellement la tête dans le guidon dans leur travail
43:34que ça leur fait du bien, parfois, de sortir,
43:36de parler de leur quotidien, mais sous une autre perspective.
43:40Et est-ce que la bien-pensance telle que vous la décrivez,
43:43est-ce qu'elle connaît une forme de reflux aujourd'hui ?
43:45C'est-à-dire, est-ce que vous sentez que les entreprises
43:47parviennent à s'affranchir de cette culture de la bien-pensance
43:50ou est-ce qu'elles progressent toujours davantage ?
43:52C'est difficile de généraliser sur les entreprises.
43:54Par exemple, les PME sont beaucoup moins soumises
43:56à la bien-pensance que les grands groupes.
43:58Dans les grands groupes, il y a des grands groupes américains
44:01qui sont beaucoup plus soumis à cette bien-pensance.
44:02Donc, c'est difficile d'avoir un discours généraliste
44:05sur cette bien-pensance.
44:07Mais en tout cas, il y en a qui sont pétris de bons sentiments,
44:11de bonnes intentions. C'est celle-là, parfois,
44:13dont il faut le plus se méfier, pas des entreprises,
44:15mais de cette ouverture, cette facilité qu'elle a
44:17à accueillir la bien-pensance.
44:18Est-ce qu'il n'y a pas de résistance française ?
44:20Et là, je m'explique.
44:21Combien de fois ai-je entendu des gens dans le milieu
44:23de l'entreprise en France qui disent qu'on se passait,
44:25je dis au sens large, du wokisme.
44:27Vous allez encore plus large de la bien-pensance.
44:29Mais puisqu'on est désormais amarré à une entreprise américaine,
44:31on doit intégrer, justement, leur process idéologique,
44:35leur process managérial, et on doit se wokiser
44:38pour faire affaire avec les Américains.
44:39Est-ce que les Français eux-mêmes n'auraient pas,
44:41leur premier réflexe ne serait pas de résister à ces idéologies ?
44:44Alors oui, parce que je trouve que l'esprit français
44:45est un esprit de résistance, d'un esprit critique.
44:47Mais malheureusement, le constat est là,
44:49c'est-à-dire qu'on se soumet, comme à peu près tout le monde,
44:51aux idéologies dont le wokisme et la bien-pensance.
44:54C'est très intéressant de voir pourquoi on se soumet
44:56à la bien-pensance.
44:57Ce n'est pas qu'on est moins fort que les autres,
45:00mais c'est parce que c'est très difficile
45:01de résister à la bien-pensance.
45:03Premièrement, elle est pétrie de bons sentiments.
45:05Donc, dès qu'on veut s'y opposer,
45:06on est considéré comme quelqu'un de rébarbatif,
45:09de réactionnaire, de méchant, de conservateur.
45:12Deuxièmement, c'est une obéissance, la bien-pensance.
45:14C'est l'obéissance aux injonctions du moment,
45:16aux idées couramment admises.
45:18C'est beaucoup plus difficile de se rebeller
45:20contre une obéissance que de se rebeller
45:22contre une transgression.
45:23On a l'impression que l'obéissance, c'est docile.
45:25On a une complaisance, une sorte d'indulgence blamable
45:27pour l'obéissance.
45:29Je rappelle juste que l'obéissance peut conduire au pire.
45:31Eichmann obéissait aux ordres d'Hitler.
45:33Il ne transgressait rien.
45:35Les terroristes islamistes ne transgressent rien.
45:37Ils obéissent, ils veulent faire appliquer la loi d'Allah à la lettre.
45:41Donc, l'obéissance et l'application aveugle d'un dogme
45:44peut conduire au pire.
45:45Mais c'est plus difficile de s'insurger,
45:47de s'indigner devant une obéissance que devant une transgression.
45:51Et en plus, troisièmement, je vais très vite,
45:54mais la bien-pensance est très largement partagée.
45:57De là lui vient une certaine puissance.
45:58Donc, rien que pour ces trois raisons-là,
45:59mais il y en a d'autres, c'est difficile de s'opposer.
46:02Parce que combien de fois ai-je vu dans ma vie des gens
46:04qui publiquement disent une chose
46:05et en privé nous chuchotent à l'oreille
46:06qu'ils sont d'accord avec nous ?
46:08Est-ce que la bien-pensance repose sur une adhésion
46:10ou une peur des effets si on la transgresse ?
46:12Oui, parce que c'est un discours identitaire.
46:14C'est-à-dire que le fait de se soumettre à la bien-pensance
46:17et appartenir au camp du bien,
46:18c'est parler en tant que représentant d'une minorité
46:21ou représentant d'une juste cause.
46:23Mais dès qu'on parle en tant que,
46:25on parle au niveau, encore une fois, des identités et pas des idées.
46:28Et aucune liberté de parole n'est plus possible.
46:32Donc c'est ça, oui.
46:34Il nous reste 15 dernières questions pour Arthur de Matrigan.
46:36Quelles seraient les qualités du bon manager de demain,
46:40notamment en France ?
46:40Écoutez, je ne suis pas coach,
46:42vous savez que je suis même sévère avec le coaching professionnel.
46:45Non, il y a des très bons coachs qui ont une expérience considérable,
46:48mais ce n'est pas cela que je critique.
46:49Donc je n'ai pas de conseils.
46:50Mais je trouve que ce qu'on attend d'un bon manager aujourd'hui,
46:53déjà c'est du courage.
46:55Du courage de, à un moment, de poser le sens de la situation,
46:57de s'affranchir des process quand ils ne servent pas le sens de la situation,
47:01s'affranchir de la bien-pensance quand elle ne veut plus rien dire,
47:04de la neuve langue dont vous avez parlé.
47:06Donc c'est d'avoir du courage.
47:07De l'autorité aussi, ce qui n'est pas facile dans notre pays aujourd'hui,
47:09parce que l'autorité ne va pas facilement de pair dans un monde démocratique.
47:12Reconnaître la supériorité de quelqu'un,
47:14ça ne va pas de pair avec l'idée commune,
47:17mais fausse, de l'égalité comme équivalence.
47:20Tout le monde sur le même plan.
47:21Donc c'est oser cette autorité qui n'est pas de l'autoritarisme.
47:24On a heureusement quitté l'autoritarisme des années passées,
47:27mais on en a perdu aussi toute forme d'autorité.
47:29Mais sans autorité, un manager qui a de l'autorité fait grandir ses équipes.
47:31L'autorité est une valeur noble.
47:33Donc courage et autorité, parce que je sais qu'il restait une minute treize.
47:36Je reste sur la truie, il y en a bien d'autres.
47:38Mais en tout cas, courage et autorité, je trouve, sont à valoriser.
47:41Un grand merci, Julien de Funès.
47:43Vous étiez très nombreux sur les réseaux sociaux.
47:45Quel plaisir d'écouter Julien de Funès.
47:47Merci à Mathieu Bocoté.
47:48Me voilà très intéressé par son livre, La vertu dangereuse.
47:52Merci à vous, Mathieu.
47:53Arthur de Vatrigoran, vous avez compris, 90% des tâches sont faites par les femmes à la maison.
47:59Donc vous pourriez peut-être rééquilibrer tout cela.
48:01Non, c'est l'inverse.
48:02Non, non, c'est ça.
48:04Non, mais vous êtes l'exception peut-être qui confirme la règle.
48:07Voilà, j'ai vu votre tête.
48:08Je jubilais quand j'entendais ça.
48:11Et on salue Philippe Devilliers qui nous a écoutés attentivement pendant cette émission.
48:16La publicité, on revient dans un instant pour l'heure des pros.

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