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Retrouvez "Au Coeur du Crime " sur : http://www.europe1.fr/emissions/au-coeur-du-crime

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Transcription
00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:08Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la gendarmerie nationale ?
00:18Bonsoir, je m'appelle Jan Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:27Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:42L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:57Dans la nuit du 29 au 30 juillet dernier, vers 2 heures du matin,
01:02Mme Daul et sa sœur sont brusquement tirées de leur sommeil par deux inconnues qui viennent de pénétrer chez elles par effraction.
01:11Mme Daul, pharmacienne à la retraite, est âgée de 78 ans.
01:16Sa sœur, de 4 ans sa cadette, est sourde et muette de naissance
01:21et est à la charge de Mme Daul depuis de longues années, exactement depuis la mort de leurs parents.
01:27Mme Daul ne s'est jamais mariée, ne voulant pas imposer à son compagnon cette sœur infirme à laquelle elle a consacré sa vie.
01:35Les deux femmes vivent correctement, sans plus, de la retraite de Mme Daul et d'une petite rente annuelle
01:41provenant de la location de quelques hectares de champs, héritage paternel.
01:46Elles habitent une petite maison à la sortie du village, près du bois des Châtaigniers.
01:52Nous sommes donc fin juillet. La nuit est douce et chaude.
01:57Brutalement tirées de leur sommeil, bousculées, battues, tremblantes de peur et de souffrance,
02:02Mme Daul cède rapidement aux menaces et aux brutalités et remet aux agresseurs ses économies,
02:08ses bijoux et même son porte-monnaie qui contient l'argent de la semaine.
02:13Après avoir de nouveau frappé les deux vieilles dames et menacé de les tuer au cas où elles préviendraient les gendarmes,
02:19les deux individus quittent les lieux en emportant leurs butins, c'est-à-dire 37 500 francs,
02:24et des bijoux anciens n'ayant vraisemblablement qu'une valeur sentimentale.
02:29Avant de s'enfuir, ils ont arraché les fils du téléphone.
02:34Apeurées, souffrantes et pleurantes en silence,
02:38les deux vieilles dames restent prostrées dans un coin de leur chambre jusqu'au lever du jour.
02:44Vers neuf heures du matin, après avoir mûrement réfléchi,
02:48Mme Daul, dominant sa peur et sa souffrance, se rend à la gendarmerie accompagnée de sa sœur.
02:55D'une voix brisée, elle raconte à l'adjudant d'Elmont, commandant la brigade territoriale,
03:01la terrible nuit qu'elles viennent de vivre, sa sœur et elle.
03:05Immédiatement, d'Elmont fait venir un médecin qui prodigue les premiers soins aux deux malheureuses,
03:10puis il m'appelle.
03:12Je décide de prendre l'affaire en main et je me rends sans plus tarder à la brigade.
03:18C'est ainsi que, quelques minutes plus tard, je reçois à mon tour la déposition de Mme Daul.
03:25La vieille dame est encore sous le coup de l'émotion.
03:28Il me faut agir avec calme et surtout tenter de la rassurer.
03:33Aux questions que je lui pose, Mme Daul répond en prenant à chaque fois un long temps de réflexion.
03:39Elle cherche le mot juste, mais l'angoisse et la douleur ont quelque peu brouillé son esprit.
03:46Mme Daul, prenez votre temps. Essayez de me décrire vos agresseurs. Combien étaient-ils ?
03:56Deux, monsieur l'officier.
03:59Étaient-ils masqués ?
04:02Non, monsieur l'officier.
04:05Quel âge avaient-ils environ ?
04:08Oh, dans les 25-30 ans. Je ne sais plus.
04:14Mme Daul, faites un effort, s'il vous plaît. Essayez de me les décrire.
04:21Le premier, celui qui m'a battu, était grand. Il avait les cheveux longs et sales.
04:29L'autre, celui qui a frappé ma pauvre sœur, mais semblait plus petit.
04:34Ses cheveux étaient noirs et beaucoup plus courts.
04:39Comment était-il habillé, Mme Daul ?
04:43Le grand avait une chemise à carreaux, bleu et blanc. Non, vert et blanc. Je ne sais plus.
04:53Il portait des gants, des gants tricotés au crochet. Ça, je m'en souviens fort bien.
04:59Tricotés au crochet. Des gants bleus. Ou noirs. Mais tricotés au crochet.
05:06Et l'autre, Mme Daul ? Comment était-il habillé ?
05:12L'autre, le plus petit, il portait, semble-t-il, un bleu de travail.
05:21Mme Daul, essayez de vous souvenir. Y a-t-il un détail aussi infime, soit-il, qui ait retenu votre attention ?
05:31Ah non, je ne vois pas, M. L'officier. Ah si ! J'ai remarqué qu'il se parlait souvent à voix basse.
05:40Empatois. Empatois ? Ah oui, M. L'officier. Empatois. Ça, j'en suis sûre.
05:49Autre chose, Mme Daul ? Non, M. L'officier. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Pardonnez-moi.
05:58Calmez-vous, Mme Daul. Je vous remercie de votre déposition. Je vais vous faire accompagner à votre domicile par deux de mes gendarmes.
06:06Ah oui, M. L'officier. S'il vous plaît. Ils pourront même dormir dans le petit salon.
06:11Non, ils ne pourront pas dormir chez vous, Madame, mais ils vérifieront que tout est bien fermé et que vous n'avez plus rien à craindre.
06:18Ils resteront le temps qu'il faudra pour que vous soyez rassurée.
06:22Merci. Ainsi, nous nous sentirons plus en sécurité, ma pauvre sœur et moi. On ne sait jamais, n'est-ce pas ?
06:31Oui, Madame. On ne sait jamais.
06:36Je fais donc raccompagner Mme Daul et sa sœur par les gendarmes Mougin et Beauvais, le technicien des investigations criminelles, qui procèdent sur place aux premières recherches d'indices.
06:48Les deux agresseurs allaient-ils revenir cette nuit et se venger sur les deux vieilles dames qui, malgré les menaces, avaient eu le courage de prévenir les gendarmes ?
06:57C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
07:18Madame Daul, pharmacienne à la retraite, et sa sœur, sourdes et muettes de naissance, ont été sauvagement attaquées chez elles en pleine nuit par deux individus.
07:28Battues, torturées, les deux vieilles dames ont dû remettre aux agresseurs leurs maigres économies.
07:35Au matin, malgré les menaces de représailles, elles se présentent à la gendarmerie et me racontent la nuit d'épouvante qu'elles viennent de vivre.
07:44Après leur déposition, je les fais reconduire chez elles sous bonne garde.
07:49Puis, je réunis mes hommes et leur fais part des renseignements fournis par Madame Daul et du résultat des premières constatations faites par Mougin et Beauvais.
07:59Premièrement, le plus grand des deux agresseurs porte une chemise à carreaux bleu et blanc, ou vert et blanc.
08:05L'autre est vêtu d'un bleu de travail.
08:08Deuxièmement, il parle le patois, donc a priori, ce sont des gars de la région.
08:13Troisièmement, l'un des deux porte des gants tricotés aux crochets. Ce détail me semble important car ça n'est pas courant.
08:20Quatrièmement, sur les lieux de l'agression, c'est-à-dire dans la chambre des vieilles dames, Mougin et Beauvais n'ont rien remarqué de particulier, si ce n'est le contenu des armoires et des commodes éparpillés sur le sol.
08:30En revanche, et cela me semble particulièrement intéressant, dans un buisson se trouvant sous la fenêtre de la chambre, Beauvais a trouvé une cigarette gitane papier maïs à moitié consumée et qui n'a pas dû séjourner longtemps à cet endroit.
08:42Cette trouvaille me paraît importante parce que les deux vieilles dames ne fument pas et ne reçoivent pratiquement jamais personne.
08:49D'autre part, les fumeurs de gitane papier maïs ne sont plus très nombreux.
08:54Rien, bien sûr, ne permet de dire que cette cigarette à demi-consumée ait un rapport quelconque avec les agresseurs. Cependant, nous ne devons rien négliger.
09:04Allez, au travail, messieurs.
09:08Je dirige mon enquête d'une part en m'aidant du signalement décrit par Mme Daul et d'autre part en recherchant les personnes de l'entourage proche des victimes.
09:18Vers onze heures, on me signale que deux individus bien connus de nos services, Roland Génois et Louis Deschauds, auraient été vus hier soir dans un restaurant de l'Issard, petit village situé à quinze kilomètres d'ici.
09:33Ils étaient vêtus l'un d'une chemise à carreaux et d'un pantalon en velours et l'autre d'un bleu de travail. Immédiatement, je lance mes hommes à leur poursuite.
09:43Mais ce matin, les deux suspects sont introuvables. Aucune trace de leur passage dans les lieux qu'ils fréquentent habituellement. Je fais donc diffuser leur signalement dans un rayon de cent kilomètres.
09:55Le jour même, à seize heures, mes hommes retrouvent Louis Deschauds chez l'un de ses amis, braconnier célèbre dans la région.
10:04À dix-huit heures, dans un café de Jalon, à trente kilomètres d'ici, c'est Roland Génois, le second suspect, qui est retrouvé et amené à la gendarmerie. J'envoie aussitôt chercher Mme Daul.
10:16Dès son arrivée, je fais entrer la vieille dame dans mon bureau et je lui présente les deux hommes.
10:23Très troublés, Mme Daul semble d'abord les reconnaître, puis se rétracte. La chemise à carreaux que porte Génois ne correspond pas exactement à celle que portait son agresseur.
10:37D'autre part, pour la nuit de l'agression, les deux hommes ont un alibi plus que solide. En effet, ils ont dormi dans la salle d'attente de la gare de Jalon.
10:45Le chef de gare confirme au téléphone que les deux hommes n'ont quitté la gare que tard dans la matinée.
10:54Dès le lendemain matin, nous poursuivons les recherches. Le fait que les agresseurs parlent patois me perçoit que nous avons affaire à des hommes de la région.
11:06Inlassablement, mes gendarmes interrogent tous les habitants du village et des alentours.
11:11Et ils apprennent par une voisine de Mme Daul que celle-ci, de temps en temps, faisait faire ses courses par Evelyne Laroche, une jeune fille du Hamon voisin.
11:21Le lendemain, 4 août, je fais enquêter directement sur Evelyne Laroche.
11:27Cette jeune fille m'intéresse d'autant plus qu'elle a un frère, Claude, inséparable d'un certain Robert Henry, bien connu de nos services pour avoir été souvent poursuivi et condamné pour vol.
11:41Le signalement de Claude Laroche et de Robert Henry correspond tout à fait à la description faite par Mme Daul de ces agresseurs.
11:50Dans l'après-midi, les deux hommes sont amenés dans mon bureau. Robert Henry porte un bleu de travail.
11:57Claude Laroche, quant à lui, vêtu d'un polo de laine et d'un jean, reconnaît volontiers qu'il possède une chemise à carreaux bleu et blanc.
12:06J'envoie deux de mes hommes au domicile de Claude Laroche afin de récupérer la chemise.
12:13Puis, l'interrogatoire commence.
12:17Les deux jeunes gens nient farouchement être les auteurs de l'agression envers Mme Daul et de sa sœur.
12:24Mise en présence des deux suspects, la vieille dame ne reconnaît pas formellement le plus petit, c'est-à-dire Robert Henry.
12:32En revanche, face à Claude Laroche, elle est presque certaine de se trouver devant son tortionnaire.
12:39Brusquement, les gendarmes que j'avais envoyés au domicile de Laroche font irruption dans la pièce et déposent sur mon bureau une chemise à carreaux et des gants de laine bleu, tricotés au crochet.
12:52Mme Daul reconnaît immédiatement la chemise et les gants.
12:56En outre, un détail important va faire jaillir la lumière.
13:00L'un des gendarmes qui a accompagné les deux hommes jusqu'ici a remarqué que Robert Henry a beaucoup fumé sur le chemin qu'il menait à la gendarmerie.
13:10Trois ou quatre cigarettes, gitane, papier maïs, et qu'à trois ou quatre reprises, il a jeté d'une chiquenaude loin devant lui la cigarette à demi-consumée.
13:21Cette fois, je les tiens.
13:24L'interrogatoire se fait plus incisif, l'air est chargé d'électricité.
13:29Les gendarmes et moi avons peu dormi ces quatre derniers jours, tant nous avions à cœur de résoudre cette enquête.
13:36Finalement, tressés de questions, les deux voyous finissent par craquer.
13:43Ils avouent.
13:45Ils avouent l'agression de Mme Daul et de sa sœur, et d'autres agressions aussi ignobles, aussi lâches, perpétrées dans des départements voisins.
13:54Les deux crapules sont aussitôt placées en garde à vue et seront présentées le lendemain matin au juge d'instruction.
14:02Evelyne Laroche, qui leur a fourni les renseignements sur la maison des vieilles dames, sera poursuivie pour complicité.
14:09Ce n'est qu'une petite somme d'argent qui sera restituée aux victimes.
14:141570 francs.
14:17Le reste de la somme volée a été soit dépensée, soit cachée.
14:21Quant aux bijoux, ils ont tous été retrouvés au domicile d'Evelyne Laroche, qui sera en plus inculpée de recelles d'objets volés.
14:31Traumatisées par l'affreuse nuit qu'elles avaient vécue, les deux vieilles dames ne veulent plus habiter leur petite maison, trop isolée.
14:40Mme Daul envisage d'aller vivre avec sa sœur dans une maison de retraite.
14:45En attendant, et faisant contre mauvaise fortune bon cœur,
14:50elle invite tous les gendarmes à sabler le champagne pour les remercier de leurs efforts et aussi pour fêter son 79e anniversaire.
14:59« En 79, j'en ai vu des choses, vous savez.
15:03Dans ma jeunesse, on pouvait dormir portes et fenêtres ouvertes.
15:08Il n'y avait pas de voleurs.
15:09Et de nos jours, il faut tout fermer à clé.
15:13Et encore, ça ne suffit pas.
15:16Heureusement que vous êtes là, messieurs. »
15:20C'est le mot de la fin.
15:22Les deux vieilles dames, un peu pompettes, ont retrouvé le goût de vivre, un peu grâce à nous.
15:29Ça n'est pas si mal.
15:31Bonsoir.
15:32Bonsoir.
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